Comment améliorer la participation des acteurs africains à la révolution énergétique ?

S’il n’est plus à démontrer les enjeux de l’accès à l’électricité durable et compétitive pour tous en Afrique subsaharienne, il est indispensable de toujours souligner que l’électricité demeure avant tout un outil de réduction des inégalités de base, sociale et économique. Les nombreux enjeux autour de l’électrification du continent africain nous interpellent sur un certain nombre de points sur lesquels nous proposons à travers ce billet de murir la réflexion.

  • La question du capital africain

D’après le GOGLA[1], environ 4 millions de solutions solaires ont été distribuées dans le monde au premier semestre 2017, impactant plus de 120 millions de personnes dans le monde, et représentant un chiffre d’affaires d’environ 96 millions USD, soit plus de 50 milliards de FCFA. De façon spécifique, l’Afrique subsaharienne, où près de 600 millions sont concernées représente la moitié de ce portefeuille en termes de ventes et de revenues. Ces chiffres mettent en avant un fait : La révolution énergétique du continent est déjà en marche. Ces initiatives sont pour la plupart financées par des capitaux privés et non des programmes publics et institutionnels classiques.

Quel que soit le modèle d’affaires de ces compagnies (cash ou PAYG[2]), les revenues de ses activités émanent des bénéficiaires eux même, quand bien même il peut exister des subventions et appuis en tout genre[3]. En conséquence, dans un environnement où la Responsabilité Sociétale et Environnementale et le Local Content sont de plus en plus défendues, il revient donc de s’interroger sur la structure du financement. Le constat est que plus de 80% des compagnies les plus actives sur le continent n’ont pas un capital africain mais plutôt américain, européen et/ou asiatique. En somme, l’électrification du continent revêt plus un enjeu financier et économique mondial, dans le contexte actuel. Nous proposons dans ce billet quelques pistes de réflexion pour permettre au continent de relever les défis de son électrification.

  • L’accès à l’information et la promotion des initiatives des start-ups

Compte tenu des enjeux sociaux et climatiques, il existe de plus en plus de fonds d’impact et d’investissement destinés à la mitigation de ces défis. Ces opportunités financières sont nivelées en différentes catégories qui vont des donneurs à du financement de dette senior.

Les quelques chiffres disponiblesmontrent que très peu de compagnies africaines sont visibles dans ces canaux d’investissement ; non pas uniquement pour une question de bancabilité mais par asymétrie d’informations. En effet, il existe très peu de canaux officiels recensés pour disséminer les opportunités mondiales qui sont disponibles ; une situation exacerbée par le  les faibles taux de couverture d’internet et d’électricité dans les pays africains. D’après GSMA, environ 35% de la population africaine a un accès imminent à la téléphonie mobile de type smartphone. Quand bien même les plus grandes plateformes de réseaux sociaux[5] développent des contenus allégés pour l’Afrique, il est capital de réduire les coûts d’accès des données et aux infrastructures.

Aussi, le succès des start-ups occidentales résident le plus souvent dans l’existence de « Call For Projects » ou de « Grants » disponibles qui sont des opportunités de financement accessibles en soutien des projets naissants. Elles ont un double intérêt dans la mesure où elles permettent de traquer les meilleurs projets sans dépenser des montants faramineux en R&D[6], ou pour promouvoir un savoir-faire local. A l’échelle de la Zone B de l’Afrique de l’Ouest[7], la balance est très déséquilibrée entre les dons locaux et internationaux[8]. En conséquence, il est indispensable pour nos instances sous régionales d’appuyer à travers des financements attractifs et accessibles pour la consolidation d’un réel cocon d’opportunités et d’acteurs innovant à l’image des Labs ouest africain de Dakar, Lomé et Cotonou, ainsi que des opporunités telles que le Energy Génération animées de jeunes togolais.

  • Des indicateurs afro-responsables

L’accompagnement des institutions et gouvernements est plus que nécessaire pour la viabilité et la pérennité des initiatives locales. . Pour ce faire, il est important pour ces derniers d’avoir une vision structurée sur les enjeux et les défis à relever. Au-delà du critère universel d’accès pour tous à l’électricité, il faut définir de nouveaux indicateurs de performance socio-économique aux échelles micro et macroéconomique. Au titre de ces exemples, nous pouvons citer le nombre de personnes impactées pour justifier l’atteinte des Objectifs du Développement Durable pour augmenter les chances d’accès à davantage de financement d’impacts, le nombre de sociétés crées dans les filières pour mettre en place les politiques fiscales et commerciales en faveur de l’employabilité, la part de projets sous régionaux cofinancés[9] pour parler en termes du commerce intra-région sous l’aval des institutions cadres (UEMOA, CEDAO, CEMAC, etc.…), etc. Ces nouveaux KPI que nous jugeons afro-responsables sont à la fois des critères de performance et de défis aux échelles nationale et sous régionale dans la mise en œuvre des multiples politiques publiques d’intégration et de développement.

  • Oui au protectionnisme panafricain !

Enfin, dans une Afrique où les taux de collecte fiscale sont relativement faibles, la crédibilité et la viabilité des Budgets des Etats hors IDE[10] dépend principalement de leur revenu disponible. Au regard de la part importante de l’économie dite informelle, l’amélioration des taux de collecte passe par des assiettes et des abattements de plus en plus larges. A contrario des grands projets miniers et d’infrastructures où les MoU[11] couvrent des facilitations et exonérations pendant les périodes d’exploitation, les enjeux microéconomiques des solutions développées pour le secteur de l’électricité imposent aux Etats d’avoir des structures de collecte adaptées à chaque niveau d’opérations. Exonérer le marché solaire revient de facto à intensifier l’extraction des ressources hors du continent car la majorité des sociétés n’ont pas du capital africain et plus de 99% des produits consommés n’y sont pas produits : Il s’agit avant tout d’un enjeu de stratégie et de développement.

Pour terminer, il n’est pas inutile de rappeler que dans les années 50, au nom du National & Patrioct Act, les USA ont labellisé et normés le marché fluvial pour favoriser les compagnies américaines les domaines de l’acier et du container. Dans les années 2000, l’Union Européenne a imposé des taxes pour décourager l’entrée sur le marché commun des modules fabriqués en Asie et en Chine particulièrement. Encore plus récemment aux USA, le leader européen de l’aéronautique Airbus a racheté la filiale CS de Bombardier, leader canadien du même domaine face aux mesures du Président Trump pour l’assemblage des appareils sur les chaines d’Airbus aux USA ; créant donc des emplois et de la croissance à l’économie américaine. Tout au même moment sur le marché africain, au Sénégal, la société Nadji –Bi développe et conçoit au niveau local des produits solaires certifiés Lighting Africa.   Au Bénin, des inventeurs, jumeaux ont conçu un foyer amélioré fiable et compétitif prêt à l’export qui promeut aussi bien des composants solaires importés et assemblés localement, ainsi que les résidus de palmier traditionnel. Enfin, au Togo, sous l’égide du Feu Président Tall, la SABER-ABREC, institution panafricaine conçoit finance, développe des projets d’impact avec l’appui de la CEDEAO et de l’UEMOA en faisant la promotion de groupements sous régionaux et internationaux.

Leomick SINSIN

[1] Global Off Grid Lighting Association

[2] Pay As You Go

[3] EnDeV de la GIZ, DFID, SNV est un programme de subvention des produits à des taux préférentiels

[4] https://www.usaid.gov/news-information/press-releases/oct-25-2017-usaid-announces-63-million-awards-bolster-sub-saharan-africas-grid

[5] Facebook, Whatsapp, Twitter, Google

[6] Recherche & Développer

[7] Côte Ivoire, Mali, Niger, Burkina, Togo, Benin, Ghana, Nigeria

[8] En Grant international, nous avons recensés ceux des organismes de développement (AFD, USAID), des Banques et Telco (Orange, SGB, etc.). S’agissant des sous régionaux et nationaux, nous avons rencensés particulièrement ceux du Nigéria (Dangote, TEFUN, et récemment de banques locales (Ecobank). Cette liste est loin d’être exhaustive.

[9] à l’instar du PRODERE de la Commission de l’UEMOA

[10] Investissement Direct de l’Etranger

[11] Memorandum Of Understanding

Développement de l’énergie en Afrique : quel espoir au delà de la médiatisation ?

energies-renouvelables-scandale-financierQuelle que soit sa source, l’électricité est l’un des piliers de la compétitivité et de la prospérité partagée d’un pays. Revenu au cœur des débats publics, l’accès pour tous à l’énergie est devenu la marque de fabrique de multiples organismes institutionnels, gouvernements et fonds d’investissement compte tenu de la place que tendent à occuper les énergies renouvelables. Rappelons-nous qu’en 2013, le président des Etats Unis d’Amérique a annoncé la réalisation du mégalodron « Power Africa » qui consisterait en la concentration de 7 milliards de dollars USD dans l’installation de 10 000 MW supplémentaires pour connecter 20 millions de foyers et entreprises. En ce début d’année, le ministre français, Jean Louis Borloo était sous les feux des projecteurs pour présenter son plan Marshall qui vise à électrifier toute l’Afrique en dix années à hauteur d’un investissement de 200 milliards d’euros. Bien que ces initiatives soient louables, leur concrétisation et impact peuvent s’analyser de deux façons différentes :   d’une part, par le biais d’une nouvelle forme d’aides au développement dont l’action est davantage centrée autour de secteurs porteurs de richesses ou susceptibles d’affecter plus fortement la population  ; d’autre part, comme une opportunité à saisir par des multi nationales conscientes de l’amélioration du climat des affaires de nombreux pays du continent africain. Garants de l’afro responsabilité, nous avons décidé d’approcher sous trois angles différents cette médiatisation énergétique.

Une question pertinente, mais pas forcément prise sous le bon angle

Plusieurs articles de L’Afrique des Idées ont traité la question de l’énergie en général et de l’accès à l’énergie électrique de façon spécifique.  Malgré les multiples solutions qui existent de nos jours, les principaux obstacles au développement de la filière peuvent se résumer autour des trois points à savoir : (i) l’absence d’un cadre réglementaire propice au climat des affaires et en particulier dans un secteur où la rentabilité s’accorde sur le très long terme[1] ; (ii) la part importante des subventions qui semblent ne profiter qu’aux ménages les plus aisés[2] et (iii) la pérennité des projets par le coût d’accès abordable et durable[3] compte tenu du pouvoir d’achat. La question de l’énergie en Afrique semble donc plus corrélée au climat des affaires et aux disponibilités à payer des clients finaux hors subventions plutôt qu’à la question de capital-investissement qui est l’approche des initiatives évoquées ci-dessus.

Pourtant, plusieurs initiatives locales et sous régionales existent

A l’instar des espaces économiques, il existe aussi des pôles sous régionaux d’électricité (WAPP, EAPP, SAPP, etc..). Ces « Regional Power Pool » militent en faveur de l’intégration régionale. Il s’agira à long terme de créer des autoroutes de transport et de distribution de l’énergie produite. La complexité de la question du stockage jumelée à celle de l’intermittence des énergies nouvelles obligeront les parcs de production à se synchroniser en permanence pour répondre aux besoins de consommation, qui eux sont peu flexibles et ne cessent de s’accroitre.

En ce qui concerne l’électrification des zones rurales, il existe une institution baptisée « Club ER[4] » qui regroupe les agences et structures africaines en charge de l’accès à l’électricité en zone rurale. Basée à Abidjan depuis moins d’un an, le Club ER est une synergie des retours d’expérience des pays membres pour renforcer les institutions et le personnel par des solutions locales. Appuyée par l’Union Européenne pour sa première phase, l’institution est emmenée à voler de ses propres ailes dans les années à venir.

Un continent tourné vers lui-même et vers l’avenir et qui ne fait qu’écrire son Histoire

Dans une Afrique réputée pour son hétérogénéité, l’harmonisation des espaces régionaux a aussi accéléré la mise en œuvre des politiques énergétiques. A l’Ouest, la Commission de l’Union Monétaire Ouest Africaine finance depuis trois ans le Projet Régional de Développement des Energies Renouvelables et de l’Efficacité à hauteur de 20 millions d’euros dans sa phase pilote pour inciter les gouvernements à investir dans les énergies nouvelles. A l’Est, le Kenya et l’Ethiopie renforcent leur interconnexion pour combiner l’énorme parc géothermique et hydraulique en cours de construction. Au Centre, le projet Inga est encore à l’étude. Au Sud et au Nord, le travail a déjà été accompli, quand bien même la diversification des sources de production redéfinit la gestion du secteur. L’Afrique du Sud vient de lancer un Dossier d’Appel d’Offres de 500 MW supplémentaires.

Loin des projecteurs, le secteur de l’énergie en Afrique fourmille d’idées et de projets. Jean Raspail disait « que dans la guerre des ondes, le commentaire masque toujours l’événement[5] ». L’espoir est en déclin car si on ne veut se voir imposer des choix, nous devons être capables d’écrire notre avenir. C’est en cela que l’Afrique marque une révolution formidable car elle brûle certaines étapes ; elle mise autant sur le stockage et les réseaux intelligents sans passer par une industrie centralisée. Dangote souhaite diversifier ses investissements en signant un partenariat avec General Electric, pionnier dans la fabrication de turbines. Le groupe souhaite aussi faire de ses cimenteries des centrales à cycle combiné qui produiraient à la fois de l’électricité et de la chaleur en sus du ciment.

Enfin, l’espoir est en déclin parce qu’il ne s’agira pas simplement d’électrifier le continent. Il faudra garantir une énergie accessible à la masse dans un environnement où plusieurs centres d’accouchement n’ont qu’une bougie ou un téléphone portable pour s’éclairer, de multiples commerces, des hôpitaux et même des morgues ne peuvent respecter la chaine du froid faute d’une continuité de l’électricité, un avion en cours d’atterrissage est victime du délestage de l’aéroport ; ou simplement  ce pénalty d’une phase finale de coupe du monde écourté… C’est en cela que subsistent les défis de l’Afrique que nous voulons.[6]

Léomick Sinsin


[1] Le dilemme de l’électrification rurale

 

 

 

 

 

[2] Les subventions à l’énergie sont elles nécessaires ?

 

 

 

 

 

[3] Quelles sont les énergies les moins chères ?

 

 

 

 

 

[5] Le camp des saints, Jean Raspail

[6] http://terangaweb.com/lafriquequenousvoulons-2/

 

 

 

 

 

Un cas d’école d’afro-responsabilité dans le secteur de l’énergie : La SABER

image_energie-renouvelableLomé bénéficie d’une position géographique très avantageuse. A mi-chemin entre la pointe ouest du continent et le delta du Niger, la capitale togolaise relie aisément les autres régions du continent grâce à un réseau aérien en forte expansion. Elle accueille notamment un complexe des institutions sous régionales.  Au 9ème étage du bâtiment de la Banque d’Investissement de la Commission Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, sont installés les locaux de la Société Africaine des Biocarburants et des Energies Renouvelables (SABER). Sous l’égide de son président Directeur Général Thierno Bocar Tall, la SABER se veut le bras du déploiement opérationnel des énergies renouvelables en Afrique pour les décennies à venir. En quoi peut-elle être porteuse d’initiatives capables de faire face aux défis énergétiques ?

Cet article s’inscrit dans le cadre de la préparation du Forum International Green Business qui sera organisé à Pointe Noire du 17 au 19 mai 2016.

La SABER en quelques mots

La SABER est une institution internationale dont le capital est détenu par quinze Etats africains [i]et six institutions financières[ii]. L’institution est- un modèle de réussite de Partenariat Public-Privé (PPP) grâce à une étroite collaboration entre  Etats et bailleurs de fonds africains. Avec des capacités de production très réduites, la plupart des pays subsahariens sont victimes du coût de revient de l’énergie produite et d’un taux de disponibilité très bas de leur parc de production qui est le plus souvent dominé par des centrales thermiques.  Quelques-uns  comme la Guinée et le Congo qui sont dotés d’un potentiel hydraulique élevé, n’arrivent pas à en jouir compte tenu des ressources techniques et humaines nécessaires et de la difficulté à structurer le financement.

L’objectif de la SABER est donc de promouvoir et de financer les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique dans ses pays d’action, tout en favorisant le transfert de technologie. Et cela pour contribuer à la naissance d’un secteur industriel africain dans le domaine des Technologies de l’information et de la communication (TIC) et de l’énergie.

Une expérience consolidée

Depuis 2013, la SABER a signé un protocole d’accords avec la commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA)  qui lui délègue la maîtrise d’ouvrage  pour la mise en œuvre du Programme Régional du Développement Durable et de l’Efficacité Energétique(PRODERE). D’un portefeuille d’environ 20 milliards de Francs CFA, le PRODERE décline  la Politique Energétique Commune des Etats-membres de l’UEMOA. Il s’agit d’un programme pilote visant à stimuler l’investissement  dans les énergies propres. La SABER, bras technique de l’UEMOA, accompagne chaque Etat dans la mise en œuvre du programme.  Elle capitalise  les bonnes pratiques au niveau local et national en vue d’harmoniser le secteur des énergies renouvelables à l’échelle régionale. Ainsi, le PRODERE a permis d’installer des milliers de lampadaires solaires, des lampes à basse consommation, des adductions d’eau villageoise, des kits solaires et des mini-centrales. Grâce à l’expérience accumulée par  PRODERE, le Togo a emboité le pas de l’UEMOA en mettant sur pied un projet gouvernemental d’installation de 13 000 lampadaires solaires. De même,  le Bénin a mis en place le PROVES[iii] qui vise à l’installation de 15 000 lampadaires solaires et  105 mini-centrales solaires et adduction d’eau afin de viabiliser les chefs-lieux d’arrondissement non encore électrifiés.

Plusieurs autres programmes foisonnent comme la construction de centrales solaires, ou encore la gestion du Fonds Africain pour les Energies Renouvelables (FAER). Riche d’un portefeuille de plusieurs milliards de dollars, il s’agit de structurer le financement en vue de soutenir les initiatives bancables, dans la mesure où le secteur des énergies en Afrique subsaharienne a le vent en poupe.

Plusieurs Etats et partenaires techniques se manifestent donc, afin de bénéficier de l’expérience technique et financière de la SABER.

L’Afro-responsabilité comme exigence

Compte-tenu du potentiel non exploité d’énergie sur le continent, la SABER apparaît aussi bien comme un bailleur de fonds, qu’un accélérateur de compétences et de savoir-faire local dans l’espace subsaharien souvent décrié sur le plan énergétique. Si les premières expériences sont couronnées de succès, plusieurs défis demeurent néanmoins à l’ordre du jour.

D’une part, celui de la formation hautement qualifiante d’élites africaines. L’expansion du secteur énergétique doit être accompagnée par des formations locales dans les domaines croisés du droit, de l’ingénierie, et de la recherche. Ces formations porteront les cadres des générations futures à un piédestal équivalent à celui des écoles et universités occidentales.

D’autre part, la recherche doit occuper un rôle prépondérant dans la promotion des innovations. S’il est louable de faire des champions nationaux adjudicataires de marchés et d’appels d’offre, il est encore plus brillant de promouvoir des initiatives de conception locales. Les exemples foisonnent dans le domaine de la préservation de l’environnement avec les foyers améliorés et la noix de coque comme substitut abondant et compétitif pour lutter contre le charbon de bois, nocif pour l’environnement et dommageable à l’environnement.

Enfin, le dernier enjeu, et pas des moindres, concerne la communication digitale moderne. A l’image de l’industrie musicale africaine d’une certaine époque où l’engouement suscité à l’échelle nationale et régionale ne favorisait pas du tout l’essor des artistes dans les chartes internationales. Non pas qu’elles ne soient pas exportables, mais bien souvent par faute de moyens de communication et de soutien marketing efficace. Chaque initiative, aussi marginale soit-elle mérite un coup de projecteurs. Des forums, salons et concours d’envergure ne seront que des facteurs positifs pour faire retentir l’écho silencieux du génie créatif africain. Le CardioPad, le M-Pesa ainsi que le SAM10 en sont les porte-étendards.

Loin des effets d’annonce, la SABER apparaît comme un cas d’école – dans les partenariats publics privés. En avril 2016, Oragroup s’est joint à la SABER pour mettre en place une plateforme dédiée au financement des grands projets énergétiques d’un montant global de 130 milliards de Francs CFA  dont 50% en dette et l’autre moitié en fonds propres. La confiance dont jouit l’institution, jumelée aux retours d’expérience capitalisée, en font un levier déterminant de la politique d’accès à l’énergie pour tous sur le continent africain.

Leomick SINSIN


[i] Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Léone, Tchad et Togo.

[ii] BIDC, BOAD, Ecobank, FAGACE, IEL et Nexim Bank

[iii] http://www.agenceecofin.com/solaire/1601-25831-benin-lancement-de-l-installation-de-15-000-lampadaires-solaires-et-de-105-microcentrales-solaires

Quelle approche pour une politique énergétique efficace en Afrique ?

Les énergies renouvelables ont le vent en poupe. Presque 300 milliards de dollars US ont été investis au cours de l’année 2015 dans le monde, soit autant que le produit intérieur brut de l’Egypte qui est la troisième économie du continent africain. En Afrique, les projets et initiatives fleurissent. Pourtant, ce relatif espoir ne lève pas les inquiétudes dans ce continent où le secteur de l’énergie connait une profonde crise avec un niveau de détresse élevé. Quelle approche choisir donc pour une politique énergétique efficace ?

Cet article s’inscrit dans le cadre de la préparation du Forum International sur le Green Business qui sera organisé à Pointe Noire du 17 au 19 mai 2016.

1. Insuffisance et inadéquation de l’offre

La problématique de l’accès à l’énergie, en Afrique subsaharienne, hors Afrique du Sud, est complexe et demeure entièrement posée. L’accès à l’électricité progresse dans les zones urbaines mais à un taux inférieur à la croissance exponentielle de la demande. Cette progression est encore moins significative en zone rurale tant le coût d’extension des réseaux est onéreux face au consentement à payer des bénéficiaires. Nous avons mis en exergue dans un article traitant du financement de l’accès à l’énergie en zone rurale la complexité de couverture de l’étendue des territoires nationaux ; obligeant les décideurs publics à se tourner de plus en plus vers des solutions de proximité.

Les rapports Africa Energy Outlook (2014) et Power Tariffs de la Banque Mondiale (2011) indiquent que la consommation d’électricité en Afrique est fortement axée sur les secteurs résidentiels et les services. Les pays dotés de ressources fossiles concentrent une quantité non négligeable de leur production d’énergie thermique pour les consommations de base et de pointe pendant que les pays les moins dotés exploitent des unités de production à faible rendement à des couts très élevés. Une subvention étatique est souvent nécessaire pour rendre utile l’énergie électrique aux usagers finaux conduisant à une adoption massive de la tarification progressive par tranches avec une forte subvention pour les tranches de première nécessité.

Loin de satisfaire les simples besoins de base, l’offre énergétique en Afrique subsaharienne est insuffisante pour le besoin industriel entravant par le même effet l’industrialisation du continent. L’absence des résultats malgré les importantes allocations des ressources via les subventions, laisse penser que les approches adoptées ne sont pas les mieux adaptées.

2. Absence de vision et d’innovation ?

En effet pour répondre à la problématique de la crise énergétique, l’Allemagne autrefois leader dans la production de modules photovoltaïques a développé un marché gigantesque de l’énergie solaire, malgré l’irradiation peu élevée comparée aux pays du Sud. La France, depuis le choc pétrolier des années 70 s’est tournée vers le nucléaire avec des géants tels que Alstom ou Areva. La Corée du Sud, principal fabricant de méthanier grâce à Samsung a un avantage comparatif très avancé dans les infrastructures gazières plaçant ainsi le pays comme le second importateur de gaz naturel liquéfié après le Japon. Ces Etats ont développé des politiques stratégiques efficaces qui leur ont permis, au délà des technologies adoptées de créer des valeurs ajoutées importantes capable de répondre à des considérations sociales et techniques (emploi, brevets, retour d’expérience) sur le moyen et le long terme.

Malheureusement, les Etats d’Afrique subsaharienne sont loin de ce compte. L’espace subsaharien n’a pas intégré toute la chaine de valeur du marché de l’énergie et très peu de technologies sont développées pour le marché régional et local. La plupart des pays sont de simples consommateurs dont les populations s’adaptent sans cesse aux produits importés (lampes de 100W répandus sur les marchés, régulateur de tension pour pallier aux baisses de tension, transformateurs 110/220V et vis-versa pour faire fonctionner les équipements US-Chine-Europe, etc…).

Par ailleurs des nombreux rapports mettent en exergue par exemple le coût très élevé de l’énergie non fournie pour cause des récurrents délestages ou de son indisponibilité dans les zones rurales. Les formes actuelles de substitut semblent peu économiques et moins durables compte tenu des externalités négatives sur l’environnement et la santé (fumée du pétrole lampant, bougie, charbon de bois…). Des alternatives plus durables telles que les pico PV prennent une place de plus en plus importante mais demeurent limités quant à l’usage. Malgré une baisse drastique du prix du watt-crête, les installations solaires sont couteuses car leur déploiement répond à une logique de hors-réseau.

La crise énergétique que connait l’Afrique subsaharienne est due à une absence de vision politique en la matière. La solution passe par la création d’un véritable marché intégré d’énergie grâce à la technologie et à l’innovation.

3. Pour une approche intégrée 

Pour que l’Afrique puisse résoudre sa crise énergétique, le développement du secteur se doit d’être intégré : intégré sur le plan technologique et social par le biais d’incubateurs, de centres de formation et de recherche et développement avant-gardiste des technologies du futur et créateurs d’emplois ; intégré sur les normes et règlementations car le continent ne peut continuer d’importer à foisons des produits souvent déclassés sous d’autres hémisphères.

L’avènement des nouvelles formes d’énergie offre une opportunité en terme de création de valeurs avec en prime une solution au chômage avec des corps de métiers allant de l’ingénierie, de la spécialisation environnementale et juridique, du génie civil aux manœuvres qualifiés. Les produits issus de cette révolution seront adaptés au marché local et régional et garantiront par des labels, un savoir-faire susceptible d’être exporté vers d’autres régions du monde où la question de l’énergie est loin d’être résolue.

4. Des solutions immédiates en attendant

Plusieurs sociétés en charge du secteur sont si endettées et non compétitives qu’elles ne sont pas en mesure d’attirer les financements octroyés. Au-delà des grandes réformes préconisées ci-hauts, des mesures concrètes sont pourtant à la portée des décideurs publics. Il s’agit entre autre d’instaurer des objectifs de performance périodique pour les dirigeants des sociétés étatiques en mettant en place par exemple des reports sur la quantité d’énergie fournie et la planification des délestages. Il s’agit également de restaurer l’image de ces sociétés par des campagnes de communication et de sensibilisation de tous les acteurs.

Grâce aux nouvelles technologies, les mécanismes de règlements des factures pourraient être simplifiés, les taux de recouvrement améliorés, le traitement des plaintes accélérés, les suggestions des usagers prises en compte. Grace à ces améliorations et en mettant en place un système de financement participatif via des banques populaires, les usagers eux-mêmes pourraient être incité à devenir actionnaires des leurs infrastructures énergétiques. 

Leomick SINSIN

L’Afrique de l’Ouest : Vers un pôle de compétitivité énergétique ?

Il est vrai que les statistiques abondent en ce qui concerne la performance économique de l’Afrique subsaharienne. Il est aussi vrai que cette croissance est tirée par les secteurs énergétiques et miniers réputés pour leur  forte valeur ajoutée que par l’ouverture de lignes commerciales avec l’Asie et l’Amérique du Sud. Quand bien même les externalités et les effets d’échelles sont nombreux, il n’en demeure pas moins que la question de l’amélioration du niveau de vie des populations du continent suscite des réactives vives et divergentes. C’est la raison pour laquelle nous parlerons d’un projet qui en plus d’améliorer le bien-être des populations est susceptible d’améliorer la compétitivité  économique et énergétique de l’Afrique de l’Ouest : Le Gazoduc de l’Afrique de l’Ouest (GAO).

Nouvelle imageLe GAO est un projet ambitieux qui date des années 80 et  qui permet de nos jours l’acheminement du gaz naturel entre le Nigéria, le Bénin, le Togo et le Ghana. Long d’environ 700 km, il fournit en gaz naturel les principales centrales de production d’énergie électrique des pays concernés. L’opportunité d’une telle infrastructure est multiple. Tout d’abord le gaz naturel demeure l’énergie fossile la plus compétitive pour la production d’électricité. D’autre part, la découverte de nombreux gisements dans les bassins du Golfe de Guinée assure un stock de réserve important pour une exploitation à long terme. Contrairement au pétrole qui est souvent exporté et peu traité localement pour son raffinage, l’exploitation du gaz naturel permet une plus value locale plus importante; surtout quand nous savons que le Nigéria torchait autrefois l’équivalent de toute la consommation énergétique de l’Afrique faute de débouchés.

Nouvelle imagLe gazoduc est fonctionnel depuis 2011 et relie des centrales de la Communauté Electrique Bénin (CEB)[i] au Bénin et au Togo, et de la Volta River Authority (VRA)[ii] au Ghana. Grâce au prix du gaz naturel, le coût de revient du kWh produit est plus compétitif que les sources traditionnelles. La fonctionnalité du gazoduc a même entrainé des  meilleures perspectives de l’offre d’électricité compte tenu de la multiplication des projets de centrales. Il s’agit d’un atout important dans la mesure où, conformément au plan directeur du secteur de l’énergie de l’UEMOA, les interconnexions  et l’homogénéisation des réseaux électriques de chaque pays faciliteront les transferts d’énergie et permettront de rendre les tarifs de livraison de l’électricité à un prix soutenable aux populations. Les questions de tarification, d’extension et de contrat dépendent d’une autorité de régulation : l’AGAO : Autorité de Gazoduc de l’Afrique de l’Ouest. D’un point de vue macroéconomique, la disponibilité et la compétitivité de l’électricité dynamiseront la zone UEMOA à travers la baisse des prix des produits industriels, manufacturés ainsi que des services. Le bien être social sera amélioré de facto et nous pourrons alors supposer que les performances économiques statistiques s’accompagnent d’une amélioration du cadre et du niveau de vie des populations.

Toutefois, malgré l’engouement et les espoirs suscités par l’opérationnalisation d’un tel projet, des contraintes restent à surpasser. Nous n’en citerons que deux: d’une part, les volumes contractuels ne sont pas encore respectés car le gazoduc transporte moins de 50% des capacités garanties. Ceci affecte le démarrage des projets de construction, ainsi que les centrales actuelles qui tournent au ralenti ou en sous régime malgré une demande en énergie sans cesse croissante. D’autre part, la question de la sécurité du gazoduc en offshore est plus que d’actualités avec la recrudescence de la piraterie maritime et de la pêche illégale. Rappelons qu’en 2012, le dragage de l’ancre d’un pétrolier piraté puis détourné dans les eaux togolaises a entrainé la rupture du gazoduc et son indisponibilité pendant plus de dix mois. Il s’en est suivi une recrudescence des délestages entrainant un recours au fuel lourd ou au Jet A1 dont les couts de production sont prohibitifs.

La mise en place  d’un cadre de concertation et de prévention contre les troubles susceptibles d’affecter le bon fonctionnement du gazoduc s’avère nécessaire. C’est à cet effet que des forums et réunions s’organisent dans les quatre pays concernés de façon régulière.

Dans une Afrique où les infrastructures et les projets communs sont rares, nous devons saluer cette initiative Ouest africaine d’un Partenariat Public Privé qui relève de l’Afro responsabilité.

 

Léomick SINSIN

 

 


[i] La CEB est une organisation inter étatique entre le Bénin et le Togo. Elle fut créée à la fin des années 60. Elle gère la production, le transport et la distribution d’énergie électrique entre les deux pays.

 

 

[ii] La VRA est la principale structure ghanéenne en charge de la production d’énergie électrique.  Elle gère entre autres le barrage d’Akosombo ainsi que de nombreuses sources thermiques.

 

 

 

Comment financer l’accès à l’énergie en zone rurale?

Le constat : L’Afrique subsaharienne est la région où le taux d’accès à l’énergie électrique est le plus faible. Le constat est encore plus alarmant quand l’on considère les zones rurales où vivent plus de 60% de la population. L’électrification rurale a toujours été au cœur des enjeux de développement du continent africain. Sa spécificité tient du fait qu’au nom de la péréquation spatiale, toutes les régions d’un pays doivent être raccordées au courant conventionnel, en garantissant à chaque habitant un même service, une même qualité et un même prix d’accès. Mais compte tenu de l’hétérogénéité des superficies des pays du continent, l’enjeu des politiques d’électrification rurale est multiple quand à PIB quasiment égaux, le Bénin (PIB 2005 : US$ 13Milliards) avec une superficie de 112 622km2 doit électrifier toutes ses zones rurales au même titre que le Mali (PIB 2005 : US$ 15Milliards) avec une superficie de 1.240.192km2. Pourtant, ces pays ont tous ratifié les Objectifs du Millénaire pour le Développement avec des cibles d’environ 30 à 50% de couverture des zones rurales à l’horizon 2015.

Nouvelle imageToute politique d’électrification doit répondre à un besoin de développement économique pour la valorisation des régions et localités, et d’équité sociale pour l’amélioration du bien être des populations touchées. Avec le coût onéreux de l’extension du réseau, et du déploiement des énergies renouvelables qui demeurent encore cher au niveau international, la rentabilité financière ne doit pas être une des conditions sine qua non de l’investissement dans le secteur de l’énergie, mais plutôt la rentabilité économique et sociale.

D’après les statistiques relatives au taux d’accès à l’énergie électrique en zone rurale, nous remarquons une certaine homogénéité des pays africains hors Afrique du Sud et Afrique du Nord : Madagascar a un taux d’environ 5% en 2012, le Bénin entre 4 et 6%, la Côte d’Ivoire une moyenne de 34%, le Cameroun est à 12%, la Zambie à 4.5%, le Niger à moins d’un pour cent et enfin la Somalie à environ 20%.

Il est donc indispensable de trouver le modèle de financement le plus approprié pour la réalisation d’infrastructures énergétiques rurales quand bien même les secteurs public et privé, tous deux impliqués ont des valeurs et des stratégies différentes.

Le cadre : D’après les conclusions de l’étude du Club des agences et structures Africaines en charge de l’Electrification Rurale (Club-ER), le partenariat Public-Privé est marqué par une faible mobilisation des financements privés, l’existence de risques liés à des contrats imparfaits ou mal rédigés, l’absence d’un cadre juridique favorable et un besoin ardent de gros investissements du secteur public. La plupart des experts sont unanimes sur le fait que l’électrification rurale est déficitaire en termes de moyens financiers et de compétences humaines et techniques.

Que faire ?  L’ampleur et la diversité des besoins de même que la complexité et la variété des réponses impliquent une bonne compréhension des aspects soci-culturelles des populations cibles. C’est dans ce cadre qu’EDF leader français et européen du secteur de l’énergie propose une stratégie reposant sur 5 piliers :

  • Partenariat : Maximiser les partenaires locaux privés/publics.
  • Continuité : Avec des cycles relativement longs dans le secteur, tous les projets doivent s’inscrire dans la durabilité.
  • Innovation et partage d’expériences : La nécessité de la Recherche et du Développement permet d’obtenir des effets d’échelle importants dans le temps, sur le coût aussi bien que sur l’adoption d’une technologie. C’est pour cela qu’il est très important de partager les expériences pour une progression efficace.
  • Rentabilité : L’accès  à l’énergie doit entrainer le développement de plusieurs activités qui génèrent des revenus pour pérenniser le projet.
  • Mesure d’efficacité : Il est nécessaire de s’appuyer sur des évaluations régulières, que le constat soit positif ou négatif afin d’améliorer le retour d’expériences.

Des actions concrètes : Plusieurs actions ont été menées et il est important de mettre en exergue les plus phares à notre connaissance :

L’expérience EDF : EDF a développé un modèle pour l’électrification rurale décentralisé, en partenariat avec l’ADEME nommé « SSD ». Il s’agit d’un concept pour proposer un ensemble de services portés par une société de droit local. Ce programme est effectif en Afrique du Sud, au Maroc, au Mali et au Sénégal. Les SSD, ou sociétés de services décentralisés sont gérées par des entrepreneurs locaux. Initialement, une Joint Venture est mise en place avec EDF et sur le long terme, toutes les parts sont transférées vers l’entrepreneur local. Au Maroc, plus de 23 000 clients soit 161 000 personnes sont concernés par ce programme.

Le GERES au Bénin : Il s’agit d’un projet de développement d’une filière locale de production d’agro carburant dans des activités mécaniques en milieu rural. Doté d’un budget de 3,3 millions d’euros,  le projet a permis l’installation d’unité d’extraction d’huile d’une capacité de 250L/jour avec un réseau de consommateurs riche de plus de 500 propriétaires de moteur diesel qui améliorent ainsi leur empreinte écologique.

UpEnergy en Ouganda : UpEnergy contribue à combattre la pauvreté, améliorer la santé des populations et protéger les forêts en mettant à la disposition des populations des technologies propres comme les foyers améliorés. Le financement est en assuré par les mécanismes de la finance carbone. Chaque four permet d’économiser 19h de cuissons par semaine, et 5 heures de temps de collecte de bois, l’équivalent d’un litre de carburant. Au total, cela a permis d’économiser 200 000T de et de sauver plus de 600 000 arbres.

En conclusion : Etant donné que l’accès à l’énergie constitue un moyen d’accélérer l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement, nombreux sont les programmes nationaux ou internationnaux qui se développent autour de l’accès à l’énergie. Sous formes de dons, de conventions de concession ou purement financiers, la réussite de ces projets réside dans la façon dont ils seront appropriés par les populations cibles et dans la pérennisation financière de ces derniers. C’est pourquoi une formation professionnelle adaptée  et une forte sensibilisation sont nécessaires.

Au niveau régional, il s’agit de promouvoir les solutions locales, décentralisées, sur l’ensemble de la filière : de la production à la consommation. La valorisation des énergies locales aura un effet d’échelle important sur l’emploi des jeunes, l’autonomie des femmes ainsi que l’accroissement de la valeur ajoutée économique des zones qui auront accès à une énergie abordable, disponible et propre.

Enfin, Le rôle des Etats sera de définir des plans ambitieux pour le très long terme, garantissant une législation appropriée de même que de fortes incitations pour stiumler le secteur privé et indirectement l’activité économique. La gouvernance efficace ainsi que l’émergence des nouveaux cœurs de métier sont donc les mots d’ordre.

Le dilemme de l’électrification rurale

Nouvelle imageDu 25 au 30 Décembre dernier se tenait à Djibouti un sommet africain sur le thème de l’électrification rurale.  Une trentaine de pays aussi bien francophones qu’anglophones ont répondu à l’appel. L’objectif était de faire un bilan du sous secteur de l’électrification rurale. À travers ce billet, nous tâcherons d'en faire la synthèse et de mettre en exergue les difficultés auxquelles font et feront face les pays africains.

L’électrification rurale a toujours été au cœur des enjeux de développement du continent africain. Sa spécificité tient du fait qu’au nom de la péréquation spatiale[1], toutes les régions d’un pays doivent être raccordées au courant conventionnel, tout en garantissant à chaque habitant un même service, une même qualité et un même prix d’accès. Mais compte tenu de l’hétérogénéité des superficies des pays du continent, nous comprenons d’emblée l’enjeu des politiques d’électrification rurale quand on sait qu’à PIB quasiment similaire[2], le Bénin (PIB 2005 : US$ 13Billion[3]) avec une superficie de 112 622km2 doit électrifier toutes ses zones rurales au même titre que le Mali (PIB 2005 : US$ 15Billion) avec une superficie de 1.240.192km2. Pourtant, ces pays ont tous ratifié les objectifs du millénaire pour le développement avec des cibles d’environ 30 à 50% de couverture des zones rurales à l’horizon 2015.

En comparant les statistiques relatives au taux d’accès à l’énergie électrique en zone rurale[4] présentées lors du sommet, nous remarquons une certaine homogénéité des pays africains hors Afrique du Sud et Afrique du Nord : Madagascar a un taux d’environ 5% en 2012, le Bénin entre 4 et 6%, la Côte d’Ivoire une moyenne de 34%, le Cameroun est à 12%, la Zambie à 4.5%, le Niger à moins d’un pour cent et enfin la Somalie à environ 20%. La plupart des pays aussi bien anglophone que francophone oscillent entre 5 et 30%, en fonction de leur taille, de l’intérêt qu’accordent les gouvernements en place au sous secteur[5], et de la structure de tutelle en place.

Concernant l’organisation du sous-secteur, il s’agit d’un point déterministe car suite aux recommandations du FMI et de la Banque Mondiale dans les années 1990 dans le cadre de l’accélération de l’électrification des zones rurales, deux groupes se sont formés : les uns privilégiant le renforcement des structures étatiques, avec une hausse considérable des montants alloués au sous secteur (en l’occurrence le Maghreb et l’Afrique du Sud), les autres (pour la plupart sub-sahariens) allant dans le sens de la création d’agence ou de structures spécialisées d’électrification rurale.  Sans revenir sur les résultats et  les performances annuelles de chacun des groupes, la tendance nous indique que le premier groupe, a réussi en moins de 20 ans à atteindre des niveaux d’électrification rurale supérieurs à 80%, contrairement au second groupe qui peine à atteindre les 30%. En l’absence de statistiques fiables qui nous auraient permis de faire des conclusions critiques, nous pouvons toutefois émettre quelques hypothèses: la mise en place d'agences, au détriment du renforcement des sociétés nationales d’électricité pose le problème de leur autonomie financière notamment leur dependance à la création de nouvelles lignes budgétaires et/ou de subventions que l’État n’arrive pas toujours à honorer et leur forte dépendance aux bailleurs de fonds internationaux dont les montants accordés ne peuvent toujours être budgétisés. Et ce, malgré le fait que le budget de ces agences dépend le plus souvent d’une ponction imputée sur les factures des abonnés ou des « rentes » ou tirées d’une libéralisation de la filière par des concessions, comme c’est le cas en Côte d’Ivoire.

Pour finir, nous aborderons le dilemme de l’approvisionnement et de la fourniture d’énergie électrique dans les zones rurales. Bien qu’il n’existe pas de définition arrêtée « d’une zone rurale », une zone peut se définir comme rurale compte tenu du nombre d’habitants (jusqu’à 5000 habitants par exemple), de son poids économique, ou de sa proximité avec le réseau conventionnel. Dans le cas du Bénin, l’Agence en charge de l’électrification rurale s’est donnée comme seuil d’action 20 km des lignes du réseau national. Mais à la vue de la superficie de certains pays ainsi que des questions relatives au coût du kWh produit, l’électrification rurale pose le double enjeu de pouvoir rendre accessible l’énergie électrique sans augmenter le coût d’accès. Même dans les pays comme la Côte d’Ivoire[6] et le Ghana où le mix énergétique est très intéressant, la base[7] est assurée le plus souvent par du thermique (gaz, jet-A1 ou autre combustible), l’hydraulique étant très dépendant des saisons climatiques. Quand on tient compte des pertes d’ordre techniques et non techniques, il devient alors important de promouvoir les sources de production décentralisées dans les zones rurales très éloignées. Les choix de ces sources décentralisées (solaires, éoliens, hybride diesel-renouvelables, hybride renouvelable-micro barrage, etc.) doit se justifier par des analyses cout-bénéfices pointues, et contingentes entre le coût de ces nouvelles sources d’énergie et le coût très onéreux de l’extension du réseau. En effet, comme nous l’avions toujours dit, l’énergie est ce bien social économiquement inaccessible pour tous, qui se doit toutefois d’être disponible pour tous.

 

                                                                                                                      Leomick SINSIN

 


[1] La péréquation est un mécanisme de redistribution qui vise à réduire les écarts de richesse, et donc les inégalités, entre les différentes collectivités territoriales

[2] Se baser sur le PIB ne permet pas de comparer les performances économiques des pays mais juste d’avoir un indice de de mesure du niveau de richesse réel généré

 

 

 

 

 

[3] WorldWiki

 

 

 

 

 

[4] Rappelons que le taux d’accès se calcule sur la base du nombre de localités électrifiées par le nombre total de localités du pays

 

 

 

 

 

[5] L’importance des gouvernements dépend du budget annuel alloué à l’électrification rurale

 

 

 

 

 

[6] 57% de thermique et 43% d’hydraulique

 

 

 

 

 

[7] La base constitue la source d’énergie la plus utilisée pour la production d’énergie en continue, contrairement à la pointe qui constitue la source activée pour répondre à l’énergie marginale à produire

 

 

 

 

 

Les inconvénients de l’énergie électrique photovoltaïque en Afrique

 

Nouvelle image (4)Compte tenu du milliard et demie d’habitants n’ayant pas accès à l’énergie électrique, nombreux sont les programmes nationaux et  internationaux qui militent en faveur de l’énergie pour tous. Ainsi, de l’extension du réseau électrique, au recours aux énergies nouvelles, l’énergie de demain doit répondre d’un gage de non intermittence,  d’accessibilité pour tous, et enfin de qualité.

Dans le précédent billet, nous avions évoqué les atouts de l’énergie photovoltaïque, qui constitue la ressource  énergétique la plus abondante au monde. Malgré qu’elle soit considérée comme l’enfant prodige des énergies nouvelles, son développement se heurte à des difficultés de tout genre que nous tâcherons d’évoquer dans ce dernier article.

En économie, l’une des principales variables d’ajustement est le prix. Au centre de la majorité des théories économiques, le prix  et les variations de prix symbolisent tout consentement à payer ou à recevoir, le changement de comportement par rapport à nos habitudes, et enfin notre capacité à adopter ou non une nouvelle technologie. De ce fait, quand bien même le coût de l’énergie photovoltaïque a chuté sur le plan mondial, les prix d’acquisition demeurent élevés pour la moyenne des ménages africains. L’installation solaire, qui est un investissement de long terme n’est pas souvent compatible avec les besoins financiers de court terme des populations. A titre d’exemple, un système de 400Wc qui permet d’alimenter la TV, 6 ampoules, la radio coûte environ 800 000FCFA HT[i], quand le SMIC est de l’ordre de 372 000FCFA/an/personne[ii], soit 744 000FCFA au moins pour un ménage où les deux parents sont actifs. La situation est d’autant plus grave qu’il n’existe pas de mécanisme de subventions, d’exonération fiscale, de prêts bancaires ou de soutien aux besoins de consommation des ménages.

Ensuite, l’énergie électrique pose le problème du stockage. L’énergie électrique ne se stocke guère, mis à part le recours à des barrages pour pomper l’eau en journée et la rétribuer  en soirée. Les énergies renouvelables sont pour la plupart intermittentes. Dans le cas du photovoltaïque, à la tombée de la nuit, le système devient totalement passif dans la mesure où il n’y a plus d’irradiation solaire, malgré que notre demande en énergie soit constante. La solution actuelle réside dans le recours au stockage sous forme de batteries, des piles géantes qui accumulent l’énergie non consommée durant la journée afin de la redistribuer le soir et les jours de faible ensoleillement. Malheureusement, la technologie des batteries n’est pas encore très avancée, dans la mesure où dans les pays développés, elle n’est pas souvent sollicitée (en Europe par exemple, on parle de raccordement au réseau or bien souvent dans les zones rurales africaines, on est en réseau isolé dit « Off Grid »).  Ainsi, le coût du stockage peut représenter jusqu’à 40%[iii] du montant initial de l’investissement, sachant que les batteries ont une durée de vie beaucoup plus réduite que les autres composants, avec un facteur risque en cas de court circuit ou d’erreur d’installation.

D’autre part, en l’absence d’organismes de conformité, de normes définies et appliquées, et d’un marché de consommation bien identifié, le secteur énergétique électrique en amont[iv] est peu identifié des grands  industriels mondiaux. La plupart des matériels utilisés sont  importés et utilisés sur la base de réglementations des pays exportateurs. Etant donné également que les réseaux présentent souvent des déviances (le cas des multiples baisses de tension, des surtensions, et des coupures non programmées), l’utilisation qui en découle devient impropre aux données d’utilisation du constructeur. Cette question va de paire avec le manque de compétence locale pour assurer le fonctionnement des installations, ce qui explique pourquoi la plupart des principaux projets solaires furent des échecs. Le rôle de la recherche et du développement, précédemment évoquée dans un article de TerangaWeb,  ainsi que de l’innovation pour un marché africain de consommation, compte tenu des ses particularités et de ses attentes devient alors un pilier phare du déploiement énergétique.

Enfin, un des principaux obstacles, ou du moins une ouverture de réflexion représente le duopole public-privé. L’énergie est un bien stratégique où la géopolitique  témoigne de l’importance des enjeux qui en découlent. Les investissements énergétiques sont très onéreux, et l’état actuel des réseaux et infrastructures dans les pays africains est synonyme des problèmes auxquels font et feront face les pays africains. L’implication du secteur privé s’avère donc nécessaire, pour dynamiser et pérenniser la filière, bien qu’à l’origine le secteur de l’énergie soit réputé pour être des plus monopolistiques. L’Etat, à mon avis se devra donc d’être un intermédiaire d’échange, régulateur et maitre d’œuvre des feuilles de route énergétique, en ayant toujours à l’esprit qu’économiquement non viable, l’énergie devra toujours être socialement disponible pour tous.

 

                                                                                                        Leomick SINSIN

 

 


[i] Il s’agit d’une moyenne recensée sur les installations au Bénin, et de mon retour d’expérience

 

 

 

 

 

[ii] 31000 FCFA (environ 48€) par mois

 

 

 

 

 

[iii] Revoir le précédent billet sur la décomposition du CAPEX d’une installation solaire

 

 

 

 

 

[iv] L’amont, tel que définit ici, concerne principalement les composants tels que les onduleurs, les régulateurs et les données de fréquence pour le réseau.

 

 

 

 

 

Les avantages de l’électricité solaire photovoltaïque en Afrique

L’engouement suscité par les énergies solaires, de nos jours témoigne du rôle et de la place que cette énergie occupe dans nos activités quotidiennes. Cet article présente les atouts de l’énergie photovoltaïque, enfant prodige des énergies renouvelables, dans le cadre de l'Afrique.


Quelle soit d’origine primaire ou secondaire, renouvelable ou non, chaque type d’énergie répond à un besoin bien précis en fonction de l’usage qui en découle et de son coût de fonctionnement. Dans les précédents articles[1], nous avons brossé un aperçu des différentes sources d’énergie électriques utilisées à savoir l’hydroélectricité, le thermique et l’énergie photovoltaïque. Dans cette étude, nous mettrons en exergue les atouts de l’énergie photovoltaïque dont le récent déploiement mondial en fait l’enfant prodige des énergies renouvelables.

En 2011, environ 27 GW de puissance photovoltaïque ont été installés à travers le monde (fig.1) ; soit le quart de la capacité totale de l’Afrique en 2008 et un peu plus que le tiers de la puissance de l’Afrique sub-saharienne[2](pdf). En conclusion d’un précédent billet, nous avions souligné que quand bien même l’énergie photovoltaïque ne résoudra pas entièrement le défi auquel fait et fera face l’Afrique ; elle aura toutefois un rôle clé à jouer dans le mix énergétique en matière de production d’électricité.

photovoltaic installation

fig.1 Installations photovoltaïques annuelles de 2000 à 2011 sources PV Report 2012

 

Avec un rayonnement variant de 3 à 6 kWh par m² selon la position géographique, le principal atout d’une installation solaire en Afrique est sa capacité à fournir suffisamment de puissance pour répondre aux besoins quotidiens. En effet, avec une consommation annuelle moyenne de 128 kWh[3] par individu en Afrique de l’ouest ; dont le coût d’installation reviendrait à environ 500 000 FCFA (environ 750 €) [4];  l’option d’un système photovoltaïque devient tout aussi bien accessible que rentable sur le long terme. Ce potentiel est nettement plus accru pour le solaire thermique dans les pays sahéliens où la forte température facilite la production de chaleur et/ou d’énergie électrique.

D’autre part, l’avantage d’un système solaire est la décentralisation du système de production. En effet, il est coutume d’isoler les systèmes traditionnels de production en dehors des zones résidentielles pour des raisons techniques (taille de l’installation, infrastructure lourde) et environnementales (sécurité). Cette longue distance fait entrer en compte des paramètres comme le transport et la distribution qui alourdissent le coût de revient de l’énergie produite. Outre cet aspect financier, les longues distances d’acheminement engendrent des pertes importantes entre le site de production et le lieu de consommation finale. A titre d’exemple, une nucléaire a un rendement de 30% malgré la puissance conséquente générée. Quand l’on connait la vétusté des infrastructures existantes, nul ne saurait contredire le bien fondé d’un système où le site de production juxtaposerait le point de consommation. Le bon exemple est la maison isolée avec des modules surplombant la toiture.

Enfin, le dernier argument et pas des moindres est le travail d’efficacité énergétique qu’impose une installation solaire. Un système solaire est une énergie intermittente qui dépend de plusieurs paramètres comme la météo, la qualité de l’installation etc. De ce fait, la consommation implique un recours vers des appareils sobres et peu énergivores. Nous réduisons ainsi le niveau de consommation tout en préservant le même niveau d’utilité. C’est le cas des ampoules LED de 5 W qui fournissent autant d’énergie que nos anciennes à  incandescence de 50 à 80 W.

Contrairement au réseau, le système photovoltaïque répond d’une installation statique au niveau de la production mais amovible dans le temps. La bonne gestion de notre consommation et le contrôle judicieux de l’appel en puissance permettent d’allonger considérablement la durée de vie de l’installation (10 ans avec stockage et environ 20 ans hors stockage) et de pérenniser l’indépendance énergétique par une offre individualisée adaptée à chaque ménage.

Sommes toute,  la valeur ajoutée de cet article consiste à mettre en avant les points positifs des installations photovoltaïques en site isolé. A nouveau, bien que l’énergie solaire ne puisse répondre à l’ensemble des besoins auxquels feront face les nations africaines pour les années à  venir ; son intégration simplifiée et souple aura une place prépondérante à jouer dans les mix énergétiques futurs. Dans un prochain billet, nous tâcherons d’évoquer les freins à la croissance de cette nouvelle forme d’énergie.


[1] http://terangaweb.com/cout-de-lenergie/

  http://terangaweb.com/lafrique-refuserait-telle-de-sauto-electrifier/

 

 

 

[2] L’électricité en Afrique ou le continent des paradoxes  Christine Heuraux – IFRI

 

 

 

[3] Idem

 

 

 

[4] De l’expérience de l’auteur dans le secteur

 

 

 

Quelles sont les énergies les moins chères ?

L’accroissement des débats autour de l’énergie ainsi que l’engouement suscité par les thématiques associées témoignent de l’intérêt que porte notre génération à l’accès à l’énergie pour tous. Tel un slogan de campagne, cet accès à l’énergie se heurte toutefois à une dure réalité évoquée dans un précédent billet  qui est le prix social de l’énergie : « Inaccessible pour tous, il doit être toutefois socialement disponible ». C’est donc pour apporter un complément de réponse que nous nous sommes inspirés des travaux de Jean Marie MARTIN-AMOUROUX, directeur de recherche au CNRS sur  « Les prix et les coûts des énergies[i]».

milleniumDans le cadre de la réalisation du 2nd Compact du Millenium Challenge Account[ii] qui est une structure du gouvernement des États Unis d’Amérique chargée de piloter des projets de développement dans les pays du Sud, une étude sur la question des infrastructures énergétiques a été réalisée auprès du gouvernement du Bénin ainsi que des principaux acteurs économiques. Outre le fait que l’accès à l’énergie est classé comme un des principaux freins à l’investissement, une classification a été faite sur les principales attentes des opérateurs économiques en matière d’énergie: la disponibilité – Le coût – La qualité.  La disponibilité et le coût de l’énergie occupent donc les premières places de ce classement et peuvent même s’inverser selon que l’on soit en zone urbaine ou rurale du fait de la plus forte substitution dans les villes.

Étant donné que l’énergie électrique ne se stocke pas, l’évaluation d’un projet s’appuie sur les coûts moyens de réalisation et sur les coûts d’entretien et d’exploitation. En fonction de la structure de production, ces coûts peuvent présenter un très fort écart. En comparant une turbine à gaz à une éolienne par exemple, on remarque que la première a un cout de réalisation très faible avec une durée de réalisation très rapide, mais nécessité un approvisionnement récurrent en combustible alors que la seconde, à plus ou moins même échéance, présente un cout fixe très important, contre un cout de fonctionnement et d’entretien quasi nul. D’autre part, une estimation plus fine de l’ensemble des différentes technologies ne saurait se faire sans la prise en compte des différents facteurs ci après :

L’unité monétaire constante : pour la comparaison des projets, sans tenir compte de l’inflation ou des aléas monétaires.

La durée de vie normalisée : Théoriquement de 25 ans pour une structure photovoltaïque contre près de 100 ans pour un barrage.

Le facteur de charge : La disponibilité en heures de fonctionnement de la structure : 6-8h pour le photovoltaïque  par jour, contre 3-4heures pour la centrale thermique si elle est fonctionnelle en pointe (les heures ou le pic de consommation est le plus élevé), ou 24h/24h pour une centrale nucléaire par exemple (avec une moyenne de 5600h dans l’année)

La production brute : La quantité d’énergie produite escomptée : Elle dépend de la puissance de l’installation, du lieu, du rendement et des conditions normales de température et de pression. 1KW solaire produit en Afrique de l’Ouest environ 4-6KWh d’électricité contre environ 2KWh en France par exemple.

Le taux de rentabilité du projet : La rentabilité espérée suite à la réalisation du projet. Souvent de 5% pour les installations publiques, elles peuvent atteindre 10-30% pour les projets privés ou en BOT (Built-Operate-Transfer) ce qui affecte relativement le cout de revient de l’énergie produite.

Outre ces paramètres standards, il existe un autre facteur qui est bien souvent non quantifiable d’un point de vue économique : Le coût d’externalité. Qu’elle soit négative ou positive, l’externalité désigne le niveau d’influence non monétaire d’un projet sur l’individu ou sur son habitat. Une centrale thermique présente comme principale externalité le niveau de fumée et de pollution générée qui nuit gravement à la santé des populations riveraines, de même que le risque d’explosion tout simplement. De façon plus générale, Jean Marie MARTIN-AMOUROUX a calculé en cts€/KWh différentes externalités selon la filière de production : 4 pour le thermique à charbon, 0,3 pour le nucléaire, 0,28 pour le photovoltaïque, 0,04 pour l’hydraulique. Pour plus d ‘explications, le cout lié au nucléaire est lié au risque de cancer pour les générations futures qui dépend aussi du niveau de la science et de la santé dans le pays concerné. Concernant le photovoltaïque, les externalités proviennent des pollutions au cours de la production des équipements ainsi que du transport vers le lieu de consommation. Étant donné que 80% des modules sont fabriqués en Chine[iii], il est plus facile d’évaluer la part du transport et du cout associé dans la production finale.

Somme toute, en l’état actuel des ressources exploitables et des techniques, les énergies fossiles bénéficient généralement des coûts internes les plus bas, quel que soient les usages : électricité, carburant. C’est pourquoi les différents scénarios énergétiques « business as usual » apportent encore plus de 80% de l’approvisionnement énergétique mondial à horizon 2050. Compte tenu du risque géopolitique et de la pression à la demande, la disponibilité et le coût de l’énergie seront de plus en plus au centre de toutes les attentions. Les autres ont trait aux conséquences environnementales de leur évolution, notamment en termes d’émissions de CO2, dont les coûts devraient être internalisés. « A plus long terme, enfin, l’épuisement de certaines ressources gagnerait à être anticipé. Prises en compte dans les coûts sociaux des diverses sources d’énergie, ces incertitudes renchériraient les sources fossiles au profit des sources renouvelables et de l’énergie nucléaire dont la croissance conditionne, par apprentissage, la diminution des coûts d’usage. » dixit Jean Marie M-A.


[i] http://sfp.in2p3.fr/Debat/debat_energie/websfp/PrixetCouts.htm

 

[ii] Analyse des contraintes liées à l’investissement privé et à la croissance économique au Bénin, MCA-UCF, Oct 2012

 

[iii] http://www.actupv.info/2013/05/bruxelles_veut_taxer_de_30_a_60_le_photovoltaique_chinois-253926.htm

 

L’Afrique refuserait t’elle de s’auto-électrifier?

Pour ceux qui vivent actuellement sur l’axe Côte d’Ivoire-Ghana-Lomé-Bénin-Nigéria, il n’est plus nécessaire de rappeler la forte résilience développée par les populations à l’égard des délestages récurrents.

electricitéAvec une consommation en pleine croissance (au Bénin, la Société d’Énergie Électrique estime à 11 % l’évolution pour les années futures), le manque d’investissement dans le secteur de l’énergie accentué par les pertes en ligne lors de la distribution et du transport (de l’ordre de 18-30 %) sont les principales causes de l’état actuel du secteur de l’énergie électrique en Afrique Occidentale. Dans les zones rurales, le taux d’électrification est inférieur à 10 %, étant donné que les modèles économiques pour l’extension du réseau ne sont pas viables du fait de la faible valeur ajoutée économique et densité. Face à ce constat mitigé, plusieurs projets ont vu le jour, comme l’interconnexion ouest-africaine, ou le financement d’infrastructures thermiques dans plusieurs pays.

Ces initiatives sont louables, à l’exception près, qu’elles dépendent toutes ou pour la plupart de bailleurs de fonds internationaux en quête de placements rentables, dans une Afrique berceau des opportunités. Quel est donc le surplus socio-économique de ces contrats souvent négociés en Built-Operate-Transfer (BOT) sur le consommateur africain qui subira le coût de maintenance et d’approvisionnement en combustibles ? C’est pour répondre à cette double interrogation que je propose une analyse technico-stratégique sur la filière du photovoltaïque.

Avec un coût de production du Watt actuellement inférieur à $1 grâce au marché chinois (Suntech-Trina Solar- Yingli,etc…) qui contrôle environ 80 % du marché mondial, la filière du photovoltaïque est devenue aussi bien rentable qu’accessible. D’après l’ÉPIA qui est le syndicat européen des énergies renouvelables, le coût de revient se décompose entre : le coût des modules (50 %), le régulateur et convertisseur (10 %), les câblages et accessoires (10 %), l’installation et la main d’œuvre (30 %). En Afrique, le coût des modules tient compte du stockage, mais d’une façon générale, avec un coût d’installation et de main-d’œuvre largement inférieur que dans le monde compte tenu du coût de capital humain et du niveau de vie. (facteur 2 voire 3). La filière a ainsi une meilleure opportunité à saisir sur le continent, car avec le coût des modules qui est à la baisse, le coût de revient final est nettement inférieur à la tendance mondiale hors stockage. D’autre part, le développement de la filière peut être générateur de multiples emplois avec la mise en place de formations en alternance aussi bien pour les jeunes diplômés en quête de spécialisation que pour les jeunes non diplômés en quête d’une reconversion. En moyenne, le Watt installé revient environ à 2000 FCFA, comparé au thermique, environ 250 FCFA (source du Ministère de l’Énergie du Bénin) qui ne prend pas en compte le coût de la maintenance, des externalités environnementales, et surtout du combustible. D’un point de vue économique, le photovoltaïque s’aligne comme le nucléaire, avec un coût fixe (ou coût moyen) plus important, mais qui se récupère dans le temps compte tenu du coût marginal quasi nul à la différence du thermique dont le coût marginal, actuellement escompté, ne définit aucune trajectoire claire du coût des combustibles et des charges d’exploitation. Pour les pays non producteurs de pétrole, l’importation de produits pétroliers peut peser entre 3 et 15 % de leur PIB.

D’autre part, la bataille que se livrent l’Occident et l’Asie a entrainé une fonte des coûts de production comme énoncé ci-dessus. Afin de développer leur filière nationale, les pays du Nord ont mis en place les tarifs d’achat qui sont un tarif préférentiel et surestimé d’achat de l’énergie électrique photovoltaïque afin de soutenir leurs entreprises nationales exerçant dans la R&D et la production. Mais face à la rude concurrence chinoise et à la conjoncture économique, ces tarifs ont plus ou moins fondu entrainant un mal aise dans la filière. C’est ainsi que les USA ont instauré une taxe douanière de 30 % sur tous les modules chinois, et l’UE a récemment porté plainte auprès de l’OMC pour dumping. L’Afrique quant à elle, spectatrice n’a développé aucune politique favorable pour se tailler une place. À mon avis, un des problèmes de la sous-région est le manque de stratégie dans nos actions. Nous faisons très peu de nos faiblesses des atouts pour mieux nous adapter. En effet, l’Afrique ne fait pas partie des principaux producteurs et n’a donc aucun intérêt à intervenir dans cette guerre de géants commerciaux.  De plus, je pense que les tarifs d’achat sont inappropriés au contexte africain, car ils supposeraient de lourdement subventionner le coût de l’énergie solaire, sachant que bien de gouvernements ont déjà du mal avec l’énergie conventionnelle. En Afrique, le développement des énergies nouvelles devrait normalement supposer davantage l’intervention du secteur privé. Le rôle de l’État pour aider la filière serait d’exonérer par exemple pour une période donnée les importations pour aider à l’accroissement de l’électrification et la mise en place d’un secteur privé dynamique.

Les pays africains profiteront aisément de cette guerre de prix afin d’acheter des modules « bradés » pour satisfaire un besoin concret et développer une filière continentale. Pour les plus futés, à l’exemple du secteur pétrolifère, il serait même judicieux de faire des approvisionnements stratégiques pour les moments de pénuries afin de revendre les modules à un coût beaucoup plus élevé, synonyme d’une rente importante. Mais malheureusement, ce n’est pas le cas, car en prenant le cas du Bénin, l’importation de matériel photovoltaïque est soumise à des frais et taxes de l’ordre de 50 % de la valeur marchande et du transport. Ainsi, avec une filière qui est embryonnaire pour le moment, on étouffe tout espoir d’expansion. Le constant est plus alarmant quand nous savons que les groupes électrogènes, pollueurs et consommateurs de combustibles sont totalement exonérés.

Somme toute, l’objectif de cet article est d’apporter une autre vision sur le modèle de développement de l’énergie photovoltaïque en Afrique Subsaharienne qui est actuellement la région dont le secteur de l’électricité est le plus atteint. Au lieu de faire appel aux lourds financements internationaux dont les retombées s’observent très peu sur le consommateur final et sur le secteur privé local, il vaut mieux œuvrer à dynamiser nos propres structures souvent capables de lever aussi des capitaux importants, mais qui ne sont malheureusement pas toujours suivis par les gouvernements. Quand bien même le solaire ne pourra permettre d’électrifier toute la région, il serait judicieux de penser à un mix énergétique pour réduire notre dépendance vis-à-vis du thermique. Dans les prochains articles, je tâcherais d’apporter les arguments en faveur ainsi que les inconvénients au développement du photovoltaïque. Car après tout, l’énergie est à l’image de l’éducation : Pour garantir son avenir, il faut très tôt prendre les bonnes décisions et poser les fondations nécessaires.

 

 

La ruée vers les pétro-cfa

L’année 2012 vient de s’achever, laissant derrière elle de profondes mutations dans les secteurs énergétique et électrique en Afrique et dans le monde. D’après l’Analyse des Contraintes à l’Investissement Privé et à la Croissance Économique du Millenium Challenge Corporation, en accord avec l’Enterprises Survey de la Banque Mondiale,  15% des entreprises identifient le déficit énergétique comme le principal obstacle à l’investissement, en particulier au Bénin.

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Cette pénurie d’énergie, souvent électrique s’accompagne bien souvent d’une ruée vers les produits pétroliers qui entraîne l’apparition de circuits parallèles d’approvisionnement et de distribution, au détriment des sociétés nationales et privées officielles qui génèrent des recettes fiscales et une activité économique légale. Quand bien même les filières réglementées  sont opérationnelles,  les énergies importées sont bien souvent  subventionnées par les gouvernements en place afin d’alléger le portefeuille de la ménagère pour éviter des émeutes sociales comme nous l’avons observé en début d’année au Nigéria. C’est le prix social de l’énergie : Inaccessible pour tous, elle doit toutefois être socialement disponible. Cette politique alourdit les budgets des pays africains car en plus du coût élevé de l’approvisionnement, ils doivent lourdement subventionner les différents types d’énergie (fossiles ou électriques) afin d’arbitrer un optimum socio-économique.

C’est pour cette raison que le FMI a lancé un programme de sensibilisation auprès des gouvernements pour une meilleure ventilation des fonds pétroliers. A titre d’exemple, le Ghana substitue ses subventions pétrolifères en échange du financement de la gratuité de l’enseignement primaire, ou encore en Jordanie où le gouvernement privilégie la hausse des salaires et le versement de primes aux retraités et handicapés. Ces mesures concrètes et transparentes permettent aux populations de jouir autrement des retombées pétrolières et de percevoir d’un autre oeil le secteur pétrolier qui est bien souvent  perçu comme une « Blackbox ».

Concernant le secteur de l’énergie électrique,  les différents rapports indiquent que la production d’électricité par les sources thermiques, en particulier le Jet et le Fuel ne sont plus du tout compétitives, au vue du prix du baril, et en raison de l’absence de Marker africain, qui oblige les gouvernements à s’approvisionner sur les marchés internationaux, en devises. L’hydroélectricité représente l’alternative la plus préconisée, avec le coût de revient du KWh le plus compétitif, à condition que les projets soient d’ordre régionales, à l'instar du grand Inga en Afrique Centrale. Quant aux énergies renouvelables, elles commencent par émerger principalement dans les zones rurales avec des projets comme le « BipBop » de Schneider Electric. Enfin, la dernière et pas des moindres, l’Agence Internationale de l’Énergie estime que le charbon sera la première source d’énergie à l’horizon 2017 avec 4,3GTep. L’abondance des réserves prouvées jumelée à la pression sur la demande des pays émergents fait du charbon une ressource sure et à prix bon marché. Les nouveaux procédés chimiques permettent une production d’électricité propre, à l’instar de l’Allemagne qui a de nouveau activé ses centrales au charbon, au détriment du nucléaire.

Alors, vous vous demanderez quel lien entre cet article et les pétro-CFA ? Avec les cours élevés du baril, les pays producteurs du continent pourront dégager un fort excédent commercial, au profit des banques centrales et régionales qui augmenteront leur réserve en devises. Cet excès de devises financera des projets locaux et la promotion des produits de première nécessité qui sont pour le moment fortement importés. C’est le cas de l’Iran qui a économisé $12 milliards en favorisant l’agrobusiness local.

Cette réorganisation du secteur énergétique mondial a permis de transformer au fil du temps, l’ancestral pétrodollar en petro-yuan, yens et pétro-or. Pour que cette révolution s’opère du côté de l’Afrique subsaharienne, une réorganisation institutionnelle et structurelle est plus que nécessaire afin que les pétro-CFA puissent aller de paire avec le développement du continent.

Léonide SINSIN

Le tout puissant Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou

Malgré l’engouement suscité à l’échelle nationale et régionale, rares sont les musiques africaines qui se retrouvent dans les classements internationaux. Non pas qu’elles ne soient pas exportables, mais bien souvent par faute de moyens de communication et de soutien marketing efficace. C’est pour pallier à cette situation que j’ai décidé de rédiger ce billet sur Le tout puissant Orchestre Polyrythmo de Cotonou, qui a œuvré à faire du Bénin le Quartier Latin de l’Afrique, jadis. C’est l’un des secrets les mieux gardés de l'Afrique, qui aurait pu disparaitre sans avoir fait goûter au monde l’intensité de ses mélodies.

L’histoire de ce groupe est celle d'un pari sur le temps d’une quinzaine d’amis. Créé dans les années 60, l’orchestre a évolué avec les soubresauts sociaux, culturels et politiques des pays africains à l’heure des indépendances et de l’éveil d’une certaine identité panafricaine. Bercé par les rythmes mythiques de James Brown en passant par Salut les Copains et les Yéyés, Polyrythmo a su créer un rythme inspiré des hits de l’époque et des percussions locales proches de la culture vodoo. C’est la naissance de mélodies qui se définiront plus tard comme l’afro beat. C’est l’époque de Bailly Spinto en Côte d’Ivoire, de GG Vickey entre Paris et Cotonou, sans oublier les Golden Sounds du Cameroon, auteurs de l’intemporel Zangalewa récemment repris par la chanteuse colombienne Shakira pour la Coupe du Monde 2010.

Les hits s’enchainent alors au fil des bals poussières de l'époque. Le succès est au rendez-vous, car L’Orchestre Polyrythmo de Cotonou, c’est avant tout un panel de rythmes s’étalant du cubain à la pop rock et réglés au clapet des pas africains. Le célèbre magazine portugais Publico le qualifia dans un article de « musique dure à définir, ni africaine, ni occidentale, ni du passé, ni du présent, mais tout simplement immortelle ». Pour le New York Times, il s’agit tout simplement « d’un des meilleurs groupes de Funk au monde ». Malgré l’engouement suscité et les multiples collaborations régionales avec des artistes en vogue tels que Fela Kuti, Manu Dibango, Myriam Makeba, Angelique Kidjo ; Polyrythmo n’est jamais sorti d’Afrique pour faire connaître son talent et sa musiquequi ne se définit d’aucun genre, car elle n’appartient pas à un registre donné ni même à l’ère du temps. Gnonas Pedro, du groupe Africando, chantait en son temps « La musique ne nourrit pas son homme ». Le Polyrythmo a ainsi failli périr dans l’oubli sans ne plus jamais reprendre la voie des studios.

Il aura fallu une interview à Cotonou d’Élodie Maillot de Radio France en 2007 pour réaliser le rêve du groupe : signer une tournée internationale. En 2010, le groupe se produit de Cotonou à New York en passant par l’Écosse et le pays de la samba. L’expérience a été si positive que de juin à aout 2012, une douzaine de dates sont de nouveau arrêtées dans une trentaine de capitales occidentales après la sortie de leur dernier album « Cotonou Club ». Un jeune et célèbre groupe de rock écossais les a même sollicité pour l’enregistrement d’un hit sur ces mélodies incantatrices (vidéo ci-jointe). Malgré la ferveur des musiques ivoiriennes et européennes accentuée par la substitution des disc jockeys au live, la nostalgie de la belle époque demeure toujours intacte dans le cœur des béninois qui réitèrent à chaque occasion leur passion pour ces musiques qui ont traversé plusieurs générations et qui nous titillent l’ouïe à chaque écoute.

À l’heure des MP3 et d'Internet, Polytrythmo se fait une nouvelle jeunesse, au regard de l’engouement suscité et du nombre de clips postés et « likés » sur les réseaux sociaux. Un nouveau site internet d’une ergonomie très simple permet de mesurer l’ampleur du phénomène et l’héritage qui aurait pu être qualifié de vestige. Élodie Maillot a créé un label ; « Son d’ailleurs » afin de promouvoir ces musiques de lointains horizons qui méritent aussi d’avoir leur chance sur les ondes radiophoniques occidentales.

En résumé, Le Tout Puissant Orchestre Polyrtyhmo de Cotonou, ce ne sont plus que 10 copains encore en vie, 42 ans de musique et près de 500 morceaux. L’histoire de ce groupe a suivi par bien des aspects l'histoire de notre continent. Celles des valeurs et cultes qui finissent par imploser fautes de perspectives. Un gisement de talents, bien souvent identifiés localement, mais qui s’atrophient par le temps et l’absence de politiques culturelles fortes. Mais c’est aussi celle d’hommes et de femmes, bien loin de l’éblouissement des projecteurs ; qui ne perdent pas la foi ni la joie de vivre. Et loin des gigantesques budgets des maisons de production internationales, il suffirait d’une bonne volonté pour tout simplement les faire renaitre à l’âge de la retraite ; afin de faire miroiter aux plus jeunes talents l’espoir d’une issue à ce tunnel sombre, dans lequel persiste et survit en bruit de fond ; le silence de ces mélodies que sont nos secrets d’Afrique…

Et si ces mots ne suffisent toujours pas, faites donc un tour dans la rubrique médias de leur portail web.

Léomick Sinsin

Turbulences dans le ciel subsaharien (3)

Dans son essai The Box, Marc Levinson décrit comment le transport de marchandises a été révolutionné par l’avènement du container, entrainant des effets d’échelle importants sur les coûts et la logistique. Dans le transport d’individus, une révolution similaire s’observe depuis bientôt une trentaine d’années avec la libéralisation du secteur aérien qui était autrefois destiné aux secteurs militaire et postal. Toutefois, cette révolution n'a pas encore tout à fait eu lieu en Afrique. Dans les deux premiers billets, nous avions dressé un bilan des problèmes techniques et économiques qui obscurcissent le ciel subsaharien. Dans ce dernier article, nous apportons quelques pistes de réflexion afin de mettre en exergue les défis à relever par l’Afrique pour que son espace aérien connaisse ses heures de gloire à l’instar des autres régions du monde. Pour cela, nous procéderons par une approche PESTEL, méthodologie utilisée en stratégie d’entreprise pour analyser les facteurs du macro-environnement dans laquelle une société évolue.

Politique : le crédo de Terangaweb est la promotion de l’Afro-Responsabilité. Il en résulte que la responsabilité du développement de l'aérien passe par des réformes internes au continent, pour promouvoir des cadres juridique et politique propices. Pour ce faire, aux échelles régionales ou nationales, il est important que les pays se dotent de législations transparentes ainsi qu’un droit de l’aérien. D’autre part, les multiples conflits constituent un manque à gagner non négligeable. Rappelons que durant le début des conflits en Côte d’Ivoire et au Mali, les liaisons aériennes ont été suspendues à cause de la fermeture des frontières.

Économie : L’Afrique compte environ 360 compagnies enregistrées, alors même que 35 pays n’en sont pas dotés (ou bien même quand c’est le cas, elles sont de tailles négligeables). La grande partie de ces compagnies est sur liste noire. Le continent est victime de ses nombreuses compagnies non homologuées, desservant des marchés très étroits. Un mouvement de concentration et de coopération est nécessaire, comme on l’observe déjà avec Ethopian Airlines et A-Sky ou Air France qui vient de s’allier à Air Mali et Burkina. Plus communément connus sous la dénomination de « Share Code », ces partenariats permettent d’homogénéiser les espaces aériens pour simplifier les transferts des passagers et pour une meilleure qualité des prestations fournies. L’objectif final serait de mettre en place des hubs africains qui favorisent les économies d’échelle.

Social : Malheureusement, le secteur aérien est méconnu du grand public africain. Au regard des statistiques d’IVAO (International Virtual Airlines Organisation), l’Afrique est souvent le continent le moins desservi et plébiscité. À ce titre, il convient de saluer des initiatives comme FS-Africa, vitrine des passionnés de l’aérien africain qui ne cesse de promouvoir ses couleurs et son savoir-faire ainsi que la division sénégalaise d'IVAO.

Technologie : Il s’agit d’un des points cruciaux du secteur aérien africain. L’essor du trafic doit s’accompagner d’une promotion des e-Tickets largement répandus ailleurs mais qui ne représentent que 28 % des billets vendus en Afrique (selon le rapport du forum Africain de l’Aérien). D’autre part, l’ASECNA, organisme chargé de superviser l’espace aérien ouest-africain, malgache et comorien, doit accélérer l’installation des équipements de navigation conformes au trafic des pays. Les radars VSAT et de navigation permettront de mieux géo-localiser les appareils et de repérer puis sanctionner les cargos transportant de la drogue et qui se posent à leur convenance au Mali ou ailleurs. A l"heure actuelle, les approches s’effectuent à vue ou au NDB (instrument de radio-navigation datant d’une cinquante d’années) malgré la présence d’instruments modernes comme les VOR et l’ILS (Instrument Landing System) souvent négligés à cause des risques de pannes aléatoires, de délestages ou de mauvais calibrage. Il convient de mettre fin à cette situation par une mise en conformité constante de l'ASECNA aux standards internationaux. 

Environnement : Comme nous l’avions souligné, les principaux accidents surviennent durant les phases de décollage et d’atterrissage. C’est pourquoi les différents pays doivent revoir leurs plans d'urbanisme en construisant les nouveaux aéroports loin des métropoles et des lieux d’habitations. C’est le cas au Cameroun avec l’aéroport de Nsimalen. D’autre part, un constat alarmant est l’inexistence dans la majorité des pays de procédures antibruit qui font de la pollution sonore un mal persistant des riverains qui y ont développé une résilience. Il faudrait penser à définir des grilles horaires claires et promouvoir les « approches en lisse » comme on l’observe dans les pays développés. Cette procédure améliore la consommation en phase d’approche avec un meilleur vitesse plus silencieuse, contrairement aux approches par pallier.

Législation : dernier volet de l’approche PESTEL et pas des moindres, l’avenir du secteur aérien en dépend étroitement. En effet, face à l'usage récurrent d'avions vétustes à qui l'on offre une nouvelle vie en Afrique, il est important que les pays concernés mettent en place des lois pour mieux contrôler la maintenance et le suivi du carnet de vol des appareils. La promotion de nouveaux appareils pourrait passer des politiques de bonus/malus sur l’âge des appareils et sur le nombre d’heures de vol. Cette politique qui a été développée dans le secteur routier a connu un franc succès. Et enfin, notre pensée se tourne particulièrement vers le désert de Mojave aux USA où sont stockés plusieurs avions neufs pour cause de morosité financière ou de commandes annulées. Nous faisons donc un clin d’œil aux futurs entrepreneurs africains, qui peuvent tirer profit de cette situation par des achats ou des contrats de leasing pour la mise en opération de ces appareils.

L’objectif de ces différents articles était d’apporter un regard transparent sur le secteur aéronautique africain. De plus en plus d'africains sont amenés à se déplacer, mais le secteur aérien semble encore dans la torpeur. Les solutions énumérées sont des axes de réflexion qui peuvent sensiblement améliorer l’état du trafic et des compagnies. Rappelons toutefois, que l’Afrique a connu par le passé des cieux plus glorieux à l’époque où le Concorde, fleuron de la technologie aérienne effectuait des vols réguliers au Sénégal pour joindre le Brésil. Jacques Darolles, commandant de bord chez Air France, écrivait dans son ouvrage Le plus beau bureau du monde : « Extraordinaire bordel des liaisons radio HF en Afrique centrale, où certains centres de contrôle n'ont même pas le téléphone, où tout le monde gueule en même temps, et où la fréquence 126.90 sert d'auto-info à toutes les compagnies aériennes du monde, pour se repérer les uns les autres, en attendant l'accident majeur, qui un de ces jours, forcément, arrivera…. On attend le croisement avec un "Springbok" ( Sud africain), qui nous fait un appel de phares quand il nous voit, et on monte… Fin de nuit sur l'Afrique, encore 4 heures 30 avant La Réunion. Tu as le nez sur le pare-brise, et tu vois arriver, sur ton 747, le Kilimandjaro, rien que ça. Le mont Kilimandjaro, Seigneur de l'Afrique, glisse sous mon aile droite.
Là, tu es MUET… Poser franchement, car la piste est courte, et à 281 tonnes restantes, les freins vont chauffer… Le terrain, il n'était tout simplement pas allumé. C’est L’Afrique patron ! ».

 

Léomick Sinsin

Turbulences dans le ciel subsaharien (2)

Dans le premier article de la série, nous avons dressé un bilan technique concernant la gestion chaotique des infrastructures aéroportuaires. L’article ci-présent met en exergue l’état du trafic d’un point de vue macroéconomique et ébauche un panorama plutôt contrasté des compagnies aériennes africaines.

La question du tourisme : Le tourisme représente le principal facteur de développement du secteur aérien mondial. L’avantage de l’aérien est qu’il apporte un coût d'opportunité (à travers les gains de temps) à un marché de masse. Comme le soulignent les travaux de l’économiste Bass sur les modèles de diffusion, ce scénario entraine l’essor d’une demande nouvelle qui ajuste vers le haut la courbe d’offre par une baisse drastique du coût d’accès. Malheureusement, cette théorie économique ne prévaut pas pour le moment en Afrique. Selon les données de l’IATA, de l’OMT et du forum sur le transport aérien africain (FATA) qui s’est tenu au Mali, l’Afrique a accueilli environ 45 millions de touristes étrangers contre environ 1 milliard de flux touristiques dans le monde. Bien que le secteur occupe une place marginale au niveau mondial, il connait une forte croissance tirée par les locomotives que sont L’Afrique du Sud, le Kenya et le Maghreb même si cette dernière zone a été fortement perturbée par les évènements du printemps arabe. Cette disparité des performances touristiques ne reflète pas une disparité des dotations en sites touristiques, mais plutôt une répartition du trafic au sein du continent marqué par l’état contrasté de compagnies aériennes qu’il est important d’analyser.

La répartition du trafic africain : D’après les statistiques du forum du secteur aérien africain, le trafic domestique et régional est très faible (environ 3 %) compte tenu de l’état du tourisme souligné ci-dessus ainsi que du faible niveau de vie. En effet, ramené au PIB/tête, le prix d’un billet d’avion inter-pays ou même inter-région pour le cas du Nigéria, est souvent équivalent à la moyenne des revenus annuels déclarés par habitant. Le constat est plus alarmant en Afrique de l’Ouest et Centrale (AOC), car le trafic a progressé d’environ 0.8 % et 1.7 % respectivement (d’après les données du FATA). Ces chiffres témoignent du nombre peu élevé de lignes aériennes recensées. Cette situation est d'autant plus inquiétante que cette région concentre un certain nombre de pays enclavés : Mali, Burkina-Faso, Niger, Centrafrique, République Démocratique du Congo. 5 % du trafic concerne des lignes reliant  14 grandes villes avec en moyenne un peu plus de 150 personnes transportées par ligne contre 35 % du trafic qui concernent les lignes de moins de 10 personnes entre une centaine de villes et qui s’adressent en général aux vols d’états ou aux VIPS. Lagos-Accra est la ligne la plus active avec en moyenne 250 000 passagers annuels, suivie de Dakar-Abidjan ; Cotonou-Pointe Noire ; Douala-Libreville (en moyenne 170 000 passagers sur chaque tronçon). Des pays comme le Cap-Vert ou la Guinée Équatoriale ne sont pas rattachés à cette zone car leurs transports sont très particuliers, se caractérisant par un petit secteur aérien très sollicité et un secteur maritime.

Concernant l’Afrique Australe et du Sud (AAS), ce sont les régions les plus actives de l’espace subsaharien. En effet, le niveau de vie sensiblement plus élevé d'un côté, et d'un autre côté la présence de flottes nationales créées très tôt et qui se sont rapidement imposées sur leurs marchés locaux, a permis l’extension du trafic de cette zone. Vis-à-vis du trafic international, il s’agit de la vitrine la plus significative du transport aérien africain. Aujourd’hui, 2/3 de ce trafic est opéré par des opérateurs étrangers. En AOC, ce trafic est majoritairement axé vers l’Europe. Comme nous pouvons l’imaginer, il s’agit pour la plupart de la diaspora ainsi que des quelques flux touristiques Nord-Sud. Les destinations les plus prisées sont le Sénégal, le Nigéria, le Ghana, le Cameroun et le Gabon. Pourtant très peu d'aéroports atteignent le million de passagers en transit, les moyennes s'échelonnant plutôt aux alentours de 300 000passagers/an. Outre les flux des diasporas et de touristes d’Europe occidentale et d'Amérique du Nord, le second relai de croissance du trafic aérien en AOC est dû aux pèlerinages saisonniers comme la Mecque ou les séminaires catholiques (avec la venue du Pape au Bénin et au Cameroun qui a considérablement renforcé les lignes en place). Il s’agit là d’un constat regrettable, car même les évènements comme le Coupe d'Afrique des Nations ne provoquent pas de tels engouements. Une fois de plus, l’AAS est le bon élève avec un trafic fort dynamique et pluriel : Les USA et l’Asie représentent les lignes les plus actives. Cette situation se justifie par l’existence de hubs en Afrique de l'Est qui sont des plateformes aéroportuaires très actives et par des compagnies aériennes très dynamiques.

La situation des compagnies aériennes : la question des coûts

En Afrique Occidentale et Centrale , la plupart des compagnies manquent de stabilités économiques et durables. En prenant le cas de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, les principales compagnies ont été dissoutes à deux reprises en moins de 5 ans avec un changement de nom (Air Ivoire qui renait en Air Côte d’Ivoire et Sénégal Airlines en Air Sénégal puis en Air Sénégal International). Ces remaniements font que les compagnies ne jouissent pas d’une bonne image auprès des populations locales qui préfèrent se tourner vers les compagnies étrangères. En guise d’exemple Camair Co a enregistré une perte d’environ 50M€ malgré une forte diaspora. Sa principale ligne est Paris-Yaoundé-Douala avec un taux de remplissage de moins de 40%, bien loin des résultats de sa principale rivale Air France. Le constat est sans appel : la mauvaise gestion et les mauvais retours d’expérience ne permettent pas de développer une image de marque des compagnies de l’AOC, ce qui est un frein à la préférence nationale. Quant à la question des taxes, il s’agit d’un point clé, car elles représentent un gain important des pays hôtes. Le poids des taxes est disproportionné par rapport aux pratiques internationales, le prix des taxes étant bien souvent égal aux coûts de transport sur les billets Abidjan, Lomé, Cotonou à destination de Paris. Cette situation est d’autant plus déplorable que la gestion effective des infrastructures n’est pas à la hauteur du montant des frais perçus.

Enfin, il subsiste le problème d’une concurrence déloyale, car les flottes actuelles de l’AOC sont totalement inadaptées aux ambitions portées, ou du moins aux besoins du marché. Air Mali, Air Sénégal Inter et Air Ivoire opèrent vers Paris avec des avions de type B737, A320 et MD87, traditionnellement tournés vers le court moyen-courrier qui transportent moins d’une centaine de passagers contrairement à Air France-Bruxelles Airlines qui opèrent en B777/A340 avec une moyenne de 300 passagers.

Une fois de plus, l'Afrique Australe et du Sud affiche des performances beaucoup plus brillantes. Avec des compagnies locales très dynamiques du Kenya à l’Afrique du Sud, la zone s’est très tôt développée une expertise et une confiance accréditée à travers le monde. À titre d’exemple, le Kenya ou l’Éthiopie opèrent avec des B777 qui est le long courrier le plus récent avec un rayon d’action supérieur à 14 000kms. Elles peuvent donc aisément concurrencer les majors internationales. De plus, elles ont des filières «cadet» qui sont des centres locaux de R&D et de formation d’équipage qui visent la promotion d’une main-d’œuvre locale expérimentée, contrairement à leurs sœurs d’AOC qui opèrent pour la plupart avec des équipages navigants étrangers. De même, par rapport au trafic local, il existe une multitude d’appareils moyen-courriers qui permettent de desservir l’ensemble du pays et de la sous-région. En 2006, South African Airways( SAS) et Kenya Airways(KQ) ont transporté respectivement 8 millions et 2,5 millions de passagers contre un million pour Air Senegal International (ASI) et 500 000 pour Air Madagascar. KQ possèdent environ 24 appareils, la SAS environ 65 contre 20 pour la Comair et 4 pour Air Mali. Enfin, Air Burkina dessert 10 destinations, Air SénégaI 30 contre 30 pour KQ et 230 pour SAS. Toutefois, à la vue des conjonctures économiques des pays concernés et de l’absence de statistiques plus abouties, nous sommes incapables à ce jour d’affirmer le lien de causalité entre tourisme/performance économique et dynamisme du secteur aérien. Même si le constat d’une certaine corrélation est bien visible sur tous les plans.

Somme toute, cette vision macroéconomique du secteur aéronautique africain permet d’observer qu’il existe une réelle fracture entre les régions subsahariennes ; fracture déjà soulignée dans d’autres secteurs. Dans le dernier billet, nous décrirons les perspectives ainsi que les défis à relever en Afrique.
 

Léomick SINSIN