Ce qu’apportent les fablabs aux écosystèmes numériques et entrepreneuriaux africains

Il y a dix ans, Neil Gershenfeld ouvrait le premier « fabrication laboratory » au Massachussetts Institute of Technology. Très vite et un peu partout dans le monde de nombreux « fablabs » ont vu le jour, en 2011 on en dénombrait déjà 50 dans 16 pays. Sur le continent africain, plus d’une vingtaine sont référencés. Que font ces fablabs et quel(s) rôle(s) jouent-ils dans les écosystèmes numériques et entrepreneuriaux africains?

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La carte ci-dessus répertorie tous les établissements respectant la charte du MIT mais il existe de nombreux autres établissements qu’on dénomme « fablab » par abus de langage.

 

Faire émerger des solutions adaptées aux besoins du continent africain et y faciliter l’accès et l’appropriation des nouvelles technologies…

Atelier de fabrication numérique, un fablab est un lieu librement accessible où l’on doit pouvoir trouver de quoi confectionner à peu près tout et n’importe quoi en bénéficiant d’une assistance opérationnelle, technique, financière et logistique. Voilà ce qu’exige la charte du MIT, qui se résume en tout et pour tout à cinq articles. Innovation et partage en sont les maîtres mots. Ainsi, chaque fablab est un lieu unique dont le destin ne dépend que de ceux qui s’y rendent. Cela en fait un espace idéal pour concevoir des solutions à des problèmes locaux, des produits « made in & for Africa » comme l’application GBATA développée à OVillage, en Côte d’Ivoire, pour fournir des informations sur l’immobilier à Abidjan. Il n’est plus besoin de présenter la désormais célèbre W. Afate, première imprimante 3D conçue à partir de matériaux recyclés, au sein du Woelab au Togo. Cette imprimante 3D low cost, primée à l’internationale, rend imaginable la diffusion d’une technologie de pointe sur le continent africain. Woelab se revendique d’ailleurs comme un espace de démocratisation technologie et vulgariser et faciliter l’appropriation des outils numériques est bien une spécificité des fablabs en Afrique. Ils jouent à ce titre un rôle important dans la formation des plus jeunes aux technologies d’aujourd’hui et de demain. Les membres du Ouagalab n’hésitent d’ailleurs pas à se déplacer et à consacrer des jours (et des nuits blanches !) à des formations dans les écoles du Burkina Faso.

Offrir des perspectives pour l’industrialisation du continent…

Si chaque fablab est unique et a sa propre identité, il est, à travers le label du MIT, intégré à un réseau au sein duquel des rencontres sont organisées. Entre les fablabs africains, des ponts se mettent progressivement en place, des échanges entre membres se font, la propagation d’innovations d’un pays à l’autre s’opère, des opportunités apparaissent. A Dakar, au sein du Defko Niek Lab de Ker Thiossanne, l’imprimante 3D jumelle de la W.Afate ainsi qu’une fraiseuse numérique, ont suscité l’intérêt des artisans sénégalais. Avec de tels outils, leur travail pourrait être mécanisé, l’industrialisation se substituerait alors à l’artisanat, une perspective porteuse pour un continent qui souffre précisément de son manque d’industrialisation.

…Ou servir de relais pour agir sur les écosystèmes numériques….

Enfin la visibilité et la crédibilité que peut donner un label octroyé par le MIT font des fablabs des relais intéressants pour qui entend conduire des politiques publiques dans le numérique. Le plan « développement et numérique » lancé par le gouvernement français en décembre 2015 et, qui est presque exclusivement orienté vers l’Afrique, les perçoit comme des leviers possibles de son action.

A condition de trouver le bon business model

Néanmoins, les fablabs peinent aujourd’hui à trouver le bon modèle économique. Acquérir du matériel informatique et électronique, qu’il faut importer, coûte cher. Les fablabs, en Afrique comme ailleurs, vivent dans la majorité des cas de subventions versées par les pouvoirs publics ou les ONG ou encore des prix qu’ils reçoivent. Cela rend leur survie fragile à l’instar de l’Atelier de Beauvais qui n’a pas survécu au changement de couleur politique de son département.

Sur le long terme, deux choix semblent donc s’offrir donc aux fablabs : être rattaché à une entreprise ou une école (auquel cas ils ne seront plus des fablabs au sens du MIT) ou parvenir à une autonomie financière à travers la vente de prestations (conseils aux entreprises, formations) ou de produits. Cette dernière option passe par la professionnalisation des membres des fablabs et la commercialisation des productions qui en sont issues. Le défi est de taille mais il en vaut la chandelle.

 

Cet article est issu de TechofAfrica.com, site d'actualités sur les nouvelles technologies et les startups en Afrique.

The WTO Trade facilitation agreement (TFA): the Bali agreement

The first multilateral agreement concluded since the creation of the WTC was adopted by consensus during the Bali ministerial conference, on December 2013, attended by the WTC members. This is the Trade facilitation agreement that will enter into force upon ratification by the two-thirds of the WTO members. As at December 16, 2015, 63 ratifications on 162 had been obtained. Seven African States ratified the agreement: Botswana, Ivory Coast, Kenya, Mauritania, Niger, Togo and Zambia. The agreement is divided into three sections and approaches amongst others release and clearance of goods, cooperation between border Agencies and Customs cooperation in general. Besides, it provides for Special and Differential Treatment (SDT) measures that enable developing countries and least developed countries (LDCs) to determine their implementation pace of the provisions and to notify any external reinforcement needed. Moreover, it provides trade facilitation committees. A mechanism launched on July 22th, 2014 by the WTO Chief Executive Roberto Azevêdo and operational on November 27th, 2014, aims at supporting the developing countries and LDCs in the implementation process of this agreement.

 

The 2015 world trade report, entirely dedicated to the analysis of the TFA, estimates that the implementation of the agreement would lead especially to the annual increase of the world exportations by 1 000 billions of dollars and a reduction of the trade costs between 9.6% and 23.1%. The developing countries and the LDCs are considered as the major beneficiaries of the TFA. Indeed, more than a reduction of trade costs of almost 16% (18% for manufactured goods and 10.4% for agricultural goods), those countries will take significant advantage of the diversification of their exportations in terms of goods and partners, favored by the agreement.

The African regional trade agreements (RTAs)

The RTAs are reciprocal trade agreements between at least two partners. According to the WTO statistics, the Free Trade Agreements (FTAs) and the partial-scope agreements represent 90% of those RTAs, compared with 10% for Customs unions. The eight African Regional Economic Communities (RECs) recognized by the WTO are registered and reported as RTAs.

Some African States or regions concluded interregional agreements with States or regions members of WTO. For instance, the European Union (EU) and South Africa signed on October 11th, 1999 a bilateral free trade agreement on goods. This RTA, recognized by the WTO and entered into force on January 1st, 2000, includes tariff quota, Customs procedure and balance of payments measures. Ivory Coast also concluded with EU a RTA whose scope and fields are similar to EU-South Africa ones. This agreement was signed on November 26th, 2008 and entered into force on January 1st, 2009. So is the agreement between EU and Eastern and Southern Africa signed on August 29th, 2009.

The Preferential Trade Arrangements (PTAs) with Africa

The PTAs are unilateral trade preferences. African States benefit from several PTAs through arrangements in favors of LDCs. Between 2002 and 2012, the LDCs exported at least 72% of their goods towards partners with whom they have PTAs[1] : in a decreasing order of the percentage of exportation, those partners are the EU, the USA, China, India and Japan. The EU has granted almost 100% duty and quota free access to its market for all the LDCs since 2001. Since 2010, China has given duty quota free access for 60% of tariff lines to forty LDCs. India grants progressive duty and quota free access in order to reach 85% of the tariff lines in 2012. As for Japan, since 2008, nearly 98 % of tariff lines have benefited from duty and quota free access to its market.

The USA have not concluded any specific PTA with the LDCs. Nevertheless, they have set up a unilateral regime in favor of sub-Saharan States through the “African Growth and Opportunity Act” (AGOA). This act promulgated on May 18th, 2000 and notified to GATT/ WTO on January 10th, 2001 grants duty free access for goods from “D” code in the “Special” column of the Harmonized Tariff Schedule, as long as they respect the rules of applicable origin.

As the AGOA was due to expire on September 30th, 2015, WTO General Council authorizes its expansion. This is the AGOA 2.0 whose success depends on many challenges. [2]

2. The eventual conflicts between agreements and African challenges to international agreements.

Contradictions between the RTAs, foundations of the African REC

The regional agreements create rules, in particular in regional trade, that is supposed to be implemented to all the signatory States. However, in practice, it is noted that the multiplication of trade regimes could point out some inconsistencies or be an obstacle to their efficacy. Thus, in 2011, the Southern African Development Community (SADC), of the Eastern African Community (EAC) and of the Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA) had some member States in common, but who implemented the trade regime of one organization to the expanse of others’ ones. Fourteen COMESA members on nineteen obeyed the rules of the free-trade treaty; four members remained at the stage of the law preceding the preferential trade area [3]. The five member States of the EAC were part of the REC Customs union in order to set up a common market. Lastly, twelve of the fifteen members of the SADC implemented the terms of the agreement, launched in 2008. The identification of those overlaps leads the three RECs to start discussions in order to create a common free-trade area.

Generally, the treaties of regional organizations provide for how to deal with the contradictions of the different law regimes. Let’s see the example of the West African Economic and Monetary Union (WAEMU) and the Organization for Harmonization of Business Law in Africa (OHADA) which includes 7 of the 17 member states of the first one. The treaties of the two organizations consider that the acts adopted in each organization prevail on national Law (article 6 of the WAEMU treaty and article 10 of the OHADA treaty) without any mention of supremacy of one treaty over the other [4]. Yet, some of their areas of responsibility overlap: the OHADA is supposed to govern business law while the WAEMU treaty lends authority to itself to adopt any rule needed to achieve its objectives in the area of economic, monetary, sector policies or the common market, an area which can include business law.[5]

Incompatibilities with the international system

WTO encourages the creation of regional organizations as they are regarded as a mean to achieve the development objectives. However, they have to respect WTO rules. In theory, all the member States have to apply the same trade treatment the other member States, even if in practice the PTAs derogate from this principle.

The implementation of the WAEMU Common Customs Tariff (CCT) in 2015 revealed how hard it could be to reconcile Community and international commitments. Indeed, the CCT imposes to the each WTO member State not to raise the rate of Customs duty beyond a certain level, called “the bound rate”. The rates applied in reality were often lower, especially for agriculture. Thus, Nigeria had a bound rate of 150% for agricultural goods, compared to an applied rate of 33.6%; the Senegal bound rate was 29.8% while Ivory Coast one was 14.9%. The new WAEMU CCT fixed to 35% on agricultural good placed those countries automatically beyond the rate that they committed not to exceed [7]. Even if some mechanisms, like the payment of compensation, make possible the cohabitation of the two norms, one can note easily that regional commitments could enter into conflict with the engagements within other systems.

Besides, the European Union seems at first sight to approach the EPA negotiation more logically as she talks with regional groups: central Africa, Eastern and Southern Africa, Western Africa, Southern African Development Community and East Africa Community. This multiplicity of interlocutors shows many limits: the members of the COMESA for example, are divided into 3 regional groups that negotiate separately the terms of the EPA related to them, although the COMESA countries share the same objective of common market. Moreover, as the EPA is a reciprocal but asymmetrical agreement between the EU and the African countries, he aims at fostering trade between the two areas and minimizing the tariff barriers. Even if the African countries keep benefiting from derogations to protect their weak economies from the concurrence of the strong Europe, one can understand that forwards low Customs duties could conflict with rules like the CCT fixed by some regions and be inferior to the tariffs practiced within a region, favorishing Africa-Europe exchanges at the expanse of intra regional exchanges.

Which stakes for Africa in front of this diversity of agreements?

In its 2015 report on industrialization through trade, the United Nations Economic Commission for Africa evokes the importance, and even the urgency, to implement a mega-regional agreement specific to Africa to boost its economic positioning. Indeed, the Commission studies shows that an effective implementation of the non-African mega-regional trade agreements, like the transatlantic trade and investment Partnership (TTIP), transatlantic partnership and the global regional economic partnership, results to the increase of one thousand of billion dollars by 2020, of the member States exportations. In the contrary, it would lead to a fall of the African exportations of some 2.7 billions of dollars because of the intensity of the competition and the attractiveness for markets covered by those mega-regional agreements. However, this trend could be reversed if Africa gets its own continental free trade area (CFTA) because its exportations would increase of some 40 billions of dollars, through an acceleration infra-regional trade. The CFTA implementation is a current project: African Heads of States and Governments have pledged to the acceleration of its implementation by 2017.

On June, 10th, 2015, the COMESA, SAEC and EAC Heads of States and Government, gathered in Sharm El Sheikh in Egypt, launched the tripartite free-trade area (TFTA) that set up an integrate market of 26 countries, of a population of 632 millions habitants representing 57% of the global African population. This TFTA is certainly a critical step of the African CFTA implementation process as it represents a global GDP of 1.3 billions of dollars (2014) which is 58% of the Africa GDP.

The commitment of African countries in those different agreements demonstrates before all the evident willingness to integrate more in the world trade and to benefit from it to accelerate their development. However, they fail to achieve the expected results and sometimes they may constitute a constraint for the continent. To benefit fully from this global trade opening, Africa needs to reinforce its production capacities, thus to modernize the trade infrastructure and to mobilize the financial resources.

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Translated by  Mame Thiaba Diagne

 

 

[1] Economic Commission for Africa, 2015, « Industrialization through trade », annual economic report on Africa.

[2] United-Nations, African Union, 2014 « How ‘AGOA ‘2.0’ could be different “  

[3] TradeMark Southern Africa, 2011, « Aid For Trade Case Story : Negotiating the COMESA EAC SADC Tripartite FTA », Pretoria

[4] IBRIGA (LM), 2006, “The juridictionalization of the integration process in West Africa”, University de Ouagadougou

[5] KONATE (IM), 2010, “The OHADA et the others community regulations: UEMOA, CEMAC , CIMA, OAPI, CIPRES etc.”.

[6] DIOUF (EHA), 2012, “New CEDEAO Common external tariff and individual commitments of its members in WTO: overwhelming incompatibilities”, Passerelles, Part 13 – number 3.

[7] Ibid.

 

Septième édition du FIGB de Pointe Noire

CaptureL’Afrique des Idées poursuit son partenariat avec la Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture et des Métiers de Pointe-Noire et s’associe pleinement à l’organisation de la 7ème édition du Forum International Green Business (FIGB) qui se déroulera du 17 au 19 mai 2016 et dont le thème est : Comment l’innovation et la technologie peuvent-elles contribuer au développement de l’économie verte en Afrique Subsaharienne ?

Véritable cadre d’échanges d’idées et de bonnes pratiques, le FIGB est devenu le plus grand laboratoire de création et d’initiatives encourageant le développement de l’économie verte en Afrique.

Rassemblant plus de 500 participants venus des quatre coins du monde, cette édition abordera un thème capital à l’expansion de l’économie verte. A travers les nombreux ateliers et tables rondes, les participants grâce à leur expertise, contribueront à réfléchir à tous les aspects de cette problématique.

Comme lors des éditions précédentes, L’Afrique des Idées lance dès à présent une campagne de sensibilisation sur l’économie verte à travers la publication d’une série d’articles abordant différents aspects de cette thématique. Des sujets tels que la place de la RSE en Afrique, les défis et opportunités de financement du Green Business, les politiques énergétiques favorable à développement durable ainsi que les innovations au service de l’économie verte sont traités.


Vous pouvez suivre les actualités du FIGB et contacter les organisateurs sur:   http://www.figb-pnr.com/
Facebook : https://www.facebook.com/EconomieVerteAuCongoForumGreenBusiness
Twitter : @forumpointe
LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/cciampnr

Innovative Africa for a better tomorrow

shutterstock_162828188Despite a decade of strong growth, Sub-Saharan Africa still faces a number of social and economic challenges. These range from access to education, off-the-grid electricity, clean water, job creation and public infrastructure. While there is no silver bullet, one word is inspiring millions – innovation.
 
Of course, innovation doesn’t just happen, it takes government will. In short, the region needs to reform its economic structures to make enterprise easier. The international community also has its part to play as do foreign governments and global bodies – one piece of the jigsaw is a fair deal on climate change.
 
The COP21 conference in Paris last year laid bare the dual threats to African economic growth in relation to global warming. The first is that by asking African countries to greatly reduce their carbon output, we are asking the region to compromise economic development.
 
Moreover, climate change is, and will continue to impact Africa disproportionately through flooding, drought and starvation.  It is the ultimate injustice that African development should be threatened in this way. Francois Holland said at COP21 that the world owes “…an ecological debt…” to Africa. Such vocal support was much needed and it just that the final COP21 deal states that developing countries are entitled to international support in the development of new technologies. If the international community meets these obligations, African innovators will stand a much greater chance of building sustainable businesses.
 
Young Africans overwhelmingly prefer to work for themselves than for an existing company. They are tech-savvy with high mobile phone penetration and the continent has a growing middle-class that is hungry for high-end products and services. COP21 also provided Africa with an opportunity to showcase home-grown technologies that provide new ways to bring clean water and energy to the poorest rural communities. Energy and water support one of the region’s most important industries – agriculture. It employs millions.
 
Organizations such as Gorta-Self Help Africa are supporting rural farming communities across sub-Saharan Africa, helping them to find new ways of yielding crops. These include developing drought tolerant crop varieties and ‘climate smart’ technologies that help to keep moisture in the soil. Home-grown innovations such as these reduce reliance on purchasing foreign technologies, they create jobs and help to create supply chains that are the building blocks of a diverse small and medium enterprises (SME) sector. The COP21 deal also mandates that developed countries pool capital in order to provide poorer nations with at least $100 billion per year by 2020.
 
It is within this context of international support that young innovators can realise their potential – and it is not confined to agriculture or the environment. Mobile money solutions have helped millions of unbanked Africans enter the banking system by enabling the transfer of funds or shopping through a simple mobile phone. In the healthcare sector, new technologies are being created that have a high social impact in the prevention and treatment of disease. Professor Lesley Erica Scott won the Innovation Prize for Africa’s ‘Special Prize for Innovation’ with the development of the Smartspot TBCheck – a device that is designed to assess whether or not machines used to diagnose TB function properly. This is a technology that will greatly aid accurate diagnosis and help to curb the TB epidemic in Africa.
 
The challenge for such innovators is often limited access to capital. A region of disparate economies and financial systems means that Sub-Saharan Africa does not have the capital markets needed to support entrepreneurs. However, some countries, such as Angola, are pushing ahead with economic reforms that include public-private partnerships. Angola has also launched a unique state-backed venture capital fund, FACRA, which acts as a conduit between growing Angolan businesses and foreign investors. Through FACRA, businesses and investors from developed countries have an opportunity to meet financially viable, growing Angolan enterprises – providing foreign firms with investment opportunities whilst creating a new pathway for Angolan entrepreneurs to reach the capital they need to grow.
 
As we look ahead to a year of economic uncertainty – where low oil prices and a slump in commodities are the new normal – Sub-Saharan African nations and the international community must push ahead and do everything possible to support African innovators. Capital markets must mature, banks must be liberalised, governments must find new ways of enabling innovation and the global community must continue to do its fair share.
 
Africa has what it takes to create a tomorrow that helps it to meet its climate change obligations and innovators that will go on to build robust, diverse economies. Economic growth and environmental responsibility are not mutually exclusive and in order to support economic growth, the world must unite so that African entrepreneurs can develop financially viable businesses that provide African solutions to African challenges.

 

This article was published for the first time by TEODORO DE JESUS XAVIER POULSON on the website of the World Bank.

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                   Rubrique Analyse Economique

L’Afrique dans le monde : regard sur les accords de partenariat des pays africains

1186312_omc-les-ministres-du-commerce-accouchent-dune-souris-web-0215713872161. De la diversité des accords internationaux sur le continent 

Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges (AFE) : accord de Bali

La Conférence ministérielle de Bali de décembre 2013 a vu les membres de l’OMC adopter par consensus, le premier accord multilatéral conclu depuis la création de l’OMC. Il s’agit de l’accord sur la facilitation des échanges (AFE) qui n’entrera en vigueur qu’à sa ratification par les deux tiers des membres de l’OMC. Au 16 décembre 2015, 63 ratifications sur 162 avaient été obtenues. Sept pays africains ont ratifié l’accord : le Botswana, la Côte d’Ivoire, le Kenya, la Mauritanie, le Niger, le Togo et la Zambie.  L’accord est organisé en trois sections et aborde entre autres, la mainlevée et le dédouanement des marchandises, la coopération entre les organismes présents aux frontières et la coopération douanière en générale. Il prévoit en outre, des mesures relatives à un traitement spécial et différencié (TSD) qui permettrait aux pays en développement (PED) et aux pays les moins avancés (PMA) de déterminer leur rythme de mise en œuvre des dispositions et de notifier tout éventuel renfort extérieur dont ils auraient besoin. De plus, il prévoit des comités de la facilitation des échanges. Un mécanisme lancé le 22 juillet 2014 par le Directeur général de l'OMC Roberto Azevêdo, et devenu opérationnel le 27 novembre 2014, a pour objectif d’accompagner les PED et les PMA dans le processus de mise en application de cet accord.

Le rapport sur le commerce mondial 2015 entièrement consacré à l’analyse de l’AFE, estime que la mise en œuvre de l’accord aurait notamment pour effets, une hausse annuelle des exportations mondiales de l’ordre de 1000 milliards de dollar et une réduction des coûts du commerce entre 9,6% et 23,1%. Les PED et les PMA sont pressentis comme les plus bénéfiques de l’AFE. En effet, au-delà d’une réduction des coûts du commerce d’environ 16% (18 % pour les produits manufacturés et de 10,4 % pour les produits agricoles), ces pays pourront tirer un avantage significatif d’une diversification de leurs exportations en termes de produits et de partenaires, favorisée par l’accord.

Les accords commerciaux régionaux (ACR) africains

Les ACR sont des accords commerciaux réciproques entre deux partenaires ou plus. Selon les statistiques de l’OMC, les accords de libre-échange (ALE) et les accords de portée partielle représentent 90% de ces ACR, contre 10% pour les unions douanières. Les huit CER africains reconnus par l’OMC sont enregistrées et notifiées sous la forme d’ACR.

Certains Etats ou régions de l’Afrique ont conclu des accords inter régionaux avec d’autres Etats ou régions inscris à l’OMC. Ainsi, l’Union Européenne (UE) et l’Afrique du sud ont signé le 11 octobre 1999, un accord bilatéral de libre-échange portant sur les marchandises. Cet ACR reconnu par l’OMC qui est entré en vigueur le 1er janvier 2000, couvre entre autres les contingents tarifaires, les procédures douanières et les mesures relatives à la balance des paiements. La Côte d’Ivoire a également conclu avec l’UE, un ALE dont la portée et le champ sont similaires à ceux de l’accord UE-Afrique du Sud. Cet accord signé le 26 novembre 2008 est entré en vigueur le 1er janvier 2009. Il en de même pour l’accord UE – Etats de l'Afrique orientale et australe signé le 29 août 2009.

Les arrangements commerciaux préférentiels (ACPr) visant l’Afrique 

Les ACPr sont des préférences commerciales unilatérales. Les états africains bénéficient de plusieurs ACPr sous la forme d’arrangements au profit des PMA.  Entre 2002 et 2012, les PMA africains ont exporté au moins 72% de leurs produits vers des partenaires avec lesquels ils ont conclu un ACPr[1]. Ceux-ci étaient, par ordre décroissant, l’Union européenne (UE), les États-Unis, la Chine,  l’Inde et le Japon. L’UE accorde un accès de près de 100 % à son marché en franchise de droits et hors quota à tous les PMA depuis 2001. La Chine offre depuis 2010, l’accès en franchise de droits et hors quota à 60 % des lignes tarifaires à quarante PMA. L’Inde accorde un accès progressif en franchise de droits et hors quota pour arriver à 85 % des lignes tarifaires en 2012. Le Japon quant à lui, accorde depuis 2008, une admissibilité en franchise et hors quota à près de 98 % des lignes tarifaires.

Si les Etats-Unis n’ont pas conclu d’ACPr visant particulièrement les PMA, ils ont mis en place un régime unilatéral au profit des Etats de l’Afrique sub-saharienne à travers l’ « African Growth and Opportunity Act » (AGOA), loi sur la croissance et les et les possibilités économiques de l’Afrique. Cet acte promulgué le 18 mai 2000 et notifié au GATT/'OMC le 10 janvier 2001, accorde l'admission en franchise de droits aux produits relevant du code "D" dans la colonne "Spécial" du Tarif douanier harmonisé des États‑Unis, pour autant qu'ils respectent la règle d'origine applicable. 

Alors que l’AGOA venait à expiration le 30 septembre 2015, le Conseil général de l’OMC  en a autorisé la prorogation. Il s’agit de l’AGOA 2.0 dont les défis pour sa réussite, sont multiples[2].

2. Les conflits éventuels entres accords et les défis de l’Afrique face aux accords internationaux

Contradictions entre les ACR fondements des CER africains

Les accords régionaux donnent naissance à des règlements, notamment dans le domaine du commerce régional, censés s’appliquer à tous les pays les ayant signés, mais il est constaté dans la pratique que la multiplication de régimes commerciaux peut soulever des incohérences ou constituer un frein à leur efficacité. Ainsi, en 2011, la SADC, l’EAC et le COMESA avaient des Etats membres qui appartenaient aux trois organisations, mais ils appliquaient le régime commercial de l’une, aux dépens de ceux des autres. 14 membres du COMESA sur 19 obéissaient aux règles du traité de libre-échange, 4 membres sont restés au stade du droit précédent la zone de commerce préférentielle[3].  Au niveau de l’EAC, les 5 Etats membres évoluaient dans l’union douanière du CER dans le but de mettre en place un marché commun. Enfin, 12 des 15 membres de la SADC appliquaient les conditions de l'accord de libre-échange, lancé en 2008. La reconnaissance de ces chevauchements va pousser les trois CER à lancer des discussions en vue de créer une zone de libre-échange commune.

De manière générale, les traités régissant les organisations régionales montrent comment les différents régimes de droits pourraient entrer en contradiction, comme l’illustre le cas de l’UEMOA et de l’OHADA qui regroupe 17 Etats, dont 7 de l’UEMOA. Les traités de ces 2 organisations considèrent en effet que les actes arrêtés dans chaque organisation a primauté sur le droit national (article 6 du traité de l’UEMOA et art 10 du traité de l’OHADA), sans qu’il n’existe aucune mention de la primauté de l’un des deux traités sur l’autre[4]. Or, certains de leurs domaines de compétences se recoupent : l’OHADA est censé régir le droit des affaires, mais le traité de l’UEMOA autorise également celle-ci à adopter des règles lui permettant d’atteindre ses objectifs, dans le domaine des politiques économiques monétaires, sectorielles, ou le marché commun, domaines qui peuvent toucher le droit des affaires[5].

Des incompatibilités avec les systèmes internationaux

Si les organisations régionales sont encouragées par l’OMC car vues comme un moyen d’atteindre les objectifs de développement, elles doivent néanmoins respecter ses règles. En théorie, tous les Etats membres doivent appliquer le même traitement en matière commerciale aux autres Etats membres, même si en pratique les ACPr dérogent à ce principe.

La mise en place du Tarif Extérieur Commun (TEC) de la CEDEAO en 2015, a révélé comment il peut être difficile d’articuler engagements communautaires et internationaux. En effet, avant la mise en place du TEC, chaque pays membre de l’OMC s’était engagé à ne pas relever ses taux de droit de douane au-dessus d’un certain niveau, ce qu’on appelle le taux consolidé[6]. Les taux appliqués en réalité étaient souvent moindres, notamment en matière agricole. Ainsi le Nigeria avait un taux consolidé de 150% pour les produits agricoles, contre un taux appliqué de 33,6% ; le taux consolidé du Sénégal était de 29,8%, tandis que celui de la Côte d’Ivoire était à 14,9%. En appliquant le nouveau TEC de la CEDEAO fixé à 35% sur les produits agricoles, ces derniers pays se retrouvaient automatiquement au-dessus du taux qu’ils se sont engagés à ne pas dépasser[7]. Même s’ils existent des mécanismes comme le versement de compensation qui rendent possible la cohabitation des deux normes, l’on se rend compte aisément que les engagements régionaux  peuvent entrer en contradiction avec les engagements au sein d’autres systèmes.

Par ailleurs, dans la négociation des APE, l’Union Européenne semble à première vue, avoir fait preuve de plus de logique en négociant avec des groupes régionaux: Afrique centrale, Afrique de l’Est et australe, Afrique de l’Ouest, SADC et EAC. Cette multiplicité des interlocuteurs  soulève d'importantes limites : les membres du COMESA par exemple, sont répartis entre 3 groupes régionaux qui négocient séparément les termes de l’APE qui les concernent, alors que les pays du COMESA partagent un même objectif de marché commun. De plus, l’APE étant un accord réciproque (bien qu’asymétrique) entre l’UE et les pays africains, il vise à favoriser le commerce entre les deux zones en réduisant au maximum les barrières tarifaires. Même si les pays africains continuent de bénéficier de dérogations devant protéger leurs économies encore peu solides, d’une concurrence trop forte de l’Europe, l’on comprend qu’à termes, des droits de douane bas pourraient d’une part entrer en contradiction avec des règles telles que le TEC décidées par certaines régions, mais aussi être inférieurs aux tarifs pratiqués au sein d’une même organisation régionale, favorisant les échanges Afrique-Europe aux dépens des échanges intra régionaux.

Quel défi pour l'Afrique face à cette diversité d'accords ? 

Dans son rapport économique 2015 portant sur l’industrialisation par le commerce, la Commission Economique pour l’Afrique (Nations Unies), évoque l’importance voire l’urgence de la mise en œuvre des accords méga-régionaux propres à l’Afrique, pour booster son positionnement économique. En effet, les études de la Commission montrent qu’une application effective des accords commerciaux méga-régionaux non africains par nature, comme le Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement (PTCI), le Partenariat Transpacifique (PTP) et Partenariat Economique Global Régional (RCEP), aurait pour conséquence une augmentation d’un millier de milliards de dollars d’ici à 2020, des exportations des pays membres. A contrario, cela entrainerait une chute des exportations africaines de l’ordre de 2,7 milliards de dollars en raison de l’intensité de la concurrence et d’un attrait pour les marchés couverts par ces accords méga-régionaux. Toutefois, cette tendance pourrait radicalement s’inverser si l’Afrique se dotait de sa zone de libre-échange continentale (ZLEC), car elle verrait alors accroître ses exportations d’environ 40 milliards de dollars, ce qui s’expliquerait par une accélération du commerce intra-africain. La mise en place de la ZLEC est un projet actuel, les chefs d’Etat et de gouvernement africains se sont engagés en janvier 2012 pour l’accélération de sa mise en place à l’horizon 2017. 

Le 10 juin 2015, les chefs d’Etat et de gouvernement de la COMESA, de l’EAC et de la SADC, réunis à Sharm El Sheikh en Egypte, ont lancé la zone de libre-échange tripartite (ZLET) instaurant ainsi un marché intégré de 26 pays, d’une population de 632 millions d’habitants qui représentent 57% de la population africaine. Cette ZLET qui constitue à coup sûr une étape déterminante du processus de mise en place de la ZLEC africaine, représente aussi un PIB de 1,3 billion de dollars (2014) soit 58 % du PIB de l'Afrique. 

L'engagement des pays africains dans ces différents accords témoignent avant tout de la volonté manifeste de ces derniers de s'intégrer davantage dans le commerce mondiale et d'en tirer partie pour accélérer leur développement. Cependant, ils ne suffisent pas pour produire les effets escomptés, se constituant parfois en contraintes pour le continent. Le défi de l’Afrique désireux de bénéficier pleinement de cette ouverture sur le monde consiste notamment dans le renforcement de ses capacités de production, qui passe par la modernisation les infrastructures du commerce et la mobilisation des ressources financières.

MC


[1] Commission Economique pour l’Afrique, 2015,  « L’Industrialisation par le commerce », Rapport économique sur l’Afrique

[2] Nations Unis., Union Africaine., 2014, « Ce qui va être différent avec ‘AGOA 2.0’ »

[3] TradeMark Southern Africa, 2011, « Aid For Trade Case Story : Negotiating the COMESA ‐ EAC ‐ SADC Tripartite FTA », Pretoria

[4] IBRIGA (LM), 2006, « La juridictionnalisation des processus d’intégration en Afrique de l’Ouest », Université de Ouagadougou

[5] KONATE (IM), 2010, « L’OHADA et les autres législations communautaires : UEMOA, CEMAC , CIMA, OAPI, CIPRES etc. ».

[6] DIOUF (EHA), 2012, « Nouveau tarif extérieur commun de la CEDEAO et engagements individuels de ses membres à l’OMC: des incompatibilités surmontables », Passerelles, Volume 13 – number 3.

[7] Ibid

Cadre juridique des PPP au Sénégal : une reforme incomplète ?

posteautorouteAvec l’adoption de la loi 2004 -13 du 1er Févier 2004, le Sénégal était devenu le pionner  de la pratique des Partenariats Public Privé (PPP) en Afrique subsaharienne. En dehors de l’Afrique du Sud, seule l’Ile Maurice pouvait se prévaloir d’avoir adopté, dans la même année,  un dispositif juridique relatif aux PPP (PPP Act No. 37 of 2004). A titre de comparaison, il faut rappeler que l’Ordonnance sur les Contrats de Partenariat n’a été prise, en France, qu’au mois de Juin de l’année 2004, soit plusieurs mois après l’adoption de la loi sénégalaise.

Le dispositif  juridique et institutionnel mis en place en 2004 au Sénégal  a donc inspiré plusieurs pays africains de la sous-région. En effet, entre 2008 et 2012, l’Agence pour la Promotion des Investissements et des Grands Travaux (APIX), chargée de la mise en œuvre de la loi,  a reçu plusieurs délégations africaines venant de différents pays du continent, pour s’inspirer de l’expérience sénégalaise.

Il faut souligner que les PPP sont devenus, aujourd’hui, une mode et une pratique qui se sont propagées à travers toute l’Afrique. A titre d’exemple, le Cap Vert s’est doté d’une loi PPP en 2010, Le Nigeria, le Niger et l’Angola en 2011, la Cote d’Ivoire en 2012, le Kenya et le Burkina Faso en 2013 et le Maroc en 2014 . Il est à noter que le Mali et la Gambie envisagent la même démarche. Même les institutions financières internationales telles que la Banque Africaine de Développement (BAD) et la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) ont mis en place des instruments pour la promotion des PPP. La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) sont engagés dans le processus d’élaboration de directives et règlements destinés à  une meilleure harmonisation de la règlementation sous régionale en matière de PPP.

En effet, ce besoin d’harmonisation du cadre juridique au plan régional est d’autant plus urgent que le concept même de PPP suscite beaucoup d’engouement et  d’intérêt, mais également  de controverses. D’ailleurs, certains de ses détracteurs définissent désormais l’acronyme PPP  comme signifiant Problèmes, Problèmes, Problèmes.

Bref rappel historique

Pour une bonne compréhension du concept de PPP, il n’est pas sans intérêt de faire un petit rappel historique. Le Sénégal possède une vielle tradition des partenariats public privé, puisqu’en effet  le premier contrat PPP serait conclu le  21 Mai 1888 à St Louis (alors capitale de l’Afrique Occidentale Française) et portait sur un service de transport par bateau à vapeur entre Dakar et Gorée. Dans les années 90, plusieurs contrats PPP, notamment dans le secteur de l’eau et de l’électricité, ont été signés au Sénégal et dans plusieurs pays en Afrique.  En France, la pratique des PPP date de plusieurs siècles, soit  depuis les premiers textes sur le service public publiés entre 1270 à 1789 (Voir, à cet égard, Xavier Bezancon, dans Une Approche Historique des PPP). Du point de vue juridique, ces textes  concernaient essentiellement le contrat de concession ou de délégation de service public. Toutefois, la fin des années 90 allait voir cette pratique évoluer pour donner naissance à de nouvelles formes de partenariats publics privés, notamment les Private Finance Initiative (PFI) en Grande Bretagne  ou les contrats de partenariat en France.

Sur la typologie des PPP

Ce bref rappel historique avait pour objectif de différencier les deux grandes familles de PPP. D’une part, les PPP de type concessif qui comprennent les délégations de services publics, les contrats d’affermage, les concessions (BOT, BOO, BOOT…) et, d’autres part, les PPP à paiements publics. Les  principales différences entre ces deux familles de PPP tiennent  (i) au partage des risques et des responsabilités, et (ii) à la source de rémunération de l’operateur privé (paiement public sous forme de loyer ou péage des usagers).

Au Sénégal, cette différenciation qui, pourtant, est clairement établie dans la règlementation, est encore la source de plusieurs confusions. Il faut ,en effet ,rappeler les PPP sont  régis par deux régimes juridiques distincts.  Les PPP de type concessif sont codifiés et relèvent du code des marchés publics, alors que les PPP à paiement public sont, désormais, régis par la loi 2014.09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, entrée en vigueur .

En réalité,  cette loi de 2014,  abusivement qualifiée de loi PPP, couvre uniquement les contrats de partenariat et non les contrats de type concessif. Ce qui ajoute à la confusion, c’est que cette loi est, paradoxalement, venue abroger et remplacer la loi de 2004 dont l’objet portait principalement sur les PPP de type concessif.  Le choix de faire abroger la loi 2004 par la loi de 2014,  alors même que les deux textes pouvaient cohabiter et se compléter moyennant une petite mise en cohérence, est peut être à l’origine de ce manque de clarté dans la règlementation actuelle des PPP au Sénégal.

En vérité, la loi sénégalaise de 2014 s’est peut être trop inspirée de l’expérience française et de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les Contrats de Partenariat. Il est vrai qu’en France, le concept de PPP, du reste très controversé, est généralement assimilé aux contrats de partenariat. 

A cet égard, il est intéressant de souligner que la Cote d’Ivoire a, pour sa part,  choisi une option qui suscite moins de controverse dans la définition des concepts. Pourtant, ironie de l’histoire, c’est en 2011 que la Cote d’Ivoire est venue s’inspirer de l’expérience sénégalaise en matière de cadre juridique et institutionnel des PPP. En effet, le décret ivoirien de 2012.1151 du 19 Décembre 2012 relatif aux Contrats PPP en Cote d’Ivoire  a une portée plus large et couvre toutes les formes de PPP, y compris les contrats de partenariats et les contrats de concession. Un tel choix présente l’avantage de la clarté pour les praticiens.

Sur le  dispositif institutionnel des PPP

La création du Conseil National d’Appui aux PPP (CNAPPP) est, assurément, une avancée majeure du dispositif institutionnel des PPP au Sénégal, même si, un an après  la réforme,  le décret d’application portant organisation et fonctionnement de cet organe n’est toujours pas publié.  Depuis, 2005, à la suite de l’étude Chemonics sur les potentialités de PPP au Sénégal, il avait été convenu de mettre en place une unité PPP ou  « PPP Unit » pour développer une politique de partenariat à grande échelle, à l’instar des  pays du monde où les PPP se sont développés avec succès. 

Force est cependant de constater que le cadre institutionnel au Sénégal présente encore des insuffisances qui ne favorisent pas le développement des PPP au Sénégal. La cohabitation de deux dispositifs juridiques fait que la régulation des procédures de passations des contrats PPP relève de différentes compétences. Les PPP de type concessif tombent  sous le régime des marchés publics donc sous la responsabilité de la DCMP (contrôle à priori) et de l’ARMP (contrôle à posteriori) alors que les contrats de partenariat sont assujettis à la régulation du CNAPPP (contrôle à priori)  et du Conseil des Infrastructures  (contrôle à posteriori).

Il est vrai que le Sénégal a été  précurseur dans le domaine des PPP en Afrique. Cependant, entre 2004 et 2014, trois (03) contrats PPP seulement ont été effectivement signés et mis en œuvre. Ils concernent les projets relatifs  à l’autoroute à péage, la charge à l’essieu et le contrat Construction Exploitions et Transfert (CET) de Sindia. Par contre, au mois de Septembre dernier,   le Comité National de Pilotage des Partenariats Public-Privé (CNP-PPP) de la Cote d’Ivoire, faisant le bilan deux ans après la reforme, a révélé un portefeuille de 127 PPP dont 16 déjà signés et en phase d’exécution, 80 en préparation et 31 en transaction (appels d’offres et négociations entamés).  Le retard du Sénégal, pourtant pionnier dans le domaine, est donc très préoccupant, voire alarmant.

Il est donc urgent de mettre en place au Sénégal un dispositif juridique harmonisé et commun à toutes les formes de PPP. Ce dispositif devra s’appuyer sur un cadre institutionnel distinct du régime des marchés publics. Le Conseil des Infrastructures, dans sa composition et compte tenu de son expérience, offre toutes les garanties pour pleinement jouer ce rôle de régulation des contrats PPP. Cependant, son autonomie budgétaire doit être renforcée. Dans le même ordre d’idée,  l’ancrage institutionnel de l’unité PPP (CNAPPP) n’offre pas aujourd’hui des garanties de pérennité et devrait  faire l’objet d’un repositionnement.  En somme, il faut ériger les PPP en politique de financement avec une stratégie globale et de long terme. 

Abdou Salam DIAW

Expert PPP au sein de l'Agence de Promotion des Investissement du Sénégal – APIX.

Migration et transferts financiers, enjeu de développement : cas du Sénégal

okLa migration, conséquence de la répartition inégale des richesses dans le monde. Tout au long de l’histoire de l’humanité, les mouvements migratoires n’ont cessé de se succéder et semblent toucher tous les continents du monde. Ces migrations, lorsqu’elles ne sont pas forcées, résultent directement de la répartition inégale des richesses, qui poussent les personnes à aller là où sont ces richesses. Selon certains auteurs, la volonté et la capacité d’émigrer à l’étranger résultent à la fois de la personnalité et de la situation socio-économique du candidat migrant, des circuits d’informations auxquels il a accès, des réseaux migratoires, des contextes politiques et économiques des pays d’origine et d’accueil et de leurs rapports historiques. En effet il est certain que la distribution des hommes à la surface de la terre résulte pour une large part des grandes migrations qui se sont déroulées le plus souvent sur de longues périodes.

De tout temps, les géographes ont été fascinés par les emplacements des hommes et des civilisations. Toute l’histoire du monde n’est qu’une suite de nomadismes, de conquêtes, de migrations. Les hommes ne sont que mobilité étrange paradoxe que de rêver à la fois aux racines et à la route. Ces flux, objets géographiques ne sont que devenir. Dans leur ampleur, l’audace de leur avancée, dans leurs échecs et leurs reculs, se joue l’éternel équilibre entre le possible héritage du passé et l’anticipation de l’avenir. Ces migrations toujours renouvelées ont marqué l’espace aux cours des siècles et les géographes n’en ont pas toujours retenus la même image  (Bonnamour, in Gonin P et Charef M,  2005).

Comme toute espèce animale, l’homme se déplace continuellement dans l’espace. Ses déplacements ne sont pas aléatoires, ils sont dictés par ses besoins et ses aspirations, et par le jeu des contraires et des potentialités du milieu géographique dans lequel il vit (Noin D, 2001)

Soit les hommes vont là où sont les richesses, soit les richesses sont là où sont les hommes. Les migrations sont donc une expression courageuse de la volonté qu’ont les individus de surmonter l’adversité pour vivre mieux  (Annan K, 2006).

A l’échelle mondiale, les migrations sont devenues partie intégrante des politiques et stratégies de développement, aussi bien dans les pays d’origines que dans les pays d’accueil. D’après les chiffres de l’ONU (2005), le nombre de migrants a presque doublé en 20 ans. En 2005, 191 000 000 de personnes vivaient hors de leurs pays d’origine (OCDE, 2005).

Au Sénégal, les effets des sécheresses vont se combiner à ceux des PAS[1] pour favoriser le développement de l'émigration qui va connaître de forts changements dans ses modalités et dans sa géographie. En effet, l'émigration est une pratique de longue date qui a fortement marqué l’évolution des sociétés sénégalaises. Amorcé par les habitants de la vallée du fleuve Sénégal, le mouvement migratoire était d'abord et durant longtemps saisonnier ou temporaire (« navétane[2] » ou « noorane ») avant de gagner des destinations lointaines (émigration vers les pays frontaliers ou de la sous-région).

En effet, la migration sous régionale est une conséquence directe de la crise économique qui touchait les territoires ruraux (sécheresses). Les populations du bassin arachidier se déplaçaient  pour chercher du travail. Les jeunes qui avaient la force de cultiver la terre convergent vers les grandes villes et finissent par un abandon massif des activités agricoles. L’idéal est la recherche d’une meilleure condition de vie à travers une migration régionale dans un premier temps, puis vers une migration internationale dans une seconde étape.

Au Sénégal, près de 100 milliards de FCFA sont transférés chaque année et ce chiffre ne concerne que les canaux officiels[3] de transfert. L'utilisation de ces revenus et leurs impacts dans les zones de départ prennent des formes variées induisant des changements plus ou moins notables. Ainsi ces impacts sur le milieu doivent être recherchés et analysés dans leurs dimensions tant économiques et sociales, que géographiques.

En plus, l'​’apport des migrants internationaux est indéniable dans les transformations de l’habitat (Tall 1994) et la reproduction des groupes domestiques (Blion, 1998). Beaucoup de villages de la vallée du fleuve Sénégal par exemple dépendent, en partie, des envois d’argent venus de l’extérieur. Cependant, la variation des points de vue et des lieux d’études incite à relativiser le rôle de premier plan attribué aux migrants internationaux dans leurs villages d’origine. Dia (H), 2008. 

Il est alors légitime de se demander dans quelle mesure les transferts financiers contribuent-ils au développement ? En effet, les émigrés investissent dans leurs localités d’origine mais participent également à l’entretien de leurs familles par le biais des envois financiers. La priorité accordée à l’amélioration des conditions de vie de la famille du migrant montre à quel point les transferts migratoires sont nécessaires à la satisfaction des besoins élémentaires des ménages. Cette destination est, rappelons-le, le dénominateur commun des motifs de départ et d’envoi d’argent de la plupart des émigrés.

L’impact des transferts d’argent des migrants sur leurs pays d’origine a, depuis une dizaine d’années, fait l’objet d’un grand nombre de travaux à la fois théorique et empiriques. Quelle que soit l’approche adoptée, l’un des effets positifs des transferts d’argent des migrants sur lesquels il y a l’unanimité est l’impact sur la pauvreté. Car c’est le lien le plus tangible et le moins controversé des liens entre migration et développement (Ratha, 2007). L’effet le plus senti est l’augmentation des ressources des ménages, le lissage de leurs dépenses de consommation et des effets multiplicateurs de celles-ci sur l’ensemble des revenus (Gupta, Pattillo et Wagh 2007).

Au Sénégal, la seule étude qui montre à notre connaissance les impacts de transferts sur l’économie est celle effectuée par la DPEE[4]. Le tableau suivant récapitule les résultats de l’étude sur les effets des transferts sur les dépenses par tête et sur l’incidence de la pauvreté.

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Le tableau montre en particulier que les transferts accroissent de près de 60% en moyenne les dépenses par tête des ménages qui en sont bénéficiaires, ce qui réduit de près d’un tiers (30,7%) l’incidence de la pauvreté au plan national.

Le soutien apporté au budget familial par les envois d’argent des migrants constitue une forme d’assurance contre la précarité des conditions de vie des bénéficiaires et l’instabilité de l’environnement macroéconomique. Mais, étant donné l’importance et la régularité des transferts de fonds, comparés aux propres capacités de création de richesses et aux revenus personnels d’un grand nombre de ménages bénéficiaires, ce rôle finit par installer ces derniers dans une situation de dépendance vis-à-vis de cette ressource. Une fois mise en place, la relation de dépendance devient même réciproque, elle place aussi le migrant dans l’obligation de subvenir régulièrement aux besoins de consommation courante des membres de la famille. Si le migrant tient compte de l’urgence des problèmes à résoudre, sa capacité d’épargne et d’investissement personnelle peut s’en trouver largement entamée. En l’absence d’un contrôle par le migrant de l’utilisation finale de ses envois d’argent, même les transferts destinés à financer ses projets personnels ne sont pas à l’abri d’un « détournement » au profit de besoins jugés plus urgents.

La situation s’apparente à celle que les économistes, à la suite de Keynes, appellent la « trappe à liquidité »[5]. On peut la décrire de la manière suivante : en présence d’envois massifs d’argent, tout flux supplémentaires de transferts est, faute d’utilisation productive, rapidement englouti dans le budget familial, avec la certitude de recevoir d’autres envois aux prochaines échéances. En raison des anticipations des destinataires les flux de transferts servent ainsi à entretenir les comportements de dissipation des ressources de la part de ces derniers.

La spirale pauvreté-migration-transferts-pauvreté fonctionne d’autant mieux que le lien de dépendance se double d’un contrat d’assurance entre le migrant et sa famille d’origine. Elle ne s’emballe lorsque les transferts ne se limitent plus seulement à lisser les dépenses de consommation du ménage bénéficiaires, mais transforment et diversifient également ses besoins de consommation.

Ba Cheikh

Références :

Gupta (S), Patillo (C), 2007a, « L’impact bénéfique des envois de fonds sur l’Afrique », Finances et Développements, pp.40-43.

Noin (D), Géographie de la population, Paris, Masson, 3e édition, 281p.

OCDE, 2005 « Migration, transfert de fonds et développement ».

Ratha (D), 2007: www.worldbank.org/prospects/migrationandremittances.

Diop (A), 2008, Développement local, gouvernance territoriale, enjeux et perspectives, éditions Karthala, 85p.

Diop (M.C.), Mars 2012, La Société sénégalaise entre le local et le global, collection hommes et sociétés, éditions Karthala, 728p.


[1] Programmes d’ajustements structurels

[2] Les Navétanes sont des migrants saisonniers d'Afrique de l'Ouest, notamment au Sénégal et en Gambie. Ces vastes déplacements de population, souvent en provenance de Guinée, étaient généralement liés à la culture de l'arachide.

[3] A part la voie formelle pour transférer de l’argent, il existe une autre forme pour envoyer des fonds au Sénégal, cette forme se traduit par une organisation informelle des transferts.

[4] Direction de la Prévision et des Etudes Economiques

[5] Mise en évidence par Keynes et vulgarisée par Hicks, la « trappe à liquidité » désigne une situation où le taux d’intérêt tombe si bas que tous les agents économiques s’attendent à ce qu’il augmente. Leur préférence pour la liquidité devient absolue et toute augmentation de la masse monétaire devient sans effet sur l’activité réelle

Where PRSP efficient ?

img-8Since the 2000s, a few African countries have committed to strategies, initiated by the World Bank and then extended to the Millennium Development Goals (MDGs), to fight against poverty. These strategies, compiled in what are generally called Poverty Reduction Strategic Papers (PRSPs), are based on the dogma which considers that growth is enough to reduce poverty. Therefore, they highlight growth acceleration and identify measures to be implemented to improve the living conditions of the poorest.

Discussing the efficiency of these programs, with the birth of MDGs, the Bretton Woods institutions, in particular the IMF, indicated that these strategies constitute a break from other existing development programs, and offer a pool of measures which probably be able to reduce poverty. Although the MDGs have reached their completion point and data is available, it is possible to wonder whether these strategies have had the expected results. A tentative answer is given by Daouda Sembene[i], who analyses the impact of PRSP on growth, inequities and poverty in Sub-Saharan African countries. His analysis compares countries having adopted PRSP and countries which haven’t.

In his analysis, it appears that although the implementation of PRSPs has allowed a significant reduction of poverty elsewhere in the word, in the Sub-Saharan African countries which have adopted them (32 in total), it remains difficult to identify its impact on poverty and inequalities. Indeed, poverty is increasing at almost the same speed in all countries of the region, whether or not they have adopted PRSPs. The good news is that DSRPs have allowed countries which have adopted them to be more efficient and more resilient to economic shocks. For instance, the PRSPs countries recorded far more stable and substantial growth rates since the implementation of PRSPs (with an average of 2.13% during the 1990-1999 period against 5.12% between 2000 and 2012). On the contrary, economies which had not adopted the PRSPs have had more erratic performances (from 7.1% on average between 1990 and 1999, to 5.3% between 2000 and 2012). In addition, the 2008 financial and economic crisis had less impact on PRSPs counties than on non-PRSP countries: average growth of – 1.9% in 2009 for non PRSPs, when PRSPs countries demonstrated an average growth of 4%.

According to PRSPs, only public action can generate sustainable growth, able to reduce poverty. The actions to be implemented in the context of PSRPs in the concerned Sub-Saharan African countries were therefore in favour of growth. They involved in particular infrastructures and human capital (health and education), diversification and private sector development but also some transversal issues such as good governance promotion and rural development. For the growth created through these measures to be able to reduce poverty and inequalities, it was thus necessary to strengthen the redistribution channels. To attain this, the PSRPs planned to improve access to basic social services, to employment or to revenue-generating activities. Fund transfers and a priority access to public jobs for poor people, also constituted fundamental pillars of these strategy papers.

The failure of these strategies to reduce poverty and inequalities is mainly linked to the redistribution strategy used. For instance, social transfer programs are usually not conditional on results to be reached by the beneficiary household, in terms of health and education for the children. According to Kakwani and al. (2005) [1], in about 15 Sub-Saharan African countries, the implemented transfer programs depended on the registration and regular school attendance, and the amounts involved were not sufficient to take the beneficiaries out of their situation of poverty. Another form of redistribution is the implementation of subsidies (either in the agricultural, energy, or food sectors). It is the most common form of redistribution used on the continent; each African country benefits from subventions in one or more of those sectors: Nigeria and Ghana for instance have implemented subsidies in the agricultural and energy sectors. Others are more focused on the agricultural sector (Tanzania) or the energy sector (Niger, Senegal and Mali). These subsidies, supposed to be beneficial for the poorest and which mobilize a non-negligible part of budgetary resources, do not really produce the expected results [2]. They benefit mostly the richest, who consume an important part of the subsidized products and services.

Overall, the implementation of PSRPs has particularly allowed to improve economic governance in the countries which have adopted them, which translated into improved economic performances and a strong resilience to exogenous shocks. Regarding poverty and inequalities, these strategies have been less efficient. A failure which could be linked to the design strategy of PSRPs. Indeed, if the way PSRPs are designed, they provide conditions to reduce poverty with a focus on growth, their implementation is made difficult by the institutional capacity of the countries to identify precisely the targets of those policies. Policies aimed at reducing poverty and inequalities should not only take more into account local realities, but also integrate measures to be appropriated by local authorities, in order to design redistributive policies more adapted to the local context, and whose implementation would be linked to institutional capacities and competencies of the country. It is an approach that countries already try to have within their own development programs, which are then submitted to their partners for funding. Regional programs, or those initiated by international institutions, should therefore be reshaped according to a same model, to strengthen redistributive mechanisms. 

An original article by Foly Ananou, translated by M.C. 


[1] Kakwani, Nanak, Fábio V. Soares, and Hyun H. Son (2005). Conditional Cash Transfers in African Countries. UNPD International Poverty Centre, Working Paper n° 9, Brasilia.

[2] See Faut-il supprimer les subventions à l’énergie en Afrique ? for the case of energy.

[i] Daouda Sembene (2015). Poverty Growth and Inequality in Sub-Saharan Africa : Did the Walk Match the Talk under the PRSP Approach ? IMF Working Paper, WP/15/122.

An interview with Nunu Ntshingila, futur Director for Facebook in Africa

12c509eWhen she begins her career in the advertising industry at the end of the 1980s in South Africa, Nunu Ntshingila discovers a universe she describes as being “very white and very masculine”. Let us take another look at an Africa fully involved in a digital (r)evolution, through the eyes of a woman promoting afro-responsibility on the continent.

An activist in women access to leadership

« After staying in the US for my studies, I came back to South Africa to work at Nike’s in communication. When I came back in the advertising sector, South Africa had democratized itself. I particularly remember debates on the role of women in the development of the post-apartheid country. It was reassuring to know we were involved in these types of discussions”, says Nunu Ntshingila who, at almost 50, is about to leave the world of advertising and to take the lead of Facebook in Africa. In 2011, Nunu Ntshingila joined the Executive Committee of Ogilvy & Mather, becoming the only representative of the African continent to serve on the committee, amongst thirty executives.

« The access of women to executive positions is a determining factor, especially in the creative industry, as they are required to speak up to be represented with respect ». Representation, explains Nunu Ntshingila, also takes into account the race issue, an issue which, according to her, is not about to disappear easily in South Africa. She believes that the distribution of wealth would be a good solution to remedy the racial tensions that still divide the country: “We must ensure that diversity can take root in our environment. All the capital currently belongs to the white minority, we must ensure that this capital belongs to the majority.”

A stronger advertisement market, thanks to the new technologies

In 2015, the advertisement market’s growth in Africa is estimated at 8%, against 5% in the rest of the world. On this topic, Nunu Ntshingila confirms: “It is true that the market evolves a great deal. But I insist on the fact that we should guide this evolution ourselves. When we talk about Africa in motion, it is important that Africans first appropriate this idea. I am sceptical when this message comes from outside the continent. We need to make Africa grow, as Africans. Today, people here want to live in better conditions. This is why the diaspora realises the potential of the continent and goes back to Africa.”

Asked about the impact of digital, she admits that she does not believe in a negative aspect of this revolution for the advertisement market. “The press was a pillar of our strategies, and we really feel in South Africa, a concentration of the advertisement market towards digital. We need to adapt to new technologies”

New technologies, such as the mobile

According to a study published at the beginning of the year by Frost & Sullivan on mobile usage trends in Subsaharan Africa, mobile penetration rate should attain 79% in 2020. “Mobile has allowed a leap forward regarding the way we communicate with consumers. Technology has allowed to reduce the gap between urban and rural areas. It is also a powerful tool to hear the voices of the poorest. It has even transformed the way we communicate between countries. Here, it is time for erasing the boundaries”, affirms the woman who has participated to the development of the international group on advertisement in 14 African countries.

Despite the optimistic perspective she has on the current state of the African advertisement market, Nunu Ntshingila remains lucid on the long road ahead. There are disparities, especially between Maghreb, Egypt and South Africa, and the rest of Sub-saharan Africa. A report from the Alliance For Affordable Internet shows that French-speaking African countries are particularly affected by the high costs of high speed internet. “In Africa, what will determine the evolution of advertisement will be the cost of high speed internet”, she declares. This cost is one among the many obstacles that the future director of Facebook will face when developing the social network on the African network, from the month of September.

Translated by M.C.

L’Afrique connaîtra-t-elle un dividende éducatif ?

4524953_6_724b_il-n-y-a-plus-que-six-pays-a-travers-le_196f2ae5c6333fc36d59219c128b50ffLa transition actuelle de la fécondité dans les pays d’Afrique sera-t-elle profitable à l’économie ? Entre 1990 et 2010, le taux de natalité est passé de 6,2 à 4,9 enfants par femme. Un recul qui, en créant les conditions d’un « dividende démographique » historique, aurait dû améliorer les perspectives de la région sur le plan de l’éducation et du développement. En théorie, un dividende intervient avec la réduction temporaire des taux de dépendance (rapport actifs/inactifs) consécutive au repli du taux de fécondité. Mais, dans la pratique, ce phénomène et les conditions qui favorisent son apparition sont difficiles à cerner.

Tous les chercheurs ne sont pas du même avis. Les optimistes trouvent les arguments positifs convaincants : le recul de la fécondité peut améliorer l’éducation à travers plusieurs mécanismes, dont la réduction de l’incidence des abandons scolaires liés à une grossesse, la diminution de la taille des cohortes et des fratries ou encore la baisse du taux de dépendance (figure 1). Cette vision sera confortée par les résultats d’études montrant des corrélations inverses entre fécondité et scolarité ou par l’expérience de l’Asie et de l’Amérique latine qui ont, semble-t-il, bénéficié d’un dividende éducatif pendant leur transition.

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Pour les plus circonspects, théorie et corrélations ne suffisent pas. Les indispensables liens de cause à effet ne sont guère étayés par des données concluantes, du moins à une échelle et un degré d’agrégation autorisant à affirmer avec certitude certaines généralités sur la région. Faute de données idéales, des méthodes de décomposition permettent d’apprécier de manière pragmatique le dividende éducatif, en s’intéressant aux gains mécaniques des dépenses publiques d’éducation par enfant liés à l’évolution de la structure par âge d’un pays. Cette approche est pratique à deux égards : premièrement, elle repose sur des statistiques largement disponibles ; et, deuxièmement, les calculs sont transparents car fondés sur une relation mathématique simple associant les dépenses publiques d’éducation par enfant, le revenu national,  la part du revenu allouée à l’éducation et la population en âge d’être scolarisée.

Cette approche est au cœur d’un travail récent de la Banque mondiale pour estimer les gains des dépenses publiques d’éducation par enfant observés entre 1990 et 2010 dans plusieurs pays d’Afrique et dont les grandes conclusions sont les suivantes :

  • l’étude a trouvé des éléments attestant de l’émergence d’un dividende éducatif dans la région. Pour l’Afrique subsaharienne, les dépenses moyennes par enfant ont augmenté, de 96 à 198 dollars, les gains étant plus importants dans les pays à l’avant-garde de la transition de la fécondité. L’Afrique australe (hors Zimbabwe) a ainsi enregistré une progression moyenne de 75 % de la valeur des dépenses publiques d’éducation, 26 à 70 % de ces gains découlant d’une baisse du taux de dépendance. Les transitions de la fécondité pouvant par ailleurs influer sur l’éducation par d’autres canaux (figure 1), le dividende éducatif total devrait être encore plus important.
  • Le rapport avance quatre observations :
  • la croissance économique et les engagements budgétaires sont aussi importants que le taux de dépendance. Là où les gains de dépenses par enfant sont les plus marqués, ce résultat s’explique par une relation équilibrée entre baisse du taux de dépendance, croissance économique et engagement de l’État en faveur de l’éducation ;
  • ces gains sont variables (figure 2) et sélectifs dans la manière dont ils renforcent les inégalités éducatives entre pays. De tels écarts peuvent également apparaître au sein d’un pays, sur fond d’inégalités importantes et croissantes des taux de natalité et en fonction de l’évolution du coût de l’enseignement secondaire ;
  • l’approche par la décomposition privilégie les gains sur le plan des intrants scolaires par élève et non en fonction des résultats scolaires effectifs. L’amélioration des intrants ne peut à elle seule garantir l’obtention de meilleurs résultats et l’impact de cette corrélation varie d’un pays à l’autre ;
  • les dividendes attendus n’ont rien d’automatique, surtout là où la transition piétine depuis quelques années. Pour se concrétiser, un tel dividende doit aller de pair avec un recul rapide, durable et général de la fécondité et des incitations constantes à investir dans l’éducation.

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Globalement, les pays africains à l’avant-garde de la transition des taux de fécondité semblent déjà bénéficier d’un début de dividende éducatif qui n’a rien d’universel et qui ne sera en aucun cas systématique. Pour y parvenir, il va falloir opter pour des politiques démographiques et éducatives volontaristes incitant les familles à renoncer aux grandes fratries au profit d’investissements accrus dans l’éducation.

Un article initial de Parfait Eloundou-Enyegue                 

Protection de l’environnement : Quel potentiel pour l’approche propriétariste en Afrique ?

Sans titreLes enjeux environnementaux en Afrique sont énormes, du souillage du Delta du Niger au traitement des déchets et des effluents, en passant par la surexploitation des ressources halieutiques des côtes. En matière de protection de l’environnement, l’approche par les droits de propriété a été développée depuis les années 80, en réaction à la fois à l’approche réglementaire et à la nouvelle tradition juridique « Law & Economics » fondée sur le critère de l’efficience. Elle propose un retour à la règle de responsabilité civile et se révèle être une alternative promouvant à la fois le respect des droits, la croissance et l’environnement. Mais qu’en serait-il en Afrique ?

L’approche réglementaire remonte aux travaux de l’économiste Arthur Pigou sur les « externalités négatives » de l’activité économique : pollution de cheminées d’usine, effluents toxiques déversés dans des rivières, pesticides agricoles dans les nappes phréatiques etc. Autant de « déservices » produits par le pollueur de manière annexe à sa production « économique » et pour lesquels il n’y a pas de compensation pour dédommager les pollués. Pigou considérait qu’il y avait là un échec du marché à internaliser le coût dit « social » de la pollution et que le rôle de l’État consistait à rétablir « la vérité des prix » en internalisant ce coût social, en faisant payer le pollueur un montant équivalent aux dommages, par le biais d’une taxe. C’est le principe du pollueur payeur.

Une des critiques adressées à Pigou, notamment par le Prix Nobel d’économie Ronald Coase, est que c’est bien souvent l’intervention de l’État par la réglementation autorisant des activités polluantes, et ce, contre la règle de la responsabilité, qui a encouragé des pollutions, au nom de la croissance, du bien public, de l’emploi etc. La corruption et un certain « capitalisme de connivence » peuvent aussi expliquer cet état de fait – surtout en Afrique.

Ensuite, pourquoi parler d’échec du marché alors que ce dont on parle sont très souvent des « biens libres », non appropriés ? C’est en fait ici la référence, bien connue, à la tragédie des vaines pâtures de Garret Hardin. Lorsqu’une pâture n’est pas appropriée et qu’elle est en libre accès, chacun, même s’il est motivé initialement par un élan vertueux de gestion de la ressource, a intérêt l’utiliser au maximum avant que les autres ne fassent de même et n’épuisent finalement la ressource. Dans tous les cas, l’accès libre génère pour les acteurs, qui « se servent » dans la ressource ou en la polluent allégrement, une incitation court-termiste. L’air ou l’eau d’une rivière sont des biens libres, certains animaux sauvages en liberté sont aussi des bien libres. L’approche propriétariste consiste à développer des droits de propriété là où il n’y en a pas et à les faire respecter – contre les pollueurs et « exploiteurs » – là où il y en a.

L’approche propriétariste se développe aussi en réaction contre la ligne de pensée « Law & Economics », qui pose la « réciprocité » dans la pollution (c'est à dire le fait que j'interdise à une usine de polluer constituerait une sorte de pollution en soi…) et insiste sur l’analyse coût/bénéfice totale, ouvrant la voie à la sacralisation de la maximisation du bien-être social, qui vient à faire l’équation entre justice et efficience. Autant d’idées très problématiques pour un véritable propriétariste, puisque toute la dimension de principe de la propriété est assez rapidement évacuée, au profit d’un calcul d’ingénierie sociale.

Tout le propos de l’approche propriétariste est de réinsuffler de la responsabilité dans les questions d’environnement, notamment par l’outil de la propriété  – la responsabilité lui étant consubstantielle. Un propriétaire a un intérêt à la fois à ne pas polluer sa propriété et à empêcher les autres propriétaires de la polluer, comme ces derniers ont un intérêt à l’empêcher de polluer la leur. Une règle de la responsabilité civile relativement stricte fournit des incitations pour les pollueurs potentiels à être beaucoup plus précautionneux et s’ingénier à trouver des solutions non polluantes.

L’approche propriétariste fait cependant face à certaines limites, notamment en Afrique.

La question de l’appropriation est centrale. Sur un plan technique, il faut rappeler que l’évolution technologique permet l’évolution juridique, non seulement en termes de barrières physique pour « propriétariser » une ressource en restreignant son accès (par exemple pour les éléphants), mais aussi en termes de traçabilité des pollutions pour traquer les responsables. Mais les choses ne sont pas toujours simples et le coût de ces « enclosures » et de leur surveillance n’est pas négligeable : qui va pouvoir payer dans des pays pauvres ?

Sur un plan institutionnel les choses sont aussi problématiques. Les propriétaristes doivent s’inspirer des travaux d’Elinor Ostrom : les cas de « privatisation par le haut » comme de « réglementation par le haut » peuvent mener à des catastrophes. L’absence d’une justice indépendante faisant respecter la règle de la responsabilité est évidemment ici au cœur du problème. Si l’appropriation permet l’émergence d’un capitalisme de connivence entre politiques, juges et propriétaires-pollueurs, elle perd totalement son intérêt.

Ensuite, l’importation de modes de propriété allogènes dans un ordre institutionnel local peut conduire à un « clash institutionnel » entre règles locales et importées, semant la confusion juridique et empêchant en définitive toute clarté et donc toute responsabilisation. La grande leçon africaine, c’est qu’il n’y a pas « un » mode de propriété – celui de la propriété individuelle – comme solution propriétariste. La propriété en commun peut fonctionner si on maximise la responsabilisation des acteurs et qu’on s’adapte au mieux aux conditions institutionnelles et techniques locales. L’approche est résolument décentralisée, « bottom up ». Elle insiste sur le rôle des barrières permettant l’exclusion de la ressource, sur l’existence de règles internes à la communauté pour gérer la ressource, sur le caractère local de ces règles et de la capacité à gérer les resquilleurs.

En dépit de ses limites, l’approche propriétariste offre un potentiel non négligeable en Afrique qui ne devrait pas être ignoré par les amis de la nature.

Article d'Emmanuel Martin, initialement paru sur http://www.libreafrique.org/

Prendre le leadership de la transition énergétique : l’option de la « désinvesti-réorientation »

solar energy panels and wind turbineIl faut reconnaitre que même si les impacts environnementaux et économiques du modèle énergétique actuel sont bien réels, la transition énergétique est encore communément vue en Afrique comme une urgence occidentale. Les dégradations environnementales et économiques dues par l’action humaine deviennent de plus en plus visibles en Afrique et les différents rapports d'évaluation sont clairs. Si cet aspect des choses réelles n'est pas adressé, il continuera à entraver le développement social et économique du continent. L'Afrique s'est mise à l'écart des différentes stratégies en vue de la transition énergétique. Bien que la majorité des états en Afrique disposent des lois qui annoncent et réglementent la protection de l'environnement, ce qui englobe une bonne utilisation des ressources nationales, on constate une réalité très différente. La vraie lutte contre le changement climatique et pour la protection de l'environnement passe d’abord par la transformation du modèle énergétique fossile en un modèle à énergie renouvelable. L'Afrique est à la traine. A titre de comparaison, la Corée du sud, moins ensoleillé en moyenne annuelle que tous les pays d'Afrique au sud du Sahara et disposant d’une superficie inferieure à de nombreux pays africains qui sont restés politiquement stable depuis les indépendances, possédait la quatrième puissance électrique photovoltaïque installée au monde en 2015. Cette montée en puissance de la technologie d’énergie alternative de la Corée du Sud a amèné le pays à abandonner une centrale électrique nucléaire d’une capacité de production de 587 Mégawatt (MW). Alors que devraient faire les pays d'Afrique subsaharienne afin de prendre le leadership de la transition énergétique ?

La « désinvesti-réorientation » pourrait s'appliquer au domaine énergétique africain dont les plus grandes entreprises sont à travers les états impliquées directement ou indirectement dans la production, la transformation et la distribution des énergies d'origines fossiles. Réussir la transition énergétique en Afrique consiste donc à la mise en place d’une législation environnementale et énergétique proactive comme illustré dans la figure 1. Il s'agit de mettre en place une législation transversale puisque l'environnement et l'énergie sont devenus des domaines transversaux. La législation devrait se baser sur une autonomie de production énergétique durable des bâtiments résidentiels, administratifs et industriels. En d'autres termes la législation devrait exiger aux concepteurs, propriétaires de maisons, immeubles ou usines de produire une partie de l'énergie qu'ils utilisent grâce à des sources renouvelables. Etant donné que la plupart des grandes villes africaines existent déjà depuis plus cinq décennies, c'est donc une transformation ou une reconstruction urbaines intégrant les zones industrielles auquelle les pays africains devraient s'atteler afin de réussir cette transition.

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Figure 1 : Deploiement de la double strategie de desinvesti-reorientation et l autoproduction continue des objets en Afrique

Le modèle de construction en forme trapézoïdale comme illustré dans la figure 2, représente une piste de développement très intéressante vers l’optimisation des énergies renouvelable pour les villes. Il s'agit tout premièrement de capturer un rayonnement optimal en une transformation énergétique et puis d'accumuler toutes les autres formes d'énergie renouvelable ou technologies d’efficacité énergétique qui sont entrain de faire leur preuve à travers le monde. 70% de moins d'utilisation électrique représente une diminution drastique de la pression sur les ressources naturelles en Afrique. Mais l'une des clés de cette transformation est la maitrise et la reproduction de la technologie. L'une des plus grandes difficultés en Afrique face aux défis de la transformation du modèle énergétique est le manque d'usine de fabrication des technologies d'énergie renouvelable.

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Figure 2 : illustration d un modele de construction trapezoidale

Il faut alors développer des unités de production des technologies solaires et éoliennes. L’avantage du système industriel est la création ou l'activation d'un bassin d'innovation par la création d'un réseau actif entre les centres de recherches, les universités, écoles et l'industrie. La mise en place d'usine de conception et de fabrication développera les thèses ou projets de recherche dans les domaines des énergies renouvelables.

Cette industrialisation si elle est très bien réussi permettra l'accessibilité des produits technologies renouvelables. Une estimation et planification de la demande potentielle permettra de mettre en place un ambitieux programme d'accessibilité aux produits et aux technologies renouvelables. Ces ambitieux programmes permettent facilement l'accélération de la transformation architecturale dont les bâtiments ont besoin pour atteindre l'autonomie de production énergétique. Il faudra créer une synergie positive entre les institutions financières localement établies, les propriétaires des maisons ou immeubles, les institutions étatiques, les organisations non gouvernementales, les entreprises de construction et les usines de production de technologie renouvelable afin de faciliter le financement et la vérification de la qualité des produits.

L’autre grande interrogation est : comment financer la construction de ces usines de fabrication des technologies renouvelables en Afrique dans un contexte de disponibilité financière limitée ? La solution adéquate de la « désinvesti-réorientation » comme illustré dans la figure 1, consistera à transférer graduellement mais rapidement les actifs et passifs du secteur énergétiques fossiles vers les secteurs des énergies renouvelables. La « désinvesti-réorientation » permettra une transformation du modèle énergétique africain en changeant progressivement et rapidement les entreprises africaines intervenant dans le domaine des énergies fossiles en entreprises qui développent les technologies d'énergie renouvelable. 

Des acquisitions ou fusion avec les entreprises intervenant dans le secteur du développement et de la distribution des technologies renouvelables permettra un changement sans pour autant créer des tensions sur le plan économique. Il faudra ensuite utiliser les garanties ou le poids financiers de ces entreprises pour garantir les investissements nécessaires à la construction d'unité de production de technologie pendant la mise en oeuvre de la « désinvesti-réorientation ».

Cette stratégie ne constitue qu'un canevas adaptable à tous les pays d'Afrique subsaharienne. La plus grande condition est le niveau de stabilité institutionnelle et du respect de l'état de droit.  Il faudra un état stable avec le respect de la justice  mais aussi un modèle collaborative, démocratique et objectif impliquant toutes les parties prenantes de la communauté nationale ou de l’ensemble économique considéré. 

 Land Garel Banguissa[i]


[i] Land Garel Banguissa est un chercheur, ingénieur et entrepreneur dans le domaine de la durabilité et de l’environnement.  I a travaillé pendant plus de 7 années en Asie, en Afrique et en Europe où il a respectivement occupé les rôles de testeur logiciel, développeur système, Ingénieur en durabilité & environnement, Coordinateur en durabilité & environnement. Il est doublement diplômé de l’université de Staffordshire et l’Institut de Technologie d’Asie Pacifique en sciences de gestion et informatique. Il a aussi poursuivi des formations avancées en technologies énergétiques émergentes (Université Stanford), en système environnemental (ISO Campus) et en durabilité d’entreprise.

Lancement de la zone de libre-échange continentale : nouvelles perspectives pour le commerce africain ?

Centerm3787_9x13_300_06092012162035Le sommet de l’Union africaine (UA) qui s’est tenu le 15 juin à Johannesburg, en Afrique du Sud, a formellement lancé les négociations en vue de l’établissement d’une Zone de libre-échange continentale (ZLEC) en Afrique. La ZLEC est une initiative prioritaire de l’Agenda 2063 de l’UA, qui énonce la vision de la trajectoire du développement africain au cours des cinq prochaines décennies. La ZLEC est un des piliers de la mise en œuvre de l’aspiration de l’Agenda 2063, celle d’une Afrique prospère s’appuyant sur une croissance inclusive et sur un développement durable. Cette aspiration repose sur la mise en œuvre de politiques visant la réalisation d’une convergence systématique vers les pays et les régions plus développés, ainsi qu’une intégration croissante dans l’économie mondiale en tant que partenaire respecté.

Il est prévu que la ZLEC regroupe les 54 États membres de l’UA, avec une population de plus d‘un milliard de personnes et un PIB combiné de plus de 3 mille milliards de dollars EU en 2014. Selon la recherche menée par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), la conclusion et la mise en œuvre fructueuses d’un accord sur la ZLEC, complétées par des efforts visant à améliorer les infrastructures liées au commerce et les procédures douanières, ainsi qu’à réduire les coûts de transit et autres coûts des échanges, pourraient entraîner une hausse de 52 pourcent (35 milliards de dollars) du commerce intra-africain d’ici 2022, partant d’un scénario 2017 pour année de base. La conclusion des négociations est attendue pour 2017. Le sommet de l’UA à Johannesburg a clarifié la portée, les arrangements institutionnels, les principes directeurs et d’autres modalités pratiques relatives aux négociations. Le sommet a réaffirmé la date de 2017 en tant qu’année indicative pour la finalisation des négociations.

Le calendrier ambitieux des négociations de la ZLEC est lié au fait que la mise en œuvre du Traité d’Abuja, qui sert de base juridique pour les négociations, a pris du retard. Entré en vigueur en 1994, ce dernier fournit une feuille de route destinée à promouvoir l’intégration régionale en Afrique, avec des jalons clés tels que l’établissement d’une union douanière d’ici 2022 et d’une communauté économique africaine d’ici 2028.

Ainsi, le lancement des négociations sur la ZLEC constitue également une initiative politique qui vise à maintenir le cap de la mise en œuvre du Traité d’Abuja. Mais il y a aussi un changement majeur dans l’approche de l’intégration régionale en Afrique. Les Communautés économiques régionales (CER) restent d’importantes pierres d’assise dotées de capacités de mise en œuvre. Toutefois, l’accent est désormais placé sur des arrangements à l’échelle continentale. C’est dans ce contexte que l’on doit inscrire l’ambition d’arriver à un accord sur la ZLEC dans un délai de deux ans.

La négociation sur la ZLEC a également été lancée dans un contexte d’incertitude croissante sur l’orientation future du système commercial multilatéral, à un moment où le commerce mondial est en pleine évolution, avec l’essor des accords commerciaux méga-régionaux – notamment le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI ou TTIP), le Partenariat trans-pacifique (TPP) et le Partenariat économique global régional (RCEP).    

L’Afrique ne fait partie d’aucune de ces configurations émergentes et devrait être négativement affectée par ces accords. Selon les estimations de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), en raison de l’érosion des préférences et de la concurrence accrue à laquelle les pays africains seront confrontés dans les marchés concernés par les accords commerciaux méga-régionaux, le total des exportations africaines pourraient baisser de 2,7 milliards de dollars EU (soit 0,3 pourcent) d’ici 2020, par rapport à un scénario sans accords méga-régionaux. Bien que cet effet de détournement des échanges puisse être perçu comme relativement négligeable, la la CEA souligne que les exportations de l’Afrique pourraient diminuer dans des catégories critiques, les plus fortes réductions étant prévues dans le secteur des biens industriels, en particulier eu égard aux échanges avec les pays du RCEP. Cependant, la mise en place effective de la Zone de libre-échange continentale (ZLEC), en particulier si elle est associée à des mesures visant à réduire les coûts des échanges, peut contrebalancer les potentiels effets négatifs des accords commerciaux méga-régionaux.

Plus généralement, les arrangements commerciaux préférentiels entre l’Afrique et certains partenaires clés sont également en train d’évoluer. Les Accords de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne ont pour l’essentiel été conclus. Si les pays les moins avancés (PMA) continuent de bénéficier d’un accès préférentiel aux marchés européens, les APE ont introduit une réciprocité dans les arrangements commerciaux entre l’Afrique et l’Europe. Dans le même temps, les États-Unis ont renouvelé leur Loi sur la croissance et les opportunités en Afrique (AGOA) pour 10 ans, jusqu’en 2025. Mais ils ont indiqué qu’ils comptaient également suivre la voie tracée par l’Europe, à savoir le passage à des relations commerciales réciproques. Dans les relations avec la Chine et d’autres grands pays émergents, des stratégies commerciales effectives n’ont pas encore été pleinement formulées.

Ces évolutions montrent clairement que s’ils ne concluent pas des arrangements commerciaux préférentiels entre eux, les pays africains qui participent à différentes communautés économiques régionales (CER) pourraient finir par offrir aux partenaires extérieurs de meilleurs termes que ceux qu’ils s’imposent entre eux. Par exemple, le Sénégal, qui est membre de la CEDEAO, commerce sur une base NPF avec le Kenya, qui est membre de la CAE, mais chacun des pays s’est engagé à offrir un accès préférentiel à l’Europe lorsque leurs arrangements APE respectifs seront pleinement mis en œuvre. Hormis la volonté politique de maintenir le cap sur les étapes fixées par le Traité d’Abuja, les implications des accords commerciaux méga-régionaux et l’évolution du paysage commercial forment un contexte qui rend d’autant plus urgente la conclusion d’une ZLEC.

Arrangements pratiques

Le sommet de l’UA à Johannesburg a établi que les négociations devraient couvrir le commerce des marchandises, mais également celui des services, l’investissement, les droits de propriété intellectuelle et la politique de concurrence. Les principes devant guider les négociations sur la ZLEC ont également été adoptés, tels que: « les ALE des CER comme éléments constitutifs de la ZLEC », « la préservation de l’acquis », « la géométrie variable », « la flexibilité », « le traitement spécial et différencié », « la transparence » ou encore « la divulgation des informations ». Ces principes de négociation sont cruciaux pour la réussite des négociations.

En dépit des opportunités offertes par la ZLEC, il est évident qu’il s’agira d’une entreprise complexe. La négociation aura lieu entre 54 pays et 8 CER à divers niveaux de développement et avec des capacités différentes. L’OMC en est le plus proche équivalent, mais les négociations sur la ZLEC seront menées sans les ressources techniques et le Secrétariat de l’OMC. Il est donc essentiel, pour la réussite des négociations, de tenir compte de ces contraintes en termes de ressources et de capacités.

La portée et le calendrier des négociations prévoient que les biens et les services seront négociés de manière simultanée. Ceci pourrait certes sembler trop ambitieux, compte tenu des capacités de négociation, mais cette décision a pour but de permettre des concessions réciproques entre pays ayant un avantage comparatif plus fort dans l’un ou l’autre de ces secteurs. Le rôle crucial que joue le secteur des services dans la création d’emplois, de revenus, ainsi que dans les chaînes de valeur est à présent largement reconnu. Et en effet, c’est dans les services plutôt que dans les biens que certains petits pays africain pourraient trouver leur zone de compétitivité.

Un autre défi à relever, d’un point de vue pratique, consiste à s’assurer que les gains devant résulter de la ZLEC sont répartis aussi largement que possible entre les pays participants. Certains des petits pays sont préoccupés par le fait que les grands pays domineront la ZLEC, tant en termes de négociations que de résultats. Ces inquiétudes soulignent l’importance que revêtent des principes tels que le traitement spécial et différencié et la géométrie variable, qui fournissent les flexibilités nécessaires pour répondre aux différents besoins de développement. Dans le même temps, la majeure partie des pays de la ZLEC étant des PMA, il est toutefois important de veiller à ce que le poids des obligations ne soit pas supporté par le petit nombre de grands pays relativement plus développés. Il sera crucial de s’inspirer de l’expérience acquise par les CER dans la manière de traiter ces questions dans la pratique et des enseignements qui peuvent être appliqués.

Perspectives

Il faut du temps pour mener des négociations commerciales. Les négociations sur la Zone de libre-échange tripartite (ZLET ou TFTA), officiellement lancées en juin 2011, n’ont été conclues qu’en 2015, avec une période supplémentaire de 12 mois accordée pour finaliser diverses questions techniques. Pour les négociations sur la ZLEC, une option serait d’adopter une approche en deux étapes, qui comprendrait : 1) la recherche d’accords ayant une valeur commerciale dans tous les domaines où cela est réalisable, comme « récolte précoce » ; 2) la poursuite des négociations au-delà de 2017 dans tous les domaines restants, au besoin avec un calendrier flexible pour leur conclusion.

Le commerce des biens est un domaine où une « récolte précoce » est possible, avec la possibilité d’un accord rapide sur des questions telles que les normes, les douanes et la facilitation des échanges, et d’autres, pendant que les questions tarifaires sont en cours de résolution. Pour le commerce des services, il serait possible de mettre un accent particulier sur les services qui facilitent l’investissement (ceux liés aux affaires, les services financiers, les TIC, etc.) ou qui réduisent les coûts des échanges (transport, logistique, commerce électronique, etc.) afin d’assurer des gains rapides pour les économies africaines. Il est également possible d’obtenir un accord rapide pour des questions telles qu’un régime d’investissement commun, la politique de concurrence et les droits de propriété intellectuelle, en s’appuyant sur les arrangements existants dans les CER et sur d’autres mécanismes de coordination.

En conclusion, le lancement des négociations de la ZLEC marque le début d’un processus qui pourrait rapprocher l’Afrique de ses objectifs de développement et de la réalisation des aspirations de l’Agenda 2063. Outre les bénéfices tangibles qui en découleront, la négociation et la mise en œuvre fructueuses d’un accord sur la ZLEC, en tant que pacte commercial moderne du 21ème siècle, seront un signal de la détermination du continent à rompre avec les récits négatifs du passé pour se tourner vers un avenir fondé sur une prospérité partagée. Un échec n’est pas envisageable. 

Article initialement paru sur le site de l'ENDA/CACID

L’Afrique à la quête d’un APE porteur de développement : Mythes et réalités d’un projet improbable

78329210L’Accord de partenariat économique (APE) est le dernier des nombreux processus de négociations commerciales dans lesquels les pays africains se sont simultanément engagés. De nombreuses réflexions ont déjà fort pertinemment documenté les implications et enjeux de ces processus, qui se chevauchent ou se juxtaposent, sur les faibles ressources humaines, matérielles et institutionnelles des Etats africains, pour qu’il soit utile d’y revenir.
« A bien des égards, il en va du développement comme de la colonisation et de l’esclavage. Ces trois mots ne désignent pas seulement des réalités inégalement oppressives, contraignantes et dominatrices. Ils correspondent aussi à des concepts dominants »
De fait, ces processus, même s’ils opèrent à des niveaux différents, exercent aujourd’hui une forte pression sur les Etats comme sur les institutions d’intégration régionale, qui sont obligés de prendre des engagements dans chacun d’eux, sans avoir les moyens de mettre en cohérences les buts, les obligations et les attentes qu’ils ont sur les eux et les autres.
On peut cependant postuler que si les Etats africains se sont engagés dans ces nombreux processus commerciaux, c’est partiellement parce qu’ils y sont plus ou moins contraints, mais c’est aussi, partiellement, parce qu’ils y trouvent ou espère y trouver leur compte. Le commerce est devenu partout un puissant moteur de croissance et de développement. Il a un potentiel positif que de nombreux pays, en particulier en Asie, ont réussi actualiser pour se hisser au rang des nations émergentes qui comptent sur le marché mondial. Si donc les Etats africains qui comptent pour quantité négligeable dans les échanges mondiaux ont fait de choix de s’engager dans les négociations multilatérales, bilatérales et régionales visant à libéraliser ce commerce, en sachant ou non à priori les coûts d’une telle option, c’est semble-t-il en vertu du fait qu’ils cherchent par ce biais à promouvoir la croissance, le développement durable et la lutte contre la pauvreté. Cette ambition est noble et peut justifier bien des tentatives. Mais l’Histoire économique nous enseigne que si la trajectoire du développement est toujours différente d’un pays à un autre, celui-ci requiert, partout, un certain nombre de conditions nécessaires et de préalables quasi incontournables. Sans rentrer dans un débat philosophico-idéologique sur le bien-fondé ou non de la libéralisation par opposition au protectionnisme, ce débat pour nous est sans intérêt, on peut toutefois avancer que la libéralisation n’est pas une fin mais une étape ultime d’un long processus qui dans ses phases initiales, ne peut pas ne pas créer un environnement économique qui protège, encadre, appui et oriente les structures de production qu’elles soient industrielles, agricoles ou de services. De manière plus ou moins imagée, on peut comparer dans ce contexte, une économie à un corps vivant : aucun parent ne mettrait son nouveau-né dans la rue, lui demandant de supporter la compétition avec les autres et les rigueur de la vie en société sous prétexte qu’il est un être humain comme les autres. Un parent bien conscient de ses obligations garde son nouveau-né dans son foyer, le couve, l’éduque, lui apprend petit à petit les règles, processus et astuces de la vie en société pour lui donner toutes les chances de supporter plus tard, lorsqu’il atteindra la majorité, la compétition avec les autres humains.
Ce qui est valable chez l’être humain, l’est tout autant pour une économie. Le concept de « l’industrie naissante », certainement empruntée de cette symbolique humaine, et loin d’être galvaudée. Il a été pendant longtemps au centre de nombreuses constructions théoriques et a marqué de nombreuses de stratégies de développement dans les pays du Nord comme dans les pays émergents. La question centrale à laquelle l’Afrique devrait répondre avant de s’engager dans un accord commercial de libre-échange avec la première puissance commerciale du monde, quel que soit le niveau d’asymétrie, de réciprocité, les programmes d’accompagnement ou l’assistance financière promis, est de savoir si ses structures de production industrielles sont suffisamment matures pour s’ouvrir définitivement à la compétition avec l’Europe ; si son agriculture est prête pour ce niveau de libéralisation ; si son secteur des services peut se payer le luxe d’être ouvert à l’Europe dans un contexte où les régions du continent n’ont même pas encore de réglementations communes dans de nombreux domaines ? Beaucoup d’experts du continent et de l’Europe, engagés tête baissée, dans les négociations en vue de conclure un APE, soi-disant porteur de développement, n’ont pas de réponse à ces questionnements, si tant est qu’ils se sont mêmes posés la question. Pourtant, un dirigeant du continent y a déjà apporté une réponse satisfaisante à laquelle nous devrions prêter attention : « les nouveaux accords de partenariat économique prétendent démanteler les protections tarifaires et instaurer une parfaite égalité de compétition entre des économies européennes et africaines totalement asymétriques. En clair, cela revient à consacrer et accentuer un déséquilibre de fait et à livrer totalement les marchés africains aux produits européens subventionnés. Non seulement l'industrie africaine n'a pas la capacité et les structures qui lui permettraient de répondre même à une forte demande européenne, mais ce nouveau dispositif de désarmement tarifaire imposé par le libre-échange entraînerait immédiatement d'énormes pertes de recettes douanières pour nos pays : or les recettes douanières constituent entre 35 % et 70 % des budgets des Etats africains. Selon une simulation du Centre d'étude et de recherche sur le développement, entre 2008 et 2015, les pertes de recettes fiscales du Sénégal, si notre pays adopte ce système, passeraient de 38 à 115 milliards de francs CFA. Récemment, le président du Nigeria, opposé aux APE, m'indiquait que son pays perdrait près de 800 millions d'euros par an. »

Le développement à côté de l’APE et l’Afrique à côté du développement…

Les négociateurs des régions africaines soutiennent inlassablement qu’ils sont en train de travailler à obtenir un APE porteur de développement. Nombre d’entre eux se perdent cependant dans d’inextricables explications lorsqu’on leur demande en quoi consiste le développement attendu de l’APE.
En réalité le concept du développement désormais toujours attaché à l’APE n’est que le vernis destiné à masquer le douloureux rapport que nous avons avec cet accord angoissant. Le développement est le lubrifiant qui fait passer la pilule. A part les négociateurs de la Commission européenne, les lobbies et milieux d’affaires derrière eux et quelques hommes politiques européens et africains qui se gardent jusqu’ici d’afficher clairement leurs positions, fort peu de personnes disent du bien de cet accord qui a des ambitions plus commerciales et stratégiques que de recherche d’une simple compatibilité avec l’OMC et de promotion de l’intégration et du développement.
En Afrique de l’Ouest par exemple on estime qu’il suffirait d’élaborer un programme de développement de l’APE, tiré du programme communautaire de développement (PCD) dont la région s’est dotée, et annexé ce programme au texte APE comme une partie intégrante, pour en faire un APE de développement. Le problème du développement lié à l’APE risque fort d’être plus complexe que cela et la région semble se tromper de démarche et de séquence. C’est malheureusement l’erreur que de nombreuses régions sont en train de commettre.
Les programmes de développement que les experts du continent s’évertuent à élaborer pour les annexer à l’accord sont ce que les communautés régionales doivent de toute manière réaliser, avec ou sans APE. Le développement des régions et du continent sera un processus nécessairement endogène et auto-entretenu. Du Plan d’actions de Lagos au NEPAD, de nombreuses initiatives ont été prises à l’échelle du continent pour jeter les bases de l’intégration, de la croissance et du développement. L’Europe y a contribué bon an mal an, à la mesure de ses ambitions, de ses stratégies et de ses intérêts pour le continent. Le résultat est aujourd’hui ce qu’il est. Il serait illusoire cependant de penser que ce que l’Europe n’a pu réussir à réaliser, dans un contexte autrement plus favorable, elle pourrait le faire maintenant. Sa contribution, comme par le passé, viendra seulement compléter les efforts autonomes du continent pour financer son propre développement. En Afrique de l’Ouest, elle a annoncé que sa contribution au financement du Programme indicatif régional ne peut dépasser 600 millions d’euros, en dépit de l’insistance de la région pour des fonds complémentaires destinés à supporter les coûts d’ajustement auxquels les entreprises de la région feraient inéluctablement face du fait de la libéralisation.
L’APE porteur de développement est un mythe. Dans le contexte d’une région marquée par une faible intégration, des structures de production encore fragiles, une économie vulnérable, extravertie, peu diversifiée et fortement dépendante de l’Europe, cet accord de libre-échange tel qu’il se dessine, n’aura pas le potentiel de développement attendu. Une analyse simple permet en effet de comprendre qu’une liste de projets, de programmes et d’infrastructures à financer, que l’on annexe à l’accord, mais pour le financement desquels l’Europe n’a pris aucun engagement, aura peu de chance de conduire à la croissance et au développement de l’Afrique de l’Ouest, si au même moment la région s’enferme dans une portée de libéralisation large , des délais de mise en œuvre et des périodes de transition courts, ainsi qu’une faible asymétrie. Cette réalité commande que les efforts et les stratégies soient en priorité concentrés sur la réalisation préalable de l’intégration régionale qui seule peut permettre d’atténuer les effets potentiellement néfastes d’une libéralisation prématurée, ambitieuse et non maitrisée. Qu’on ne s’y trompe pas. Le problème qui se pose avec les APE est un problème d’équité. De nombreux défenseurs du projet européen estiment que la prise en compte de cette notion d’équité n’a pas vraiment sa place dans les discussions car tous les pays et toutes régions d’Afrique sont volontaires et ont fait le choix de négocier l’APE. L’argument mis en avant consiste à dire qu’aucun pays n’est obligé de signer s’il estime qu’il n’en tire pas un bénéfice net. Si aucun pays n’a quitté la table de négociation et tous continuent d’affirmer leur engagement à rechercher un accord complet et bénéfique, c’est qu’ils estiment en tirer profit. Mais soutenir ces idées, c’est méconnaitre la réalité des rapports de pouvoir entre pays développés et en développement dans ce genre de processus. Dans le contexte actuel de ces relations, l’Europe est à peu près capable d’obtenir ce qu’elle veut des pays africains, d’une part parce individuellement aucun pays n’est capable de lui résister, et d’autre part ils n’ont pas le niveau d’intégration suffisant pour lui faire face. Nous avons bien vu les moyens qui ont été utilisés pour contraindre la Côte d’Ivoire et le Ghana à signer un APE Intérimaire .
Un APE porteur de développement est donc d’abord et avant tout un accord assujetti à l’intégration régionale effective. Celle-ci doit-être mesurable à travers des indicateurs spécifiques et se poser comme un préalable incontournable à la signature de l’APE. La mise en œuvre des instruments, des institutions et des politiques régionales nécessaires pour rendre l’intégration effective doit être achevée ou au moins suffisamment avancée avant la signature de l’accord de libre-échange. Ces politiques portent entre autres sur les secteurs agricole, industriel, des services, de l’investissement, des les marchés publics et de la concurrence entre autres. Elles doivent être appliquées, évaluées et corrigées. Et c’est de leur niveau de réalisation et de succès que doit dépendre le niveau d’ouverture graduelle auquel les régions d’Afrique devraient s’engager. Cela passe par la mise en place des indicateurs de l’intégration et du développement qui doivent permettre de suivre l’évolution des régions pour qu’à chaque étape, les niveaux d’engagement appropriés soient pris, les réformes pertinentes soient appliquées et les politiques efficientes mises en œuvre avec pour seule ligne d’horizon la promotion de la croissance et du développement. En s’appuyant sur l’expérience et les leçons tirées d’accords conclus ailleurs dans le monde, les régions africaines pourraient, en plus de leurs efforts pour la réalisation de l’intégration, travailler à élaborer, le moment venu, un texte d’accord qui prend en compte dans le fond comme dans la forme les préoccupations de développement du continent. Les Chefs d’Etat et de gouvernement des pays de la CEDEAO qui se sont réunis en janvier dernier à Ouagadougou ont donné un mandat explicite pour que l’accord en gestation soit ancré dans la vision de l’intégration et du développement de l’Afrique de l’ouest. Le dernier Comité ministériel de suivi de l’APE tenu à Nouakchott en février a aussi réaffirmé une telle volonté politique.
Pour les régions africaines et ACP en négociation, le texte de l’APE ne doit être acceptable que s’il contient des dispositions claires et des engagements de l’Europe sur des questions de développement identifiés par les régions elles-mêmes. Chaque Chapitre de l’accord doit contenir des dispositions (article) précises renvoyant au développement et à des engagements de l’Europe conformément à l’accord de Cotonou. L’accord lui-même doit avoir un Chapitre spécifique sur les engagements en matière de développement, qui soit aussi contraignant que les autres chapitres et adossé au programme de développement et à la prise en charge des coûts d’ajustement qui seront induits.
Arrêtons-nous un peu sur la question des coûts d’ajustement, l’une des plus importantes contraintes que pose l’APE. En transférant les ressources d’un secteur à un autre au cours de la réforme, fiscale ou non, la libéralisation induite par l’APE va engendrer inévitablement des coûts. Par exemple, premièrement, en cas de réduction des droits de douane, les entreprises locales en compétition avec les importations pourraient être amenées à réduire leur production face à une concurrence nouvelle, ce qui laisse une partie de leurs capitaux et de leur personnel inemployés pendant un certain temps. Les efforts des travailleurs licenciés pour se reconvertir dans d’autres domaines et pour trouver un nouvel emploi vont ainsi engendrer des coûts généralement supportés par eux-mêmes et par l’Etat.
Deuxièmement, pour tirer profit de l’accès au marché européen, en principe plus favorable, à cause entre autres des règles d’origine plus flexibles, les Etats devront faire des investissements importants dans les infrastructures et les entreprises dans les nouvelles installations ou technologies.
Troisièmement, en réduisant les droits de douane, la libéralisation réduit aussi les recettes de l’Etat. Cette réalité est d’ailleurs la conséquence de l’APE la plus médiatisée. Comme les sources de revenus de remplacement sont limitées, les coûts de cette perte de recettes sont très élevés pour les Etats. L’alternative qui s’offre dans ce contexte est donc soit de réduire les dépenses publiques soit d’augmenter d’autres impôts, ce qui dans les deux cas, peut impacter négativement sur la croissance.
Beaucoup estiment que ces coûts d’ajustement sont le prix à payer pour profiter des bienfaits du libre-échange que promet l’APE. La question est cependant de savoir si le prix n’est trop élevé par rapport à la marchandise. Aujourd’hui la quasi-totalité des pays africains s’est engagée dans les négociations multilatérales, bilatérales et régionales. Dans un tel contexte, la recherche de la cohérence devrait être le maitre-mot de la stratégie des régions pour qu’aucun engagement dans l’APE ne soit en contradiction avec un engagement à l’OMC ou dans le cadre de l’intégration. Aucune disposition de l’APE ne devrait en outre être de nature à entraver, empêcher ou retarder la réalisation d’un projet ou objectif régional dans le cadre des différents traités sur l’intégration.
L’une des faiblesses de la stratégie de négociation des régions, en particulier l’Afrique de l’Ouest, c’est de ne pas avoir clairement identifié les domaines où ses positions sont non négociables (lignes rouges), les domaines où elle serait prête à faire des concessions (ainsi que les conditions qu’elle pourrait poser) et enfin les plans et stratégies de replis au cas où l’Europe ferait preuve d’une intransigeance inattendue, ce qui plus que vraisemblable, au vue de ses dernières stratégies et manœuvres. L’une des manifestations les plus tangibles de ce manque de vision prospective apparait tout particulièrement à travers l’indécision des régions africaines devant l’opportunité ou non d’inclure la clause de la Nation la Plus Favorisée (NPF) dans l’APE. L’inclusion d’une telle clause, qui postule un engagement de la région à étendre à l’Europe tout avantage commercial plus favorable qu’elle accorderait à un partenaire commercial majeur, est non seulement en contradiction avec la Clause d’habilitation de l’OMC qui a pour objectif de renforcer le commerce Sud-Sud, mais elle rame à contrecourant d’une tendance actuelle qui voit le commerce entre l’Afrique et les pays comme l’Inde, le Brésil et la Chine se renforcer tandis que les échanges avec l’Europe déclinent même si cette dernière reste encore le premier partenaire et client de l’Afrique. L’entêtement de l’Europe à l’inclure dans l’APE cache mal sa volonté de barrer la route à la Chine, à l’Inde au Brésil et aux pays en développement émergents pour consolider ses parts de marché en Afrique. Un partenaire commercial majeur, tel que le conçoit l’Europe, s’entend de tout pays développé qui compte pour plus de 1% des exportations mondiales de marchandises, ou de tout groupe de pays comptant collectivement pour plus de 1,5%. Selon les données de l’OMC, le Brésil comptait pour 1,5% en 2006, contre 16,4% pour l’UE et 11,5% pour les États-Unis. D’autres pays en développement affectés comprendraient la Chine, qui comptait pour 10,7% des exportations cette année-là, ainsi que le Mexique, la Malaisie, l’Inde et l’Indonésie (qui dépassent le seuil, avec entre 2,8% et 1,1%). On comprend bien, sous cet angle, que ces pays en développement sont particulièrement visés.
Le Vice-ministre Sud-africain au commerce et à l’industrie a indiqué récemment la voie à suivre : « Selon cette clause, les droits tarifaires sur les produits de l’UE ne peuvent être supérieurs aux prélèvements imposés sur les produits en provenance de pays en développement. Les APE empêchent donc d’autres pays en développement de tirer profit de l’introduction de leurs marchandises sur les marchés des pays en développement (…) Cela nous placerait définitivement dans une relation basique avec l’Europe…une limitation inacceptable de notre souveraineté »
L’Europe sait bien pourquoi elle veut les éjecter du marché africain. Mais l’Afrique sait-elle seulement pourquoi elle devrait les y garder ? Sa position sur cette clause donnera une idée claire de sa compréhension des enjeux économiques et commerciaux.


Article écrit par Dr Cheikh Tidiane DIEYE – Coordonnateur du CICAD.


 I. P. Laléyê, in « la natte des autres », sous le Dire De J. Ki_Zerbo, 1992.
Président Abdoulaye Wade, in Passerelles, Vol. VIII n° 5, Nov-Dec 2007.
Stiglitz, J. (2007) « Pour un commerce mondial juste…. » p. 217.
 

Entretien avec Nunu Ntshingila, future directrice de Facebook en Afrique

12c509eLorsqu’elle débute sa carrière dans le secteur de la publicité à la fin des années 80 en Afrique du Sud, Nunu Ntshingila découvre un univers qu’elle décrit comme étant « très blanc et très masculin ». Retour sur une Afrique en pleine (r)évolution digitale, au travers du regard d’une femme qui prône l’afro-responsabilité sur le continent.

Une militante de l’accès des femmes au leadership

« Après un séjour aux Etats-Unis pour mes études, je suis rentrée en Afrique du Sud pour travailler chez Nike en communication. A mon retour dans le secteur de la publicité, l’Afrique du Sud se démocratisait. Je me souviens particulièrement des débats sur le rôle des femmes dans le développement du pays post-apartheid. C’était rassurant de nous savoir incluses dans ce genre de discussions. » raconte Nunu Ntshingila qui a bientôt 50 ans, et s’apprête à quitter le monde de la publicité pour prendre la tête de Facebook en Afrique.  En 2011, Nunu Ntshingila rejoignait le comité de direction d’Ogilvy & Mather, devenant ainsi la seule représentante du continent africain à siéger parmi une trentaine de cadres.

« L’accès des femmes à un poste de direction est un facteur d’autant plus déterminant dans l’industrie créative où les femmes doivent prendre la parole pour être représentées avec respect ». La représentation, explique Nunu Ntshingila, passe également par la question de la race, une question qui, selon elle, n’est pas prête de disparaître si facilement en Afrique du Sud. Elle estime qu'une meilleure répartition des richesses serait une bonne solution pour remédier aux tensions raciales qui divisent encore le pays: «  Nous devons nous assurer que la diversité puisse prendre racine dans notre environnement. Tout le capital appartient aujourd’hui à la minorité blanche, nous devons nous assurer que ce capital appartienne à la majorité. »

Un marché publicitaire plus fort grâce aux nouvelles technologies

En 2015, la croissance du marché publicitaire en Afrique est estimé à 8%, contre 5% sur le reste du marché mondial. A ce sujet, Nunu Ntshingila confirme « Il est vrai que le marché évolue énormément. Mais j’insiste sur le fait que nous devons conduire cette évolution par nous-même. Quand on parle de l’Afrique en mouvement, il est d’abord important que les Africains s’approprient ce discours. Je suis sceptique quand ce message provient de l’extérieur du continent. Nous devons grandir l’Afrique en tant qu’Africains. Les gens ici veulent aujourd’hui vivre dans de meilleures conditions. C’est à ce titre que la diaspora se rend compte du potentiel du continent et rentre en Afrique. »

Interrogée sur l’impact du digital, elle admet ne pas croire en un aspect négatif de cette révolution pour le marché de la publicité. « La presse était un pilier de nos stratégies et on sent bien en Afrique du Sud une orientation du marché publicitaire vers le digital. Il faut s’adapter aux nouvelles technologies »

Des nouvelles technologies, comme le mobile

Selon une étude révélée en début d’année par Frost & Sullivan sur les tendance d’usage du mobile en Afrique subsaharienne, le taux de pénétration mobile devrait atteindre 79% en 2020.   « Le mobile a permis un bond en avant sur notre façon de communiquer avec les consommateurs. La technologie permet de réduire l’écart entre le milieu urbain et le milieu rural. C’est aussi un outil puissant pour entendre les voix des plus pauvres. Il a même transformer notre manière de communiquer entre pays. L’époque ici est à l’effacement des frontières », affirme celle qui a participé au développement du groupe international de publicité dans quatorze pays africains.

Malgré le regard optimiste qu’elle porte sur l’état actuel du marché publicitaire africain, Nunu Ntshingila demeure lucide sur le chemin qu’il reste à parcourir. Il existe des disparités notamment entre le Maghreb, l’Afrique du Sud et le reste de l’Afrique subsaharienne. Un rapport de l’Alliance For Affordable Internet (L’Alliance pour un internet abordable) montre que les pays d’Afrique francophone sont d’autant plus touchés par les coûts élevés du haut-débit. « En Afrique, ce qui va déterminer l’évolution de la publicité, c’est le coût du haut-débit », déclare-t-elle. Ce coût compte parmi les nombreux obstacles auxquels la future directrice de Facebook devra faire face pour développer le réseau social sur le continent africain dès le mois de septembre.

Interviewé réalisé par Ndeye Diobaye pour l'Afrique des Idées