Les 10 jeunes entrepreneurs les plus talentueux d’Afrique

Ils sont jeunes, sont souvent partis de rien, ont parfois (déjà) connus plusieurs échecs avant de connaitre un succès. Et pourtant, ils ont réussis à créer des startups en plein développement créant des emplois et des perspectives dans leur pays d’origine.  

Zoom sur le parcours de dix jeunes entrepreneurs africains inspirés et inspirants !

1/ Momarr Mass Taal, 28 ans, Fondateur de Tropingo Foods, Gambie

Il aime dire qu’il a atterri dans l’entrepreneuriat par accident, à défaut d’une carrière dans l’administration… A 17 ans, Taal commence à imprimer des motifs sur ses t-shirts pour les personnaliser. Il commence ensuite à le faire pour ses amis, avant de créer sa propre marque de vêtements. Quelques années plus tard, il vend ses produits dans cinq pays d’Afrique.

Mais ce succès dans le textile ne lui suffit pas, et surtout n’exploite pas toutes les potentialités de son pays. Taal se lance alors dans l’agroalimentaire, en créant une entreprise de conditionnement de mangues et d’arachides. Tropingo Foods emploie aujourd’hui 140 personnes et exporte ses produits vers l’Europe et vers l’Asie pour un chiffre d’affaires de 1.5 millions d’euros par an.

2/ Mark Doumba, 29 ans, cofondateur de Clikafrik, Gabon

Alors qu’il se trouve à Dubaï, plusieurs amis de Mark Doumba lui demandent d’acheter et de leur délivrer certains produits. Réalisant la demande liée à cette situation, Doumba décide d’en faire un business : il recrute des personnes pour acquérir des produits de consommation et des pièces industriels à Dubaï, avant de les acheminer vers l’Afrique, essentiellement vers des PME et des consommateurs en quête de produits introuvables sur leur marché.

Les revenus de ce commerce explosent, permettant à Doumba de se lancer un fond d’investissements ciblant des PME en Afrique. Clikafrik compte aujourd’hui dans son portefeuille plus de 500 entreprises au Gabon et 200 au Sénégal, générant un revenu d’un million d’euros par an.

3/ Barclay Okari, 24 ans, Fondateur de Impact Africa Industries, Kenya

Okari a grandi dans un pays marqué par la violence, dans lequel, comme il le raconte sur sa propre expérience,  des enfants voient des cadavres sur le chemin de l’école, notamment durant les périodes électorales…   A l’âge de 11 ans, il commence à travailler dans l’entreprise familiale, et fonde à 15 ans sa première société, dans l’informatique. Celle-ci faillite au bout d’un an. Il récidive deux ans plus tard, également dans le domaine de l’informatique. Deuxième échec.

En 2010, Okari change totalement de secteur, en se lançant dans la fabrication de serviettes hygiéniques et couches bébé… Impact Africa Industries était né, et cette fois ci, il connaitra le succès. Son entreprise compte aujourd’hui plus de 80 salariés, et exporte ses produits en Ouganda et au Soudan du Sud, pour un chiffre d’affaire d’environ de 700.000 euros.

4/ Michael Muthiga, 29 ans, fondateur de Fatboy Animations, Kenya

Depuis sa plus tendre enfance, Michael Muthiga a développé une passion pour le dessin et la peinture. Ses parents furent impressionnés par son talent, mais craignaient que cette passion le conduise à l’échec scolaire. Pour tenter de « l’éloigner » littéralement des arts, son père l’a même transféré dans une école rurale. Paradoxalement, c’est là où il apprendra encore plus qu’en ville, grâce à un enseignant qui a remarqué son intérêt pour le dessin et lui apprit comment faire des dessins animés. Muthiga avait découvert sa vocation !

Il poursuivit sa formation dans ce domaine en apprenant à travers des vidéos en ligne libre d’accès. Après être passés par quelques jobs dans lesquels il économisait l’essentiel de son salaire, il réunit les fonds nécessaires pour acheter un équipement complet, et crée sa société en 2010. Fatboy Animations a percé dans le domaine de la publicité, accumulant les contrats. Avec son équipe de 9 personnes, il réalise aujourd’hui une dizaine de campagnes par mois.    

5/ Edwin Bruno Shayo, 29 ans, Fondateur de Smart Codes, Tanzanie

Il vendait des cassettes à 13 ans. Puis des CD à 17 ans. Après avoir réussi son acheter son premier ordinateur, il commence à faire des cartes de visites pour les entreprises, avant de se lancer dans la création de site web… Voilà comment Shayo a créé Smart Codes, une agence aujourd’hui spécialisée dans le marketing digital, qui emploie une trentaine de personnes et a un chiffre d’affaires de 300.000 euros par an. Ce succès lui a valu plusieurs prix et distinctions dans son pays, où il a été nommé « Young Achiever of the year » en 2015.

6/ Vital Sounouvou, 25 ans, Fondateur de Exportunity, Benin

L’histoire de Vital Sounouvou commence mal. A l’âge de six, il est atteint du paludisme. Le traitement qu’il reçoit lui sauve la vie mais le rend paralysé. Il continue d’utiliser des béquilles pour se déplacer. Ceci ne l’a pas empêché de faire des études et d’être diplômé.

Sounouvou a fondé Exportunity, une plateforme qui promeut les opportunités d’exportations en Afrique en mettant en contact producteurs et acheteurs sur tout le continent, et même ailleurs, à travers un simple téléphone. Exportunity compte 750 clients et une base de données de 85000 entreprises. Elle emploie 17 personnes.

7/ Joel Macharia, 29 ans, fondateur de Abacus, Kenya

A 29 ans, Joel Macharia a toute une vie entrepreneuriale derrière lui. Il a amassé beaucoup d’argent, a tout perdu, s’est endetté, et a tout reconstruit ! Il aime raconter qu’à l’âge de 8 ans, il revendait son déjeuner contre de l’argent, ou parfois des bonbons…

Macharia aime l’argent, et celui « l’argent des autres », comme lui disait son oncle. Ce dernier, travaillant dans le secteur bancaire, lui apprend quelques ficelles du métier. A 19 ans, il commence à mettre en pratique ce qu’il a appris avec l’argent de quelques personnes qu’il avait réussi à convaincre. Il joue en bourse et gagne, mais son business s’effondre en 2008, en grande partie à la suite des violences postélectorales qu’a connues le Kenya et de l’effondrement de la bourse locale.

C’est ainsi qu’il se retrouve fortement endetté, à l’âge de 22 ans, et contraint de travailler dans un autre domaine que ce qui l’intéresse. Juste le temps de « se refaire une santé » (ce qui prendra quand même 5 ans), et de lancer Abacus. Sa société de services financiers accompagne aujourd’hui plus de 3000 investisseurs.

8/ Sulley Amin Abubakar, 29 ans, fondateur de Zaacoal, Ghana

Trois personnes sont des sources d’inspiration pour Abubakar: Steve Jobs, Elon Musk, et sa grand-mère. Il place d’ailleurs sa grand-mère en tête de la liste, et dit avoir développée son esprit entrepreneurial en le voyant, en fil des années, vendre tout type de produit qui lui passait sous la main, des balais aux cigarettes.  

L’idée développée par Abubakar est  simple: recycler les déchets produits par les vendeurs de noix de coco dans la région d’Accra (il y en a plus d’un millier) pour en faire du charbon de bois. Une idée « verte » qui permet de traiter ces déchets dont la municipalité avait beaucoup de mal à se débarrasser. Cette idée est même devenue rentable, et sa production ne cesse d’augmenter!

9/ William Elong, 23 ans, Fondateur de Will & Brothers, Cameroun

William Elong voit les choses en grand. Et il avance très vite. A 18 ans, il obtient son premier diplôme en gestion. Cinq ans et quelques aventures plus tard, il décide de créer une société capable de montage de drones, destinée aussi bien aux usages civils (agriculture, médias, tourisme) que militaire. Son seul moyen au départ est une présentation Powerpoint…

Elong est aujourd’hui en pleine levée de fonds pour devenir le premier constructeur de drones au Cameroun, avec un projet de quadricoptére équipés de caméra haute définition capables de voler à une altitude de 500 mètres pendant une vingtaine de minutes.

10/ Uneku Atawodi, 28 ans, Fondateur de Bamboo Green Concepts, Nigeria

Atawodi a une passion: le polo. Elle l’a pratiqué en compétition et a beaucoup voyagé à cette occasion. Avec l’aide de son père, elle acquiert un hôtel à Abuja, et l’aménage pour la pratique du polo. Elle organise ensuite une levée de fond pour ouvrir un établissement similaire à Lagos, capitale économique du pays.

A travers à son expérience personnelle qui lui a permis de constater les difficultés à organiser une levée de fonds pour une PME, Uneku Atawodi lance une plateforme de crowdfunding, dénommée Malaik, sur laquelle près de 300.000 euros ont été levés en deux mois. Sa société, Bamboo Green Concepts, compte 67 employés à plein temps et plus d’une centaine à temps partiel.

 

Nacim KAID SLIMANE

Baromètre Mondial de l’Innovation: quels enseignements sur les pays Africains ?

Le Baromètre Mondial de l’Innovation, dont l’édition 2016 a été publiée en avril, est un sondage international des dirigeants d’entreprises sur leur perception des processus d’innovation et de créativité. Parmi les pays concernés dans cette étude (commandée par GE) figurent trois pays Africains qui représentent les premières économies du continent : Afrique du Sud, Algérie et Nigéria.

L’analyse des réponses permet d’identifier les moteurs et les freins en matière d'innovation, et ce dans une double approche comparative : d’abord entre les pays africains et d’autres régions du monde, ensuite entre les pays africains eux-mêmes, et plus globalement entre les grands pôles qu’elles représentent  (Afrique de l’Ouest, Afrique du Nord et Afrique Australe)

Les réponses des centaines de cadres dirigeants interrogés dans ces pays donnent ainsi un très bon aperçu de l’évolution de l’environnement économique, ainsi que les processus de prise de décisions et de gestion de la stratégie d’innovation dans les entreprises.

En dépit des obstacles auxquels font face les acteurs économiques et du manque de ressources auxquels ils peuvent être confrontés, la créativité et l’innovation semblent représenter de puissants leviers de développement pour les économies africaines. Quelles leçons peut-on tirer de ce baromètre ?

UN OPTIMISME ELEVE SUR LES ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES FUTURES

Le Baromètre Mondial de l’Innovation s’est penché sur la perception des évolutions annoncées dans l’environnement économique, en particulier sur la perspective d’une « quatrième révolution industrielle » (basée sur les objets connectés et les potentialités que cela offre). La tendance mondiale est à l’optimisme, puisque plus des deux tiers (68%) des dirigeants interrogés expriment leur confiance dans ces changements annoncés. Les pays africains étudiés sont encore plus optimistes et sont même parmi les plus optimistes !

Les pays africains sont parmi les plus optimistes au monde sur la perspective d'une nouvelle révolution industrielle.

Le Nigeria est à la troisième position mondiale, avec 86% d’optimistes par rapport à la quatrième révolution industrielle, suivi par la Turquie et l’Algérie (84%). L’Afrique du Sud est juste au-dessus de la moyenne mondiale, avec 70% de réponses positives.

Cette confiance dans l’avenir peut conforter la perception de l’innovation comme opportunité, à l’inverse de certains pays anciennement industrialisés qui peuvent la percevoir comme menace. Au Japon, seuls 33% des dirigeants se déclarent optimistes, alors même que le Japon est considéré par les autres comme un champion mondial de l’innovation, juste après les Etats Unis. Même sentiment en Allemagne (39%), et dans en moindre mesure, en Corée du Sud (50%).

L’impact de l’innovation sur l’emploi, sujet anxiogène de longue date avec la peur d’être « remplacé par des machines », n’est pas perçu négativement dans cette enquête : plus des deux tiers (75%) des intéressés considèrent que le changement aura un impact positif ou neutre sur l’emploi.

LES TECHNOLOGIES DE RUPTURE: MENACE OU OPPORTUNITÉ ?

Le baromètre de l’innovation dresse un constat intéressé sur les technologies de rupture, c’est-à-dire sur une innovation technologique qui ne fait pas qu’améliorer un produit ou un service existant, mais modifie fondamentalement le marché en détrônant la technologie dominante. Le lecteur MP3 a ainsi constitué une technologie de rupture sur le marché par rapport aux cassettes et CD, de même que la photographie numérique a constitué une rupture par rapport à la photographie argentique (auquel des entreprises leaders depuis des décennies, comme Kodak, n’ont pas su faire face).

Les dirigeants interrogés ont ainsi été amenés à se positionner sur le concept de « darwinisme digital », à savoir sur la possibilité de devenir « obsolète » (et éventuellement de disparaitre) en devenant inadapté à un environnement qui a subi des changements très rapides. Dans l’ensemble du panel, 81% des acteurs partage cette crainte. Les pays Africains sont globalement en ligne avec cette tendance, même si cette crainte semble plus ressentie en Afrique du Sud et au Nigeria (respectivement 86% et 85%) qu’en Algérie (75%).

Cette crainte par rapport aux technologies de rupture peut influencer une volonté de protéger son « cœur de marché », à savoir les produits et les services qui font le succès actuel de l’entreprise et dont il faut préserver les revenus et la rentabilité le plus possible, éventuellement pour les investir dans l’innovation ensuite.

Ce comportement est nettement plus présent dans les pays Africains qu’ailleurs. L’Afrique du Sud est ainsi le pays dans lequel la proportion observée est la plus élevée au monde : 77% des dirigeants interrogés considèrent que la protection du cœur de marché est une priorité. Elle est suivie de près par le Nigeria (4éme rang mondial), puis de l’Algérie, qui se situe dans la moyenne mondiale avec 64% de réponse positive.

QUELLES STRATÉGIES D'INNOVATION ?

La perception des stratégies d’innovation au sein des entreprises est moins évidente dans les pays Africains… Les trois pays concernés se situent nettement en dessous de la moyenne mondiale dans la réponse à la question : « Votre entreprise a-t-elle une stratégie d’innovation claire ? ». Alors que 68% de l’ensemble des dirigeants interrogés répondent par l’affirmative (un « oui » qui culmine en France avec 88%), seuls la moitié des dirigeants africains pensent que c’est le cas (56% en Afrique du Sud et au Nigeria, 49% en Algérie). Fait étonnant, le Japon se situe encore plus loin, à 38%…

Enfin, une dernière indication sur la perception du temps de retour sur investissement : les entreprises africaines acceptent moins l’idée d’un retour sur investissement éloigné dans le temps que dans d’autres régions du Monde. Alors que 40% des entreprises en Allemagne et 37% aux États-Unis se disent prêtes à accepter d’investir sur une technologie dont ils récolteraient les fruits sur le long terme, seuls 9% des entreprises algériennes seront prêtes à l’accepter (17% en Afrique du Sud, 16% au Nigeria). Des positions en dessous de la moyenne mondiale (21%), mais proches de celles du Japon (4%) et de la Corée du Sud (14%).

L'AVENIR DE L'INNOVATION EN AFRIQUE

Le principal enseignement du Baromètre Mondial de l’Innovation en 2016 sur la perception des dirigeants Africains peut être résumé en un triple constat prometteur: nous observons tout d’abord un optimisme affiché sur le futur et ses potentialités (supérieur à la moyenne mondiale), une insatisfaction manifeste sur la performance actuelle (indiquant volonté de faire plus et mieux), et une lucidité sur les menaces qui peuvent se poser, notamment avec les technologies de rupture (en ligne avec la moyenne mondiale).

Un triple constat prometteur: optimisme sur le futur, insatisfaction sur la performance actuelle, et  lucidité sur les menaces.

C’est donc avec un état d’esprit équilibré, à même de saisir les rapides changements à l’œuvre et de parer les risques qu’ils comportent, que les cadres d’entreprises Africains peuvent être en mesure d’anticiper, d’orienter et de maitriser des processus d’innovation pour en faire une source de développement économique et d’amélioration de la qualité de vie de leurs concitoyens.

Nacim KAID SLIMANE

 

Pourquoi l’Afrique subsaharienne est championne du monde de l’entrepreneuriat féminin

L’entrepreneuriat est plus courant en Afrique que dans le reste du monde !

L’entreprenariat joue un rôle majeur dans la croissance économique. Les activités entrepreneuriales créent de nouvelles opportunités économiques non seulement pour les hommes et les femmes qui créent leur entreprise, mais aussi en entraînant des créations de postes et en dynamisant l’économie.

Il constitue par ailleurs un bon indicateur du dynamisme d’un pays: les nouvelles entreprises sont en effet souvent celles qui remettent en cause les données du marché en développant de nouveaux produits, de nouveaux services, et de nouvelles formes d’organisation et de production. Elles obligent mêmes les entreprises établies du secteur à se remettre en cause en permanence pour continuer à exister. L’entreprenariat nourrie ainsi les processus innovation, et contribuer à créer un écosystème favorable pour de nouvelles startups et de nouveaux horizons.

Au-delà de l’aspect purement économique, l’entreprenariat peut également être considéré comme un phénomène social, qui permet à des personnes de réaliser des projets individuels ou sociaux qu’une structure existante ne peut pas porter comme elles le souhaitent.

Dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire, il peut constituer une façon (ou la seule façon) de surmonter les barrières existantes sur le marché de l’emploi. Par exemple, dans de nombreux pays d’Afrique, on constate que les taux d’entrepreneuriat sont bien plus importants que dans les pays développés: autrement dit, les Africains auront plus tendance à créer une entreprise durant leur vie qu’un Européen ou un Américain.

D’après les données du Global Entrepreuneurship Monitor (GEM), la part de la population qui se considère comme activement impliquée dans le lancement d’une nouvelle entreprise peut grimper jusqu’à 30 à 40% de la population (entre 18 et 65 ans) dans les pays  d’Afrique Subsaharienne, contre moins de 10% aux Etats Unis ou dans l’Union Européenne. Ceci s’explique par le fait que l’entrepreneuriat peut représenter tout simplement un « moyen de survie », face aux conditions du marché du travail (recrutements, salaires, progression de carrières…), aussi bien dans le secteur public que privé.

Il faudrait ainsi distinguer la démarche entrepreneuriale engagée « par nécessité » (qui est largement répandue dans les pays à faible revenus), de celle engagée par identification d’une opportunité ou découlant d’une stratégie d’innovation, qui est plus commune dans les pays industrialisés (Reynolds, 2001).

Partant de ce tableau général qui indique le caractère courant de l’entrepreuneuriat en Afrique on peut également relever une deuxième donnée majeure. La parité homme-femme est bien mieux assurée dans l’entrepreneuriat en Afrique que dans le reste du monde !

Les études par le Global Entrepreneurship Monitor (GEM) montrent que les hommes ont généralement plus de « probabilité » que les femmes de créer des entreprises au cours de leur vie, mais les chiffres varient d’un pays à l’autre, et des pays Africains affichent des données particulièrement éloquentes.

L’Afrique subsaharienne affiche de bien meilleurs taux en matière de parité que les autres régions (elle est suivie par l’Amérique Latine), et peut être considérée comme la championne du monde de l’entrepreneuriat féminin ! Au Nigeria, plus grand pays d’Afrique, les femmes constituent près de 40% des personnes ayant le statut d’entrepreneurs. Dans certains pays comme le Ghana, l’Ouganda ou la Namibie, le taux d’entrepreneuriat des femmes dépasse celui des hommes !

Les données disponibles ne permettent pas de confirmer dans quelle mesure ces démarches entrepreneuriales sont plutôt dirigées par « nécessité » ou par « opportunité », mais des critères assez précis indiquent que les femmes ont systémiquement moins accès aux ressources nécessaires (capital, technologie, formation, réseau…) que les hommes.

En particulier, l’accès au financement demeure un obstacle majeur. D’après la base de données de la Banque mondiale sur l’inclusion financière dans les pays en voie de développement, les femmes sont jusqu’à 20 % moins susceptibles d’avoir un compte dans une banque ou d’avoir accés à un emprunt que les hommes.

Par ailleurs, on observe dans les pays à faible revenu que lorsque les femmes obtiennent des prêts, il s’agit très souvent d’une aide accordée par un proche que par une institution financière formelle… Le capital de démarrage d’une entreprise créée par un homme est par ailleurs nettement plus élevé (deux fois plus), ce qui restreint les domaines d’activités (cantonnées très souvent à du commerce de proximité), et les possibilités de croissance.

Dans ce contexte, des initiatives devraient cibler plus précisément l’entrepreneuriat féminin (en particulier sur le volet du financement) pour en faire un levier de développement en Afrique subsaharienne, garantissant une montée en puissance qualitative des entreprises créées, de leurs chiffres d’affaire et du nombre d’emplois créés.

 

Nacim KAID SLIMANE

 

 

Comment l’innovation progresse en Afrique

Le Global Innovation Index, publié conjointement par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), Cornel University et l’INSEAD est devenu un classement de référence dans le domaine de l’innovation. Il constitue une source d’information indispensable non seulement pour évaluer la situation, mais aussi pour construire des programmes visant à soutenir l’innovation.

Dans sa septième édition, centrée sur le facteur humain, le rapport s’intéresse plus spécifiquement à l’action des individus et des équipes dans le processus d’innovation, ce qui constitue un défi en raison de la difficulté à appréhender ce phénomène en statistiques. En compilant plus de 80 indicateurs pour 143 pays, le Global Innovation Index offre une image particulièrement intéressante de l’environnement dans lequel évoluent les entreprises, en particulier les startups et les PME.

Sans surprise, les dix pays les mieux classés au monde sont des pays développés dans lesquels les dépenses de recherche et développement sont parmi les plus élevés. On y retrouve les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Suède, les Pays Bas ou la Finlande. On retrouve également dans ce top 10 quelques ilots d’innovation, tels que Singapour ou Hong Kong. L’Allemagne se retrouve au 13ème rang, la France au 22ème rang, alors que le premier pays Africain (Afrique du Sud) arrive au 53ème rang. Le haut du classement est resté en fait relativement inchangé au cours des années (la Suisse est ainsi à la première place depuis plusieurs années), avec des évolutions mineures dans les progressions. En revanche, l’évolution est beaucoup plus dynamique s’agissant des pays africains.

Une progression remarquable des pays Africains dans le classement 2014

L’Afrique Subsaharienne a été la région qui a le mieux progressé dans le classement. En 2014, la Cote d’Ivoire a progressé de 20 places, enregistrant le plus grand bon du classement. L’Afrique du Sud progresse de 5 places.  Le Kenya, l’Ouganda, le Botswana, le Ghana, le Sénégal et le Cap Vert, font partie du top 100. Même si la plupart des pays Africains progressent, 24 pays d’Afrique Subsaharienne se retrouvent au bas du tableau. Le Togo et le Soudan clôturent le classement 2014, respectivement à la 142ème et 143ème place.

S’ils se retrouvent assez proches dans le classement, les pays Africains se distinguent entre eux sur plusieurs aspects. Le rapport note ainsi les domaines dans lesquels certains se détachent : le capital humain et la recherche pour le Ghana ou la sophistication du marché pour l’Afrique du Sud.

Par ailleurs, les résultats semblent avoir été favorisés par des politiques et programmes lancés ces dernières années dans certains pays (avec des succès variables) et visant à encourager l’innovation. C’est en particulier le cas du Rwanda, qui a mis en place un fond de soutien à l’innovation (Rwanda Innovation Endowment Fund) avec l’appui des Nations Unies. Ce fond placé sous la tutelle du Ministère de l’Education a pour mission de soutenir des projets innovants dans l’agriculture, l’industrie, les TIC et l’énergie, permettant ainsi aux startups et PME qui ont introduit des idées nouvelles de bénéficier d’un appui public décisif.

Les « Innovation Learners », statut privilégié de plusieurs pays d’Afrique Subsaharienne

L’Afrique Subsaharienne compte de plus en plus de pays qui font partie du groupe dit des « innovation learners », défini comme l’ensemble des pays dont les indices relatifs à l’innovation sont d’au moins 10% supérieurs par rapport à ce qui est attendu vu leur niveau de PIB (autour de 2000 USD en PPA). Il inclue une douzaine de pays, dont la Chine, l’Inde, le Vietnam, la Thaïlande, la Malaisie, la Jordanie … et le Sénégal.

En 2013, le Rwanda, le Mozambique, la Gambie, le Malawi, et le Burkina Faso, ont rejoint ce groupe, qui compte désormais six pays Africains. D’après les analyses du Global Innovation Index, cette « surperformance » dans les niveaux d’innovation est notamment due à une main d’œuvre relativement bien formée, à de bonnes possibilités de crédits d’investissement, et à un environnement des affaires plus sophistiqué qu’ailleurs en Afrique (notamment dans le secteur tertiaire). Le Nigeria, plus grand économie du continent, passe de la 120ème à la 110ème place, et reste loin du Kenya (85ème).

Il est important de noter que l’appartenance au groupe des innovation learners n’est pas lié à un classement par rapport aux autres, mais plutôt par rapport à ce qui est attendu vu ses ressources internes. Ainsi le Rwanda (102ème), le Mozambique (107ème), et le Burkina Faso (109ème), sont très proches du Nigeria, mais se distinguent par leur très bonne performance au regard de leurs ressources beaucoup plus limitées et de ce qui serait attendu d’eux en termes d’innovation. 

L’importance du facteur humain

Comment certains pays s’en sortent ils mieux que d’autres dans le domaine de l’innovation? D’après le Global Innovation Index, les diplômés du supérieur constituent « un point de départ essentiel » dans le processus d’innovation, même si leur présence ne garantit pas forcément des résultats. En effet, d’autres facteurs entrent en jeu et sont tout aussi important que les compétences techniques : la créativité, l’esprit critique, la tolérance du risque et l’esprit entrepreneurial sont des facteurs « au moins aussi importants », et constituent l’environnement le plus favorable à l’innovation. La mise en place de ce type d’environnement, qui porte efficacement de nouvelles idées, reste un défi complexe, en particulier pour les pays en développement dont les moyens sont limités. Il est d’autant plus compliqué par la concurrence internationale et la mondialisation.

En effet, « les talents de haut niveau restent rares », malgré le développement de l’éducation supérieure. De plus, ils tendent « à se regrouper autour des meilleurs institutions », dans la mesure où la mobilité du capital humain a beaucoup progressé au cours des dernières décennies. Ces évolutions constituent ainsi à la fois des menaces et des opportunités pour les pays Africains, d’autant plus qu’une « fuite des cerveaux inversée » commence à se mettre en place (à l’instar de l’Inde ou de la Chine).

Des processus d’innovation peuvent néanmoins trouver leur voie plus spécifiquement en Afrique, environnement dans lequel les besoins sont immenses et les possibilités de rattrapage accéléré existent réellement. La success story du paiement mobile, qui a trouvé en Afrique un terrain de croissance beaucoup plus favorable qu’ailleurs précisément en raison des carences des réseaux classiques, constitue un exemple particulièrement frappant et encourageant pour l’avenir.

Lire le rapport complet (en anglais)

 

Nacim KAID SLIMANE

No Silicon Valley in Africa yet?

The Silicon Valley does not hold the monopole of entrepreneurship. More and more new attractive centres for start-ups are created all around the world, in New York, Boston, Singapour, and Sao Paulo and Bangalore, also called the Indian “Silicon Valley”. These cities are well ranked in the international benchmark reference, and progress every year.

As a matter of fact, no city or region in Africa can reasonably claim to offer a similar international business ecosystem, in spite of all the imported concepts and plans that could not be successfully implemented in the continent. Under what conditions can we expect African start-ups to develop and be competitive in the world? How can they create a business ecosystem that could integrate and progress in the most selective international benchmarks?

The stakes are high: economies are transitioning towards services and knowledge-based economies will expand progressively in the next decades. Countries offering the best entrepreneurial ecosystems will have the best chances of being successful in the world. They will become the driving force for growth and employment.

The most successful start-ups created in the past decade (Google, Facebook, Amazon) are known internationally and have revolutionised our lives. These companies now belong to the playground of the greats. They have overthrown the well-established international conglomerates and their market capitalisation grows exponentially.

This economic revolution is likely to last long and keeps on growing larger. In 2030, the world economy will be dominated by companies that are unknown today or that haven't even been created yet. These companies will not only come from the Silicon Valley but from new emerging hubs in India, Brazil and maybe African countries in the near future.

The typical atmosphere for start-ups in the 21st centhury : more space, less time

A start-up is generally the result of a combination of different additional factors : the capital (which is more and more limited), talented co-founders, innovating techonology (not always digital) and an enabling environment.

The business environment is changing day by day. Past methods do not work anymore for those who cannot or who do not want to adapt. The major challenge for companies in the 20th centhury is to expand in a vast area and to extend their services without hurting the quality of services or the visibilty of the brand.

Things are very different in the 21st centhury. The challenge is not to conquer space, but time which seems to go faster and faster. The distance between companies and client has reduced and many obstacles have disappeared. Offer and demand are met almost instantaneoulsy in all parts of the world, thanks to the fast connections that new technologies now offer.

Since consumers are more easily accessible, the cost of access to the market has massively reduced for entrepreneurs. As a consequence, the market is much more competitive and the competition can come from the most unexpected companies.

An increasingly intense competition

Many sectors have been through major changes thanks to digital technology : media, education, healthcare, entertainment, transport, retail,… Some start-ups, such as Uber and Airbnb, have completely transformed their sectors and have created new opportunities. Innovation is not the priviledge of big companies or States anymore. It has expanded to younger and more ambitious new actors that constantly challenge the status quo.

For decades, most companies have benefited from more or less sustainable income. They have evolved in an isolated environment characterized by low competition, an asymmetry of information regarding the clients and growing consumption.

The obsolence of the established practices were revealed by the arrival of new trends and new actors. The companies were not protected anymore. Leading companies, such as Kodak, which had the quasi monopole in their sector for decades suffered a lot.

Easy to set up, difficult to keep up

Nowadays, it is very easy to set up a new company (apart from the administrative problems that persist). The readily available technologies (clouds, social media networks, free lance) make it easier for people to lauch their businesses quickly and with very few ressources (crowdfunding). A lot of people have set up their companies this way. This does increase competition among the new entrepreneurs who want to access the same markets.

The information flows quickly. Therefore, it makes it easier to adjust and personalize the products in real-time. Moreover, search engines and price-comparison sites give totally transparent information to the clients and help maintain a constant pressure on prices.

Thus, there is no reason why there cannot be a competitive business ecosystem in Africa, all the more so because innovation advances far more quickly here than elsewhere. One thing we can learn from successful start-ups in the Silicon Valley is that companies should be ready to constantly change and adapt their activity to keep up with the competition. Innovation is not necessarily a linear progression. It evolves in irregular rythms and often takes unexpected paths.

Translated by Bushra Kadir


 

Pourquoi n’avons-nous pas (encore) une Silicon Valley Africaine ?

La Silicon Valley n’a plus le monopole de l’entrepreneuriat. C’est en tout cas ce que révèle l’émergence de nouveaux pôles de plus en plus attractifs pour les startups comme New York, Boston, Singapour, mais aussi Sao Paulo ou Bangalore (d’ailleurs surnommée la « Silicon Valley Indienne). Ces villes figurent désormais en bonne place dans les classements internationaux de référence, et progressent chaque année.  

Aucune ville ou région africaine ne peut aujourd’hui raisonnablement revendiquer une telle place sur le podium et mettre en avant un écosystème d’envergure mondiale, malgré les déclinaisons souvent symboliques de plans et concepts « importés », dont la réalisation est imparfaite ou incomplète. Dans quelles conditions peut-on voir émerger des startups nées en Afrique et mondialement compétitives, qui pourront tirer des écosystèmes pour intégrer et progresser dans les classements les plus sélectifs? 

L’enjeu est de taille. Avec la transition des économies vers les services et la place prise par « l’économie du savoir » dans les prochaines décennies, les pays qui auront les meilleurs écosystèmes entrepreneuriaux auront de bonnes chances d’être les plus prospères du monde, constituant ainsi des moteurs de croissance et de création d’emploi.  

Les startups les plus brillantes de ces dernières décennies, celles en tout cas qui ont connus un développement mondial et ont révolutionné nos usages (Google, Facebook, Amazon…) jouent désormais dans la cours des (très) grands, avec des chiffres d’affaires et une capitalisation boursière ayant progressé de façon exponentielle et détrônant des conglomérats mondiaux bien établies.  

Cette « révolution économique » a de bonnes chances de perdurer et de s’accentuer : il est ainsi très probable que l’économie mondiale de 2030 soit dominée par des entreprises dont nous ne connaissons pas encore le nom ou qui n’ont même pas encore été créées. La nouveauté est que ces startups promises à un destin mondial ne sortiront plus uniquement de la Silicon Valley, mais de plus en plus de nouveaux écosystèmes en pleine émergence. Aujourd'hui d'Inde et du Brésil, demain de pays Africains.  

L’environnement type des startups au XXIème siècle : plus d’espace, moins de temps… 

Une startup est généralement le résultat d’une combinaison de plusieurs facteurs complémentaires : un capital (de plus en plus limité), des cofondateurs talentueux, une technologie innovante (et pas forcément numérique…), baignant dans un environnement porteur.  

L’environnement des affaires évolue, et les recettes du passé ne fonctionnent plus pour ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas s’adapter. Au XXème siècle, le principal défi des entreprises était de se développer sur un espace géographique de plus en plus vaste, en étendant la gamme de services sans nuire à la qualité ou à la visibilité de la marque.  

Le XXIème est résolument diffèrent. Le défi n’est plus tellement de maitriser l’espace, mais plutôt le temps (qui semble de plus en plus accéléré). La distance d’accès au client a diminué, de nombreuses barrières ont sauté : le contact entre une offre et une demande de service peut désormais être quasi-instantané peu importe la distance géographique, vu le degré de connexion permis par les nouvelles technologies.   

Si les consommateurs sont de plus en plus accessibles, le cout d’accès au marché pour les entrepreneurs diminue de façon spectaculaire. Mais cet avantage a aussi une conséquence majeure : la compétition est beaucoup plus rude et peut provenir des acteurs les plus inattendus.  

Une concurrence de plus en plus intense 

Les secteurs ayant connu d'importantes transformations à traves le digital ne sont plus à présenter: médias, éducation, santé, loisirs, transport, commerce de détail… Certains startups ont entièrement bouleversé des secteurs d'activité et créés de nouvelles possibilités, à l'instar d'Airbnb ou d'Uber. L'innovation n'est donc plus le domaine réservé des grands groupes et des Etats, mais provient de nouveaux acteurs plus jeunes, plus ambitieux, et qui cherchent délibérément à remettre en cause le statu quo en permanence. 

Durant des décennies, la plupart des entreprises ont bénéficiés de rentes plus ou moins importantes et plus ou moins durables. Elles évoluaient dans un environnement cloisonné, avec un faible niveau de compétition réelle, une asymétrie d'information par rapport aux clients, et une consommation constamment en hausse.  

L'arrivée de nouvelles tendances et de nouveaux acteurs ont brisés ces protections et ont révélé l'obsolescence des pratique établis. Des organisations leaders dans leur secteur pendant des décennies et en situation de quasi-monopole ont en fait les frais, à l'instar de Kodak dans la photographie. 

Création plus simple, mais survie plus rude  

Il est aujourd'hui beaucoup plus aisé de lancer une entreprise (au delà des difficultés administratives qui persistent…). Grace aux technologies disponibles (parfois en libre accés), aux services offerts par le cloud, à l'exposition assurée par les réseaux sociaux ou aux compétences mobilisables par des free lance, il est possible de lancer son affaire rapidement et avec peu de moyens (notamment en s'appuyant sur le crowdfunding). Et beaucoup de personnes l'ont fait, ce qui augmente constamment la concurrence à travers de nouveaux entrants qui peuvent accéder aux mêmes marchés… 

Les flux d'information sont plus fluides, ce qui permet des ajustements en temps réels et une personnalisation des produits. Les moteurs de recherche et les comparateurs de prix permettent de se rapprocher d'une totale transparence sur l'information qui intéresse le client, et de maintenir une tension permanente sur les prix. 

Il n'y a donc aucune raison qui empêche structurellement l'émergence en Afrique d'écosystèmes compétitifs à l'échelle mondiale sur le modèle de la Silicon Valley, d'autant plus que l'innovation y progresse parfois plus vite qu'ailleurs. Si nous ne devions d'ailleurs retenir qu'un seul principe qui a fait le succès des startups de la Silicon Valley, ca serait qu'il faut être prêt à évoluer et à adapter son activité en permanence afin de ne pas être dépassé par d'autres. L'innovation n'évolue pas en progression linéaire, mais avance par tâtonnement à des rythmes variables, et souvent par des chemins inattendus..

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Nacim KAID SLIMANE 

Les évolutions de l’écosystème entrepreneurial en Algérie

Les start-up sont devenues une source indispensable de croissance pour transformer l’économie des pays Africains. Celles-ci créent de nouvelles capacités de production, de nouveaux emplois et introduisent des solutions innovantes pour redynamiser l’activité d’un pays.

Pourtant, la performance d’une entreprise n’est pas uniquement due à ses atouts internes (comme son organisation, sa productivité, ou sa maitrise technologique). Elle dépend surtout de l’écosystème dans lequel elle se développe (fournisseurs, fonds d’investissement, universités, partenaires commerciaux…), qui constituent autant d’atouts pour faire décoller un projet. La Silicon Valley, en Californie, est le modèle emblématique de cette importance vitale de l’écosystème dans la réussite d’une start-up, et a vu germer les projets entrepreneuriaux les plus réussis de ces dernières décennies.

LA CREATION D’ENTREPRISES EN FORTE CROISSANCE

L’Algérie est encore loin du modèle d’économie de la connaissance basée sur l’innovation. Comme de nombreux pays de la région, son économie reste basée sur les hydrocarbures, qui représentent un tiers du PIB et 95% des exportations. Cette situation que beaucoup lui envient la rend particulièrement vulnérable aux fluctuations du cours de pétrole et ralentit le développement d’autres secteurs. La diversification de l’économie constitue ainsi le principal défi pour l’Algérie au cours des prochaines années, afin de générer de nouveaux relais de croissance et de faire face à une demande interne de plus en plus forte.

Depuis le passage d’une économie dirigée à une économie de marché (enclenchée à la fin des années 1980), l’Algérie a misé sur le développement d’un tissu de Petites et Moyennes Entreprises (PME), en mettant en place des dispositifs juridiques et financiers particulièrement incitatifs.

Grâce aux réformes structurelles entreprises par les pouvoirs publics, la création d’entreprise a fortement augmenté : plus de 80% des entreprises actuellement recensées en Algérie ont moins de dix ans. De plus, le rythme annuel de création reste très soutenu, avec un taux de croissance à deux chiffres sur la période 2005-2014. Sur ces entreprises nouvellement créées, 90% sont actives sur le secteur tertiaire (dont la moitié pour des activités de commerce). Malgré une forte volonté de développer l’industrie et de favoriser la production nationale, le secteur industriel ne représente que 10% des créations d’entreprise, et reste relativement délaissée et peu compétitif face aux produits d’importation.

Après ces quelques années de croissance soutenue, les PME représentent aujourd’hui plus de 95% du tissu d’entreprises à l’échelle nationale, et sont à l’origine de la moitié des richesses générées par le secteur privé (hors hydrocarbures). La marge de progression reste pourtant très importante, puisque l’Algérie compte une moyenne de 30 PME pour 1000 habitants (contre 50 à 100 PME pour 1000 habitants dans les pays de l’OCDE). Selon le recensement économique de 2012, il existe plus d’un million de PME en Algérie, dont 98% sont des structures privées.

PORTRAIT ROBOT DE L’ENTREPRISE ALGERIENNE TYPE

La très grande majorité des entreprises algériennes (95%) sont des  des Très Petites Entreprises (TPE), sous la forme de SARL ou EURL. Elles emploient 2 millions de salariés, soit un tiers des 7 millions de salariés que compte le pays. Comme en Italie ou en Allemagne, la plupart de ces entités sont gérées par un cercle familial qui unit le propriétaire unique et ses principaux collaborateurs sur lesquels reposent le pouvoir de décision et les responsabilités. Les PME algériennes sont très majoritairement orientées vers le marché local : seule une centaine sont considérées comme exportatrices.

Les caractéristiques intrinsèques de ces entreprises (structure, activités, taille) expliquent en grande partie leurs difficultés en termes de compétitivité à l’international et de maturité technologique. Même si l’innovation n’est pas inexistante, elle reste limitée à des secteurs très concurrentiels (comme l’agroalimentaire ou l’industrie), ou dans les activités fortement soutenus par les pouvoirs publics, qui prennent en charge les dépenses d’investissement.

LES SECTEURS PORTEURS

L’agriculture est sans doute le secteur qui a le plus grand potentiel en Algérie, qui est le premier importateur africain de denrées alimentaires (près des deux tiers de ses besoins sont assurés par l’importation, en particulier pour le blé et le lait). Elle est parfois surnomée le « pétrole vert » de l’Algérie.

Des millions d’hectares sont en effet sous-exploités (voire inexploités), alors que la « facture alimentaire » n’a cessé de croitre. Afin de contrer cette situation, l’Etat Algérien a mis en place un dispositif en ouvrant notamment le secteur aux investissements étranger et en mettant en place des dispositifs de financement pour les agriculteurs locaux.

En ce qui concerne l’industrie, les PME sont principalement réparties dans le domaine pharmaceutique, la métallurgie et le textile. L’industrie algérienne ne répond qu’à environ 20% des besoins du marché pharmaceutique (qui est l’un des plus importants d’Afrique et du Monde Arabe), les investissements dans ce secteur sont aujourd’hui importants afin de favoriser la production sur l’importation, à la faveur de dispositifs incitatifs et de réglementations avantageuses pour les acteurs nationaux.

DES OBSTACLES A SURMONTER

En premier lieu, le financement des entreprises est une problématique majeure, en raison des retards du système financier Algérien, notamment le manque de fonds d’investissement privés. L’accès au financement bancaire reste globalement plus compliqué qu’ailleurs.Face à cette situation, des dispositifs publics ont été mis en place pour accélérer les procédures, en particulier pour les jeunes porteurs de projets. Ainsi, une Agence Nationale de Soutien à l’Emploi des Jeunes a été créée, et est sans aucun doute le dispositif d’accompagnement le plus avantageux et le plus connu en Algérie. L’ANSEJ accorde des prêts sans intérêts pouvant aller jusqu’à 100.000 euros, et une exonération d’impôts pendant plusieurs années.

L’accès au foncier est également un challenge pour les entreprises, et constitue une problématique ancienne. La solution proposée passe par la création de zones d’activités et de villes nouvelles spécialisés dans certaines activités, à l’image de Sidi Abdellah (banlieue d’Alger), qui constitue un pôle d’excellence pour les nouvelles technologies et abrite l’incubateur d’entreprises le plus important du pays. S’il existe évidemment certains freins à l’entrepreneuriat en Algérie, aucun ne semble insurmontable, preuve en est le nombre impressionnant de start-up créées chaque année depuis le début des années 2000.

Avec ses infrastructures (réseaux d’énergie et de transports parmi les plus développées d’Afrique), son potentiel humain, et sa position géographique privilégiée, l’Algérie constitue un écosystème entrepreneurial qui connait d’importantes évolutions et a un immense potentiel. Il devra  savoir s’intégrer aux écosystèmes régionaux et mondiaux pour bénéficier des opportunités qui lui font aujourd’hui défaut et qui le feront passer à la vitesse supérieure.

Nacim KAID SLIMANE

3 ans après la révolution : les défis du nouveau gouvernement Tunisien

UntitledNous trouverons un chemin…ou nous en créerons un. C’est ce qu’aurait déclaré Hannibal lors de sa mythique traversée des Alpes.

2000 ans après le pari fou du général Carthaginois qui a menacé Rome, et 3 ans après la révolution de janvier 2011, la Tunisie est encore confronté à une crise multidimensionnelle dont elle a du mal à s’extraire.

Au-delà des difficultés à faire face à une situation sécuritaire tendue et à trouver un consensus politique pour préparer sereinement les prochaines élections, les défis socio-économiques du nouveau Premier Ministre tunisien sont immenses. Mehdi Jomaa, qui fût précédemment ministre de l’Industrie et qui a derrière lui une longue carrière dans le secteur privé, devra lui aussi savoir trouver un chemin pour redresser la situation, ou à défaut essayer d’en créer un…

Accompagner une reprise progressive de l’économie

On dit que la liberté n’a pas de prix. Mais elle a probablement un coût (économique).

Si la révolution de janvier 2011 a pu apporter la liberté d’expression, il est évident qu’elle a aussi eu des impacts négatifs (mais attendus) sur l’économie tunisienne et fragilisé ses perspectives d’évolution. Le secteur clé du tourisme a été durement affecté par l’instabilité politique et l’insécurité, réelle ou perçue.

En 2011, le taux de croissance a été négatif (-1,9%, d’après le FMI), avant d’enregistrer progressivement une reprise en 2012 (3,6%) et en 2013 (estimée entre 3 et 4% selon les premières prévisions).

Les difficultés conjoncturelles dues au contexte politique ne doivent cependant pas masquer les problèmes structurels auxquels l’économie tunisienne est confrontée depuis des décennies, caractérisée par un chômage élevé et une forte disparité régionale. Le phénomène des diplômés-chômeurs est particulièrement alarmant, avec un vrai paradoxe constaté dans certains secteurs: plus on étudie, moins on a de chance de trouver un emploi.

Résorber le chômage des jeunes

En raison des efforts investis dans l’éducation, le nombre de  diplômés sortants chaque année de  l’université a doublé ces dix dernières années.  Avec près de 800.000 chômeurs (sur une population de 10.8 millions d’habitants), le marché de l’emploi en Tunisie est donc en crise de manière prolongée, ce qui alimente la tension sociale et politique.

La création annoncée de 25.000 postes supplémentaires dans la fonction publique ne constitue qu’une goutte d’eau par rapport aux besoins de recrutement, et ne peut de toute façon pas représenter une solution envisageable à long terme.

Des mécanismes d’encouragement à l’emploi peuvent en revanche aider à résorber le déséquilibre, en particulier pour renforcer l’employabilité des jeunes (stages, formations supplémentaires…). Ceci pourrait s’accompagner d’une décentralisation des structures en charge de la régulation socio-économique, afin d’élaborer des stratégies liées à des bassins d’emploi locaux, établissant des tissus économiques basés sur les ressources et les potentialités propres à chaque région.

Ces mesures restent toutefois conditionnées par un consensus politique qui reste difficile à établir, et plus généralement par la disponibilité des moyens à engager par l’Etat, dont les ressources financières restent limitées.

Engager des réformes difficiles mais inévitables.

Si elle veut construire une économie prospère et durable, la Tunisie doit à la fois faire progresser son industrie dans la chaîne de valeur par l’encouragement de l’innovation et une hausse de la productivité, tout en soutenant le secteur des services en réduisant le poids de l’informel et la vulnérabilité aux chocs externes.

Pourtant, la situation des finances publiques est alarmante, et la Tunisie ne dispose pas, à la différence de ses voisins, de ressources en hydrocarbures capables d’assurer des revenus substantiels à injecter sur plusieurs années.

Le déficit budgétaire s’aggrave chaque année davantage. Il représente aujourd’hui 7 % du PIB et 20 % des charges de fonctionnement et d'investissement de l'État. Comme dans beaucoup de pays, l’Etat Tunisien vit au-dessus de ses moyens, mais il n’est pas certain qu’il puisse prolonger cette situation aussi bien que d’autres…

Une des réformes les plus sensibles concerne les subventions sur les carburants et les produits alimentaires de base (sucre, farine…). Le gouvernement Tunisien ne peut en aucun cas se permettre de les supprimer (ce qui serait intenable au niveau social) mais peut par contre instaurer progressivement un ciblage pour les orienter vers les populations défavorisées.

Ce principe théorique qui permettrait d’aider en priorité, et même davantage qu’actuellement, les plus nécessiteux devient aujourd’hui possible grâce aux nouvelles technologies et mettrait fin à des excès particulièrement couteux pour l’Etat. Ceci pourrait aussi permettre de réduire le trafic sur ces produits aux frontières.

Encourager une intégration régionale qui se fait attendre

Les échanges entre pays maghrébins représentent encore moins de 5% du commerce dans la région, un chiffre dérisoire et qui est de moins en moins acceptable en 2014 dans un contexte de mondialisation des échanges et d’intégration économique.  

Il n’y à priori aucune raison pour que le blocage institutionnel de l'Union du Maghreb Arabe en raison de la question du Sahara Occidental (qui se posait d’ailleurs déjà à la création de l’organisation en 1989 et n’en avait pas empêché les avancées), puisse nuire aux échanges entre la Tunisie et ses voisins, en particulier l’Algérie.

Le coût de la « non-intégration » s’élèverait chaque année à 1% ou 2% du PIB pour chacun des pays, ce qui est loin d’être négligeable compte tenu de la situation actuelle. La Tunisie pourrait en effet grandement bénéficier de conditions lui permettant d’exporter sa main d’œuvre qualifiée et ses produits, tout en améliorant sa compétitivité vis-à-vis de la rive Nord de la Méditerranée.

Son grand voisin de l’ouest, l’Algérie, dispose de ressources financières importantes et investit massivement dans ses infrastructures depuis plusieurs années, notamment dans l’Autoroute Est-Ouest qui traverse tout le nord du pays sur 1200 kilomètres. Assurer son prolongement vers Tunis (et plus tard vers Tripoli) dans le cadre d’une Autoroute Trans-Maghrebine pourrait non seulement faciliter les échanges entre les pays en réduisant le temps de transport, mais aussi représenter un symbole concret de l’unité nord-africaine.

N’oublions pas que c’est durant la crise des années 1930 que la mythique Route 66, reliant Chicago à Los Angeles, a été tracée. Elle n’a pas seulement permis de générer de l’emploi dans le cadre du New Deal mais aussi de créer des opportunités économiques sur plusieurs décennies, de favoriser la mobilité des populations, et de renforcer l’identité américaine au bénéfice d’un développement mutuellement bénéfique pour les différents Etats.   

Nacim KAID SLIMANE

« Madiba l’Africain »: retour sur le voyage initiatique de Nelson Mandela en Afrique

madiba

Avant de devenir le symbole de paix et de réconciliation auquel le monde entier rend un vibrant hommage aujourd’hui, Nelson Mandela a d’abord été un militant qui a préparé avec détermination la lutte contre le régime raciste de l'apartheid.

Il ne faut pas oublier que l’ANC était considérée comme une organisation terroriste par certains pays occidentaux, et que le nom de Nelson Mandela figurait (jusque très récemment…) sur la liste des personnes considérées comme « terroristes » par les autorités américaines.

Les pays africains ont pour leur part fait preuve, dès les années 1960, d’un engagement sans faille dans la lutte anti-apartheid, en soutenant Nelson Mandela et beaucoup d’autres dans leur lutte légitime contre l’oppression et la discrimination.

La tournée de Mandela à travers l’Afrique, qui le mènera dans une dizaine de pays au début des années 1960, lui permettra de récolter des soutiens de poids et de bénéficier d’une formation militaire auprès de révolutionnaires aguerris, en particulier en Ethiopie et dans les camps de l’Armée de Libération Nationale algérienne dans lesquels il passera plusieurs mois. 

Ceci lui permettra à Nelson Mandela de jouer un rôle majeur au sein de l’ANC, et débouchera, quelques semaines à peine après son retour, sur son arrestation et son emprisonnement pour une période qui durera 27 ans, jusqu’à sa libération en 1990.

Entretemps, l’ANC aura bénéficié du soutien politique et logistique des pays africains pour abattre le régime raciste de Pretoria, en l’isolant diplomatiquement (il sera exclu de l’ONU en 1974) et en l’étouffant économiquement à travers les sanctions et l’effort de guerre imposé par ses guerres en Afrique Australe (Namibie, Angola…).

LE TOURNANT REVOLUTIONNAIRE DE L’ANC

Dans ses mémoires Mandela  rappelle que « pendant cinquante ans, l'ANC avait considéré la non-violence comme un principe central ».  Cette situation n’était plus tenable face à la répression du régime de l'apartheid (notamment le massacre de Sharpeville en mars 1960), rendant inéluctable l’engagement de l’ANC dans la lutte armée.

La rupture marque un tournant majeur dans l’histoire de l’Afrique du Sud: « désormais, l'ANC serait une organisation d'un genre différent. Nous nous engagions dans une voie nouvelle et plus dangereuse, la voie de la violence organisée", dira Mandela. Ce dernier sera la personne chargée par l’ANC de créer une branche armée, Umkhonto We Sizwe (« fer de lance de la nation »). Il se rendra à ce titre dans plusieurs pays africains pour s’inspirer de leur expérience et bénéficier de leur soutien.

La vie et l’œuvre de Nelson Mandela montrent clairement que lorsque les Africains travaillent ensemble et consentent des sacrifices communs, ils peuvent réaliser des victoires majeures pour faire avancer leurs causes, en l’occurrence enregistrer une victoire historique sur la discrimination raciale. 

UN VOYAGE INITIATIQUE SUR LE CONTINENT AFRICAIN

Madiba quitte clandestinement l'Afrique du Sud en janvier 1962 en transitant par le Botswana.  En décembre 1961, l'ANC avait en effet reçu une invitation pour assister à une conférence à Addis-Abeba, prévue en février 1962.  

En Ethiopie, il reçoit un premier entrainement au maniement des armes et assistera à une parade militaire. Il notera à ce propos : «pour la première fois de ma vie, je voyais des soldats noirs commandés par des responsables noirs.» Il sera ensuite aussi en Guinée, au Ghana et au Nigeria.

A Dakar, il observe que « la société montre comment des éléments très disparates – français, islamiques et africains – peuvent se mêler pour former une culture unique et distincte", contrairement à la société fragmentée de l’apartheid. Mandela visitera également les pays d’Afrique du Nord, de l’Egypte au Maroc.

A propos de l’Algérie, il écrira ainsi que son combat pour l’indépendance était «le modèle le plus proche» de l’Afrique du Sud, et en tirera des enseignements majeurs aux cours des mois qu’il a passé dans les camps d’entrainement de l’ALN (branche militaire du FLN) aux frontières algéro-marocaines.

A sa libération de prison en 1990, l’Algérie sera d’ailleurs le premier pays que Mandela visitera, comme pour marquer sa reconnaissance au pays en général et à ses instructeurs militaires en particulier. Il déclarera, en toute modestie, « c’est l’Algérie qui a fait de moi un homme ».

UN PARCOURS RICHE D’ENSEIGNEMENTS

Après son arrestation en 1962, Mandela ne cessera de répéter pendant son procès que le recours à la lutte armée n'était qu'une réponse à la violence du régime de l'apartheid. Il proclamera par ailleurs ce qui fera figure de profession de foi du père de la nation arc-en-ciel : "j'ai lutté contre la domination blanche et j'ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d'une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie avec des chances égales." Après vingt-sept années en prison, il saura pardonner et négocier avec ses anciens geôliers, séduisant des adversaires d'hier qu'il s'est bien gardé d'humilier.

Le parcours de Nelson Mandela est unanimement salué. En Afrique, l’hommage est d’autant plus vibrant pour cet homme d’exception, qui aura réussi le double exploit de libérer son pays et de réconcilier ses habitants, évitant des souffrances supplémentaires. Il aura plus que nul autre su personnaliser les valeurs de liberté et de dignité humaine. Indéniablement, une page de l’histoire se tourne avec la disparition de Madiba, mais son œuvre et ses valeurs resteront gravés dans le marbre.

Zoom sur un pays : la Namibie, un des plus jeunes Etats d’Afrique

namibie-mapSLa Namibie a émergé en tant qu’Etat en 1990 après une longue lutte contre l’occupation Sud-Africaine et le système de l’Apartheid. Situé sur la côte sud-ouest de l’Afrique, ce vaste pays peu peuplé (avec 2 millions d’habitants, il est l’un des pays les moins densément peuplé au monde) se trouve entre les deux puissances économiques d’Afrique Australe, à savoir l’Afrique du Sud et l’Angola. Depuis son indépendance, la Namibie a joué un rôle stabilisateur dans la sous-région. La stabilité politique du pays sous l’autorité du parti historique SWAPO (qui a guidé la lutte pour l’indépendance) reste un atout considérable dans l’attraction des investissements et l’efficacité de l’aide au développement dans ce pays, qui a réalisé des progrès constants en termes de développement humain mais reste confronté à des défis majeurs.

L'Indice de Développement Humain de la Namibie est de 0.625 (soit plus que l’Afrique du Sud) et le pays est considérée comme un pays à revenu intermédiaire, se situant au 11ème rang africain pour l'IDH, et au 5ème rang en termes de revenus par habitant (avec un revenu quatre fois supérieur à celui de la moyenne d’Afrique Subsaharienne, et équivalent à celui de certains pays d’Europe Centrale et Orientale). 

Richesse et inégalités, le paradoxe namibien

L’écart entre le revenu et le niveau de développement qui est constaté peut être attribué à deux facteurs majeurs. La pandémie du Sida en premier lieu, qui touche sévèrement le pays et affecte plus d’un quart de la population adulte, réduisant l’espérance de vie et menaçant le processus de développement. La réduction des inégalités ensuite. La répartition des revenus en Namibie reste en effet l’une des cinq plus inégalitaires au monde, malgré une amélioration de la situation au cours des dernières années (le coefficient de Gini a ainsi baissé de 0.7 à 0.6 mais reste deux fois plus élevé que dans un pays comme la France). 

Un pour cent de la population concentre près de la moitié des richesses, ce qui accroit les tensions sociales, d’autant plus que ces inégalités se superposent au clivage racial hérité de l’époque de l’Apartheid. Comme en Afrique du Sud ou au Zimbabwe voisins, les inégalités alimentent l’insécurité et sont sources de tensions politiques autour du statut de la minorité blanche (environ 7% de la population Namibienne), d’autant plus qu’une proportion alarmante de la population noire est au chômage (globalement, plus de 50% de la population active n’avait pas accès à l’emploi en 2008).

NamibieUne économie ouverte

L’économie namibienne est soumise à une dépendance importante vis-à-vis de l’extérieur, à la fois du côté des importations (la consommation reste très liée à l’Afrique du Sud, y compris pour les produits de base) et des exportations. L’industrie minière (uranium et diamant, pour lesquels la Namibie est parmi les premiers exportateurs mondiaux) représente près de la moitié des revenus en devises, et entraîne de nombreux secteurs en aval (contractants en construction, approvisionnements…). L’uranium fait par ailleurs de la Namibie, en tant que quatrième exportateur mondial, un pays aux ressources stratégiques, ce qui a un impact sur ses relations avec l’étranger. 

La pêche est également un secteur exportateur, essentiellement à partir de la ville de Walvis-Bay, dont le port constitue véritablement une porte d’entrée, non seulement pour la Namibie, mais aussi pour la Zambie et le Botswana. La qualité des infrastructures de transport (notamment avec un très bon réseau routier, mais aussi des lignes ferroviaires et des infrastructures portuaires aux normes internationales) a ainsi des retombées positives sur toute la région.

Deux axes de développement durable

L’intégration régionale dans le cadre de la SADC, est un facteur d’opportunités pour la Namibie, lui offrant débouchés et facilités d’approvisionnement. De plus, près de 40% du budget de l’Etat provient des droits de douane reversés par la SACU, la plus ancienne union douanière du monde, réunissant l’Afrique du Sud et ses voisins. Cette double appartenance n’empêche pas la Namibie de nouer des relations commerciales importantes au-delà de la sous-région, en particulier avec l’Union Européenne et la Chine.

Le tourisme quant à lui est un secteur particulièrement dynamique et prometteur pour l’avenir, attirant chaque année plus d’un million de visiteurs et faisant du pays une des premières destinations en Afrique et un des leaders mondiaux de l’écotourisme. L’étendue du pays et ses paysages uniques, en particulier dans le désert du Namib (qui est depuis 80 millions d’années, le plus ancien désert au monde), la richesse de la faune, la diversité des cultures et la qualité des infrastructures font de la Namibie un pays véritablement exceptionnel et qui vaut le détour.

Nacim KAID Slimane

« L’Indafrique » en pleine émergence

india-africaAlors que les relations tissées entre la Chine et l’Afrique suscitent un intérêt important (et au passage certaines inquiétudes), l’émergence de l’Inde sur le continent est pratiquement passée inaperçue.

Si le volume des échanges commerciaux entre l’Inde et l’Afrique reste trois fois moins élevé que celui avec la Chine, le poids de l’Indafrique est réel et en plein boom. Ces échanges aujourd’hui estimés entre 40 et 60 milliards de dollars par an, pourraient atteindre 90 milliards d’ici 2015.

Une présence ancienne

Les relations commerciales entre les rives de l’Océan Indien sont séculaires, grâce à la mousson qui permettait de conduire les épices indiennes jusque dans les ports d’Afrique de l’Est.

L’immigration indienne en Afrique, qui date de la période coloniale anglaise, a joué un rôle majeur dans le développement de ces relations et permis d’établir des communautés importantes en Ouganda, Tanzanie, Kenya et Afrique du Sud.

Ainsi, Gandhi a vécu en Afrique du Sud et y a exercé en tant qu’avocat durant de nombreuses années. Jeune avocat arrivé en 1893, c’est en Afrique qu’il mettra pour la première fois en pratique sa vision d’une désobéissance civile non-violente, et son combat politique commencera donc par la lutte pour les droits civiques de la communauté indienne en Afrique du Sud.

Ces liens économiques et humains ont été renforcé par la solidarité politique née de la décolonisation et du mouvement des non-alignés. L’Inde et l’Afrique entretiennent des relations politiques depuis les années 1950, même si les relations économiques en sont restées à un niveau limité.

Les groupes indiens en force dans les télécoms

Dans un premier temps, l’initiative du développement des échanges en est surtout revenue à aux groupes privés indiens. Le groupe Tata a été le fer de lance de la stratégie africaine de l’Inde depuis les années 1960, principalement dans les secteurs des télécommunications et de l’automobile.

Activant également dans le secteur des télécoms, Bharti-Airtlel est même devenu le troisième plus grand opérateur mobile sur l’ensemble du continent africain, et déploie son réseau dans plus de dix-sept pays.

Dans les transports, Kalinda Rail, le constructeur du métro de New Delhi, a été chargé de rénover les chemins de fer du Ghana. Le laboratoire pharmaceutique Cipla et ses médicaments génériques contribuent à améliorer la situation sanitaire dans de nombreux pays comme l’Ouganda, le Togo, le Cameroun, le Nigeria.

Enfin, Karuturi Global, l’un des leaders mondiaux de la production de roses, investit prés de 100 millions de dollars pour produire des denrées alimentaires en Ethiopie.

Les groupes indiens cherchent souvent à se différencier des entreprises chinoises, et à avoir un plus grand impact social. Elles s’attachent ainsi à employer davantage une main-d’œuvre locale, et à établir des partenariats avec des entreprises africaines.

Ces dernières années, le secteur privé indien a ainsi acquis des dizaines de sociétés dans différents secteurs et vise des investissements à long terme. Il mise surtout sur les besoins d’un continent de plus d'un milliard d'habitants, au profil de consommation très similaire à celui de l'Inde.

« L’institutionnalisation » de l’Indafrique depuis 2007

Une nouvelle étape de la coopération entre l’Inde et l’Afrique a été franchie en octobre 2007, avec la visite du Premier ministre indien, Manmohan Singh au Nigeria. Ce fut en fait la première visite d’un chef du gouvernement indien en Afrique de l’ouest depuis celle de Nehru, en 1962!

Cette visite a été suivie par le premier sommet Inde-Afrique à Delhi en avril 2008 auquel ont participé quatorze chefs d’État africains. Les liens économiques entre les deux continents ont encore été renforcés lors du second sommet Inde-Afrique qui s’est tenu en mai 2011 à Addis-Abeba. Ces deux rencontres au sommet ont permis de lancer un véritable partenariat stratégique entre l’Inde et les États africains.
En termes de commerce, cinq pays Africains absorbent près des deux tiers des échanges avec l’Inde. Sans surprise, l’Afrique du Sud est son premier partenaire commercial, devançant le Nigéria, le Kenya ou l’Egypte.

A l’instar de la Chine, la machine économique indienne fait face à des besoins économiques colossaux. Avec une croissance supérieure à 8 %, 1,2 milliard d’habitants, et plus de 70 % de la consommation pétrolière du pays achetée à l’étranger, l’Inde cherche à se placer sur les marchés africains et à sécuriser ses approvisionnements.

Le pays manifeste en échange sa confiance dans l’avenir de l’Afrique en y consacrant des investissements importants dans la construction d’infrastructures, les nouvelles technologies et la santé (par exemple avec le développement de la télémédecine depuis 2009). L’Inde a également dépensé plus de 200 millions de dollars dans le Nouveau partenariat pour le développement africain (NEPAD).

Les défis d’un partenariat durable

S’il est sans doute encore trop tôt pour mesurer l’impact de l’Indafrique sur le développement du continent, il convient de noter que la balance des échanges commerciaux entre l'Afrique et l'Inde reste clairement déséquilibrée.

L'Inde exporte en Afrique des produits manufacturés comme des voitures, des produits cosmétiques (en Egypte, un produit sur six serait indien), ou d'autres produits de consommation. Les exportations africaines relèvent quant à elles toujours du secteur primaire, à savoir essentiellement les hydrocarbures, l’agriculture et les produits miniers.
La place de l’Afrique dans les échanges commerciaux de l’Inde est encore marginale comparée aux autres parties du monde (moins de 5% du commerce du total des échanges commerciaux).

Aujourd’hui, l’Inde s’impose en tant que puissance émergente avec des ambitions mondiales. Elle voit dans le continent africain (et les 54 pays qui le composent) à la fois un allié politique de taille, un fournisseur de matières premières, et un marché de plus d’un milliard de consommateurs.

Du coté Africain (et tout comme la Chine), l’Inde ouvre la voie à de nouvelles opportunités à saisir, puisqu’elle permet une diversification des partenaires du continent et permet de réduire le poids économique (donc politique) des anciennes puissances coloniales.
L’Afrique a certainement beaucoup à gagner de sa coopération avec l’Inde. Elle pourrait en particulier s’appuyer sur l’Inde pour assurer des transferts de technologies à moindre cout, notamment dans le domaine informatique. Elle pourra également bénéficier du savoir-faire agricole de l’Inde, dont la « révolution verte » est toujours considérée comme une référence.

Les Etats Africains pourront en outre s’inspirer des réformes indiennes en vigueur depuis 1990 pour permettre le développement d’un secteur privé performant capable non seulement de tirer la croissance intérieure, mais aussi d’être compétitif au niveau international.

Nacim KAID SLIMANE

50 ans d’indépendance en Algérie en perspectives

A l’instar d’autres nations africaines, l’Algérie célèbre le cinquantenaire de son indépendance. Cette date symbolique constitue non seulement une occasion de réfléchir sur l’Histoire du pays au cours des dernières décennies (ce qui a été abondamment commenté par les médias), mais aussi et surtout une opportunité pour préparer le chemin qui reste à parcourir. Le cinquantenaire de l’indépendance doit en effet être autant un regard vers le passé qu’un tournant vers l’avenir.

Les efforts et les sacrifices consentis par le peuple Algérien pour obtenir son indépendance ont été immenses : des millions de morts, blessés, orphelins et de déplacés ; l’usage massif et systématique de la torture, ainsi que le regroupement de 2 millions de personnes (soit un Algérien sur cinq) dans des camps. Huit ans de guerres contre l’une des armées les plus puissantes du monde et qui a mobilisé l’ensemble de ses moyens matériels et humains (plus d’un million et demi de soldats français ont été envoyés en Algérie). Ces souffrances ont été d’autant plus marquantes qu’elles ont été précédées par cent ans de colonisation et de répression policières et armées (depuis la guerre de conquête jusqu’aux massacres du 8 mai 1945) affligées à une population qui ne dépassait pas les dix millions d’habitants en 1954.

Après une indépendance si chèrement acquise, il est d’autant plus normal que les attentes des Algériens pour le développement de leur pays soient tout aussi immenses. Si le parcours réalisé ces cinquante dernières années aurait difficilement pu être à la hauteur de l’espoir et des espérances, il convient de constater une réalité moins visible mais incontestable : malgré les épreuves, l’Algérie a considérablement progressé sur le plan du développement humain et économique. Après le retard des années 1990, elle se développe aujourd’hui à un rythme soutenu et se rapproche davantage de son véritable potentiel et du niveau de vie requis pour sa population. Les revenus acquis grâce aux hydrocarbures y contribuent certainement, mais ne constituent pas une explication unique ni suffisante aux progrès socio-économiques du pays, car beaucoup de pays mieux dotés en ressources naturelles ne bénéficient pas de la même progression.

Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse

Il est important de relever trois constats. D’abord, cette situation favorable n’est pas uniquement liée aux ressources pétrolières, puisqu’au cours des dix dernières années, le taux de croissance annuel hors hydrocarbures a été de 5% en moyenne. De plus, cette croissance a généré des emplois (même si cela reste insuffisant) et le taux de chômage est passé sous la barre des 10% à partir de 2010. Enfin, le niveau d’endettement a progressivement baissé pour devenir quasiment nul, suite à un remboursement anticipé de la dette publique au cours des années 2000. Alors que le niveau d’endettement asphyxiait l’économie algérienne entrainant ainsi de graves conséquences sociales et politiques (comme on le voit actuellement dans certains pays développées ou en développement), l’Algérie s’est libérée du poids de la dette.

Ces performances macroéconomiques saluées par le FMI ou la Banque Africaine de Développement n’ont pu être atteints que grâce à des programmes d’investissements massifs de la part de l’Etat, qui ont permis une mise à niveau des infrastructures et une amélioration du développement humain. Depuis 2010 l’Etat algérien investit près de 300 milliard de dollars sur cinq ans, à travers un plan d’investissements qui s’échelonnera jusqu’en 2014. 

En outre, de grands projets ont été achevés au cours des dernières années, dont les effets se répercutent positivement sur l’économie du pays et sur le niveau de vie de la population. La construction de l’autoroute Est-Ouest, qui relie les frontières algéro-marocaines aux frontières algéro-tunisiennes traverse toutes les grandes villes algériennes sur une distance de plus de 1200 kilomètres, réduisant considérablement les temps de trajets. La construction d’un million de logements est également un projet important du secteur des travaux publics, auquel contribuent activement les entreprises étrangères.

Alors que le manque d’eau potable a longtemps été l’un des problèmes majeurs durant plusieurs années, des projets de construction de barrages et de stations de dessalement d’eau de mer ont permis de sécuriser l’approvisionnement en eau courante dans les grandes villes, et ce alors que le pays est naturellement confronté à une situation de stress hydrique parmi les plus graves au monde .En particulier, le barrage stratégique de Béni Haroun (1 milliard de mètres cubes) permet d’approvisionner une partie importante du centre et de l’Est du pays, alors qu’au Sahara, des canalisations permettent de transférer quotidiennes 50 000 mètres cubes d’eau sur une distance de plus de 700 kilomètres, vers Tamanrasset, dont l’approvisionnement en eau pourra ainsi être sécurisé pour plusieurs dizaines d’années. Ces projets d’infrastructures ne sont que quelques exemples des progrès réalisés par l’Algérie indépendante, et consolident à la création les bases d’un développement durable et créateur d’emplois.

L’autre volet des investissements publics, à savoir celui concernant le développement humain donne également des résultats probants. Alors qu’il n’était que de 0,443 en 1980, l’indice de développement humain est ainsi passé de 0,602 à 0,698 entre 2000 et 2011, faisant de l’Algérie l’un des dix pays ayant le plus progressé dans le monde.

Nacim Kaid Slimane 

A suivre : la situation du développement humain en Algérie cinquante ans après l’indépendance

Sur le même sujet : http://terangaweb.com/lalgerie-une-economie-rentiere-en-danger-1/

                                    http://terangaweb.com/lalgerie-une-economie-rentiere-en-danger-2/

L’Ethiopie, un pilier du continent africain

Seul pays du continent à ne pas avoir été colonisé par les Européens et héritière d’une des plus anciennes civilisations africaines (avec le Royaume d’Aksoum), l'Ethiopie a joué un rôle important dans la décolonisation et dans l’établissement de l’Organisation de l’Unité Africaine, alors que l’Union Africaine y a établi son siège, à Addis Abeba. Longtemps considérée comme un symbole de liberté et d’authenticité à l’échelle du continent, dont elle est aujourd’hui, avec 85 millions d’habitants, le pays le plus peuplé après le Nigeria, l’Ethiopie reste pourtant menacée par la spirale du sous-développement.

Avec un indice de développement humain de 0.363 (171ème sur 182 pays…), l’Ethiopie est en effet confrontée à la sous-alimentation, à de services médicaux insuffisants et à des opportunités éducatives limitées (en particulier pour les femmes, puisqu’on estime que près de la moitié des Ethiopiennes de moins de 20 ans restent toujours analphabètes). La sécheresse et les famines qui ont gravement affecté le pays durant le XXème siècle restent également une menace particulièrement grave, même si la stabilité dont bénéficie le pays lui épargne sans doute des effets plus ravageurs induits par de tels phénomènes.

La stabilité dont bénéficie l’Ethiopie, accentuée par la victoire écrasante du Front Démocratique Révolutionnaire du Peuple Ethiopien (EPRDF) aux élections législatives de mai 2010, contraste ainsi avec celle de ses voisins (en particulier la Somalie, le Soudan, et le Soudan du Sud), qui connaissent des violences chroniques depuis plusieurs décennies. L’Ethiopie a tout de même connu un grave conflit avec l’Erythrée (ancienne province devenue indépendante en 1993) jusqu’en décembre 2000, et les tensions restent toujours vives entre les deux pays. La Somalie voisine constitue l’autre foyer de tension régional, d’autant plus que l’Ethiopie y est intervenue militairement entre 2006 et 2009. Enfin, la région de l’Ogaden, au sud-est de l’Ethiopie et majoritairement peuplé de Somalis, a été l’objet de conflits avec la Somalie dans les années 1960 et 1970, et des mouvements sécessionnistes s'y activent encore sporadiquement.

Avec ses hauts plateaux, l'Ethiopie est un pays agricole dont près de 85% de la population est rurale. Le pays bénéficie actuellement des cours favorables du café pour lequel il est le 3ème producteur mondial. Il exporte également du thé, des fleurs et des céréales afin de réduire sa dépendance par rapport aux seuls cours du café. En vue d’attirer les investisseurs étrangers dans ce secteur, l’Etat favorise la location des terres agricoles à bas prix (moins de 5 euros par hectare et par an), ce qui occasionne néanmoins des déplacements importants de population. Parmi les investisseurs étrangers, la Chine est, à l’instar de la tendance continentale, un partenaire de premier plan (avec des échanges commerciaux d’environ un milliard de dollars par an). L’inauguration récente du nouveau siège de l’Union Africaine, construit par les Chinois, est d’ailleurs un symbole particulièrement frappant de cette relation.

Malgré sa faible diversification et sa dépendance vis-à-vis de l’agriculture (le secteur primaire représente plus de la moitié du PIB) l’économie éthiopienne connait une croissance plus rapide que la moyenne d’Afrique de l’Est, avec un taux de croissance de 7.5% en 2011 et 8% en 2010 (FMI).

Alors que les Chefs d’Etats Africains se sont réunis récemment à Addis Abeba pour le 19éme sommet de l’Union Africaine, et que la capitale éthiopienne sert de plateforme centrale à l’échelle du continent sur le plan politique, les avancées socio-économiques qu’enregistre le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique ne manqueront pas d'avoir un impact sur le développement global de la région et sur le poids du continent dans les échanges internationaux. Seul pays enclavée de la région, l’Ethiopie est certainement l’un des pays qui a le plus a gagner à une intégration économique effective en Afrique.

Nacim K. Slimane


Égypte : un pays en quête d’un nouveau départ

C’est désormais officiel. Mohamed Morsi, issu des Frères Musulmans, sera le prochain président égyptien. Si cette élection marque une rupture symbolique importante, notamment parce qu’il s’agit du premier président non issu de l’Armée, le troisième pays le plus peuplé d’Afrique est confronté à une série de défis qui rendent difficile son décollage et qui le contraignent à une transition durant laquelle il reste à la recherche d’un nouveau modèle.

Une scène politique divisée

Les résultats des élections présidentielles ont dévoilé l’ampleur des tensions et la polarisation de la scène politique en pleine recomposition depuis la chute de Hosni Moubarak en février 2011.

Les conservateurs, tendance dans laquelle on peut regrouper le Parti de la Liberte et de la Justice (PLJ, branche politique des Frères Musulmans), ainsi que le Parti Al Nour ( d’influence Salafiste), apparaissent comme le principal courant à la sortie des urnes. Ces deux partis ont en effet reussi à attirer à eux seuls pres de 70% des voix aux dernières élections législatives. L’élection de Mohamed Morsi, malgré un départ en campagne tardif, a montré le degré d’organisation et la puissance du réseau de cette tendance au sein de la société, s’appuyant autant sur un discours mobilisateur de justice sociale et de références religieuses que sur des oeuvres caritatives dans les milieux défavorisés.

Les appuis de l’ancien régime, malgré leur marginalisation (ex: par une loi interdisant à d’anciens hauts fonctionnaires de se presenter aux élections) et leur relative affaiblissement depuis la chute de Moubarak, ont montré qu’ils bénéficient encore d’un soutien important parmi la population, et d’avantage encore au sein de l’appareil d’État. Le score important obtenu par l’ancien Premier Ministre Ahmed Chafik (plus de 12 millions de voix et 48,3 % des suffrages exprimés), battu de justesse aux présidentielles, démontre la capacité d’attraction que constitue ce courant, et son discours mobilisateur sur la sécurité et les garanties d’un État séculier.

Les libéraux, auxquels on peut assimiler le Parti historique Wafd, le Bloc Égyptien (coalition d’une quinzaine de parties) et d’autres mouvements apparus plus récemment à la suite de la Révolution du 25 janvier, regroupent environ 20% de l’électorat. Le rôle moteur qu’ils ont joué dans l’opposition puis dans le soulèvement contre Hosni Moubarak ne semble néanmoins pas à la hauteur de leurs espérances initiales, malgré une influence médiatique importante et des relais à l’étranger.

Enfin, le Conseil Suprême des forces Armées (CSFA), composé d’une vingtaine d’officiers supérieurs, et qui dirige de fait le pays depuis février 2011 apparaît aujourd’hui comme la réelle instance de décision, et continuera vraisemblablement à avoir des prérogatives importantes. La limitation des pouvoirs du Président que le Conseil a décidé et les probables tractations avant la déclaration du vainqueur de l’élection présidentielle démontre encore une fois le rôle incontournable des services de sécurité dans le pays et constitue l’une des principales caractéristiques de l’Égypte post-révolutionnaire (contrairement à la Tunisie par exemple).

Une économie en panne

L'Égypte dépend traditionnellement de quatre rentes :

Le Nil, qui permet l’agriculture (employant encore plus du tiers de la population) dans une vallée fertile entourée par le Sahara, a permis d’assurer la prospérité de l’Égypte pendant des siècles. La concentration de la population sur les bords du fleuve et l’insuffisance de l’agriculture à combler les besoins de la population (l’Égypte est parmi les principaux importateurs de blé au monde) révèle les limites naturelles de cette ressource.

Le tourisme, favorisé par la géographie et bien entendu par l’héritage historique de l’Égypte antique, a beaucoup souffert de l’instabilité politique qui suscite l’apprehension des touristes, faisant perdre des milliards à ce secteur pourvoyeur de devises. Suite aux événements intervenues en 2011, le secteur a perdu pres de 30% de ses revenus. Avant la Révolution, l’Égypte attirait près de 13 millions de visiteurs par an, ce qui engendrait des revenues s’élevant à environ 12.5 milliards de dollars US. Ces revenus ont reculé pour atteindre 9 milliards en 2011.

La position géostratégique, permet à l’Égypte d’engranger des droits de passage par le Canal de Suez, aujourd'hui en declin en raison de la crise économique mondiale. Elle permet aussi l’octroi d'une aide substantielle des États-Unis depuis la signature des accords de Camp David en 1978, mais l’avenir de cette aide est aujourd’hui plutôt incertain.

Les hydrocarbures enfin, même si l’Égypte n’en dispose pas autant que les autres pays de la région. Le pays détient d’importantes reserves en pétrole (sixième en Afrique) et en gaz naturel (troisième après le Nigeria et l’Algérie). Contrairement à d’autres pays arabes, la population importante nécessite pourtant une consommation intérieure élevée, ce qui limite d’autant les exportations et donc les revenus issus de ce secteur.

Les hydrocarbures enfin, même si l’Égypte n’en dispose pas autant que les autres pays de la région. Le pays détient d’importantes reserves en pétrole (sixième en Afrique) et en gaz naturel (troisième après le Nigeria et l’Algérie). Contrairement à d’autres pays arabes, la population importante necessite pourtant une consommation intérieure élevée, ce qui limite d’autant les exportations et donc les revenus issus de ce secteur.

 

Où va l'Égypte ?

Alors que le paysage politique post-révolutionnaire doit encore se stabiliser et que ses moteurs économiques sont en panne, la dette publique de l’Égypte s’est accrue au cours des derniers mois, pour approcher la barre symbolique des 200 milliards de dollars US, soit plus de 85% du PIB. Parallèlement, les réserves de la banque centrale ont fondu pour faire face à la situation, faisant sombrer l’économie égyptienne vers encore plus d’incertitude pour son avenir. Si le cycle entamé par le renversement d'Hosni Moubarak a suscité beaucoup d’espérances au sein de la population Égyptienne, et même au-delà, il reste au pays un long chemin à parcourir sur le chemin de la démocratie, de la stabilité et du développement.

Au-delà des défis politiques, économiques, ou stratégiques auxquels sera confronté le nouvel exécutif, c’est avant tout "la bombe à retardement" démographique qui fait craindre le pire. Avec une population qui a quadruplé en 60 ans et qui augmente de près d’un million de personnes chaque année, il serait difficile pour n'importe quel gouvernement au monde, si efficace et si légitime soit-il, de combler en quantité et en qualité des besoins sociaux (éducation, santé, emploi …) croissant à un tel rythme. Alors que les manifestations sont devenues désormais quasi quotidiennes, il apparaît que les Égyptiens feront preuve de beaucoup moins de patience, de retenue, et d’indulgence que par le passé envers leur gouvernement.

 

Nacim KAID-SLIMANE

Ahmed Ben Bella : un sage africain (2)

Premier président de la jeune République Algérienne, Ben Bella se trouve confronté à d’immenses défis. Avec un bilan humain et matériel extrêmement lourd de 132 ans de colonisations et 8 ans de guerres de libération, une administration désertée de ses cadres, des campagnes déstructurées par les déplacements de population et une économie dépendante de l’ancienne métropole, l’Algérie se trouve dans une situation difficile. C’est pourtant l’heure des grands choix idéologiques qui détermineront la position du pays pendant de nombreuses années.

Ben Bella n'est pas fondamentalement lié à une idéologie en particulier, même s’il est attaché au socialisme et au rôle central de l’Etat. Il promeut ainsi la mise en place de l’autogestion, s’inspirant notamment de l’expérience de Tito en Yougoslavie. Cuba ainsi que l’Egypte Nassérienne ont également constitué des références pour le nouveau président.

Sur le plan international, l’Algérie se positionne très vite parmi les principaux leaders du non alignement et du Tiers Monde. En octobre 1962, Ben Bella se rend à New York, où les Nations Unies viennent tout juste d’intégrer l’Algérie en tant que 109éme membre. Après avoir reçu par John Fitzgerald Kennedy, qui a soutenu l’indépendance de l’Algérie, il s’envole pour Cuba, au moment de la crise des fusées. Ces deux visites symbolisent à elles seules la volonté de pragmatisme et la politique de non alignement de l’Algérie indépendante. Ahmed Ben Bella sillonne le monde, et rencontre les grands dirigeants de la planète. Auréolée par le prestige de sa Révolution, l’Algérie constitue un modèle pour les peuples du Tiers-Monde et la lutte contre l’impérialisme. Alger devient le meilleur soutien des mouvements révolutionnaires, notamment en Afrique, si bien que la capitale algérienne est bientôt surnommée « la Mecque des mouvements de libération ». Che Guevara, Nelson Mandela ou encore Amilcar Cabral y ont séjourné et s’y sont entrainés avec l’aide de l’Algérie à mener le combat chez eux.

Ahmed Ben Bella compte sur cette stature internationale pour accroitre son leadership à l’intérieur. Cependant, des divisions apparaissent, et le Président est destitué en juin 1965 pour voir Houari Boumediene (Ministre de la Défense) lui succéder. Ce changement à la tête de l’Etat n’affectera pas le cap fixé sur la politique socio-économique et la position de l’Algérie sur la scène internationale.

Après des années passées dans l’oubli, Ben Bella revient sur le devant de la scène politique au début des années 1990, avec le Mouvement Démocratique Algérien (qu’il a fondé) mais sans obtenir toutefois le succès espéré aux élections. Le premier président de l’Algérie indépendante ne bénéficie sans doute pas du même statut auprès des générations nées après l’indépendance, qui forment déjà la majorité de la population Algérienne, et alors que le pays a beaucoup changé. Ahmed Ben Bella se consacre surtout à des dossiers internationaux et soutient des causes liées à son engagement passé, tels que la Palestine et l'Irak. En 2007, il sera nommé président de la Commission des Sages africains, structure chargée de la prévention et solution des problèmes du continent Africain, puis deviendra membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine. Soutenant le mouvement altermondialiste, il publia également un livre (Ainsi était le Che) dédié à Ernesto Che Guevara, qu’il avait bien connu lors de son séjour en Algérie au début des années 1960.

En tant qu’analyste expérimenté de la vie politique et des relations internationales, et véritable mémoire vivante d’une page de l’Histoire Algérienne et Africaine, Ben Bella continuait à plus de 95 ans, d’animer les réunions de la Commission des Sages africains et à recevoir des personnalités africaines ou autres, parmi lesquels François Hollande lors de sa visite à Alger en décembre 2010. Au lendemain de sa mort, il y’a tout juste un mois, le candidat socialiste saluait ainsi la mémoire de « l'un des symboles d'une étape historique décisive ».

A la veille de la célébration du cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, la disparition d’Ahmed Ben Bella donne davantage de solennité à cette étape importante de l’Histoire. A l’instar de Nelson Mandela, Gamal Abdel Nasser ou Kwame Nkrumah, Ben Bella aura su incarner la rencontre du parcours d’un homme avec le destin d’un peuple, pour marquer solidement par sa contribution personnelle, la renaissance d’une Nation.

 

Nacim KAID-SLIMANE