100 jours après, où en est le gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré au Burkina Faso?


JPG_Kaboré190416Roch Marc Christian Kaboré a récemment célébré ses cent premiers jours à la tête du Burkina Faso. Bien qu’il soit encore trop tôt pour faire un véritable bilan de l’action gouvernementale, il semble opportun d’examiner l’avancée des dossiers prioritaires qui attendaient le Président au moment de son élection le 29 novembre 2015, ainsi que les défis auquel il a dû faire face depuis son arrivée à la tête de l’Etat.

Après la transition mouvementée, installée suite à la chute du régime de Blaise Compaoré en 2014, qui fut marquée par des coups d’éclat législatifs (révision controversée du Code électoral, adoption d’un nouveau Code minier et dépénalisation des délits de presse) et par des turbulences politico-militaires culminant avec le coup d’État manqué de septembre 2015, le Président Kaboré a été qualifiée de « président diesel » par l’opposition du fait de l’absence de progrès concrets en réponse aux très fortes attentes de la population en matière de sécurité nationale, de justice, d’emploi et de gouvernance.

La menace terroriste

Quelques jours seulement après que le Président Kaboré ait formé son gouvernement, et avant même que certains ministres n’aient officiellement pris leurs fonctions, la capitale burkinabè était ciblée par une attaque terroriste revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Le carnage du café Cappuccino et de l’hôtel Splendid, au cœur de Ouagadougou le 15 janvier 2016, ont attesté de la vulnérabilité du Burkina face à ce mal qui continue de gangrener la sous-région.

Le gouvernement a dû réagir au pied levé, et la réponse tardive des forces de sécurité sur les lieux de l’attaque a été fortement critiquée. Cela a également été l’occasion pour certains de pointer du doigt le vide laissé par la dissolution du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) en matière de renseignement et de sécurité. Des mesures de coopération régionale ont été annoncées, telles que la mise en place de patrouilles communes entre le Mali et le Burkina le long de leur frontière commune. La France, qui a systématiquement appuyé (sinon mené) les assauts contre les terroristes à Bamako, Ouagadougou et Grand Bassam, a annoncé un renforcement de son soutien, mais au gré d’un grand cafouillage. L’annonce radiophonique par Bernard Cazeneuve, ministre français de l’Intérieur, de l’envoi d’une troupe du GIGN au Burkina Faso, par le biais duquel ‘Roch’ lui-même a appris la nouvelle, a provoqué l’indignation des autorités aussi bien que des réseaux sociaux burkinabè, dénonçant un tel mépris de la part de l’ancienne métropole.

L’attaque de Grand Bassam en Côte d’Ivoire le 13 mars 2016 montre bien que la menace terroriste ne faiblit pas, bien au contraire. Il est donc impératif et urgent pour le gouvernement de renforcer les systèmes de sécurité et de renseignement, sans répéter les erreurs du passé qui ont caractérisé les actions du RSP de Blaise Compaoré.

La « faillite » du système judiciaire et sécuritaire

Au niveau judiciaire, la transition avait relancé des dossiers longtemps portés en symbole par les acteurs de la lutte contre l’impunité, en particulier ceux concernant la mort du journaliste Norbert Zongo et de l’ancien président Thomas Sankara. Des promesses avaient été faites également concernant les martyrs de l’insurrection d’octobre 2014 et du coup d’état manqué de septembre 2015. Concernant ces dernières affaires, plusieurs personnes, dont des politiciens proches de Compaoré et des militaires de l’ex-RSP avaient été mis en examen. Mais depuis la fin de la transition, il n’y a pas eu progrès visible dans l’instruction de ces dossiers. Au contraire, quatre personnes incarcérées, dont deux journalistes, ont bénéficié d’une libération provisoire, tandis que le gel des avoirs d’individus et partis politiques mis en cause vient d’être levé. Ces éléments suscitent des désillusions quant aux promesses d’en finir avec l’impunité faites depuis la transition.  

Au-delà des dossiers les plus médiatiques, c’est tout l’appareil judiciaire qui est en grand besoin de réforme. Alors que celui-ci semble incapable de résoudre pacifiquement les tensions croissantes entre agriculteurs et éleveurs dans la zone frontalière avec la Côte d’Ivoire, des milices rurales se font justice elles-mêmes à travers le pays, exaspérées par l’inefficacité, la corruption et le manque de ressources des forces de sécurité. Ces « koglweogo » (« gardien de la brousse » en mooré) arrêtent et font le procès de personnes accusées de vol de bétail ou d’autres méfaits, sans respecter les lois en vigueur ni les droits humains. Ces abus, inhérent à l’absence de cadre légal régulant leur action, ont mené à des confrontations avec les forces de sécurité, remettant de fait en cause le monopole de la violence dont l’État est censé disposer. Simon Compaoré, ministre de la Sécurité intérieure, a reconnu que l’État n’est pas en mesure de réprimer ces initiatives populaires compte tenu des moyens matériels et humains limités dont disposent les forces de sécurité, et a donc ouvert la porte à leur reconnaissance et encadrement.

Le défi récurrent de l’emploi

Comme pour ses prédécesseurs et ses pairs de la sous-région, l’un des défis majeurs du Président Kaboré est l’emploi. Le chômage et le manque de perspectives économiques est un des éléments principaux qui ont alimenté la grogne populaire – en particulier parmi les jeunes – contre Blaise Compaoré en 2014. L’oisiveté et l’insécurité financière sont un terreau fertile des mobilisations populaires, mais aussi de la criminalité et de la radicalisation.

Face à ce défi crucial, les mesures annoncées par le gouvernement semblent très insuffisantes et n’ont pas encore eu de retombées concrètes pour la population. L’annonce du recrutement de 30.000 personnes par l’administration et les collectivités territoriales n’a pas convaincu les organisations de la société civile, telles que le Balai Citoyen qui, bien qu’appréciant cette initiative, a rappelé que le règlement du problème de l’emploi passera par « un investissement conséquent dans les secteurs productifs comme l’agriculture, l’élevage, l’artisanat et par le développement des PME-PMI ».

Une nouvelle république pour « tourner définitivement la page Compaoré »

Réclamée lors de la transition pour en finir avec le régime de Compaoré, Roch avait fait de l’élaboration d’une nouvelle constitution et le passage à une Cinquième République une promesse de campagne. Le 16 mars dernier, le gouvernement a lancé la manœuvre en adoptant un décret portant création d’une commission constitutionnelle chargée d’élaborer un avant-projet de constitution dans les 60 jours. Bien que le contenu précis du projet demeure flou, il est à prévoir que la nouvelle constitution entérine la limitation des mandats présidentiels à deux, et adopte un rééquilibrage des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. Mais cette annonce n’a pour l’instant pas été suivie d’effet – les membres de cette commission n’ont même pas été nommés jusqu’à présent. Il reste donc à voir comment se déroulera le processus et à quoi ressemblera vraiment la nouvelle constitution.

Comme nous avons pu le voir, les « 100 jours » du gouvernement ont été l’occasion d’une grand-messe générale, chacun émettant son avis parmi le gouvernement, l’opposition et la société civile. Dans la continuité de l’observation domestique des élections de 2015, qui avait fortement contribué au succès du scrutin, un « présimètre » a été lancé pour permettre une évaluation citoyenne de l’action du Président et de son équipe. Cette initiative, déjà expérimentée au Sénégal, combine l’utilisation de TIC et de sondages plus traditionnels (radio, SMS…) et ouvre des espaces de dialogue et de débats démocratiques.

Il y a 100 jours, la Transition recevait des éloges de toutes parts et « Roch » bénéficiait de l’optimisme de la population et de la dynamique suscitée par sa victoire. Aujourd’hui, l’image de la transition a été éclaboussée par l’irruption de scandales salissant ses figures-clés comme le Général Isaac Zida. Par ailleurs, les mesures-phares prises par la Transition pour insuffler un réel changement au Burkina Faso (Code minier, progrès des affaires judiciaires…) se dissipent du fait de l’inaction du nouveau gouvernement. L’inquiétude que le changement promis durant la campagne n’était qu’un leurre est croissante, et bien qu’il soit encore trop tôt pour féliciter ou condamner le Président Kaboré, et qu’il soit important de garder à l’esprit la démesure des attentes à son encontre et l’immensité des obstacles sur son chemin, il se doit maintenant d’accélérer la cadence pour être à la hauteur de son mandat.

Eloise Bertrand

Elections au Burkina Faso : un exemple de transparence et d’efficacité.

Cette contribution est une version traduite et mise à jour d’un article originalement publié en anglais par African Arguments.

JPG_BurkinaElections3Le 29 novembre, le peuple du Burkina Faso s’est rendu aux urnes pour élire leur prochain président et leurs députés. Roch Marc Christian Kaboré du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP) a été officiellement déclaré vainqueur de l’élection présidentielle le 1er décembre, ayant obtenu 53,49% des voix. Son poursuivant, Zéphirin Diabré de l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC), a reconnu sa défaite sur Twitter avant de féliciter Kaboré en personne. Les résultats des élections législatives ont été dévoilés le lendemain, donnant une majorité simple au président élu.

Comme plusieurs fois durant l’année précédente, le Burkina Faso s’est dressé en exemple éclatant dans une région où les irrégularités, les allégations de fraude et la violence électorale émaillent régulièrement les scrutins. Un an après qu’une insurrection populaire ait empêché l’ancien président Blaise Compaoré de supprimer la clause constitutionnelle limitant le nombre de mandats – une mobilisation qui a inspiré d’autres mouvements sur le continent – et seulement quelques semaines après que la société civile, des soldats de rang, et des manifestants de tous les coins du pays aient empêché une tentative de coup d’État de la garde présidentielle, la conduite exemplaire des élections renforce l’idée que le Burkina Faso mérite son nom de « pays des hommes intègres ».

Ces élections ont été historiques car elles concluent la transition politique mise en place après la démission de Compaoré en 2014 et parce que, pour la première fois en presque 30 ans, le nom de Compaoré n’apparaissaient pas sur les bulletins de vote. Cela signifie des enjeux inégalés pour les élections les plus ouvertes depuis des décennies, et une responsabilité immense reposait donc sur les épaules de la commission électorale (CENI) pour assurer la conduite irréprochable du scrutin.

Juste avant les élections, de nombreuses personnes semblaient confiants que celles-ci seraient transparentes, mais d’autres avaient des doutes. « On dirait qu’ils soutiennent le MPP » a déclaré un électeur à un meeting de l’UPC à Ouagadougou, en parlant des autorités de la transition et de la CENI. Cependant, en partie grâce à la mobilisation massive d’activistes et à une série de mesures prises par la CENI pour garantir l’efficacité et la transparence, les élections se sont déroulées dans le calme et tous les observateurs ont loué la conduite du scrutin.

Une observation minutieuse du processus électoral

Les élections au Burkina Faso ont attiré des missions d’observations de multiples organisations internationales, telles que l’Union européenne et l’organisation régionale ouest-africaine de la CEDEAO. Mais les membres de la société civile burkinabè se sont également saisis de cette affaire de façon cruciale. A de nombreux bureaux de vote, des petits groupes d’électeurs restaient après avoir mis leurs bulletins dans les urnes pour observer par eux-mêmes que le processus était transparent. Le Balai Citoyen, un mouvement de la société civile ayant joué un rôle clé dans la mobilisation anti-Compaoré, avait en effet appelé ses militants à agir ainsi dans le cadre d’une campagne intitulée « Je vote et je reste ».

De manière plus formelle, 35 organisations de la société civile se sont rassemblées en juillet pour former la Convention des organisations de la société civile pour l’observation domestique des élections (CODEL), une alliance visant à mettre en œuvre une « observation harmonisée, proactive et civique » du processus électoral. Forte de son expérience en la matière au Sénégal, au Mali et en Sierra Léone, l’ONG londonienne OneWorld a travaillé avec la CODEL pour mettre en place un système impliquant 6 000 observateurs déployés à travers 1 490 bureaux de votes. Ces individus pouvaient alors transmettre des données par SMS à la ‘situation room’ de Ouagadougou, leurs analyses nourrissant alors une plateforme publique. « C’est un devoir patriotique en tant que citoyen » explique un observateur déployé dans un bureau de vote de la capitale. Mamadi, un des superviseurs travaillant depuis la ‘situation room’, lui fait écho, ajoutant : « c’est une cause nationale. Il faut que chacun y mette du sien pour avoir des élections apaisées et acceptées par tous. »

Le jour des élections, des rapports d’observation transmis à la ‘situation room’ ont permis au personnel de la CODEL d’identifier les incidents et d’en alerter la commission électorale. La CODEL a noté plus de 30 incidents majeurs qui ont alors pu être résolus en partenariat avec la CENI. Selon les données de la CODEL, 99% des bureaux de vote avaient ouvert à l’heure ou moins d’une heure après l’ouverture programmée, et 91% étaient correctement équipés avec tout le matériel requis. Malgré quelques soucis logistiques inévitables, tels que des bureaux de vote ayant ouvert tardivement à cause du manque de personnel ou de matériel, ou des électeurs ayant des difficultés à trouver leur bureau de vote, l’organisation du scrutin a été unanimement applaudie par les observateurs.

Une collecte efficace des résultats

Pour réduire les risques de contestation, la CENI avait promis de communiquer les résultats des élections présidentielles 24 heures après le vote au plus tard, une tâche particulièrement difficile dans un pays où un fort analphabétisme et un manque d’électricité rendent le dépouillement difficile. 

Les résultats ont d’abord été compilés au niveau communal, puis consolidés nationalement à travers une plateforme électronique. Les premières estimations étaient disponibles seulement 12 heures après la fermeture des derniers bureaux de vote et étaient mis à jour régulièrement durant la journée jusqu’à la proclamation officielle des résultats provisoires peu après minuit. La CODEL avait également mis en place un système de comptage parallèle des voix basé sur un échantillon représentatif de 251 bureaux de vote, qui a permis de montrer une corrélation avec les résultats de la CENI. De plus, certains partis comme le MPP, qui disposaient également de délégués dans tous les bureaux de votes pour observer le processus, avaient leur propre système en place pour obtenir les résultats.

Le recours à ces méthodes diverses et indépendantes pour surveiller le dépouillement ont garanti des résultats crédibles tandis que les efforts fournis avant les élections pour informer les partis politiques, la société civile et les médias à propos du processus mis en place par la CODEL ont contribué à ce que les citoyens aient confiance en la conduite des élections. Une fois les résultats proclamés, les électeurs ont rapidement accepté l’issue du scrutin. « Je suis très fier car j’ai grandi durant le régime de Compaoré et c’est la première fois que je vois des élections qui sont réellement transparentes » a déclaré un jeune homme soutenant le MPP. Parallèlement, même ceux qui espéraient un autre résultat semblaient satisfaits du processus. « Je ne suis pas trop déçu ; le vote a été transparent et notre leader a accepté les résultats, donc ça va » a déclaré un électeur de l’UPC.

Le président-élu Kaboré, qui sera investi le 29 décembre, devra respecter ses promesses sans tarder pour montrer qu’il peut apporter un réel changement dans le pays malgré son association passée avec le régime de Compaoré. Si l’ancien premier ministre de Compaoré n’en est pas capable, la « Place de la Révolution » – le point de ralliement des manifestants dans le centre de Ouagadougou – sera de nouveau pleine, ont prévenu les activistes. Mais au moins, Kaboré n’aura pas besoin de s’inquiéter d’allégations de fraude ou de suspicions concernant la légitimité de son arrivée au pouvoir, et cela grâce à la conduite transparente des élections. Même si tous les Burkinabè n’ont pas obtenu le résultat qu’ils souhaitaient, les élections ont été acceptées et la transition politique se termine sur une note positive grâce aux efforts de la CENI, la CODEL et des observateurs internationaux comme domestiques.

« Nous arborons un large sourire, nous poussons des soupirs de soulagement » a déclaré le Président de la CODEL Halidou Ouédraogo. Après des mois de préparation et quelques jours mouvementés, il en a bien le droit.

Elections au Burkina Faso : Que doit-on retenir ?

JPG_BurkinaElections3Le Burkina Faso a vécu dimanche 29 novembre des élections qualifiées « d’historiques » mettant un terme à la transition politique instaurée en octobre 2014 suite au départ de Blaise Compaoré (1987-2014), poussé vers la sortie par la pression populaire. Ces élections présidentielles et législatives étaient attendues par la communauté internationale, qui y voyait la promesse d’un retour à l’ordre constitutionnel et de l’avènement d’une vraie démocratie, mais aussi par les Burkinabè, déterminés à faire entendre leur voix. Mais que faut-il retenir de ces élections ?

Un scrutin mobilisateur, transparent et apaisé

Tout d’abord, il faut noter un engouement particulier pour un scrutin d’un genre nouveau. Pour la première fois depuis le début des années 1990, le nom de Blaise Compaoré n’apparaissait pas sur les bulletins – déjà un grand changement dans un pays où plus de 70% de la population a moins de 30 ans et n’avait donc jamais connu un autre Président. « Franchement, je n’avais pas voté depuis longtemps. Mais là tout le monde est mobilisé pour participer » témoigne un électeur, en montrant fièrement son doigt teinté d’encre, preuve qu’il a mis son bulletin dans l’urne.  Il n’aura pas été le seul à montrer plus d’intérêt pour ces élections que par le passé : la commission électorale avait annoncé que les listes électorales comptaient 27% d’inscrits de plus qu’en 2012 suite à la campagne exceptionnelle d’enregistrement menée entre mars et mai 2015, tandis que le taux de participation s’est élevé à 60%.

Ensuite, des avancées notoires sont à saluer aussi bien dans le déroulement de la campagne que dans l’organisation logistique du scrutin. L’interdiction de gadgets (T-shirts, pagnes, etc.) et sa couverture médiatique équitable et professionnelle ont permis d’établir un climat apaisé laissant la possibilité à tous les candidats de présenter leur programme. La non-limitation des dépenses de campagnes a toutefois favorisé les candidats et partis disposant de ressources qui pouvaient ainsi parcourir le pays et recouvrir les rues de leurs affiches, au détriment des petits partis et groupements indépendants aux moyens plus limités. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a également mis en œuvre de nombreux moyens pour assurer un déroulement optimal le jour du vote, un dépouillement transparent, et une proclamation rapide des résultats. Malgré quelques problèmes logistiques dimanche – certains bureaux ont ouvert en retard par manque de matériel ou de personnel notamment – ces incidents sont restés ponctuels et ont dans l’ensemble trouvé des solutions rapidement. Selon la CODEL, la structure de la société civile pour l’observation domestique des élections, 99% des bureaux de vote étaient ouvert à 7h (soit une heure après l’heure prévue).

Cette bonne organisation et les gages de transparences, le professionnalisme des médias et la retenue des candidats qui ont tous appelé leurs militants à accepter les résultats ont permis des élections « pacifiées » et l’absence de contestation par la rue de ce qui est ressorti des urnes, comme l’illustre un électeur de Zéphirin Diabré, candidat malheureux de la présidentielle : « Je ne suis pas trop déçu. Le vote a été transparent et notre chef a accepté les résultats donc ça va ». Cela a démontré, encore une fois, l’attachement des Burkinabè à la paix.

Un vote « utile » et des valeurs sûres

JPG_BurkinaElections1Les résultats des élections présidentielles montrent que les Burkinabè ont choisi de voter « utile », c’est-à-dire de voter dès le premier tour pour l’un des deux candidats favoris. Alors que de nombreux analystes prédisaient un second tour, et s’attendaient à ce qu’une poignée de candidats puissent se positionner en « faiseurs de rois », Roch Marc Christian Kaboré du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP) a été élu dès le premier tour avec 53,49% des voix, tandis que Zéphirin Diabré de l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC) a rassemblé 29,65% des suffrages. Tahirou Barry, en troisième place, est loin derrière et obtient à peine plus de 3% des voix, tandis que les onze autres candidats oscillent entre 0,26% et 2,77%.

L’élection confortable de ‘Roch’, pourtant un cacique du régime Compaoré jusqu’à son revirement en janvier 2014, pourrait surprendre à peine un an après l’insurrection populaire qui a balayé ce régime et réclamé le changement. Mais son expérience au sein du système Compaoré lui a plutôt été favorable, les électeurs voyant ainsi en lui le seul candidat ayant les capacités de gérer les affaires du pays. En quittant le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), le parti de Blaise Compaoré, il a emmené avec lui d’autres figures de proue comme Salif Diallo et l’ancien maire de Ouagadougou Simon Compaoré, ainsi qu’un nombre important de militants. A la chute du régime, il a pu bénéficier de réseaux importants à travers le pays, en particulier en milieu rural, et nombreux sont les votants du CDP qui ont rejoint le parti s’en rapprochant le plus, de par son idéologie ou son personnel politique. 

Bien qu’élu par « un coup-KO » aux présidentielles, Roch ne dispose toutefois pas d’une majorité absolue à l’Assemblée Nationale. Les résultats provisoires présentés par la CENI donnent 55 sièges sur 127 au MPP, tandis que l’UPC en obtient 33. Le CDP ne s’en sort pas mal, se positionnant comme troisième force avec 18 députés, pouvant ainsi peser dans les débats politiques. L’UNIR-PS, le parti sankariste de Maitre Bénéwendé Sankara, a obtenu cinq sièges tandis que dix autres partis se partagent les 15 sièges restants. Roch aura donc besoin de créer des alliances pour gouverner et mettre en œuvre son programme, et d’autant plus pour élaborer une nouvelle Constitution comme il l’a promis, pour laquelle il aura besoin du soutien des deux-tiers du parlement. L’Assemblée nationale pourrait donc être le théâtre de débats politiques, permettant ainsi l’émergence d’une opposition crédible et la recherche de consensus, loin de la chambre d’enregistrement du gouvernement qu’elle représentait sous Compaoré.

Et maintenant ?

La nouvelle équipe doit prendre les rênes dans les prochaines semaines, et la tâche qui les attend n’est pas mince. Les attentes de la population sont immenses, en particulier en matière d’emploi, d’amélioration des conditions de vie, et de bonne gouvernance. Roch n’aura pas le droit à un état de grâce, et le peuple est désormais aux aguets pour surveiller les actions de ses dirigeants. Un de ses électeurs a été clair : « S’ils ne respectent pas leurs promesses, la place de la Révolution sera encore pleine ! ».

Eloïse Bertrand