L’Afrique face aux grands défis environnementaux

On a célébré ce 5 juin la journée mondiale de l’environnement, sur le thème « rapprocher les gens de la nature ». Cette année, cette journée reste entachée par la décision du président TRUMP de sortir les Etats-Unis de l’accord cadre de Paris sur les changements climatiques du 12 décembre 2015, dont l’enjeu est de contenir le réchauffement climatique « bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels» et si possible de viser à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C »[1].

L’Afrique, bien que pionnière à travers l’Union Africaine dans la protection de l’environnement[2], doit maintenant faire face à de nouveaux défis environnementaux avec des problématiques ciblées et une action limitée face aux changements climatiques.

La prise en compte des problématiques environnementales en Afrique

Depuis l’adoption en 1968 de la première convention africaine sur la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles, les problématiques d’ordre environnemental du continent n’ont pas changé. A la protection de la nature et des ressources naturelles, s’ajoute celle de la préservation de la couche d’ozone détériorée au fil des ans par la croissante industrialisation des pays du Nord. Nombreux sont donc les défis environnementaux que ce continent doit relever pour les générations futures.Cette bataille passe notamment par la préservation de certains sites géographiques, essentiels à la protection de notre écosystème. Il s'agit entre autres de :

-La sauvegarde du bassin du Congo : Vaste région forestière d’environ 230 millions d’hectares, le bassin du Congo, regroupant une dizaine de pays[3] pour 77 millions d’habitants est la seconde forêt tropicale au monde en termes de surface après l’Amazonie. Sa superficie représente environ 6% de la superficie forestière mondiale et c’est l’une des plus grandes réserves biologiques de la planète. Les forêts du Bassin du Congo génèrent l'oxygène qui contribue à la qualité de l'air que nous respirons, jouent un rôle déterminant dans le ralentissement du réchauffement climatique en stockant et séquestrant du carbone et servent à l’alimentation des populations riveraines.

Malheureusement, des millions d’hectares de forêts disparaissent chaque année du fait de son exploitation par une population en forte croissance. Cette disparition provoque des émissions de gaz à effet de serre, avec des répercussions sur le changement climatique mondial.

Dans le cadre de sa sauvegarde des actions régionales et internationales sont menées. Le bassin du Congo, c’est également 29 organisations gouvernementales et non gouvernementales dont la COMIFAC[4], les Initiatives de Type II (IT II) qui ont pour objectifs la mise en œuvre de l’Agenda 21[5] adopté au Sommet de la Terre de Rio en 1992[6]. Lors du sommet africain de l’action[7], les chefs d’Etats africains ont préconisé la mise en place d’un « fonds bleu pour le bassin du Congo » qui s’appuiera sur la mise en œuvre de micro-projets touchant aux domaines liés au développement durable tels que les projets hydro-électriques, le traitement des eaux, l'irrigation des terres cultivables.

-La grande muraille verte contre l’avancée du désert : Dans les terroirs sahéliens notamment agro-sylvo-pastorale[8], le développement socio-économique, la sécurité alimentaire et les besoins domestiques sont fortement tributaires de la disponibilité des terres arables, des ressources hydrauliques, forestières et pastorales. Les zones arides et semi-arides du Sahel représentent un ensemble de patrimoines culturels et biologiques remarquables qu’il convient de conserver, restaurer et valoriser. Cependant, les effets de la désertification, la variabilité climatique et la pression anthropique ont fortement dégradé, voire détruit cet important patrimoine naturel.

L’Agence Panafricaine de la Grande Muraille Verte est créée en 2005 par les Chefs d’État et de Gouvernement de 11 Etats sahéliens[9] sous l’égide de l’Union Africaine par Convention internationale[10]. Son objectif global est, d’une part, de lutter contre l’avancée du désert par les pratiques éprouvées de gestion durable des terres, de renforcer la protection des ressources naturelles et des systèmes de production et de transformation, d’assurer le développement socio-économique des Communautés locales par des plateformes polyvalentes d’Activités Génératrices de Richesses, de renforcer l’accès aux services sociaux de base et de gestion de la transition vers l’économie verte, d’éradiquer la pauvreté et l’insécurité alimentaire et de renforcer les capacités d’adaptation et de résilience d’autre part[11].

-La réhabilitation du bassin du Tchad[12] : Le bassin du Tchad est un bassin hydrographique de 2.381.636 kilomètres carré au cœur de l’Afrique soudano-sahélienne en bordure sud du désert du Sahara et il offre des écosystèmes très riches dans un environnement marqué par l’aridité. Les principales activités économiques dans la région sont la pèche, l’élevage, l’agriculture et le commerce pour une population estimée à près de trente millions d’habitants. Le cours du Lac a beaucoup changé depuis 1973 et même si son assèchement est dû à sa surexploitation (demande en eau pour l’irrigation), le changement climatique est aussi l’un des facteurs.           

En 1964, la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT)[13] a été créée avec pour mandat, la gestion durable et équitable dudit Lac et des autres ressources en eaux partagées du bassin éponyme, la préservation des écosystèmes du bassin conventionnel, la promotion de l’intégration et la préservation de la paix et de la sécurité transfrontalières dans le Bassin du Lac Tchad.

De ce qui précède, nous constatons que la question de la préservation et de la sauvegarde des ressources naturelles demeurent cruciale en Afrique. Des actions nationales, régionales et internationales sont menées dans ce sens. En sus de ces défis environnementaux le changement climatique reste le combat essentiel de ce siècle, combat dont l’Afrique est en marge à cause de ses moyens sont limités.

Vers une  préservation de la planète : l’Afrique et ses moyens. 

L’Afrique est le continent le plus durement touché par le changement climatique, bien qu’il soit moins responsable que d’autres régions de la planète, de ses facteurs causals.

Etant l’un des facteurs majeurs de dégradation de l’environnement, plusieurs rencontres internationales ont été tenues en vue de sa préservation. C’est ainsi qu’au Sommet de La Terre, Rio 1992, outre l’adoption de l’Agenda 21, une convention sur le climat a été adoptée. Elle a été entérinée par le protocole de Kyoto de 1997[14] et l’Accord de Copenhague de 2009[15]. L’Accord de Paris adopté en 2015 sur le climat et les changements climatiques est donc le résultat d’un long processus.

Lors de la conférence de Copenhague, la question de la répartition financière avait cristallisé les oppositions Nord/Sud. En effet, pour les pays en développement, le soutien financier des pays industrialisés était une condition nécessaire à leur engagement dans la lutte contre le changement climatique. Les pays développés souhaitaient en retour que les pays en développement et surtout les plus avancés participent aux efforts financiers. Lors de la Conférence de Paris, outre l’accord unanime des 195 pays de contenir le réchauffement climatique « bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels»  et si possible de viser à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C », il a été convenu  d’affecter  des fonds aux  efforts  d’adaptation et d’atténuation du changement climatique des pays en développement. Toutefois, selon l’accord, s’il est vrai que les pays riches devront débourser davantage de fonds, les pays en développement sont aussi tenus d’y apporter une contribution[16].

Au regard de l’impact du changement climatique sur l’Afrique, l’objectif pour les pays africains consisterait à exploiter les vastes ressources énergétiques renouvelables du continent[17].

L’Initiative Africaine pour les Energies Renouvelables (AREI) menée par la Commission de l’Union Africaine et bien d’autres organismes, vise à permettre l’installation d’une capacité énergétique renouvelable à grande échelle sur le continent africain d’ici 2020, ce qui aurait un impact considérable sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre du continent.

En outre le Fonds Vert pour le Climat (FVC), mécanisme financier de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatique a pour objectifs de limiter ou de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les pays en développement et d’aider les communautés vulnérables à s’adapter aux impacts déjà ressentis du changement climatique.

La décision du président des Etats Unis, Donald TRUMP, de se retirer de l’Accord de Paris remet donc en cause ce Fonds car les Etats-Unis de Barack OBAMA étaient un grand contributeur[18].

Mais, comme le rappelle le président Emmanuel MACRON dans son discours du 2 juin 2017 en réponse à la décision du président américain de sortir de l’accord de Paris, « MAKE OUR PLANET GREAT AGAIN ». L’Afrique doit être en marche pour la préservation de la planète pour les générations futures. Donnez-nous les moyens et donnons-nous les moyens.

                                                                                                                                                                                                                                                         Corinne Alida KABRE

 

 

 

 


[1] Article 2 de l’accord de Paris.

 

 

 

[2] Convention Africaine sur la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles de 1968.

 

 

 

[3] Angola, Burundi, Cameroun, Gabon, République centrafricaine, République du Congo, Guinée équatoriale, République démocratique du Congo, Rwanda et Tanzanie.

 

 

 

[4] La Commission des forêts d'Afrique centrale (COMIFAC) est le principal organe de l'autorité qui supervise, au niveau régional, les décisions sur la conservation du Bassin du Congo.

 

 

 

[5] C’est une déclaration de propositions juridiquement non contraignantes. Ce programme pour le XXIe siècle liste les grands principes d’actions dans des domaines très diversifiés : l’éducation, la participation des femmes, l’économie, la gestion des ressources naturelles, afin de s’orienter vers un développement durable de la planète.

 

 

 

[6] La Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement, encore appelée premier sommet de la Terre, a eu lieu en juin 1992 à Rio. Il s'est tenu vingt ans après la conférence de Stockholm, la première consacrée aux questions d'environnement  et il a été adopté la « Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement» ou « Agenda 21 ». Ont été en outre adoptées à Rio deux conventions-cadres, l'une sur la biodiversité et l'autre sur le climat.

 

 

 

[7] Tenu le 16 novembre 2016 à Marrakech, cette réunion de haut niveau, organisée en marge de la COP22, connait la participation de chefs d'Etat, de gouvernement et de délégations de 50 pays africains.

 

 

 

[8]La méthode de culture concilie les arbres, la production végétale et la production animale.

 

 

 

[9] Burkina Faso, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Soudan, Tchad

 

 

 

[10] http://www.grandemurailleverte.org/, consulté le 11/06/2017 à 23h16.

 

 

 

[12] Le cours d'eau est partagé par le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Nigeria.

 

 

 

[13]Les pays membres sont : le Cameroun, le Niger, le Nigeria, le Tchad, la République Centrafricaine et la Libye.

 

 

 

[14] Signé en 1997 puis ratifié en 2005, le protocole de Kyoto a défini des objectifs légalement contraignants et quantifiés de réduction des gaz à effets de serre. Les Etats se sont engagés à réduire leurs émissions de GES de 5,2% en 2012, par rapport au niveau de 1990.

 

 

 

[15]Considéré comme l’une des conventions majeures en matière de changement climatique, la conférence de Copenhague avait pour objectif de définir la période post-2012 une fois la période d’engagement du protocole de Kyoto terminée. La déclaration finale réaffirme l’objectif de limiter le réchauffement de la planète à 2°C par rapport à 1850 devenant ainsi un objectif collectif avec 183 pays signataires.

 

 

 

[16] Le deuxième rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) sur l’écart de l’adaptation en Afrique  indique que les pays africains devront mobiliser jusqu’à 3 milliards de dollars par an entre 2016 et 2020.

 

 

 

[17]Energie solaire, énergie éolienne, etc.

 

 

 

[18] Près de trois milliards de dollars soit 23% des contributions.

 

 

 

RCA : Une recrudescence des atrocités sous le regard indifférent de la communauté internationale

Alors qu’en début 2016 tous les regards étaient remplis de l’espoir de voir la République Centrafricaine (RCA) sortir d’une troisième guerre civile,[1] ce pays niché au cœur du continent africain n’aura pourtant connu aucun répit depuis. A deux doigts d’une nouvelle crise humanitaire grave, la violence dans le Sud-est du pays explose en raison de la rivalité entre groupes armés pour le contrôle du trafic illicite qui sévit dans la région.

Le Sud-est du pays : nouveau champ de bataille entre groupe armés

Depuis mai 2017, le Sud-est du pays est le théâtre de violents affrontements entre les groupes d’auto-défense anti-Balaka pro-chrétiens et animistes et les factions ex-Séléka pro-musulmanes, en constante quête de nouveaux contrôles territoriaux. Il faut dire que les enjeux sont particulièrement élevés dans cette région située à la frontière avec la République Démocratique du Congo, puisque les opportunités de contrôle des différents trafics illicites de diamants, or et café y sont particulièrement attractives. Le récent phénomène de vide sécuritaire, découlant du départ des forces armées américaines et ougandaises installées dans ladite région depuis 2011 dans le but de combattre l’Armée de résistance du Seigneur (LRA)[2], exacerbe l’intensité des affrontements dans cette nouvelle zone rouge.

L’artillerie lourde des groupes armés face aux casques bleus

En mai dernier, une attaque d’une violence inouïe et inédite depuis 2014 a été perpétrée dans le quartier musulman de Bangassou. Cette attaque a  engendré la mort d’au moins 26 civils et d’un casque bleu marocain, alors que plusieurs militaires de la MINUSCA avaient déjà péri à proximité du quartier  durant cette même semaine[3].

Selon les experts onusiens, il viserait délibérément une base de la mission de l’ONU en Centrafrique, à l’aide d’une artillerie particulièrement lourde, puisqu’il s’agissait de mortiers et de lance-grenades[4]. Ces faits semblent refléter un ressentiment croissant vis-à-vis des casques bleus, à travers une volonté d’intimidation claire de ces derniers. Les groupes armés semblent ainsi gagner à chaque fois un peu plus de contrôle sur les territoires de la frontière, poussés par des idéaux religieux véhiculés par la manipulation de leurs leaders.

Il faut bien avouer que l’impopularité des forces des Nations-Unies provient du bilan de leur mission sur le sol centrafricain. En effet, le bilan de la mission internationale de soutien à la Centrafrique en 2013, puis celui de l’actuelle MINUSCA, établie plus récemment, n’auront pas été particulièrement concluant jusqu’à maintenant. L’ambition centrale de la mission  des casques bleus – celle de démobiliser les groupes armés – se situe depuis plusieurs années au point mort, puisque ni le gouvernement ni les groupes ne semblent y trouver leur compte en matière de négociation[5]. De ce fait, malgré la mise en place d’un fonds de plus de 40 millions de dollars, les conditions politiques et sécuritaires empêchent l’ONU de répondre à ses objectifs et font que l’organisation peine à aller au-delà de ses fonctions de contingence. L’absence de capacités à générer le changement engendre un discrédit de l’organisme, qui ne joue pas en la faveur d’une sortie négociée du conflit entre les groupes religieux.

Le bilan du côté du gouvernement n’est pas plus flamboyant, puisque le spectre des décennies d’absence de gouvernance empêche le nouveau gouvernement de reprendre ses droits sur les territoires allant au-delà de la capitale. Les spécialistes parlent d’un état fantôme où le gouvernement serait incapable d’une gestion normale du pays jusqu’aux fonctions régaliennes les plus basiques[6]. Malgré le vent d’espoir engendré par les élections de 2016, l’absence totale de budget au niveau des provinces n’est pas de bonne augure pour une potentielle évolution positive de la situation[7].

Des atrocités subies par les populations à une crise humanitaire imminente

L’attaque de Bangassou atteste d’une vague de violence particulièrement barbare alors que cette région était  récemment encore considérée comme l’un des seuls sanctuaires du pays depuis le retrait de la force française « Sangaris » en octobre 2016[8].

En raison de la recrudescence de la violence, la RCA se retrouve à nouveau au bord d’une nouvelle crise humanitaire de large envergure. Selon UN OCHA[9], en mai dernier, plus de 100'000 personnes furent victimes de déplacement interne et 19'000 se seraient rendues en République Démocratique du Congo pour y chercher refuge.  Cette dernière vague de déplacement porte la valeur totale de la population déplacée proche du million, soit un quart de la population totale du pays[10]. Les trois-quarts restants dépendent encore largement de l’aide humanitaire internationale. Au final, le pays accuse un bilan dramatique, très proche de celui d’avant les élections de 2016, alors que les financements humanitaires enregistrés au début de l’année peinent à couvrir plus de 16% des besoins identifiés par l’ONU[11].

Au-delà de la crise humanitaire qui menace de sévir dans le pays, la totalité du territoire national souffre également de lourdes vagues de violations chroniques des droits de l’homme, commises de toutes parts, en raison de l’importance des ressources naturelles. Le « mapping des violations graves du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaires commises sur le territoire de la RCA de janvier 2003 à décembre 2015 », présenté au Conseil de Sécurité de l’ONU, est assez édifiant sur le sujet.

Quel avenir pour la RCA ?

Alors que tout laisse à penser que les zones rouges du conflit sont en fréquente évolution, n’épargnant aujourd’hui presque plus aucune partie du pays, et que le contrôle effectué par les forces rebelles ne cesse d’augmenter tant sur le plan territorial qu’économique,  l’inertie politique du Conseil de Sécurité des Nations-Unies et de la communauté internationale ne permettent pas d’espérer une issue négociée du conflit entre le gouvernement, les forces armées pro-chrétiennes et les forces musulmanes. L’incapacité des Nations-Unies à aller de l’avant avec le programme de « Démobilisation, Désarmement et Réintégration » des forces armées présentes sur le territoire, semble présager d’un maintien du statut quo, caractérisé par un Etat dépendant de l’aide humanitaire internationale, incapable d’administrer son territoire et dont la sécurité ne peut être garantie que par la présence de casques bleus onéreux sans grande capacité de contrôle. Seule une habile manœuvre diplomatique pourrait venir débloquer cette situation sans issue, à travers un regain de terrain et de force de négociation de la part du Conseil de Sécurité, en contraignant le Gouvernement à exiger des actions concrètes de la part des groupes, telles que la confiscation de l’économie de guerre[12]. Cependant, force est de constater que sans une active mobilisation à la fois des acteurs régionaux et internationaux, la République Centrafricaine restera encore longtemps sous perfusion humanitaire.

                                                                                                                                                                                              Nadge PORTA

 


[1] « Les élections en République centrafricaine reportées à mercredi », liberation.fr, décembre 2015 http://www.liberation.fr/planete/2015/12/25/les-elections-en-republique-centrafricaine-reportees-a-mercredi_1422888

 

 

 

[2] « Pourquoi la crise centrafricaine dure et va durer », lemonde.fr, mai 2017 http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/05/26/pourquoi-la-crise-centrafricaine-dure-et-va-durer_5134074_3212.html

 

 

 

[3]« L’ONU s’alarme de l’usage inhabituel d’armes lourdes en Centrafrique », lemonde.fr, mai 2017,  http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/05/19/l-onu-s-alarme-de-l-usage-inhabituel-d-armes-lourdes-en-centrafrique_5130323_3212.html

 

 

 

[4] Ibidem.

 

 

 

[5] « Pourquoi la crise centrafricaine dure et va durer», lemonde.fr, mai 2017 http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/05/26/pourquoi-la-crise-centrafricaine-dure-et-va-durer_5134074_3212.html

 

 

 

[6] Ibidem.

 

 

 

[7] Ibid.

 

 

 

[8] L’opération Sangaris avait permis, (avec 12'500 casques bleus à l’appui), le retour au calme à Bangui, la capitale de la RCA.

 

 

 

[9] United Nations Office of Coordination for Humanitarian Affairs. 

 

 

 

[10] « Central Africain Republic risks sliding back into major crisis », reliefweb.int, Juin 2017 http://reliefweb.int/report/central-african-republic/central-african-republic-risks-sliding-back-major-crisis

 

 

 

[11] UN OCHA Humanitarian Needs Plan for the Central African Republic.

 

 

 

[12] « Pourquoi la crise centrafricaine dure et va durer», lemonde.fr, mai 2017 http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/05/26/pourquoi-la-crise-centrafricaine-dure-et-va-durer_5134074_3212.html

 

 

 

La Cote d’Ivoire : Ce géant d’Afrique aux pieds d’argile

Alors qu’elle affiche une certaine embellie économique depuis l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, matérialisée par des taux de croissance soutenus sur plusieurs années, la Côte d’Ivoire a rouvert une page de son histoire que l’on aurait pu croire close. Le pays a renoué, du 12 au 15 mai 2017, avec une situation de crise sécuritaire que le gouvernement a eu du mal à résorber. 8 400 mutins ont tenu en otage pas moins de 5 villes du pays, d’Abidjan à San Pedro, en passant par Bouaké, Man, Korhogo, Daloa  et Bondoukou. Après des négociations laborieuses, un accord dont le contenu reste encore inconnu a été trouvé et les soldats sont retournés dans leurs camps. Cette deuxième mutinerie en l’espace de 5 mois (après celle de janvier) témoigne d’un malaise profond au sein de l’armée, d’une instabilité politique chronique et remet en question les progrès économiques de ces cinq dernières années.

Un malaise profond au sein de l’armée

Les auteurs de la mutinerie proviennent essentiellement des rangs de la rébellion pro-Ouattara lors de la crise post-électorale de 2011. Celle-ci s’est arrogée une légitimité revendicatrice qui n’est écrite nulle part, du moins sur aucun texte connu, depuis sa participation victorieuse à l’opération qui a expulsé Laurent Gbagbo du pouvoir. Elle considère avoir droit à un traitement de faveur de la part de la majorité au pouvoir qu’il a aidé à s’installer en 2011. Son caractère non républicain et son manque de formation militaire classique en font un élément d’instabilité dans un corps qui est censé garantir précisément la défense et la sécurité du pays. Les soldats mutins s’en sont même pris aux populations qui manifestaient contre leur mouvement d’humeur, en exerçant des violences physiques ou tirant à balles réelles sur elles. Les affrontements ont ainsi fait pas moins de 4 morts et une vingtaine de blessés parmi les civils et certains démobilisés qui n’ont pas été réintégrés dans l’armée après l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara. Cette mutinerie révèle un profond malaise au sein d’une armée ivoirienne divisée et qui peine à se reconstituer après la guerre civile qu’a connue le pays dans les années 2000. Dans cet imbroglio, le rôle de Guillaume Soro, qui était à la tête des Forces Nouvelles d’où sont issus ces ex-rebelles, reste ambigu. L’armée se trouve donc coupée en deux, entre une frange qui a survécu aux multiples crises qui ont secoué le pays dans la décennie 2000 et une autre qui est issue de l’ex-rébellion pro-Ouattara qui a été intégrée au forceps dans ses rangs. Il y a, dès lors, un urgent besoin de formation et d’organisation dans cette armée, pour la rendre apte à assurer ses missions de défense et de protection des populations et lui inculquer les valeurs républicaines.

Une instabilité politique chronique

Au-delà du danger qu’il y a à entretenir une armée non républicaine, peu soucieuse de sa mission de défense et de protection des populations, c’est la stabilité politique même de la Côte d’Ivoire qui est en jeu. Dans un pays qui a connu une guerre civile sanglante dans la première décennie 2000, sur fond de conflits ethniques, la réconciliation nationale est restée un vœu pieux et n’a pas dépassé le cadre de la commission Dialogue-Vérité-Réconciliation et de son rapport qui est resté lettre morte. Avec un paysage politique fortement marqué par les divisions ethniques et régionales, la stabilité du pays peine à s’installer. D’immenses efforts ont été consentis pour mettre les anciens belligérants autour d’une table, mais ils sont jusque-là restés vains. La IIIe République adoptée en 2016 était censée doter le pays d’une stabilité institutionnelle et, au passage, le débarrasser du concept d’ivoirité, mais le rapport des forces sur l’échiquier politique constitue un véritable frein à cette stabilisation. L’appétit de l’actuel Président de l’Assemblée Nationale pour le fauteuil présidentiel est bien connu, dans un attelage institutionnel qui ne lui est pas forcément favorable, tandis que le Président Ouattara ne l’a ni désigné ni pré-positionné pour sa succession. La nouvelle Constitution ivoirienne confère plutôt ce rôle au Vice-Président, Daniel Kablan Duncan, qui semble ainsi avoir la préférence du Chef de l’Etat.

Ce dernier gagnerait à clarifier les positions de chacun dans son entourage et à dissiper le brouillard autour de sa succession. Ses alliés du PDCI n’ont pas tu leur ambition de diriger le pays, et la division au sein du FPI ne garantit pas une élection présidentielle apaisée en 2020. De plus, rien aujourd’hui ne le met à l’abri d’un éventuel coup d’état, après la facilité avec laquelle quelques centaines de soldats ont réussi à prendre en otage tout un pays, et ce, deux fois en l’espace de 5 mois. La purge dans la hiérarchie militaire et le remaniement ministériel intervenus après la mutinerie de janvier n’y ont rien fait, ni son indignation et son désaccord ouvert avec les méthodes de ces revendications pécuniaires. L’autorité de l’Etat a été rudement mise à l’épreuve et la peur installée. Cette attitude de défiance vis-à-vis de l’autorité étatique sape les nombreux efforts qui ont été faits par le régime d’Alassane Ouattara et ses partenaires internationaux pour reconstruire le pays.

La remise en question des progrès économiques

Devant cette situation politique incertaine, le terrain économique – « tiré par l’agriculture, les services et l’industrie, ainsi que par la hausse de la demande intérieure et un essor des investissements » selon la Banque mondiale – risque de devenir plus fragile. Durant ces cinq dernières années, la Côte d’Ivoire a affiché des taux de croissance record, tournant autour de 8%, grâce à une politique d’investissements publics et de relance budgétaire accompagnée par les institutions financières internationales. La reprise économique était encourageante, de nouvelles entreprises se sont créées, des banques étrangères se sont installées et des institutions comme la BAD et la BRVM y ont installé leur siège. Pendant les quelques jours qu’a duré la mutinerie, la plupart des commerçants, magasins, grandes entreprises et banques des villes concernées ont fermé boutique tandis que les institutions internationales et représentations étrangères enjoignaient leurs personnels de rester chez eux et que les écoles demeuraient fermées. Cette situation porte préjudice à la reprise économique parce qu’elle décourage les investisseurs, déjà confrontés aux procédures administratives, au coût de la main-d’œuvre et au paiement élevé d'impôts. Les porteurs de capitaux hésiteront certainement à mettre leur argent dans une poudrière qui peut prendre feu à n’importe quel moment, sur la simple volonté d’hommes en armes qui réclament des primes de guerre, et ce, dans un contexte de montée du terrorisme dans toute l’Afrique de l’Ouest.  Il faut rappeler que les mutins avaient déjà obtenu 5 millions de F CFA chacun après leur premier mouvement d’humeur en janvier, et réclament pas moins de 7 millions F CFA chacun cette fois-ci. La somme globale que devra décaisser l’Etat, s’il accède effectivement aux revendications des mutins, tournerait autour de 60 milliards de F CFA, soit 1% du budget annuel. Que se passerait-il si d’autres corps, comme les enseignants et les médecins, s’adonnaient aux mêmes types de caprices et prenaient en otage tout le pays en cessant leurs activités ou demandaient les mêmes montants ? Le manque à gagner pour l’économie serait énorme, dans un contexte de ralentissement de la croissance et de chute des cours du cacao, filière qui emploie un tiers de la main-d’œuvre ivoirienne.

Cette mutinerie est très inquiétante pour un pays comme la Côte d’Ivoire, qui revient de loin : une décennie de guerre civile à forte coloration ethnique. Elle met à mal une partie de l’armée avec le pouvoir politique et la population pour des revendications de bas étage, à l’heure où les priorités devraient être ailleurs, sachant que les concessions financières faites aux mutins porteront un sérieux coup à l’investissement. La reprise économique amorcée par le régime d’Alassane Ouattara sera durablement remise en question par ces quelques jours de revendications, qui témoignent à la fois d’un malaise profond au sein de l’armée et d’une instabilité politique chronique, à un moment où les forces de défense et de sécurité devraient plus se préoccuper de leur contribution à la lutte contre le terrorisme dans le Sahel. Les mesures prises après le soulèvement de janvier n’ont pas montré leur efficacité et rien ne met la Côte d’Ivoire à l’abri d’un nouvel épisode de violences ou d’un coup d’état.

                                                                                                                          Mouhamadou Moustapha Mbengue

Crises politique, économique et sociale en RDC : Un chaos quasi atavique?

La République Démocratique du Congo (RDC), un pays aux dimensions continentales (2.345.000 km2 de superficie), peuplé d’environ 70 millions d’habitants[1], disposant de ressources naturelles notamment minières parmi les plus fournies, a tout pour être un mastodonte au cœur de l’Afrique. Paradoxalement, ce potentiel géant se voit confiner aux dernières places des principaux classements internationaux sur le développement humain, la bonne gouvernance, la démocratie, entre autres.[2]

Indépendante depuis 1960, cette ancienne colonie belge n’a pas su s’émanciper des cycles de conflits et de violences sous différentes formes, de crises politiques, de tensions sociales. Dans cette analyse, nous décryptons successivement les crises politique, économique et socio-sécuritaire du moment dans ce pays et les défis qu’elles posent.

 

Crise politique

Le mandat constitutionnel du président Kabila est arrivé à son terme le 19 décembre 2016. Il est toutefois resté au pouvoir. En effet, les élections n’ont pas été organisées dans les délais prévus par la Constitution, le gouvernement justifiant le report des scrutins par un manque de moyens financiers conséquents et par la nécessité d’une actualisation du dernier fichier électoral désuet. Cependant, les prétextes avancés sont peu convaincants. Dès janvier 2015, le pouvoir voulait conditionner la tenue des élections à un recensement général de la population qui, sans doute, allait retarder le processus électoral. Le pouvoir a dû faire marche arrière face à la pression populaire contre cette tentative. Ensuite, certains tenants du pouvoir évoquaient les options de la révision constitutionnelle et surtout du référendum, le tout pour permettre au président de briguer un autre mandat à la tête du pays. Un arrêt de la Cour Constitutionnelle dont le dispositif allait en faveur du maintien au pouvoir du président en exercice jusqu’à l’élection de son successeur a donné du tonus aux partisans du « glissement ». Puis, en vertu d’un accord négocié entre le pouvoir, l’Opposition et la « Société civile », le président Kabila demeure à la tête de l’État pour une période de transition devant aboutir à l’organisation des élections en fin 2017. C’est précisément au niveau de l’application de l’Accord du 31 décembre 2016, dit « Accord de la St-Sylvestre » que les violons ne s’accordent pas entre le pouvoir et la frange majoritaire de l’opposition, réunie au sein du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement. Les principaux points d’achoppement sont la nomination d’un premier ministre présenté par le Rassemblement, conformément au prescrit de l’accord, la nomination du président du Conseil national de suivi de l’accord – après le décès d’Etienne Tshisekedi, figure historique de l’opposition à qui revenait ce poste-, le partage des postes ministériels et les mesures dites de « décrispation politique ». Le président Kabila a nommé Bruno Tshibala, un dissident du Rassemblement de l’opposition comme premier ministre et ce dernier a nommé un gouvernement quasiment dupliqué sur le précédent gouvernement. Kabila et sa majorité réclamaient une liste de candidats présentée par le Rassemblement, requête qui n’a pas reçu l’assentiment du Rassemblement qui a rétorqué que,selon les termes de l’accord, il n’était pas question de présenter une quelconque liste, mais un seul nom que le président devait tout juste nommer, eu égard à ses prérogatives constitutionnelles.

Plusieurs mois de négociations n’ont pas suffi à surmonter les antagonismes. Il convient surtout, de noter que la nomination du premier ministre Tshibala ne règle en rien la crise politique et de légitimité du pouvoir. Les quelques dissidents du Rassemblement ne bénéficient d’aucune légitimité et légalité pour représenter cette plateforme. En effet, le seul Rassemblement qui bénéficie du soutien populaire et de la reconnaissance internationale est celui piloté par le tandem Félix Tshisekedi-Pierre Lumbi.

Après les Accords de la Cité de l’OUA d’Octobre 2016, le pouvoir, conscient du manque d’inclusivité de cet accord et des risques de soulèvement et menaces de sanctions internationales s’était vu contraint bon an mal an de retourner à la table des négociations.  Alors que le dialogue entre le pouvoir et l’opposition a été infructueux, que cette opposition utilise de plus en plus un ton offensif et comminatoire vis-à-vis du régime kabiliste, que la communauté internationale maintient sa pression sur le président sortant pour la mise en œuvre intégrale de l’accord et que la situation sécuritaire est pour le moins volatile, deux scénarios semblent plausibles. On pourrait assister à un nouveau cycle de négociations pour parvenir à l’inclusivité voulue et à la formation d’un nouveau gouvernement de transition. Il se peut également que le statu quo perdure avec un risque certain d’entraîner une surenchère et une escalade de la violence qui ne pourront qu’hypothéquer encore plus la tenue des élections déjà incertaines .

Crise économique

L’économie congolaise est essentiellement extravertie, l’industrie extractive, tournée surtout vers l’exportation étant prépondérante. Face à la baisse des cours des matières premières, cette économie peu diversifiée n’a pas été assez résiliente pour surmonter ce choc exogène. Pour preuve, le franc congolais, monnaie nationale qui coexiste avec le dollar US comme intermédiaire des échanges dans ce pays connaît une dépréciation substantielle. Selon le gouverneur de la Banque Centrale du Congo, le franc congolais a enregistré une dépréciation de plus de 20% pour la seule année 2016. [3]Depuis quelques mois déjà, les fluctuations erratiques de cette monnaie pénalisent grandement les congolais qui voient les prix des biens et services grimper. Face à cette dépréciation du franc congolais par rapport au dollar US, la pilule est particulièrement dure à avaler pour les fonctionnaires et autres salariés payés en francs congolais, dont l’enveloppe salariale en proportion du dollar US -toutes choses étant égales par ailleurs- se trouve défalquée en termes de pouvoir d’achat malgré eux.

En ce qui concerne le taux de croissance économique, il a aussi connu un net recul, passant de 7,7% en 2015 à 2.5% en 2016. Le chômage y demeure endémique, surtout celui des jeunes.

Par ailleurs, la crise politique a évidemment créé une incertitude sur le plan économique entraînant une contraction des investissements étrangers dans le pays. Pour ne rien arranger à la situation, des menaces de sanctions et  mesures restrictives de certains partenaires internationaux (États-Unis, Grande Bretagne Belgique, France entre autres) viennent noircir le tableau économique.[4]

Dans cette situation de profondes difficultés financières et d’instabilité politique, la tenue des élections dans les délais conformes à l’Accord de la St-Sylvestre semble des plus hypothétiques.  

Crise socio-sécuritaire

Il faut dire que le second mandat de Joseph Kabila a été très mouvementé. La quiétude sociale n’a pas été au rendez-vous. À la suite des résultats controversés de la présidentielle de 2011, Kabila souffrait d’un déficit de légitimité aux yeux d’un grand nombre d’acteurs politiques de la scène nationale et d’une partie non-négligeable de la population. Lorsqu’en 2012 la rébellion du M23 fit son apparition, avec à son actif des massacres et actes exécrables au Nord-Kivu, la RDC s’est retrouvée en situation de crise et a dû consacrer de moyens conséquents pour rétablir l’autorité étatique dans les zones occupées par les rebelles.  Cette reconquête de la souveraineté territoriale a nécessité selon les tenants du pouvoir de surseoir ou « sacrifier » certains engagements pour cet impératif de souveraineté nationale. Alors que la défaite et la capitulation du M23 laissaient espérer des jours assez paisibles pour les ressortissants des territoires touchées- malgré la présence d’autres groupuscules armés- la résurgence dès 2013 d’actes de barbarie ignobles et crapuleux dans le territoire de Beni (Nord-Kivu) notamment par les rebelles ADF-Nalu ougandais a tôt fait de replonger le pays dans la spirale de violences et de crimes imprescriptibles. Tout récemment, ce sont les milices Kamwina Nsapu qui semèrent la terreur au Kasai (centre du pays). La non-organisation des élections dans les délais, le maintien de Kabila au pouvoir et les vicissitudes de l’application de l’accord du 31 décembre 2016 n’ont fait qu’exacerber les tensions sociales sur fond de répression, d’arrestations arbitraires et d’atteinte aux droits de l’Homme  en général.

Depuis 2013, il y a eu les  « Concertations Nationales », le dialogue de la cité de l’Union Africaine, le dialogue sous la médiation de la CENCO qui étaient censés renforcer la cohésion nationale et préparer à la tenue d’élections paisibles et crédibles dans les prochains mois (spécifiquement les deux derniers dialogues évoqués) mais force est de constater que la RDC demeure pour le moment dans une situation instable et potentiellement explosive (loin de nous toute logique d’hypertrophie).

On peut percevoir une lassitude des congolais face aux errements de la classe politique. Aussi bien au niveau de la majorité que de l’opposition politique[5], nombre de politiciens ont déçu les attentes des congolais. Edem Kodjo, ancien premier ministre togolais et médiateur du dialogue de la cité de l’OUA déclarait dans Jeune Afrique à propos de cette classe politique : « J’ai eu affaire à une classe politique à la fois brillante, adepte des faux-fuyants, intelligente, toxique. L’argent joue un rôle prépondérant : en Afrique de l’Ouest, les gens pensent qu’ils sont riches quand ils ont 100 millions de F CFA. Ici, ils le sont quand ils ont la même somme, mais en dollars »[6] Même si Edem Kodjo n’est pas un parangon d’exemplarité politique, son constat sonne plutôt juste. Nous estimons qu’une loi de moralisation de la vie politique, comme celle défendue par le président Macron, mais adaptée au cas congolais serait à-propos en RDC (comme d’ailleurs dans bon nombre de pays du continent éventuellement). Il pourrait par exemple être question dans cette loi d’interdire aux anciens rebelles ou chefs rebelles d’exercer de fonctions politiques[7], de s’assurer que les titulaires de charges publiques ne sont ni des repris de justice, ni des personnes qui se sont enrichies illicitement, pas plus qu’ils ne doivent être mêlés dans des conflits d’intérêts de nature à compromettre l’exercice de leurs fonctions, d’exiger une déclaration de patrimoines des candidats à la présidence de la République et du président élu et des ministres au début et en fin de mandat. Pour cela, il pourrait être mis en place un organe (ou une cour) supérieur(e) de surveillance et d’arbitrage chargé(e) de s’assurer du respect de ces principes.

 Il est somme toute, essentiel que nos pays africains se dotent d’institutions judiciaires solides, neutres et véritablement justes pour sanctionner quiconque contrevient aux textes légaux en vigueur. Les politiques devraient être esclaves de leur engagement ou serment. Il nous revient à l’esprit ici la notion de théorie de l’expectative légitime, qui est à peu près en droit administratif québécois le pendant de la théorie de « l’Estoppel » de la Common Law et selon laquelle les responsables politiques, qui tiennent des promesses à la population créent des « attentes ou espérances légitimes » qu’ils sont contraints de tenir de jure, sauf impondérables. Si un tel principe avait force de loi dans nombre de pays africains, on n’assisterait sans doute pas à autant de valses et convulsions rétrogrades qui retardent la marche de nos pays vers l’émergence.

Il est évident que la RDC a tout le potentiel humain et naturel pour se relever. Il faut pour cela un leadership politique responsable et éclairé et une révolution de mentalités au niveau de la population qui passe entre autres par une éducation et une formation civique de qualité. Ainsi, le chaos « quasi atavique » ne sera-t-il qu’un lointain souvenir.

 

                                                                                                                                                                                        Thierry SANTIME

 

 

 

 


[1] Le dernier et unique recensement scientifique de la population nationale datant de 1984, ce chiffre est approximatif des données compilées par des institutions comme la BM, le PNUD, entre autres.

 

[2] L’IDH (indice de développement humain) du PNUD classe la RDC 176ème sur 188 pays classés dans son dernier classement.  http://hdr.undp.org/en/data  L’ONG Freedom House qui étudie la démocratie dans le monde classe les États selon le niveau de droits politiques et de libertés civiles des populations place dans son classement la RDC comme État non-libre (not free).

 

[4] L’ONU menace de saisir la CPI pour les massacres au Kasai. http://www.mediacongo.net/article-actualite-25754.html

Les États-Unis et l’UE ont imposé des sanctions contre de « hauts responsables » congolais. https://vacradio.com/lue-et-les-etats-unis-imposent-des-sanctions-contre-de-hauts-responsables-de-rd-congo/

 

[5] Le réalisateur belge Thierry Michel, bien au fait des questions congolaises parle d’ « opposants alimentaires » pour décrire les opposants congolais. http://www.congoforum.be/fr/interviewsdetail.asp?id=207170&interviews=selected

 

[6]   « RDC : Kabila, Tshisekedi, Katumbi… L’ex-médiateur Edem Kodjo dit tout ». Jeune Afrique. 2016  http://www.jeuneafrique.com/mag/382533/politique/edem-kodjo-mediateur-ne-dire-ca/

 

[7] Il faut noter que l’impunité est une sérieuse préoccupation en RDC où des rebelles ou miliciens ayant perpétré des actes hideux bénéficient de l’amnistie et parfois deviennent des interlocuteurs du pouvoir.  http://www.afrik.com/rdc-kyungu-mutanga-alias-gedeon-de-chef-de-guerre-a-heros

 

 

Le Rwanda et les ambitieuses politiques en matière de développement durable

Classé parmi les pays les plus vulnérables au changement climatique, le Rwanda a depuis la fin du génocide repensé sa politique environnementale et son développement économique, qui se veut durable et responsable.

Les changements climatiques : des effets dévastateurs pour le pays des mille collines

Petit pays d’environ 26 000km², le Rwanda est particulièrement exposé aux risques environnementaux en raison de sa position géographique. Au centre de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique des Grands Lacs, le pays dit des mille collines est situé dans une zone sismique, en proie aux éboulements et aux inondations du fait de de son relief très accidenté. De manière générale,les pays de la région, s’ils sont très liés économiquement le sont encore plus géologiquement. En témoigne le récent tremblement de terre qui a frappé la Tanzanie en septembre 2016. Les secousses ont été ressenties dans les pays voisins et jusque dans la capitale rwandaise à Kigali.[1]

Les études de l’Alliance Mondiale contre le changement climatique démontrent bien que le changement climatique génère un déséquilibre environnemental mais également une insécurité alimentaire et sanitaire qui touchent directement les populations.  [2]

Au Rwanda, on observe plusieurs cercles vicieux dus à ces perturbations environnementales. Tout d’abord autour de la politique économique du pays : l’agriculture pluviale faisait encore vivre  80% de la population en 2013 et représentait 30% du PIB[3] . Or les effets du changement climatique génèrent dans le pays des anomalies pluviométriques allant de pluies intenses au retard de la deuxième saison des pluies, voire à la sécheresse comme en l’an 2000. L’Etat prend alors conscience qu’il dépend de son agriculture pluviale et que cette dernière dépend elle-même des changements climatiques. Ainsi, à la fin des années 2000, le Rwanda se rend compte qu’il doit faire preuve d’une « adaptation aux changements climatiques ». Selon le Third Assessment Report – IPCC 2001, on entend par adaptation aux changements climatiques, «  les ajustements du système humain ou naturel en réponse aux stimuli actuels ou attendus et leurs effets et qui atténuent les dommages ou exploitent les opportunités favorables au développement. [… Elle est différente de ] l’atténuation [qui] est l’effort d’éviter ou de réduire le changement climatique »[4]. En second lieu, on observe un territoire mis à mal par des phénomènes migratoires importants et un habitat dispersé qui empiète sur les terres agricoles productives[5]. Dans les zones de forte densité de population, les terres sont surexploitées et le couvert végétal fortement endommagé. Ce qui provoque des migrations de populations vers le sud et le sud-est du pays (moins peuplé), où le risque de sécheresse et de désertification y est néanmoins plus élevé[6], mais aussi des politiques de déforestation pour augmenter la capacité productive du pays. En outre, la dégradation de l’environnement a posé le problème de la production énergétique nationale qui s’alimente principalement de la biomasse (combustibles ligneux et résidus végétaux)[7].; source énergétique majoritaire des ménages et l’industrie et l’artisanat, le gouvernement doit alors faire face à cette dépendance environnementale[8]. On perçoit donc bien ici encore le phénomène de vulnérabilité du Rwanda, dont l’économie est directement liée aux ressources naturelles.

Face à la vulnérabilité, l’adaptation au changement climatique se concrétise

Le Rwanda a mis en place depuis les années 2000 des politiques de développement durable pour faire face aux changements climatiques. Les coûts économiques pourraient s’avérer très élevés et atteindre jusqu’à 1% du PIB jusqu’à 2030[9]. Ces changements répondent aux attentes nationales mais aussi à celles des Nations Unies avec les Objectifs de développement durable (ODD). Le pays des mille collines a donc décidé d’associer « développement responsable » et « lutte contre la pauvreté ».

Tout d’abord le Rwanda fut signataire dans les années 90  de l’agenda 21, connu pour être l’un des plans d’action d’envergure pour  le développement durable. La politique engagée semble être plus fructueuse depuis la fin du génocide en 1994 et l’ amorce de la reconstruction du pays. M. Stanislas Kamanzi, Ministre des ressources naturelles du Rwanda, pointe ce renouveau lors du sommet RIO+20 en 2012 : « Le développement durable est placé au coeur de [la] stratégie nationale de développement. Une évaluation récente a montré que les efforts engagés ont contribué à diminuer de 12% le taux de pauvreté jusqu’en 2012. Avec l’appui de ses partenaires, le Gouvernement rwandais a cherché à faire en sorte que les efforts en vue du développement reposent sur des principes promouvant la bonne gouvernance, la participation aux processus de prise de décisions, l’égalité entre les sexes, en insistant sur le rôle clef de l’autonomisation des femmes et le partenariat avec le secteur privé »[10]. Une économie verte est alors prônée au nom de la lutte contre la pauvreté et l’amélioration des conditions de vie. La question du développement durable devient par conséquent une question politique, permettant au Rwanda d’être à la hauteur des exigences des Nations Unies. Pour preuve,  en 2014 le Groupe National de Référence (GNR)[11] du Rwanda a exigé le renforcement les institutions comme gage de rempart face aux changements climatiques[12]. Les participants au GNR ont permis de constituer un « front rwandais contre le réchauffement climatique » en invoquant une meilleure connaissance de la population sur les risques environnementaux, une base de données météorologique fiable ou encore des politiques nationales de qualité[13]. Le Rwanda a alors lancé des projets et des politiques publiques en faveur d’un développement durable et d’une anticipation des changements climatiques.

Nous pourrions en citer un bon nombre tant les programmes sont multiples et dénotent un véritable engagement du pays. Par exemple, dans le cadre de la politique de la vision 2020,  le gouvernement s’efforce de réduire l’utilisation du bois dans le bilan énergétique national de 94 à 60%[14]. Pour cela, il est aussi engagé conjointement avec les Nations Unies à travers un projet d’adaptation aux changements climatiques (PNUE)[15] sur la réduction de la vulnérabilité du secteur énergétique aux impacts du changement climatique au Rwanda[16]. C’est ainsi qu’en 2015 la politique forestière du Rwanda a été récompensée par l’ONU pour « sa gestion locale, autonome et durable »[17]. Le gouvernement a en oûtre mis en place plusieurs grands programmes nationaux renouvelés et renouvelables comme le PANA-RWANDA ou encore le Plan National de Gestion des Catastrophes (2003). Enfin, nous pouvons noter que dans les années 2000, le Ministère de l’Agriculture et des Ressources Animales (MINAGRI) a adopté l’agriculture irriguée et l’a rendue prioritaire dans la région du Bugesera, particulièrement touchée par les changements climatiques[18]

En plus de cela, nombreuses sont les mesures visant à mettre en place un véritable développement durable qui ont été prises. C’est le cas, par exemple, de l’interdiction de l’utilisation des sacs en plastique (2004, pionnier avec l’Afrique du sud), la loi des 3R (Reduce-Reuse-Recycle), ou encore des usines de transformation des déchets plastiques[19]. A Kigali, la capitale se démarque par une architecture urbaine innovante grâce -entre autres- à deux cabinets spécialisés dans la conception de solution durable des espaces urbains à croissance rapide : MASS Design Group et Light Earth Design. Ces deux groupes privilégient la construction basée sur des matériaux rwandais afin de réduire la dépendance du pays aux importations coûteuses[20]. On estime que la population urbaine va doubler d’ici à 2030. Ces projets pilotes tentent alors de montrer que des zones à forte densité de population n’engendrent pas nécessairement naissance de «  bidonvilles ». Enfin, le pays s’est engagé dans l’énergie solaire afin de réduire sa dépendance aux hydrocarbures et permettre un accès plus généralisé à l’électricité (Programme de déploiement de l’électricité, EARP)[21].

Néanmoins, il est vrai que le Rwanda doit relever de nombreux défis pour faire de ses programmes de véritables succès écologiques (manque d’infrastructures ou de financements par exemple). C’est pour cette raison que le gouvernement Rwandais a participé à une demande d’aide internationale conjointe avec les autres dirigeants africains à la COP21 et a mis en place divers fonds nationaux. A titre  illustratif,: le FONERWA, le fond pour l’environnement et le changement climatique qui vise à « mobiliser et canaliser les fonds domestique et international, financer les projets de l’environnement et du changement climatique public et privé, et travailler avec les projets qui aident l’engagement fort et prospère de l’économie verte du pays »[22]. En 2013, la somme collectée atteignait près de 60 milliards de francs rwandais. Le fond avait attiré une vingtaine de projets et avait contribué pour 4 milliards de francs rwandais à la Banque Rwandaise de Développement.

En dépit des persistantes  difficultés, les avancées sont  somme toute nombreuses et cela permet de dire aujourd’hui que le pays trouve la voie de l’économie verte avec une véritable politique d’adaptation aux changements climatiques. Le Rwanda est en passe de devenir un véritable modèle écologique pour l’Afrique. Le pays des mille collines  n’est cependant pas un cas isolé et doit s’intégrer dans  la dynamique régionale, traversée par des phénomènes semblables. Ainsi, en 2015, une étude informative sur le commerce, le changement climatique et la sécurité alimentaire a été effectuée dans l’East African Community (EAC) afin de lier agriculture-commerce-climat dans la région orientale. Il en a été de même avec la SADC (Communauté de développement d’Afrique Australe) ou le COMESA  (marché commun de l’Afrique australe et orientale) afin de lancer des programmes de développement durable et de renforcer l’unité diplomatique sur la thématique des changements climatiques.

Clémence Lepape

 


[1] « Tanzanie: séisme meurtrier dans le nord-ouest du pays », rfi.fr, septembre 2016 http://www.rfi.fr/afrique/20160910-tanzanie-seisme-meurtrier-le-nord-ouest-pays

 

 

[2] Programme d'adaptation et d'atténuation des changements climatiques en Afrique australe et orientale (COMESA-EAC-SADC), Alliance mondiale contre le changement climatique, 2012

 

 

[3] Alexandre Taithe, Le réchauffement climatique dans la région des Grands Lacs, Observatoire des Grands Lacs, Note N°8, novembre 2013

 

 

[4] PROGRAMMES D’ACTION NATIONAUX D’ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES (PANA-RWANDA), Ministère des terres, de l’environnement, des forêts, de l’eau et des mines, décembre 2006

 

 

[5] PROGRAMMES D’ACTION NATIONAUX D’ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES (PANA-RWANDA), op. cit

 

 

[6] Ibid.

 

 

[7] Ibid.

 

 

[8] Ibid.

 

 

[9] « Rwanda: Au-delà des chiffres de croissance économique (3ème partie) », op. cit.

 

 

[10] Florent Breuil, « Le Rwanda à Rio+20 : Résolument engagé en faveur du développement durable », Médiaterre, juin 2012 http://www.mediaterre.org/international/actu,20120626132712.html

 

 

[11] Think tank national qui existe dans de nombreux pays

 

 

[12] Le front Rwandais contre le réchauffement climatique, Ambassade du Rwanda en Belgique, septembre 2014

 

 

[13] Le front Rwandais contre le réchauffement climatique, op. cit

 

 

[14] PROGRAMMES D’ACTION NATIONAUX D’ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES (PANA-RWANDA), op. cit

 

 

[15] Programme des Nations Unies pour l’environnement

 

 

[16] Ibid.

 

 

[17] Emmanuelle Lecomte, « Saviez-vous que l’Afrique bouge en matière d’écologie ? », consoGlobe, septembre 2015 http://www.consoglobe.com/afrique-rwanda-ecologie-cg

 

 

[18] Ibid.

 

 

[19] Emmanuelle Lecomte, op. cit

 

 

[20] David Thomas, « Kigali, un modèle pour construire une ville respectueuse du climat », Les affaires, novembre 2015 http://www.lesaffaires.com/dossier/changements-climatiques-40-solutions-business/kigali-un-modele-pour-construire-une-ville-respectueuse-du-climat/583416

 

 

[21] Thomas Livingstone, « Le Rwanda mise sur l’énergie solaire », L’Energeek, décembre 2015 http://lenergeek.com/2015/12/01/le-rwanda-mise-sur-lenergie-solaire/

 

 

[22] « Rwanda : Mise en place d’un fond « FONERWA » pour l’Environnement et le changement climatique », Ibidukikije, octobre 2013 http://www.ibidukikije.com/2014/10/rwanda-mise-en-place-dun-fond-fonerwa-pour-lenvironnement-et-le-changement-climatique/

 

 

 

 

The State Of Democracy in Africa: half in Earnest, half in Jest

In 2017, what can be said about the democratic situation in African States? Whereas some countries are strengthened year after year, the democratic benefits often obtained come with difficulty and lots of sacrifices. Others don’t succeed in breaking free from the long-lasting and important lingering odour of authoritarianism. Whereas we witness pacific transfers of power and democratic alternations in some countries, we still deal with political leaders who use clever processes to unduly prolong their position as heads of the state. This is the demonstration that the obsession of power remains a perennial issue in the head of lots of political authorities in Africa. It shall be first specified that the democratic health condition of African countries cannot be determined only with regard to free and transparent elections in those countries. This would be  a really minimalist and subjective conception of democracy.

The Good Performers of Democracy in Africa

Ghana and Benin experienced last year, pacific elections and a democratic alternation at the head of the state. In these two countries, the political pluralism is seen as strength and is not stifled. Trade unions are well organized and constitute pressure means against the government. Benin is also the first country which organized the first national conference on the continent in 1990. Benin is moreover the pioneer in the establishment of an independent electoral commission. Benin is worthy  of note due the fact that this country didn’t stay paralyzed in a kind of excitement following this historical role of democratic precursor, but as the analyst Constantin Somé rightly underlines in his master’s thesis: « Benin distinguishes itself by its innovation ability in all fairness and transparency, which shows progress. Refusing the usurpation of political power by any group or faction that wouldn’t originate from the electoral body choice. This is why  an independent and autonomous « a mediator »  charged with elections has been established. Benin cultivates pacifism by an increasingly healthy management of electoral competitions and a progressive institutionalization of organs charged with regulating elections and above all their independence towards the government, the parliament and public authorities ». [1]

Ghana takes second place in Africa behind Namibia and the 26th at the global level of 2016 Reporters without Borders (RSB) ranking about press freedom. [2] This prominent place in this international ranking conveys the steady challenge of guaranteeing press independence and freedom of speech and opinion prerogatives. On the political level, the popular vote is respected and the losers accept their defeat. During the presidential election of 2012, Dramani Mahama was declared the winner by the Constitutional Court against Akuffo Addo after recourse of the latter before the said court. Following this sentence, he admitted his defeat and called Mahama to congratulate him. In 2016, the outgoing president Mahama was defeated by Akuffo-Addo during the elections and admitted instantly his defeat. This gives every reason to believe that the Ghanaian democracy is constantly growing.

Still in West Africa, Senegal is also an avant-garde in terms of democracy in our continent. Even if this country has known intermittent episodes of « crisis », it always knew how to recover. The longstanding and strong tradition of activism in the political, community and trade union spheres (Ex : Collectif Y’EN A MARRE, Raddho, Forum Civil as well as other organizations of the civil society and lively and committed political parties) forms a significant safeguard against authoritarian and anti-democratic vague desires. President Wade’s defeat against his opponent Macky Sall in 2012, the constitutional referendum organized in 2016, illustrate the healthy democratic condition of this country and the desire of citizens and political leaders to preserve the Senegalese democratic ethos. The insular States that are Cape Verde and Mauritius deserve as well to be mentioned as model democracies in the continent. These countries experience a political stability which is in particular the result of an institutionalization and of the respect of democratic rules and practices that govern the public action as well as the private sphere.

In respect to South Africa, it is a democracy which works well generally. Unlike a lot of countries in our tropics, we can add to the credit of this nation that the judicial power is still independent from the executive one. As proof of this, we can quote the legal problems of president Zuma entangled in corruption and abuse of power scandals. We all recall the reports of the Republic ex mediator Thuli Madonsela who revealed in all independence –even if she suffered political pressures- the « Nkandlagate » which refers to the renovation of a private residence with public funds and also the case concerning the narrow collusion between Zuma and the wealthy Gupta family. Even if the targeted murders are plentiful in this country, we can still notice that on the institutional field, freedom of speech is guaranteed and respected, as shown by EEF (Economic freedom fighters),deputies’ severe grumblings of Julius Malema during parliamentary sessions in the presence of president Zuma.

Sao Tomé and Principe is a democratic role model in Africa. Even if this little country, not much strategic in a geographical and economical perspective arouses little interest for the international observers and analysts, the essentials of democracy are established there and have value. The same analysis can be made for Tanzania.

According to a 2014 Reporters Without Borders (RSB) rank about press freedom, Namibia is the only country in Africa to get a score more or less similar to Scandinavian countries’, performing better (19th at global level) than France (37th) and many more countries of the Old Continent. Namibia is also the first African country to organize presidential and legislative elections by electronic vote in November 2014.Botswana is also quite reputable for its democracy. This country organizes regularly free and transparent elections, has good results in respect of good governance and fight against corruption even if we cannot ignore the coercive and repressive measures taken against the San minority, also called Bushmen. In North Africa, Tunisia tries to stand out from his neighbours. Tunisia adopted a progressive constitution and organized in 2014, free and transparent elections. Trade union or civil society activism such as the UGTT (Tunisian general union of work) and the Human rights league in Tunisia (LTDH) has without a doubt been an essential contribution in this democratic burst.

The political systems resistant to the long-term establishment of democratic principles

Alongside these countries that show notable democratic profiles, there are countries that counteract the good effects and are  still hostages to authoritarian systems or insufficiently democratic. In Africa, many regimes establish “cosmetic” or facade democracies. Many regimes claim that they become infatuated with democracy fundamentals such as multi-party system, free and transparent elections, Rule of law and basic law, even though the running of their countries reflects clearly an arbitrary power, autocratic or/and corrupt…the choice is yours. The Great Lakes region of Africa (Uganda, DRC, Rwanda and Burundi) and countries such as Eritrea, Gambia, Zimbabwe, Sudan, Djibouti, Ethiopia, Egypt, to name but a few, are among many that are far from having achieved the advisable or desired standards of a democracy. It is clear that the democratic situation of these countries is not utterly uniform. Some of these countries are led by tyrannical and last-ditch regimes, frontally resistant to populations’ democratic ambitions. Whereas in other countries, despite serious democratic gaps, some basic democratic principles are relatively, sometimes according to the desires of the regime, well promoted and applied.

African populations and especially the youth are very thirsty for democracy to freely express their potentials. They don’t want be stifled anymore by authoritarian obsolete drifts. Lately, we saw how Yahya Jammeh’s regime in Gambia attempted to carry out an illegitimate takeover in order to stay in power despite his defeat. This megalomania got fortunately what it deserved: a failure. The African Union as well as the sub regional organizations must assume an active role to stop the authoritarian momentums. It will be good when African democracy rises from the ashes and moves forward to progress!

 

[1] Somé, Constantin (2009, pp.31-32): “Pluralisme socio-ethnique et démocratie : cas du Bénin », a dissertation made to achieve a Master in political science at Quebec University in Montreal.

 

[2] RSF rank: https://rsf.org/fr/classement

Translated by

Corinne Espartero

 

Suivre l’argent du pétrole, la délicate mission des ONG au Congo

 

Ici un contrat obscur et ses acronymes barbares, là des comptes offshores et leurs circuits financiers opaques… Il faut une sacrée dose de patience et de ténacité pour percer les mystères de l’argent du pétrole au Congo-Brazzaville, ce que tentent de faire depuis des années Brice Mackosso et Christian Mounzeo. Les deux hommes coordonnent la plateforme “Publiez ce que vous payez” dans ce petit pays d’Afrique centrale. Leur mot d’ordre est aussi simple que la tâche compliquée: exiger la transparence sur les revenus tirés du pétrole, la principale ressource du Congo qui représente 90% de ses exportations et plus de 75% de ses recettes publiques.

Dans leur viseur ces derniers mois ? La taxe maritime, un étrange impôt perçu par la SOCOTRAM, la société congolaise des transports maritimes, dirigée par Wilfrid Nguesso, un neveu du chef de l’Etat, Denis Sassou Nguesso.

Cette taxe maritime, “c’est juste un artifice juridique pour ponctionner sur les fonds publics et utiliser cet argent au bénéfice de la famille”, tranche Brice Mackosso, interrogé par l’Afrique des idées.

Lorsque cette taxe est créée en 1997, les compagnies pétrolières estiment ne pas avoir à la payer, en vertu d’un principe de stabilité fiscale qu’elles ont négocié avec le gouvernement. Un montage est donc mis en place. Ce sont les armateurs de navires qui vont verser cet impôt à la SOCOTRAM. Puis ces armateurs se feront rembourser par les compagnies pétrolières, qui pourront à leur tour obtenir un remboursement (indirect) de l’Etat congolais en déduisant cette taxe de leurs coûts pétroliers.

Bref, c’est une taxe que l’Etat congolais paye finalement lui-même, une bizarrerie. Avec surtout un grand point d’interrogation dès le départ. Où va l’argent perçu par la SOCOTRAM?

“La taxe maritime n’a jamais été reversée au Trésor Public. Pendant vingt ans, cet argent n’a été utilisé que par la SOCOTRAM et il n’y a que la SOCOTRAM qui sait comment il a été utilisé”, affirme le militant de la société civile, qui a tiré la sonnette d’alarme.

Le 9 mars, Wilfrid Nguesso a finalement été mis en examen par la justice française pour « blanchiment de détournements de fonds publics », dans le cadre de l’enquête dite des “biens mal acquis”, un long feuilleton où le Congo joue les premiers rôles. Dans cette affaire, les dirigeants du Congo-Brazzaville, mais aussi de plusieurs autres pays pétroliers comme la Guinée équatoriale ou le Gabon, sont soupçonnés d’avoir détourné de l’argent public pour acquérir de luxueux biens privés: hôtels particuliers, belles voitures…

Coïncidence ou non, quelques jours après cette mise en examen, le premier ministre congolais Clément Mouamba a annoncé la suspension de la collecte de la taxe maritime. Une victoire pour Publiez ce que vous payez Congo qui regrette néanmoins que dans toute cette affaire les compagnies pétrolières françaises (Total) ou italienne (Eni Congo) n’aient pas réagi d’elles-mêmes. Selon Brice Mackosso, elles “savaient que cet argent n’allait pas au Trésor Public”.

Outre cette taxe maritime, les dossiers sont nombreux sur le bureau de Publiez ce que vous payez. Il y a notamment ces interrogations autour des contrats gaziers noués entre les Italiens d’Eni Congo et le gouvernement congolais à Pointe-Noire, la capitale pétrolière et économique du pays. Brice Mackosso est intrigué par les termes de cet accord “vraiment très avantageux pour Eni”. L’ONG voudrait aussi en savoir plus sur les contrats commerciaux passés entre le Congo et la Chine. Selon elle, avec l’argent du pétrole, le gouvernement congolais provisionne un compte à la « Export-Import Bank of China » dans le cadre d'un remboursement de projets d'infrastructures. Cependant, “l’opinion publique demeure ignorante des projets d’infrastructures dont il s’agit. De même, on ne sait pas combien la Chine a investi”, déplore Publiez ce que vous payez.

En creux, l’organisation semble redouter que les dirigeants congolais, échaudés par l’affaire des biens mal acquis, tentent de mettre en place de nouveaux circuits financiers sur le sol chinois, où l’argent sera plus difficile à rapatrier. Face à toutes ces questions, l’ONG agit avec des moyens limités et le soutien de bonnes volontés comme ce “retraité du ministère des hydrocarbures” qui planche sur les contrats litigieux. Travailler sur ce genre de questions ne va pas sans risque. “Je connais les limites”, témoigne ainsi Brice Mackosso. “Si je veux rester au Congo, ça ne sert pas que j’aille au suicide, c’est clair. Cela crée parfois de l’incompréhension avec la diaspora ou la presse étrangère. Mais je préfère rester au Congo et continuer à faire la politique des petits pas”.

La coordination internationale est donc cruciale. Publiez ce que vous payez est d’ailleurs un consortium de nombreuses ONG à travers le monde. Récemment, c’est la compagnie Shell qui a été pointée du doigt au Nigeria. Deux ONG, Global Witness et Finance Uncovered, ont accusé l’entreprise pétrolière anglo-néerlandaise d’avoir sciemment financé la corruption lors du versement de plus d’un milliard de dollars sur un compte au Royaume-Uni afin de décrocher un contrat pétrolier. Pour appuyer leur démonstration, les deux organisations citent des mails de dirigeants de Shell qui montrent qu’ils étaient au courant qu’une partie de l’argent allait être reversée à des intermédiaires afin de les remercier de l’obtention de ce contrat au Nigeria. https://www.globalwitness.org/fr/campaigns/oil-gas-and-mining/shell-knew/

 

                                                                                                                                                                     Adrien DE CALAN

 

Une autonomie socio-culturelle serait-elle l’avenir de la démocratie en Afrique ?

figures féminines d'Afrique - amazones du Dahomey
Amazones du Dahomey – Crédits : DR / Collectie Stichting Nationaal Museum van Wereldculturen / Commons

L’un des principaux objectifs de la démocratie de proximité est le rapprochement des populations à la gestion de la chose publique. Il est moins compliqué pour un citoyen de surveiller et d’influer sur l’action de l’exécutif communal de son lieu de résidence que sur les décisions prises au niveau gouvernemental.

Rapportée à l’Afrique, la décentralisation – une des manifestations de la démocratie de proximité -peut jouer un rôle relativement différent pour l’amélioration du système démocratique de certains pays. Le continent africain a en effet, une histoire particulière avec le système démocratique. Il est difficile de parler de ce système politique sans évoquer l’occupation occidentale de l’Afrique vers la fin du 19ème siècle.

La conférence de Berlin de 1884 reste dans l’histoire, l’évènement qui a véritablement marqué le début de l’impérialisme européen. Elle a surtout tracé des frontières arbitraires au gré des intérêts économiques des colons. Encore aujourd’hui, ces frontières produisent d’importantes conséquences dans l’administration territoriale de nombreux Etats en Afrique[1]. L’ancien premier ministre Malien, Moussa Mara affirmait, lors d’une rencontre organisée par l’Afrique Des Idées, que l’un des principaux problèmes du nord Mali est relatif à l’administration de cette région[2]. Cette région a en effet besoin d’une autonomie relativement poussée et elle ne peut être administrée de la même manière que l’est le reste du territoire.

Certains Etats ont tenté de réparer les torts de l’histoire en adaptant l’administration du pays avec plus ou moins de difficultés. D’autres ont testé le fédéralisme mais se sont très vite rétractés. C’est le cas par exemple du Cameroun qui a opté pour le fédéralisme entre 1961 et 1972 avant de revenir au système unitaire. La crise actuelle du Cameroun anglophone trouve l’une de ses causes dans ce retour à l’Etat unitaire qui n’a pas pris en compte la spécificité de cette région tant dans son histoire que dans son administration.

A contrario de son voisin, le Nigéria a gardé la structure fédérale mise en place au cours de la colonisation britannique ; seul gage d’un semblant d’unité dans une telle diversité socio-culturelle.[3]

Et si l’avenir démocratique de ces Etats crées de toute pièce pour des intérêts impérialistes, résidait dans une autonomie ethnico-culturelle poussée ?

Plusieurs notions qui vont s’entremêler dans ce propos devraient être clairement définies. C’est le cas de la notion de décentralisation. Par la décentralisation, le pouvoir central délègue un certain nombre de compétences à des autorités locales élues par les populations. L’élection de ces autorités au suffrage universel permet de différencier le système de décentralisation de la déconcentration. En effet, dans le cadre de cette dernière, les autorités déconcentrées ne sont qu’un prolongement du pouvoir central au niveau local. C’est le cas par exemple des Préfets nommés par décret.

Les organes décentralisés sont organisés tels des « mini Etats ». Ils disposent de ressources propres, d’organes de décisions qui leur sont propres, afin de mener à bien la politique locale pour laquelle ils sont élus.

En France par exemple, c’est par les lois Gaston Deferre de 1982 que la décentralisation a été institutionnalisée. Plusieurs garde-fous ont été pris pour éviter que les collectivités décentralisées ne poussent un peu trop loin la soif d’autonomie en réclamant par exemple des sécessions ou quasi indépendance du pouvoir central.  Inversement, c’est pour éviter ces désirs d’indépendance que la décentralisation dans de nombreux pays africains doit être poussée pour pallier certaines tares de l’histoire.

La prise en compte des spécificités locales.

La décentralisation est  un système d’administration qui permettrait la prise en compte  des originalités d’une région donnée[4]. L’exemple du Nigéria qui est allé au bout de la logique de ce respect des originalités régionales en optant pour le fédéralisme est édifiant. Le fédéralisme se distingue de la décentralisation par l’absence de dénégation des caractères étatiques. Tout comme aux Etats-Unis ou au Canada, le fédéralisme consiste en une Union d’Etats qui, pris individuellement, auraient pu être souverains.  Ils possèdent donc quasiment toutes les caractéristiques d’un Etat à l‘exception de certains pouvoirs régaliens. Ces différences de caractéristiques varient en fonction des Etats et de leur histoire.

Au Cameroun où le fédéralisme n’a pas fait long feu, une décentralisation ou autonomie poussée pourrait être une solution aux problèmes rencontrés entre le pouvoir central et les régions anglophones du nord du pays.

Depuis les années 60, l’une des principales revendications de ces régions porte sur la reconnaissance de leur spécificité culturelle héritée de l’occupation britannique. En désengorgeant le pouvoir central, les autorités locales pourraient prendre des décisions à l’aune des réalités locales. Des solutions pratiques à cette crise sont apportées dans un article publié par Thierry Santime pour l’Afrique Des Idées. La Partie anglophone pourrait avoir un statut tel celui de la région de l’Alsace en France. L’Alsace a en effet conservé un régime juridique propre, mis en place par les autorités allemandes avant qu’il ne devienne territoire français. Ces dispositions sont de nature diverse et vont des problématiques sociales, aux dispositions relatives au crédit, à la réglementation professionnelle etc.

Dans la majeure partie des pays africains, la décentralisation mise en œuvre correspond à la conception classique de cette organisation administrative. Une telle conception ne semble pas appropriée à tous les Etats, d’autant plus que le passif colonial appelle à une prise en compte poussée de la spécificité de certaines régions. C’est le cas par exemple de la plus grande province de la République Démocratique du Congo(RDC), le Katanga. Avant l’occupation Belge, le Katanga était peuplé par les Bantous depuis l’âge de Fer. La conférence de Berlin  cèdera cette région au roi belge et  le Katanga intègrera dès lors la RDC.[5] Cette région n’a jamais caché ses désirs de sécession. Le Katanga a d’ailleurs proclamé son indépendance en 1960 à la suite de l’indépendance du Congo. Des guerres civiles  impliquant même l’ONU ont martyrisé cette région de l’Afrique centrale pendant de longues années avant qu’elle ne soit contrainte à un rattachement définitif à la RDC en 1967.

Une telle région devrait également bénéficier d’une autonomie poussée au-delà même du spectre de la simple décentralisation. En matière foncière par exemple, jusqu’à 2009 en RDC, le pouvoir central avait tout pouvoir et passait par des décrets pour créer des circonscriptions foncières. Les autorités foncières issues de ces découpages étaient complètement déconnectées des réalités vécues par les paysans vivant dans les dites localités[6]. Une décentralisation plus intelligente devrait pallier de telles problématiques en délégant à des autorités locales ces responsabilités.

La nécessité d’une décentralisation intelligente.

Nombreux sont les pays africains qui ont enclenché des processus de décentralisation à des rythmes  plus ou  moins différents[7]. Parfois, par contrainte car certaines aides sont dorénavant conditionnées : elles seraient désormais directement versées à des acteurs locaux maitrisant les problèmes locaux. L’un des problèmes liés à la décentralisation réside justement dans le financement des collectivités décentralisées. Le principe voudrait que les collectivités s’autofinancent à travers différents revenus tels que les impôts locaux ou la valorisation commerciale du patrimoine local. La conséquence de cet autofinancement est la constitution de collectivités décentralisées très disparates en termes de richesse.

La décentralisation ne sera utile que si elle permet un équilibre politique et social.  En aucun cas, elle ne doit être la source de nouvelles déstabilisations fondées sur les différences économiques des collectivités décentralisées d’un Etat unitaire. Une décentralisation intelligente s’impose. Elle devrait ainsi se matérialiser par une solidarité accrue et obligatoire entre différentes collectivités décentralisées, gage de stabilité et d’unité du pays. Faute de quoi, le caractère unitaire de bon nombre de pays pourrait être remis en cause.

Une solidarité entre collectivité décentralisée implique que le pouvoir central garde la main non seulement sur la gestion globale du pays mais également sur celle des entités décentralisées. D’où la nécessité d’une autonomie poussée et non d’un fédéralisme.

 

                                                                                                                                                                     Giani GNASSOUNOU

 

 

 

 

 

 


[1] Le conflit ayant opposé le Nigéria au Cameroun concernant la péninsule de Bakassi tire son origine des frontières tracées au cours de la colonisation. Les problèmes sociaux ethniques ayant conduit à la guerre du Biafra peuvent s’expliquer en partie par la création d’un Etat du « Nigéria » avec pour objectif l’exploitation des ressources des terres occupées par la puissance coloniale britannique.

 

 

 

[4] Définition Larousse

 

 

 

La crise au Cameroun anglophone : un mal profond aux racines lointaines

L’euphorie qui a suivi la victoire des Lions Indomptables lors de la CAN 2017 ne devrait pas faire oublier la crise anglophone et ses plaies encore purulentes et qui ne demandent qu’à être cicatrisées. Depuis fin 2016, les régions anglophones du sud-ouest et du nord-ouest du Cameroun sont vent debout pour protester contre ce qu’elles estiment être un traitement inégal en leur défaveur, de la part du gouvernement camerounais. Les manifestants soutiennent que le pouvoir est déconnecté de leurs réalités et ne semble opposer à leurs revendications, sinon des mesures répressives, un désintéressement ou un silence assourdissant. Pourtant, les protestataires font remarquer qu’ils expriment ces revendications via des canaux reconnus par la Constitution et les textes légaux en vigueur. Notons que la minorité anglophone représente environ 20% des 22.5 millions de Camerounais.

Bref rappel historique

Il est important de faire un bref rappel historique pour mieux appréhender les revendications actuelles.

Initialement, le Cameroun était une colonie allemande. Après la première guerre mondiale, le Cameroun fut placé sous la tutelle de la Société des Nations (ancêtre de l’ONU), et confié à la double administration française et britannique. Le territoire sous domination française acquit son indépendance en 1960. Peu de temps après, le territoire sous administration britannique s’émancipa lui aussi de sa subordination vis-à-vis de la Couronne. Dans ce contexte, anglophones et francophones avaient convenu en 1961 de constituer une fédération à deux États. Le Cameroun Occidental (anglophone) et la République du Cameroun (francophone) décidaient en ce moment-là de constituer la République fédérale du Cameroun et donc de se réunifier. Amadou Ahidjo de la République du Cameroun devint président de la République fédérale du Cameroun et John Ngu Foncha du Cameroun Occidental son vice-président. Toutefois, la fédération ne fit pas long feu, en ceci que le Cameroun retrouva le statut d’État unitaire, suite au référendum organisé par le président Ahidjo en 1972. Ce retour à l’unitarisme étatique, sur fond de marginalisation de la minorité anglophone fut le déclencheur d’un vent fluctuant, ondoyant mais solide d’animosités et de protestations des anglophones vis-à-vis du pouvoir central.  

En 1964 – donc avant même le Référendum de 1972 qui a consacré l’unitarisme-, dans un article intitulé « Construire ou détruire » paru dans la revue culturelle Abbia qu’il a fondée, un ancien ministre et universitaire issu de la province du nord-ouest, Bernard Fonlon, par ailleurs fervent défenseur du bilinguisme, faisait déjà remarquer: « Après la réunification, on conduit sa voiture maintenant à droite, le franc a remplacé la livre comme monnaie, l'année scolaire a été alignée sur celle des francophones, le système métrique a remplacé les mesures britanniques, mais en vain ai-je cherché une seule institution ramenée du Cameroun anglophone. L'influence culturelle des Anglophones reste pratiquement nulle ». Ce diagnostic poignant et incisif traduisait le malaise ressenti par de nombreux ressortissants des régions anglophones à propos de cette supposée volonté des autorités du pays de gommer de vastes pans de l’héritage culturel de la minorité anglophone pour assurer la prépondérance des régions francophones majoritaires.

Avec la fin du fédéralisme et l’instauration d’un État Unitaire en 1972, la méfiance vis-à-vis du pouvoir central qui commençait à sourdre après la réunification de 1961 et ses corollaires jugés défavorables aux régions anglophones n’a fait que se renforcer. Les velléités centrifuges et sécessionnistes apparaissent en ce moment-là.   

Crise actuelle et recommandations

Les autorités camerounaises ont souvent minoré l’importance, pour ne pas dire l’existence d’un « problème anglophone ». Pourtant, il suffit de mettre en veilleuse son positionnement partisan et procéder à un diagnostic objectif et désintéressé pour s’apercevoir du problème. Les évêques Camerounais des régions anglophones ont justement fait ressortir dans leur mémorandum adressé au chef de l’État en décembre dernier quelques-uns des traits ou éléments corroborant l’idée d’une politique deux poids, deux mesures, au détriment des régions anglophones et qui ont poussé les anglophones à manifester. Ces facteurs sont, entre autres[1] :

-La sous-représentation des anglophones dans les jurys des concours d’entrée aux grandes écoles, à la fonction publique, dans le gouvernement et les grandes instances décisionnelles en général;

– la non-utilisation (ou un recours approximatif) de l’anglais (pourtant langue officielle, au même titre que le français) dans les examens d’État et les documents publics;

– l’affectation d’une majorité de magistrats, personnel enseignant ou sanitaire francophones dans les régions anglophones;

– La négligence des infrastructures de l’ouest anglophone.

Les revendications de ces derniers mois ont d’abord été assez apolitiques avant de se muer en une véritable poussée de fièvre politique contre les velléités ou pratiques jugées sectaires et assimilationnistes du pouvoir de Yaoundé. Au départ, il s’agissait d’une série de grèves organisées par les enseignants et avocats anglophones pour dénoncer le peu d’intérêt que les autorités réservent à leurs desiderata. Ensuite, le conflit s’est généralisé et les revendications revêtent désormais un caractère militant et politique. Les ressortissants des régions anglophones qui manifestent ne veulent plus que le régime continue aisément à marcher sur leurs plates-bandes et à favoriser les régions francophones majoritaires. Ils veulent avoir voix au chapitre et jouir d’une certaine autonomie dans la gestion de leurs territoires. Ils estiment en grande partie que le fédéralisme serait une meilleure option que l’unitarisme actuel, même si une relative minorité aux visées sécessionnistes n’hésite pas à sonner le tocsin en brandissant la carte séparatiste. Mais, dans le chef des revendications exprimées, l’option la plus plausible et en tout état de cause la plus défendue par les manifestants reste celle du fédéralisme. En effet, dans un État fédéral, les compétences sont partagées entre le pouvoir fédéral et les entités fédérées. Il y a donc une plus grande autonomie et des pouvoirs plus importants concédés aux entités fédérées, qu’elles soient dénommées régions, provinces ou États.

En effet, il faut bien se rendre compte que malgré la promulgation d’une loi de décentralisation, en pratique, le Cameroun demeure un État fort centralisé. Ce qui n’est pas sans poser de problèmes dans un pays à multiples sensibilités ethniques et culturelles. Certains auteurs et le parti politique de l’opposition SDF se déclarent pro-fédéralistes et pensent que pour éviter de fragmenter encore plus le pays, le gouvernement gagnerait à organiser une consultation populaire ou référendum sur la question du fédéralisme.[2] D’autres estiment qu’à défaut du fédéralisme, il est impérieux que le gouvernement Camerounais s’emploie à exécuter son plan de décentralisation. De l’autre côté, le gouvernement et les défenseurs de l’État unitaire battent en brèche l’idée de fédéralisme soutenue par certains et insistent que l’unité nationale reste le gage de la paix et de la stabilité nationales et que cette unité nationale n’est mieux entretenue et garantie ailleurs que dans le cadre d’un État unitaire au Cameroun.[3]

Thierry SANTIME


[2] Alain Nkoyock. 2017. « Le fédéralisme est-il porteur d’espoir » Jeune Afrique. http://www.jeuneafrique.com/396895/politique/crise-anglophone-cameroun-federalisme-porteur-despoir/

Célestin Bedzigui. « Le fédéralisme est la solution au Cameroun ». http://www.camer.be/56685/30:27/celestin-bedzigui-le-federalisme-est-la-solution-au-cameroun-cameroon.html

« Cameroun : le SDF se dit favorable au fédéralisme ». BBC Afrique. http://www.bbc.com/afrique/region-39402226

 

[3]  « Cameroun : pas de retour au fédéralisme ». BBC Afrique. http://www.bbc.com/afrique/region-38232646

« Cameroun, Vincent Sosthène Fouda : « Non au fédéralisme et encore moins à la sécession » http://www.camer.be/57477/30:27/cameroun-vincent-sosthene-fouda-34non-au-federalisme-et-encore-moins-a-la-secession34-cameroon.html

« Le fédéralisme au Cameroun : une arme à double tranchant ». http://www.camernews.com/le-federalisme-au-cameroun-une-arme-double-tranchant/

 

MONUSCO :Un bilan en demi-teinte

Les opérations de maintien de la paix de l’ONU sont destinées à aider des pays ravagés par des conflits en vue d’un retour de la paix et d’une consolidation ultérieure de celle-ci.

À la suite du déclenchement de la deuxième guerre du Congo (1998-2002) et de ses nombreuses conséquences tragiques, l’ONU avait décidé d’envoyer une mission en RDC, la Monuc en 1999. Depuis 2010, elle est devenue Monusco, mission des Nations-Unies pour la stabilisation du Congo. La Monusco est la plus vaste et la plus couteuse des opérations de maintien de la paix dans le monde.[1]

 Cet exposé vise à analyser les forces et les faiblesses de cette mission.

En dépit de vives critiques dont elle est l’objet, on ne doit pas occulter les réalisations de la Monusco pour favoriser la paix et la stabilité en République démocratique du Congo.

   Contribution aux efforts pour le retour de la paix

La Monusco a joué un rôle majeur dans les négociations pour favoriser autant le dialogue inter-congolais que le dialogue avec les pays voisins, impliqués dans les différents conflits en RDC. En 2001, lorsque le président Laurent Désiré Kabila fut assassiné et remplacé par son fils, Joseph Kabila, le gouvernement congolais n’avait pas le contrôle sur toute l’étendue du territoire national. Les groupes armés, notamment le MLC (Mouvement de Libération du Congo) et le RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie) contrôlaient le nord-est et le sud-est de la RDC, le gouvernement ne contrôlant plus que la moitié ouest En plus de l’emprise de ces groupes armés sur d’importants pans du territoire national, de nombreux groupes rebelles et milices venus de l’étranger comme les FDLR du Rwanda, la LRA d’Ouganda, le CNDD-FDD du Burundi, le Parti pour la libération du peuple Hutu et l’Unita d’Angola étaient toujours dans le pays. Tous ces mouvements armés commettaient sans coup férir des exactions sur les populations civiles et s’enrichissaient sur l’exploitation illicite et effrénée de nombreuses richesses du sous-sol congolais. Même si nombre de ces groupes armés sont encore présents et actifs, il faut dire que leur capacité de nuisance est beaucoup moins considérable. En effet, la mission de l’ONU en RDC a joué un rôle important de facilitateur et de médiateur pour le retour de l’autorité de l’État sur tout le territoire.

La Monusco a joué un rôle de médiateur lors du dialogue inter-congolais de Sun City qui  donna lieu à l’Accord global et inclusif de Pretoria le 17 décembre 2002 (à Pretoria), mettant fin à la deuxième guerre du Congo (1998-2002). Cet accord de Pretoria, corollaire du dialogue placé sous les auspices de la mission onusienne a permis la réunification du pays et l’avènement d’un gouvernement d’union nationale.

Suite à la résurgence de nouvelles rébellions, notamment le M23 (Mouvement du 23 Mars) qui a occupé la ville stratégique de Goma durant plusieurs mois en 2012 et fait de nombreuses victimes, la Monusco a encouragé et facilité la tenue d’un dialogue entre la RDC, les pays voisins (Rwanda et Ouganda notamment) et le M23 afin de stabiliser la paix et de mettre en place un programme de DDR (Démobilisation, Désarmement et Réinsertion) des anciens rebelles. Ce dialogue a abouti à l’accord cadre d’Addis Abbeba qui enjoint aux pays voisins de cesser d’apporter leur soutien aux groupes rebelles, propose l’amnistie pour les responsables des « violations mineures » mais aussi des poursuites pour les auteurs des crimes contre l’humanité et demande au gouvernement congolais d’améliorer sa gouvernance. Ceci dit, au-delà de l’aspect positif du dialogue prôné par la Monusco, l’innovation majeure avec l’accord cadre d’Addis Abbeba est qu’il va permettre la mise en place d’une brigade d’intervention de la Monusco composée de 3000 soldats, conformément à la résolution 2098 du Conseil de Sécurité de l’Onu. En effet, alors qu’avant l’usage de la force était subsidiaire, désormais l’utilisation de la force fait partie intégrante du mandat de la mission.

 Appui logistique et institutionnel au gouvernement congolais

La mission de l’Onu en RDC offre un appui logistique et institutionnel au gouvernement congolais pour la stabilisation et la consolidation de la paix ainsi que la reconstruction du pays.

D’abord, notons que la Monusco a joué un rôle important dans la réforme du secteur de sécurité en RDC. Elle a joué un rôle de premier plan dans le désarmement et la démobilisation des anciens combattants et conjointement avec le gouvernement congolais et d’autres partenaires de la RDC (USA, UK, Chine, Belgique et Afrique du Sud), elle a œuvré activement pour la formation d’une nouvelle armée nationale inclusive et bien formée. De même, en ce qui concerne la police, la Monusco s’est-elle aussi ingéniée à réformer la police nationale congolaise (PNC) notamment en créant et coordonnant des centres de formation à travers le pays. En effet, il est estimé que la Monusco a directement contribué à la formation de 10000 officiers congolais dans des domaines aussi variés que les unités anti-émeutes, les instructeurs de police, les bataillons d’intervention rapide et les brigades de détective.

En outre, la Monusco a apporté un appui important au gouvernement congolais lors des premières élections démocratiques organisées en 2006. Le soutien  technique et opérationnel qu’elle a apporté a été déterminant dans la réussite du processus électoral. Par ailleurs, notons qu’un autre succès important de la Monusco concerne la protection des droits de l’homme et le renforcement du système judiciaire. La Monusco comporte en son sein une division des droits de l’homme qui est l’une des plus importantes unités civiles de la mission. Enfin, l’action de la Monusco, en partenariat avec les forces armées congolaises a permis d’appréhender et de traduire en justice des « seigneurs de guerre » comme Thomas Lubanga, Uzele Ubeme, Mathieu Ngudjolo, ou Germain Katanga.

Comme toutes les missions onusiennes à travers le monde, la Monusco n’est pas exempte de critiques, loin s’en faut. La Monusco a été vilipendée par nombre d’observateurs qui estiment qu’elle a simplement failli à sa tâche car 18 ans après sa mise en place, la RDC est toujours dans une situation précaire, avec la présence d’un ramassis de groupes rebelles étrangers et locaux qui sèment la terreur, parfois en toute impunité.

 Violations des droits humains par les casques bleus

La problématique des violations des droits humains par les casques bleus fait florès dans la littérature et dans les débats portant sur les missions onusiennes. En effet, les exemples illustratifs de ces violations sont légion et ne laissent guère d’incertitude.

On dénombre de nombreux cas de pédophilie, de prostitution à grande échelle, y compris avec des mineurs congolais des deux sexes, d’abus d’autorité, de harcèlement sexuel, viols ou tentatives de viols attribués au personnel de la Monusco. Les populations sont particulièrement  exaspérées et accusent ces  « émissaires de la paix qui se traînent au bras de nymphettes, les poches bourrées de dollars ».[2] Dans ce même ordre d’idées, il s’avère que dans le cadre d’enquêtes menées par le Bureau des services de contrôle interne de l’ONU (BSCI-OIOS), pas moins de 296 dossiers d’abus sexuels sur mineurs ont été ouverts concernant la période 2004-2006 et 140 cas avérés ont été recensés, essentiellement parmi les Casques bleus déployés en RDC.[3]

Ces abus et manquements aux droits humains ont fortement écorné l’image de la Monusco en RDC même si les viols et autres violations au Congo ne sont pas l’apanage du personnel de la Monusco mais sont aussi le fait des rebelles ou même des militaires congolais. De plus, en RDC « la MONUSCO a failli à son rôle en se montrant incapable d’empêcher des viols de masse perpétrés dans plusieurs villages», ainsi que le reconnaissait en 2008, le Sous-Secrétaire général de l’ONU chargé des OMP (opérations de maintien de la paix) de l’époque Alain le Roy.

 Situation toujours précaire à l’Est de la RDC 18 ans après

En dépit de la présence de la Monusco depuis 1999, la situation en RDC demeure toujours très volatile et instable. Certes, ce serait un leurre de penser que la Monusco peut à elle seule résoudre les problèmes  structurels et profonds à l’origine de la situation. Cependant, on ne peut  passer outre le fait qu’à plusieurs reprises, des massacres ont été commis dans des zones où la Monusco  était présente sans qu’elle n’intervienne efficacement alors qu’elle est dotée d’un mandat offensif pour la protection des civils. De nombreux exemples corroborent cette assertion. En 2003, par exemple, des populations civiles ont été tuées par des milices dans la ville de Bunia alors que le contingent uruguayen de la Monusco campait à l’aéroport, qui n’est pas à plus de 20 kilomètres de là. De même en 2004, les casques bleus n’ont pas pu empêcher les rebelles du général Nkunda  de commettre quatre jours durant des actes de viol, de pillage, et de meurtres dans la ville de Bukavu. En novembre 2008, les forces rebelles du même général Nkunda ont exécuté près de 150 civils dans la ville de Kiwanja pendant que les troupes de la Monusco étaient stationnées à quelques encablures de là. Aujourd’hui encore, les rebelles ougandais ADF continuent d’accomplir leur macabre besogne dans la ville de Beni. On peut, à bien des égards se poser des questions sur cette culture de « dissuasion passive » dont font montre les casques bleus de la Monusco face à certaines situations alors que leur mandat permet des actions offensives.

En définitive, disons qu’il est impérieux que le gouvernement congolais restaure son autorité sur toute l’étendue du territoire et que ses forces armées soient aptes à assurer seules la protection des civils avant d’envisager un départ définitif de la Monusco.

 

                                                                                                                                                                              Thierry SANTIME

 

 

 

 

[1] La Monusco est la plus grande en termes d’effectifs (22000 hommes) et la plus coûteuse (1.4 milliard de budget) des missions de maintien de la paix des Nations-Unies. Voir « Réflexions sur 17 ans de présence de l’ONU en RDC ». 2016. Afrique décryptage-blog du programme Afrique Subsaharienne de l’Institut français des relations internationales(IFRI)- https://afriquedecryptages.wordpress.com/2016/05/11/reflexions-sur-17-ans-de-presence-de-lonu-en-rdc/

[2] Kpatindé, Francis. 2004 « Scandale à la Monuc » Jeune Afrique. Paris. Juin 2004

 

 

 

 

 

 

[3] Zeebroek, Xavier, Marc Memier et Pamphile Sebahara. 2011 « La mission des Nations Unies en RD Congo : bilan d’une décennie de maintien de la paix et perspectives » p.24

 

 

 

 

 

 

« L’avenir de l’Europe est lié à celui de l’Afrique »

“Tournons la page”, c’est le mot d’ordre d’une campagne de la société civile qui intervient dans sept pays africains – Congo-Brazzaville, RDC, Gabon, Tchad, Niger, Burundi et Cameroun – afin de promouvoir l’alternance et dénoncer les potentats africains. Ce groupement d’associations a notamment appelé au boycott de la Coupe d’Afrique des Nations après la réélection controversée d’Ali Bongo au Gabon. Laurent Duarte, l’un des coordinateurs de ce mouvement, explique cette démarche à L’Afrique des Idées.

Pourquoi faut-il “tourner la page” en Afrique ?

Dans de nombreux pays africains, notamment francophones, des familles pour certaines au pouvoir depuis cinquante ans confisquent l’avenir politique de la jeunesse. Plus de 85% des Gabonais ou des Togolais n’ont connu qu’une famille au pouvoir. Nous, on considère que le développement c’est un développement inclusif, total, que parmi cela il n’y a pas simplement la croissance économique mais également l’apaisement politique. Il faut tourner la page des dictatures bien entendu, mais aussi écrire une nouvelle page de paix et de stabilité dans ces pays.

N’est-il pas réducteur de demander un changement à la tête du pays si c’est tout le système qui est vicié ? Qui nous dit que la situation ne va pas rester la même avec un nouveau dirigeant ?

L’alternance démocratique, ce n’est qu’une porte d’entrée. Après, elle est décisive car elle ouvre les champs des possibles. Sans le départ de ces gouvernants, il ne peut y avoir de changements durables. Bien entendu, notre travail au quotidien ne se limite pas à dire qu’Ali Bongo doit être renversé par Jean Ping, Faure Gnassingbé par Jean-Pierre Fabre ou que sais-je encore… L’idée, ce n’est pas simplement un changement de tête. C’est pour ça que notre dernier rapport concerne la fiscalité. Car il ne peut pas y avoir de démocratie sans justice fiscale. En même temps, quand on est un militant de la société civile, il est intéressant d’accompagner les coups de projecteurs médiatiques qu’il peut y avoir sur l’Afrique, notamment pendant les élections qui sont un moment décisif. Bien sûr, le combat ne se réduit pas à ça. Quand bien même on arrive à faire tomber les dictatures, on n’aura pas réglé les problèmes de corruption ou de développement.

La vague d’alternances qui a pu avoir lieu en Afrique de l’Ouest vous fait-elle dire qu’on est à un moment charnière ?

Complètement. Entre 2015 et 2017, environ trente pays africains ont connu ou vont connaître des élections présidentielles. A première vue, on peut dire que ça n’a pas marché partout. En Afrique de l’Ouest, ça avance même s’il reste le Togo qui est l’exception qui confirme la règle. On concentre nos efforts sur l’Afrique Centrale, qui est le nœud dictatorial en Afrique et le nœud des Etats rentiers. Le lien entre dictature et rentes n’est d’ailleurs pas anodin. On sent qu’il y a une lame de fond dans la société civile. Si ce n’est pas pour demain, ce sera pour après-demain. En RDC, depuis 2006 il y a une montée en puissance des mouvements citoyens qui est indéniable. Au Gabon, qui aurait cru que l’archétype du gouvernement “françafricain” aurait pu vaciller comme ça aussi fortement ? Qui aurait pu croire qu’au Tchad, Idriss Déby allait devoir enfermer ses opposants de la société civile les plus importants pour réussir son coup de force électoral ? Pour nous il y a des avancées, même si bien sûr ce n’est pas linéaire.

Quelles sont les situations qui vous inquiètent le plus aujourd’hui ?

Il y a inquiétude et importance, ce sont deux choses différentes. Clairement, le Burundi est dans une situation qui nous effraie. La FIDH (Fédération internationale des droits de l’homme), qui est membre de notre réseau, a tiré la sonnette d’alarme avec un rapport sur les dynamiques génocidaires à la tête de l’Etat. Les membres de notre campagne travaillent en exil depuis Kigali, ils ne peuvent plus travailler sur place. Cela montre la dureté du régime. En termes d’inquiétude il y a bien sûr le Tchad où Idriss Déby fait face à une grogne sociale. On connaît sa capacité à décapiter la société civile en emprisonnant ses opposants, voire en passant parfois à l’acte. Et puis le Cameroun qui depuis quelques semaines montre qu’on n’est pas seulement dans une dictature “soft” comme on a tendance à présenter le régime de Paul Biya, et où quand il s’agit de réprimer, Biya est aussi doué malheureusement que ses collègues de Brazzaville ou de N'Djamena. Après, en termes d’importance politique, il y a deux pays qui vont être au cœur de notre travail dans les deux prochaines années. C’est la RDC bien sûr parce que c’est un pays continent et décisif. Nous croyons à l’effet domino en Afrique Centrale. Lorsqu'il y en a un qui aura basculé, ça fera un précédent. On espère que Kabila partira dans un climat apaisé et avec un vote respecté. L’autre c’est le Cameroun en 2018, il va y avoir toutes les élections locales et présidentielles, on sent bien qu’il y a une tension sociale qui est énorme et qu’on est face à un régime à bout de souffle.

Le risque de votre discours n’est-il pas d’entretenir une confusion entre mouvement de la société civile et opposition ?

On a toujours été très clair. Il n’y a aucun mouvement politique dans notre organisation. On est opposé à des dictatures, c’est certain, mais nous ne sommes pas des opposants politiques. C’est complètement différent. On ne peut pas nous accuser d'être complaisant à l’égard de quelconque opposant que ce soit. Si je prends le cas de Jean Ping au Gabon, notre position, qui est incarnée par Marc Ona Essangui sur place, est très claire. Aujourd’hui, Jean Ping est le président élu dans les urnes aux dernières élections comme le montrent les rapports de l’Union Européenne. Néanmoins, si demain il arrive au pouvoir et qu’il fait les mêmes choses qu’Ali Bongo – et on a des craintes potentielles vu d’où il vient – il nous trouvera sur son chemin.

Pendant la Coupe d’Afrique des Nations, vous avez appelé au boycott de la compétition au Gabon. Dans un de vos communiqués, il y a même eu pendant un moment un appel au sabotage. Ce type d’actions font-elles partie de votre registre ?

Il y a eu véritablement un couac, ça arrive dans un mouvement de la société civile qui réunit 200 associations. Nous, on était contre le sabotage. Cela a été ajouté par une association qui a cosigné l’article. On n’a pas été assez ferme dans la relecture. Nous étions vraiment sur du boycott. Sabotage ça fait penser à des attaques armées, il n’a jamais été question de cela. On est pacifique, on est non-violent. Toutes les formes de non-violence, et il y en a des centaines, sont dans notre répertoire d’actions. On n’appellera jamais à la violence, au contraire. S’engager sur le chemin de la violence par rapport à des régimes dictatoriaux, c’est forcément perdre, c’est là où ils sont les plus forts.

Un certain nombre de ces pays ont des liens avec la France. Quel bilan tirez-vous du quinquennat finissant de François Hollande ?

C’est un bilan assez décevant, il faut le dire. Il y avait ce moment important en 2015-2016 avec une ligne rouge infranchissable qui était la question du tripatouillage constitutionnel à des fins personnelles. C’était quelque chose d’indéfendable pour nous. On attendait que François Hollande soit ferme sur ces questions. Il ne l’a pas été, notamment sur le Congo-Brazzaville. On ne l’a pas entendu sur le Tchad malgré une élection non transparente. C’est une déception. Si on compare à ce qui s’est passé avant, on est sorti du schéma classique de la Françafrique de Papa qui était quand même encore assez présent avec Nicolas Sarkozy.

Néanmoins, on aurait attendu – un peu comme les Etats-Unis ont pu le faire parfois de manière cynique – un discours très clair sur les droits humains. Ça n’a pas été le cas. Il y a un problème d’alignement de la politique africaine sur la politique de défense de la France. Jean-Yves Le Drian (ministre de la Défense) a eu beaucoup plus d’influence que les ministres des Affaires étrangères Laurent Fabius ou Jean-Marc Ayrault. Quand on voit le Tchad d’Idriss Déby c’est vraiment l’exemple type de l’échec de la politique africaine de la France. Un dictateur qui était dans une situation délicate aussi bien socialement que politiquement ressort du mandat de François Hollande renforcé, considéré comme le grand défenseur de la stabilité de l’Afrique. Et le premier ministre Bernard Cazeneuve pour son premier voyage à l'étranger lui rend visite…

Sur le Gabon, la position française ne vous a pas semblé plus équilibrée ?

On a cru à un moment donné qu’il allait y avoir une vraie inflexion sur le Gabon. Et puis il y a eu un rétropédalage assez clair, matérialisé par la visite de Manuel Valls au Togo, où endossant la casquette de présidentiable, il dit qu’Ali Bongo est le président en place et un interlocuteur légitime. Cette inflexion aurait dû être contestée par le président de la République. Ça n’a pas été le cas, cela montre que bon an mal an on s'accommode de cette position.

La coordination de votre campagne a lieu depuis Paris. Ne risquez-vous pas un procès en néocolonialisme ?

C’est souvent l’argument préféré des dictateurs aux abois, ces mêmes dictateurs qui au quotidien bradent leur indépendance et leur souveraineté à des entreprises. Donc ça nous fait un peu rire jaune. Pourquoi Tournons la page a une coordination en France ? Premièrement parce qu’ici on a la liberté d’expression et la possibilité de parler en toute tranquillité. Et les moyens financiers aussi pour faire avancer ces mouvements citoyens qui ont des conditions économiques fragiles en situation dictatoriale. On est la caisse de résonance de ce qui se passe en Afrique.

Avec ces dirigeants qui s'accrochent au pouvoir depuis tant d'années, ne craignez-vous pas une lassitude du grand public sur ce type de sujets ?

Il n’y a pas de lassitude du public africain quand il entend les mouvements citoyens se battre. Un sondage vaut ce qu’il vaut mais en RDC, une enquête lancée par Freedom House montre que 80 % des Congolais veulent voir Kabila partir et une transition se mettre en place. La lassitude au niveau africain n’est pas là. C’est un mauvais procès. Sur la France et l’Europe, c’est vrai. Mais il faut avoir en tête que l’avenir démocratique et politique de l’Afrique ne concerne pas simplement l’Afrique. Si on veut comprendre les vagues migratoires massives depuis l'Erythrée ou le Soudan, il faut regarder les régimes politiques qui y sévissent. Pour comprendre la résurgence du terrorisme dans la bande sahélienne et autour du Lac Tchad, il faut aussi regarder la situation de ces jeunes qui voient depuis des décennies le même pouvoir leur voler leur avenir politique. L’avenir de l’Europe est lié à celui de l’Afrique.


Propos recueillis par Adrien de Calan

 

Et si Donald TRUMP déstabilisait la région des grands lacs?

Le continent Africain ne figure certainement pas dans les priorités de la politique internationale des Etats-Unis. Il n’en demeure pas moins que les différents locataires de la maison blanche ont mené, sur le continent, des remarquables politiques durant leur mandat. Ces actions, – de nature différente en fonction des choix de la majorité présidentielle – ont impacté d’une manière considérable les pays du continent.

Durant la dernière présidence démocrate, le président Obama par le biais de son symbolique discours d'Accra, a axé sa politique africaine sur la culture démocratique et la bonne gouvernance. Il a appelé de ses vœux un changement de paradigme des dirigeants africains, en les exhortant à refuser le maintien indéfini au pouvoir.

La politique africaine de la nouvelle administration américaine reste quant à elle une énigme. La vision protectionniste du président Trump qui a fait campagne sur un désengagement progressif des Etats-Unis dans les dossiers internationaux, explique en partie cette difficulté à anticiper les rapports qu’il voudrait entretenir avec le continent.

Cependant, une récente décision de cette administration pourrait avoir de dommageables conséquences sur le continent Africain en général et dans la région des grands lacs en particulier. Il s’agit de la signature par le président des USA d’un executive order datant du 03 Février 2017 dont l’objet est l’analyse et une éventuelle refonte de la Loi Dodd Frank de 2008 relative à la régulation du secteur bancaire. De quelle manière la modification d’une loi qui ne concerne à première vue que le monde de la finance américaine pourrait-elle impacter le continent Africain ?


Que dit la loi Dodd Frank ?

L’année 2008 a été marquée par la grave crise économique déclenchée aux Etats-Unis par celle des subprimes. A l’époque, l’absence de régulation du secteur bancaire a permis aux banquiers de consentir des prêts à des ménages qui ne présentaient aucune garantie de solvabilité. Cette crise s’est ensuite internationalisée et a constitué la plus grave crise économique depuis celle de 1929.

La loi Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act promulguée en 2010 (dite « loi Dodd-Frank») [1] sera votée pour éviter une telle crise à l’avenir. Son ambition est non seulement de stabiliser le marché financier américain mais également d’améliorer la transparence et de fournir aux citoyens ainsi qu’aux investisseurs des outils destinés à responsabiliser les entreprises.[2]

C’est sur ce dernier point que cette loi a un lien direct avec la région des grands lacs. La loi Dodd franck s’applique à toutes les entreprises étatsuniennes proposant des minerais dans leurs produits. Ces entreprises doivent garantir que les minerais achetés ne financent pas les conflits dans les zones d’extraction notamment dans la région des grands lacs. En effet, l’article 1502 relatif « aux minéraux de conflits » ainsi que l’article 1504 relatif aux paiements versés aux gouvernements locaux par les émetteurs d’extraction de ressources, sont directement inspirés du conflit militaire en République Démocratique du Congo. Au cours de la guerre, des entreprises internationales ont généré un business florissant d’achats de minerais provenant des zones de guerre, en ayant pourtant pleinement conscience que cet argent finançait le conflit armé ayant causé des centaines de milliers de victimes. Le commerce des « minerais de sang » comme on les nomme, a exacerbé les relations entre le Rwanda et la RDC. Cette dernière accusant à maintes reprises son voisin de financer des groupes rebelles (notamment le M23) via la vente des minerais de sang. Un rapport de l’ONU datant de 2011 conforte la thèse des autorités congolaises.

La désintégration de cette loi, signera fort probablement le retour dans cette région de cette macabre foire d’hommes d’affaires véreux et sans aucun scrupule.

La loi Dodd Franck a eu des effets concrets dans les zones de conflit. D’après Ambeyi Ligabo, directeur du programme « Démocratie et bonne gouvernance » de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs ( CIRGL), cette loi « avec le travail de la CIRGL avait réussi à  neutraliser les groupes armés qui contrôlaient certains sites miniers. » Il donne l’exemple des groupes tels que le M23 ou les Mai mai qui « n’ont plus de forces faute de pouvoir commercialiser les minerais »[3].

La peur d’une recrudescence des conflits dans les zones à risque est réelle et suscite déjà les inquiétudes des spécialistes du sujet.

Make America great again and Africa worst ever?

Si l’administration Trump souhaite réviser cette loi, c’est parce qu’elle considère que la loi nuit à la compétitivité des sociétés américaines. Le président est lui-même issu du milieu des affaires. C’est un secret de polichinelle que le milieu des affaires est averse à la régulation. Wall street a d’ailleurs salué la vision économique de l’actuel président en tablant déjà sur des chiffres de croissance qui proviendraient de la dérégulation promise par le Candidat Trump.

La compétitivité des entreprises américaines aura-t-elle raison de la stabilité de la région des grands lacs ? Avec un nouveau président américain qui ne jure que par la bonne santé économique des Etats-Unis, des inquiétudes peuvent légitimement être soulevées. Le suspense est très anxiogène pour les dirigeants de cette région, déjà en proie à des difficultés économiques endémiques.

L’inquiétude suscitée par cet état de fait soulève certaines problématiques liées à la souveraineté sécuritaire de l’Afrique. Que la stabilité d’une si grande région dépende en partie d’une législation étrangère, témoigne de la faiblesse des politiques sécuritaires locales mais également de l’effet pervers de la mondialisation dans les régions les plus pauvres. La CIRGL a cependant anticipé les conséquences d’une révision de la loi Dodd Franck avec la mise en place d’un système de traçabilité des minerais dans la sous-région indépendante de la loi américaine[4]. Les efforts déployés par cet organe sont louables mais restent insuffisants. Une véritable politique transnationale doit être mise en place pour combattre ce macabre fléau. La semaine derrière un article de Thierry Santime pour l’Afrique Des Idées dénonçait l’absence d’une intégration régionale réussie au sein du continent. Une véritable coopération régionale est nécessaire dans cette sous-région pour assurer la sécurité des personnes et des biens.

Bien que la région des grands lacs en soit épargnée pour le moment, la menace terroriste grandissante sur le continent est une menace réelle qui pourrait se matérialiser si la sécurité de la région n’est pas renforcée. C’est la florissante économie du Rwanda, ou encore la RDC en pleine sortie de crise qui verraient les efforts consentis depuis des décennies réduits à néant.

Le mandat du président Obama avait débuté par un vent d’espoir sur le continent Africain. Un vent d’espoir conforté par les discours volontaristes de l’ancien président au sujet de la démocratie en Afrique. Quant à son remplaçant, les mots peur, inquiétude et incertitude peuvent résumer son début de mandature vis à vis du monde et de l’Afrique en particulier.

 

                                                                                                                                                                           

                                                                                                                                Giani GNASSOUNOU

                                                                                                                               

                                                                                                                                                                         

 


[1] United States Government Publishing Office, Public Law 111–203, 21 juillet 2010, disponible sur : https://www.gpo.gov/

 

 

 

 

 

 

 

 

[2] http://www.mirova.com/Content/Documents/Mirova/publications/VF/Focus/MIROVA_FOCUS_%20Loi%20Dodd-Frank%20Act%20et%20responsabilit%C3%A9%20sociale%20des%20entreprises%20(1).pdf

 

 

 

 

 

 

 

 

[3] http://www.jeuneafrique.com/403913/economie/conference-grands-lacs-ambeyi-ligabo/?utm_source=Facebook&utm_medium=JAEco&utm_campaign=++PostFBJAEco_16022017

 

 

 

 

 

 

 

 

[4] http://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-1085_es.html

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Achille Mbembe, a cure to  the ‘fetishism of  identity’

Achille MbembeAt about 60 years old, the Cameroonian scholar Achille Mbembe devoted himself to an ambitious as well as risky exercise. He looks at the world as it is, where self-hatred has been transformed into a rejection of others, “Scapegoats have become objects  such as  foreigners, Muslims,  the ‘veiled woman’, the refugees, the Jews or black people”. According to him, a real desire of Apartheid is growing in contemporary societies, which is deeply-rooted in the establishment of liberal democracies and their link to colonialism.

Mbembe painstakingly dismantles the racist  and deep-seated fears and tries to bring a  ‘treatment  to them. Inspired by the work of the Martinican psychiatrist Frantz Fanon , in  his treatment measures in Algeria in the 1950s and his heated writings against colonialism. In this article he speaks to ADI, about his last essay Politics of enmity, published in March 2016. He presented the latter at a grand colloquium in Dakar and Saint-Louis in Senegal ( from the 27th to the 31st of October, 2016). This was a gathering of about twenty African intellectuals who are at the heart of this revival of the African thinking.

You wrote that the days that we live in are characterized by the rejection of others and for the spread of the ‘state of exception’. Furthermore, what does the “politics of enmity” that you speak about stand for? This is of course, what inspired the title of your book

In this project, I meant to take a snapshot of the world. This snapshot is characterized by the propensity to violence and the uprising of war-like instincts. Since the terrorist attacks of September 2001, in the United States, the ‘state of exception’ has become more or less the rule and is connected to the quest and the obsession with the enemy. For us, citizens of the Global South, I wanted to retrace the historical origins of this hostility; to take a look at those moments when politics becomes a vector of  hostility than one that links individuals.  

In your essay, you explain that this violence has long existed in liberal democracies. It also existed in colonial plantations or  penal colonies, far from  the eyes of the world…

The point was to rethink democracy as the ultimate form of human government. More so, a historical rediscovery of modern democracy, the liberal form particularly, enables us highlight that the system was established as a democracy for like-minded people. There is no democracy except the one which gathers like-minded people. This was the case during the long period of slave trade in the United States and in Europe during the colonial period.  Historically, democracies always needed a neutral place beyond their borders where they could accept violence without any boundaries against those who were not considered as part of their clan. The colonial period embodied this moment that I speak about. 

Why did you focus your analysis on liberal democracies? Isn’t this ‘enmity’ a distinctive feature of all states, of every national community which is founded on relationships?

Indeed, this is the peculiarity of the state, and mostly the nation- state, which as we can see with its name, is a state for nationals-for those whom we think are like us. And yet, I am particularly interested in liberal democracies, because, all things considered, I can’t see any hope beyond democracy. But, in the last quarter of the 20th century, the democracy, that we thought was going to triumph over all other political approaches fell apart and underwent a process of reversal. There has been an unprecedented opposition between capitalism and democracy. I do not think that it is possible for  a certain form of capitalism, especially financial capitalism, to co-exist with democracy. I join my voice to recent criticisms of democracy- that it has reached the end of its lifespan. We need to reinvent something else, or at least think about a possible way to revive democracy so as to bring solutions to our problems and save us from this savage world, with extreme and irrational expressions of violence, like terrorism . Although, the fight against terrorism is also an embodiment of violence.

You made reference to Franz Fanon’s ‘pharmaceutical treatment’. To what extent is his method in Algeria the model of an ideal cure?

Fanon is quite a dangerous author… I refer to him because he understood well, maybe even better than any theorist of the anticolonial struggle, how violence was both a remedy and a poison. This reference to Fanon does not aim to present him as a master with the suitable solutions for our current stalemates. I talk about him because he really emphasizes the tensions – unsolvable for most of them –  that we face.

We can say that Fanon dealt with violence and radicalism without inhibition. What would be the practical applications today?

Violence in Fanon’s work  plays a cathartic role, meaning that it enables the colonized subject to get out of his present situation. Paraphrasing Fanon, the oppressed needs to come to the realization that ‘the blood  that runs in the settler’s veins is the same colour as his’- that there is an essential and fundamental similarity among everybody. Violence wakes the oppressed from his slumber. Furthermore, violence brings us back to earth. Its is like an earthquake, which destroys the colonial and racist system and based on those ruins, we might imagine a new order.

But the mythological dimension of violence is not really what I am interested in, but the fact that Fanon who advocates violence, is very attached to what I would call the politics of treatment. It is this same Fanon, who studies the psychological disorder that the policeman who tortures Algerian nationalists has to go through. From an intellectual point of view, I am interested in the double-dialectic of violence and care.   

In order to fight this enmity, you propose the ethics of a traveler. What is this about?

Behind the idea of a traveller is the huge cosmological reflection on “who are we?” and how can we define the essence of human life in relation to the long history of the universe where the human species represents a small fraction- a species amongst others. It seems to me that one of the main characteristics of humans is our temporal being on earth as travellers. We don’t choose our place of birth, that is a choice made by others. What we choose is the type of experiences we have on our journey and what we do with those experiences.

If we really take that image of the traveller seriously, it would open us to new horizons on the question of identity and fetishism of identity. That image would also enable us think differently on the form of the nation-state, which has become a prison. In an era where mobility speeds up everything, it would most importantly, enable us reflect differently on the issue of migrants, of the person who is passing-by, and the types of laws created to face those processes which are sources of fear.

Isn’t the image of the traveller only for those who have the opportunity to travel and to meet others?

Not at all. If we consider people in motion, refugees, people who are forced to leave their place of birth and take risky paths without any guarantee of destination- their numbers are constantly on the rise. Mobility has become the most important condition of survival for a large number of human beings. The tragedy today is being stuck and not being able to move on. Millions of people are facing that tragedy. Governing this type of mobility is probably one of the biggest challenges of the 21st century. If we do not confront and find human solutions to this challenge, we will end up to multiplying the tragedies that we could have avoided. We need to take seriously this image of the traveller and temporal passage as the foundation of our human essence.  

The tone of your book is a worried one. Isn’t the intellectual situation in Africa reassuring?

Yes, absolutely. There is an intellectual and artistic effervescence in several disciplines, from Literature to Dance including the Visual Arts and Philosophical Critique. Indeed, there is a huge movement, which I think will be on the rise over the next decades from people in Africa to those in the African Diaspora. The place of birth of this effervescence is movement and mobility.  This reflection on mobility is what I call Afropolitan.

Further reading – Achille Mbembe, Politics of enmity, Ed. La Découverte, March 2016.


Translated by Laurence Mondésir

Original article by Adrien de Calan

L’état de l’intégration régionale : De criantes disparités entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale

Les théories économiques classiques nous informent que l’ouverture des pays aux échanges régionaux et internationaux permet une réduction des coûts de transaction et de production. Cette tendance à s’ouvrir aux marchés ne se fait cependant pas sans heurts. Elle est en défaveur des pays les plus pauvres et marginalisés. En ce sens, l’intégration régionale peut être vue comme une tentative coordonnée de lutte contre les chocs aussi bien endogènes qu’exogènes et asymétriques.  

Sur le plan politique, les défenseurs de l’intégration régionale soutiennent que celle-ci permet de créer une dynamique d’ensemble, favorable à la cohésion, à la paix et à la sécurité de la région.

 

Dans un environnement coopératif et libre-échangiste grandissant, l’Afrique n’a pas voulu être à la traîne. C’est ainsi que dès 1963, l’OUA, ancêtre de l’UA a été créée. À la suite de cette organisation panafricaine, diverses organisations subrégionales ont été mises en place pour renforcer et dynamiser la coopération intra régionale.

Dans cette analyse, nous nous intéressons à l’intégration sur les plans politique et économique en Afrique Centrale sous le leadership de la CEEAC (et la CEMAC)[1] et en Afrique de l’Ouest en ayant comme point de repère la CEDEAO (et l’UEMOA)[2].

Afrique centrale : un espace sous-intégré

L’intégration en Afrique Centrale se heurte encore à des résistances nationales. La liberté de circulation bien qu'existant dans les textes fondateurs de la zone CEEAC n'a jamais  été véritablement mise en oeuvre. Une situation assez surprenante puisqu’au sein de la CEDEAO les efforts sont mis en œuvre pour rendre effectif cette liberté de circulation; condition importante pour un véritable décollage des économies de ces sous régions. A titre illustratif, un gabonais souhaitant se rendre au Cameroun voisin peut encore faire face à des lourdeurs procédurières et consulaires.  Le projet de mise en œuvre d’un « passeport communautaire » est restée sans suite; la faute à un manque de volonté des décideurs politiques de la sous-région.

L’initiative de création d’une compagnie aérienne de la sous-région lancée par la CEMAC a également fait faux bond, les principaux protagonistes décidant de faire marche arrière en mettant fin au projet en 2015. Il faut dire que ce fiasco a été lourd de dommages financiers. En effet,  Air Cemac qui n’a pas effectué le moindre vol avait un siège à Brazzaville ainsi qu’un personnel dirigeant et un conseil d’administration et de ce fait, cette compagnie a dû débourser des frais non-négligeables pour son fonctionnement au quotidien.

L’existence de deux marchés boursiers concurrents n’est pas non plus un facteur d’intégration régionale: il existe en effet la BVMAC siègeant à Libreville et la DSX de Douala alors même que le Gabon et le Cameroun sont tous deux membres de la CEMAC. Il va sans dire que cette situation n’est guère de nature à favoriser l’éclosion d’un marché financier résilient et prospère à l’échelle de cette sous-région. Ainsi que le note le cabinet Roger Berger dans un rapport – cité par Jeune Afrique (2016)-  portant justement sur cette question, la fusion des deux bourses permettra de «  maximiser la profondeur, la liquidité et l’attractivité́ du marché tout en minimisant les coûts opérationnels et les risques » Le rapport soutient que : « Concrètement, cela doit passer par l’harmonisation des réglementations des deux Bourses et par le rapprochement des infrastructures technologiques en vue de la création d’une plateforme commune ». Le texte de Jeune Afrique cite aussi un dirigeant d’une firme d’intermédiation qui affirme que «la convergence rapide des Bourses est un impératif pour le développement de la sous-région et permettra de créer des palliatifs aux modes de financement classiques ». [3] En effet, dans le cas de ces embryonnaires économies de la CEMAC,[4]il sied d’harmoniser les réglementations existantes et de mettre en place une bourse régionale efficace et solide. Un tel effort serait à tout le moins un pas vers la bonne direction.

Si l’intégration économique de la sous-région est loin d’être un succès, les pays de la CEMAC ont réussi la gestion de certaines crises. La CEEAC a joué un rôle prépondérant dans la gestion du dernier conflit centrafricain à travers sa médiation entre la séléka et les milices anti-baraka.. En effet, le forum centrafricain de réconciliation nationale en 2014 à Brazzaville, tenu sous la médiation du Président congolais Sassou Nguesso, les différents sommets extraordinaires et les autres rencontres formelles et informelles dans la sous-région consacrés à la crise que connaissait l’ex Oubangui-Chari sont entre autres des actions à mettre à l’actif de l’entité sous régionale. Cette dynamique proactive de la CEEAC a été d’une portée considérable dans l’issue heureuse que constituent l’accord de cessation des hostilités et l’accord de désarmement des parties prenantes au conflit signés respectivement à Brazzaville et à Bangui en 2015.[5]  Outre la Centrafrique, la CEEAC a aussi mené des médiations, aux résultats mitigés pour tenter de juguler des crises ou différends politiques au cours des dernières années, notamment à Sao-Tomé et Principe (2006) en RDC (2008), et au Tchad (2008-2009), Burundi ( 2015) entre autres.[6]

Afrique de l’Ouest : une dynamique d’intégration volontariste et progressive

Au rebours de l’Afrique Centrale, l’Ouest de l’Afrique connaît un processus d’intégration plus dynamique. La libre circulation des personnes, bien qu’imparfaite au sein de la CEDEAO, est néanmoins opérationnelle. Un citoyen sénégalais n’a pas besoin de visa pour aller au Mali et vice versa; ce sont les textes légaux qui le prévoient.

En outre, la part du commerce intra-régional en proportion des échanges totaux est plus importante en Afrique de l’Ouest qu’en Afrique Centrale. Selon un rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) publié en 2013, au niveau de la CEDEAO cette part est de 10.4% entre 1996 et 2010, 10.9% entre 2001 et 2006 et 9.4% pour la période 2007-2011 alors que pour les mêmes périodes, la part du commerce intra régional en proportion du commerce total au sein de la CEEAC est respectivement de 1.7%, 1.5% et 1.9%.[7] Toutefois, les pays de la CEDEAO devraient continuer à renforcer leurs échanges commerciaux pour booster leurs économies car ces pourcentages sont tout de même hautement négligeables en comparaison à la part du commerce régional au sein des grandes zones économiques comme l’UE, L’ALÉNA ou l’ASEAN. A ce propos, il y a nécessité de promouvoir une plus grande coopération régionale, à l’échelle même du continent. 

L’efficacité de la bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) de la zone UEMOA est aussi un bon indicateur des progrès au niveau de l’intégration en Afrique de l’Ouest. Comme le relève le rapport du cabinet Roland-Berger susmentionné, « Avec une progression de 17,77 %, le BRVM Composite s’est ainsi classé en tête des indices boursiers du continent en 2015. D’ailleurs, des assureurs et des fonds souverains de la CEMAC préfèrent investir sur la place ouest-africaine, relève Roland Berger ».[8]

Sur le plan politique et institutionnel, la CEDEAO, tout comme la CEMAC se sont dotées d’instruments juridiques et de règles communes pour réguler la coopération sous régionale. Il existe une cour de justice de la CEDEAO qui a condamné de nombreux États dans la sous-région, notamment le Togo dans l’affaire du coup d’État manqué de 2009. Il y a également l’adoption d’un protocole au sein de la CEDEAO qui interdit toute réforme importante de la loi électorale dans les six mois qui précèdent la tenue d’une élection présidentielle à défaut d’un accord consensuel.

La CEDEAO s’est aussi illustrée par son rôle de médiateur et par ses interventions militaires lors des différentes crises ouest-africaines. L’ECOMOG (Brigade de surveillance du Cessez-le-feu de la CEDEAO) aussi connu sous le nom de « casques blancs » est intervenue au Libéria mais aussi en Sierra Leone et en Guinée Bissau lors des guerres civiles qui ont secoué ces pays. Plus récemment, la CEDEAO a été sous le feu des projecteurs, du fait de sa médiation à succès en Gambie. Mais elle n’a pas toujours connu la même fortune. Ses médiations en Côte d’Ivoire lors de la crise post-électorale de 2010 ou au Mali lors de la crise qui a suivi le départ du pouvoir du président Amadou Toumani Toure en 2012 ont été pour le moins infructueuses.

Au niveau de la CEEAC, un Conseil de paix et de sécurité de l’Afrique Centrale (COPAX) dont la mission est de prévenir les conflits et maintenir ou rétablir la paix dans la sous-région a été créé. Il y a également une brigade régionale de maintien de la paix (FOMAC).

Il importe, somme toute, que les différentes organisations régionales avancent vers une plus grande intégration communautaire pour limiter un tant soit peu l’extraversion des économies africaines. Plusieurs mesures doivent être prises en ce sens; notamment une diversification de la production, un allègement de la fiscalité, une réduction des barrières douanières et frontalières, le tout porté par une réelle volonté politique de changement.

 

                                                                                                                                                                           Thierry SANTIME

 


[1] La Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), créée en octobre 1983.La Communauté Économique et Monétaire des Etats de l'Afrique Centrale (CEMAC) regroupe 6 pays, à savoir le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale, la République de Centrafrique et le Tchad

 

 

 

 

 

[2] La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO) est une organisation intergouvernementale ouest-africaine créée le 28 mai 1975. L’Union économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) a pour objectif essentiel, l’édification, en Afrique de l’Ouest, d’un espace économique harmonisé et intégré…

 

 

 

 

 

[3] Omer Mbadi et Stéphane Ballong. Jeune Afrique. 2016 « Afrique Centrale : cinq idées pour dynamiser le marché financier ». http://www.jeuneafrique.com/mag/303852/economie/5-idees-dynamiser-marche-financier/

 

 

 

 

 

[4] Embryonnaires en termes de développement financier et industriel et dont l’extraversion tous azimuts- ou presque-confine à une subordination économique vis-à-vis des grandes puissances économiques et des marchés émergents,

 

 

 

 

 

[5] Cyril Bensimon. « À Bangui, la fin troublée du Forum de réconciliation nationale ». Le Monde Afrique. 2015.  http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/05/12/a-bangui-la-fin-troublee-du-forum-de-reconciliation-nationale_4631850_3212.html

 

 

 

 

 

[6] Madeleine Odzolo Modo, « Fiche d’information de l’organisation : CEEAC ». Réseau de recherche sur les opérations de paix de l’Université de Montréal. http://www.operationspaix.net/3-fiche-d-information-de-l-organisation-ceeac.html

 

 

 

 

 

[7] CNUCED. Rapport 2013 sur le développement économique en Afrique. « Commerce intra-africain : libérer le dynamisme du secteur privé », p.18. http://unctad.org/fr/PublicationsLibrary/aldcafrica2013_fr.pdf 

 

 

 

 

 

[8] Omer Mbadi et Stéphane Ballong. Jeune Afrique. 2016 « Afrique Centrale : cinq idées pour dynamiser le marché financier ». http://www.jeuneafrique.com/mag/303852/economie/5-idees-dynamiser-marche-financier/

 

 

 

 

 

L’offensive diplomatique du Tchad en Afrique : Une coûteuse opération

Moussa Faki Mahamat est le nouveau président de la Commission de l’Union Africaine ( UA). Élu au septième tour d’un scrutin serré, cet ancien ministre des affaires étrangères est le fleuron de la diplomatie tchadienne qui en Afrique est, – c’est désormais le moins qu’on puisse dire – incontournable. Mais à quel prix ?

 La puissance militaire comme principal argument diplomatique

On peut penser que l’offensive diplomatique tchadienne a commencé après la chute du régime libyen de Mouammar Kadhafi en 2011 : une place de « gendarme du sahel » – prestigieuse et péjorative – était alors à prendre dans une région en proie à de vives tensions sécuritaires. Le Tchad paraissait avoir les qualités au moins militaires, et un intérêt géopolitique avéré pour jouer ce rôle. En effet, le pays sortait d’une guerre civile avec les rébellions de l’Est (2004-2010), transformée en affrontement avec le Soudan jusqu’à l’accord de paix conclu entre les deux pays en 2010. Ainsi, en bénéficiant d’un partenariat militaire fort (avec la France et l’Ukraine notamment) N’Djamena a fait de ses capacités militaires la plateforme privilégiée du rayonnement de sa diplomatie.

Les capacités et les réussites militaires du pays ont nourri l’argumentaire du candidat tchadien à la présidence de la Commission de l’Union Africaine. En effet, en sa qualité de chef de la diplomatie du Tchad durant une décennie, il a acquis une maîtrise certaine des crises sécuritaires récurrentes en Afrique subsaharienne en participant directement à la résolution de plusieurs d’entre elles.  Aussi, parce que ce péril sécuritaire s’est installé durablement avec une multiplication des attentats perpétrés par les groupes terroristes, parce que le Tchad a démontré sous sa diplomatie, un leadership constant dans la lutte anti-terroriste en prenant la tête de la force mixte de lutte contre le groupe terroriste Boko Haram, l’ancien ministre d’Idriss Deby semble être le candidat idéal pour conduire la présidence de la commission de l’UA. Les résultats fulgurants des armées tchadiennes dans leur engagement contre Boko haram et dans les pays voisins viennent attester cette analyse. Cependant, ce leadership Tchadien sur le terrain de la lutte anti-terroriste sera difficile à assumer tant sur le moyen que sur le long terme.

Un coût économique et social démesuré

Les poudres qui faisaient bondir de victoires en victoires les colonnes tchadiennes n’ont pas mis le feu aux seules poches de résistance des terroristes du Nord du Nigéria. Elles ont aussi flambé les dépenses militaires d’un pays à l’économie déjà modeste, avec plus de 7% du PIB investi dans l’armement en 2015. Or avec la chute des cours du pétrole – représentant plus de 30% du PIB – les effets négatifs causés par les engagements militaires du Tchad pourraient s’intensifier au plan économique et social. L’on en voit déjà la préfiguration avec la grève des fonctionnaires dont les arriérés de salaire représentent désormais 3,9% du PIB non-pétrolier du pays, selon la Banque mondiale. Il faut ajouter à cela un flux grandissant de réfugiés sud-soudanais, centrafricains et nigérians, estimé à 400 000 personnes, soit près de 4% de la population tchadienne ; un climat des affaires plus qu’hésitant – le pays se classe 183e sur 189 dans le rapport Doing Business 2016 sur l’environnement des affaires dans le monde – et une croissance économique réduite de moitié entre 2015 et 2016 selon les données de la Banque africaine de développement. 

La rhétorique sécuritaire structurée et crédible rencontre un écho favorable au sein de la classe dirigeante africaine de plus en plus démunie devant la multiplication des défis sur le continent. Cette rhétorique a contribué à placer la diplomatie tchadienne dans une position centrale dans la politique africaine. Il faut cependant craindre que le coût économique, social et humain des engagements militaires qui légitiment cette position, fasse le lit à une plus grande instabilité sociale et politique pouvant conduire à de nouvelles menaces, y compris sécuritaires à l’intérieur du territoire Tchadien. Le Tchad ne peut dès lors, détenir le monopole du rôle de « gendarme du sahel » ; pas plus qu’aucun autre pays de la région. Il est urgent d’opérationnaliser et de renforcer les mécanismes militaires conjoints mis en place pour lutter contre l’insécurité et pour équilibrer le poids de dépenses militaires désormais prohibitives pour d’aussi petites économies.

                                                                                                                                                                            Claude BIAO