Quelle place pour l’entrepreneuriat à l’université ?

L’entrepreneuriat est l’un des moteurs de l’économie. Son incidence sur l’innovation, l’investissement ainsi que l’insertion professionnelle des jeunes et la création d’emplois n’est plus un secret en Occident. Au Sénégal, avec une population de jeunes en pleine croissance et un taux de chômage important, l’entrepreneuriat offre de nouvelles perspectives.  Quelle est la place de l’entrepreneuriat à l’université ? C’est ce que je vous propose de découvrir à travers mon expérience de « toubab »[1] au Sénégal.

Les défis de l'université publique Sénégalaise

Selon le Plan de Développement de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche au Sénégal[2], le nombre de nouveaux bacheliers devraient devrait doubler entre 2012 et 2017. Pour répondre à cette demande croissante d’inscriptions, réduire les inégalités d’accès et sensibiliser les jeunes aux nouvelles technologies, le gouvernement a créé il y a deux ans  la première université numérique et publique du Sénégal, l’Université Virtuelle du Sénégal. Bien que la mise en place des cours en ligne et le suivi soient encore à revoir selon certains étudiants, cette initiative s’inscrit dans une dynamique de changement numérique prônée par la ville de Dakar[3].  

Aux difficultés internes du système s’ajoutent un problème d’orientation des étudiants. C’est le cas de Youssou, 22 ans et étudiant en philosophie à l’UCAD. Il va certainement devenir professeur de philosophie mais il explique pourtant que le bricolage est sa véritable passion et que « tous ses copains le trouvent doué pour ça ». Il pourrait certainement développer ses prédispositions manuelles et se professionnaliser. Mais jamais, dans son environnement éducatif et universitaire, il n’a été informé du Fab Lab[4] de Dakar,  Ker Thiossane, ou de l’existence d’autres initiatives en dehors de son cursus.

L’offre de formation proposée à l’université est concentrée autour des  sciences humaines et sociales et des lettres au détriment des formations scientifiques[5]. Les programmes ne proposent pas de cursus croisés entre départements et restent inadaptés aux besoins économiques du pays. Ainsi, l’inefficacité du l’enseignement supérieur se répercute à travers un chômage massif des diplômés (31% en 2011 contre 16% en 2005[6]).

Comment faire de la place à l’entrepreneuriat dans l’université

Au Sénégal, certaines écoles privées telle que l’Institut Africain de Management (IAM) encouragent l’entrepreneuriat à travers la création d’un incubateur et du SenseCampus lancé en partenariat avec MakeSense pour 2016. L’objectif de ce programme est de favoriser l’innovation et la création de projets d’entreprises sociales[7] en s’attaquant à des problèmes sociaux non résolus par l'Etat ou le secteur privé. A l’inverse de cette institution privée, aujourd’hui aucune université publique ne propose une formation diplômante en entrepreneuriat au Sénégal.

Ces formations seraient pourtant nécessaires à la population. L’esprit de débrouillardise des Sénégalais est bien connu mais peu d’initiatives deviennent de véritables entreprises. Par exemple, en zone rurale beaucoup de femmes cultivent et transforment manuellement des céréales et font pourtant face à l’insuffisance alimentaire. Rares sont celles qui sont capables de faire passer leur activité à l’échelle supérieure, par manque d'outils et de compétences adaptés. Pour combattre la malnutrition et aider ces femmes à développer une culture d’entreprises, l’entreprise sociale Sen Women Up les accompagne à travers une activité de transformation de fonio[8] à Kédougou. Il s’avère nécessaire de changer profondément les mentalités d’où l’importance de la sensibilisation des étudiants à l’université. Certaines actions peuvent facilement être initiées telles que la visite d’entrepreneurs, la diffusion des réussites…

Ainsi dès janvier 2016, un réseau de Fab labs[9] va être créé au sein de trois écoles d’ingénieurs au Sénégal. Ces laboratoires d’ingéniosité seront mis à la disposition de tous (étudiants, artisans, designer, groupes/startups etc) pour démocratiser l’accès aux outils innovants et débrider la créativité de la population. La BICIS (filiale du groupe BNP) propose de sensibiliser les Dakarois à ce mouvement de « makers[10] » et d’entrepreneurs sociaux avec l’exposition Wave (du 7 au 15 novembre 2015 à l’IFAN).  Afin de diffuser ces courants et initiatives auprès des néophytes, l’université doit devenir un véritable relai de communication.

Pour passer à l’action, l’analyse des besoins, le prototypage et la gestion des ressources sont des éléments très importants à connaitre. C’est pourquoi, à défaut de les apprendre dans l’enseignement supérieur, des entités privées organisent des workshops. L’entreprise Baobab Entrepreneurship a créé l’incubateur virtuel CONCREE et propose chaque mois deux jours de formation au modèle de création « lean startup ». Des outils sont transmis aux entrepreneurs pour tester leur idée avant sa mise en place. MakeSense[11] organise également de nombreux ateliers de brainstorming gratuits pour résoudre les problématiques rencontrées par les entrepreneurs sociaux. Afin de démocratiser l’accès à ces outils, l’université pourrait s’impliquer en proposant, par exemple, des cours de comptabilité et d’Excel ciblant les problématiques financières des startups.

En conclusion…

Au Sénégal, les TPE opèrent parfois dans des conditions de forte précarité (Abdoul Alpha Dia, 2011). Quant aux grandes entreprises, essentiellement des filiales de groupes étrangers, elles ne peuvent répondre seules aux attentes grandissantes du marché du travail.

Universités et entrepreneurs sénégalais peuvent jouer un rôle de premier plan en matière de développement et de croissance économique. Des mesures comme la mise en place du PSE-J[12] permettant une formation professionnalisante destinée aux jeunes diplômés porteurs de projets ou encore l’allègement des procédures lors de création d’entreprises[13] donnent l’impulsion. Des initiatives, qui si elles se concrétisent et se multiplient, permettront de faire de Dakar une métropole de l’entrepreneuriat. A nous de jouer !

 

Sophie ANDRE

Références

Dia Abdoul Alpha, « L'Université sénégalaise face à la problématique de l'entrepreneuriat », Revue de l'Entrepreneuriat, 2011/1 Vol. 10, p. 9-32.


[1] Toubab : mot wolof signifiant “européen”

 

[2] Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche du Sénégal, 2013, PDESR 2013 – 2017, Sénégal.

 

[3] Dakar nommée ville créative par l’UNESCO. Ville de Dakar (2015), La Ville de Dakar vient d’être désignée membre du Réseau des villes créatives de l’UNESCO dans la catégorie des arts numériques [Online], Disponible : http://bit.ly/1OTxKc3 [21 oct 2015].

 

[4] Fab lab : contraction pour « fabrication laboratory » en anglais, signifiant laboratoire de fabrication

 

[5] 80% des programmes selon le PSE. République du Sénégal, 2014, Plan Sénégal Emergent (PSE), Sénégal.

 

[6] République du Sénégal (2014) Diagnostic sur l'emploi des jeunes au Sénégal, Sénégal

 

[7] L’entrepreneuriat social consiste à créer une activité économique viable pour répondre aux besoins sociaux et environnementaux (santé, logement, environnement, chômage de longue durée, etc.) – Mouves, Qu’est-ce que l’entrepreneuriat social [Online], Disponible : http://bit.ly/YMVBUH

 

[8] Fonio : céréale d’Afrique de l’Ouest pauvre en gluten

 

[9] Fab lab : contraction pour « fabrication laboratory » en anglais, signifiant laboratoire de fabrication

 

[10] Un « maker » utilise la technologie de manière innovante pour créer des objets.

 

[11] Rejoignez la communauté MakeSense de l’Afrique de l’Ouest sur Facebook : http://on.fb.me/1hV5SHq.

 

[12] Programme Sénégalais pour l’Entreprenariat des Jeunes (PSE-J) http://bit.ly/1LG5gyb

 

[13] Le Sénégal fait un grand bond en avant dans le classement en  passant de la 133ème place en 2014 au 90ème rang en 2015. Groupe de la Banque Mondiale (2015), Doing Business [Online], Disponible : http://bit.ly/1GqwPym

 

 

 

 

VALLESSE, une success-story ivoirienne

Le Fonds Afrique Développement (FADEV | www.fadev.fr), un fonds d’investissement solidaire à destination des PME africaines, compte diffuser des portraits de chefs d’entreprise africains avec lesquels il collabore. Valoriser et faire connaître leur réussite est autant un signe de fierté qu’un message d’encouragement à tous les futurs entrepreneurs du continent ! Aujourd’hui, nous retraçons le parcours de la maison d’édition ivoirienne VALLESSE, que le FADEV et son partenaire technique en Côte d’Ivoire, le CCDE, soutiennent et accompagnent depuis 2014.

 

Valesse

 

 

 

 

 

 

L’histoire de VALLESSE est encore intimement liée au parcours de sa dirigeante, Madame Diomandé. Entrée en 1999 au CEDA (Centre d’Édition et de Diffusion Africaine), première maison d’édition en Côte d’Ivoire, elle passe successivement au service éditorial, au service commercial et distribution (dont communication) puis à la Direction Générale en tant qu’Assistante du Directeur Général Adjoint, chargée de la fabrication jusqu’en février 2005.

Licenciée pour motif économique en février 2005, Madame Diomandé poursuit son aventure dans l’édition en devenant assistante de direction à l’imprimerie Nour pendant 9 mois, avant de ressentir profondément le besoin d’une maison d’édition produisant des ouvrages de meilleure qualité, tant dans le fond que dans la forme.

Ce sentiment s’accompagne d'une vocation pour l’entrepreneuriat qui se concrétisa en 2006 par la création de la société VALLESSE Sarl dont l’objet est l’Edition d’ouvrages de qualité, avec un goût prononcé pour la littérature éducative. En parallèle et afin de compenser les fluctuations de commandes inhérentes au métier d’éditeur, VALLESSE proposait initialement l’Impression et la Prestations de services divers, activités abandonnées avec l’essor des commandes d’édition.

L’aventure a d’abord débuté avec un premier associé détenant 30% du capital. Madame Diomandé  recrute d’anciens membres expérimentés du Centre d’Édition et de Diffusion Africaine (secrétaire d’édition et personnel administratif) pour former son équipe. Ensemble l’équipe s’est mise à la recherche de manuscrits qui, une fois édités pouvaient être soumis à agrément du Ministère de l’Education pour être utilisés comme ouvrages de littérature scolaire conseillés, assurant une commande large des instituts d’enseignements nationaux.

Dans le but de déceler de nouveau talents et de contribuer à la promotion de la lecture et à l’écriture VALLESSE lance dès janvier 2007 un concours littéraire dénommé «  les Manuscrits d’OR » récompensé par l’édition en un ouvrage collectif des manuscrits primés. Soutenu par Côte d’Ivoire Telecom, le concours a pu être organisé 3 années durant avant que les subventions ne cessent.Valesse 2

En 2007, le Chiffre d’Affaires atteint ainsi  101 347 932 FCFA. Et c’est en 2008, avec le premier ouvrage agréé par le Ministère de l’Education Nationale, que l’Edition connait une véritable percée. En parallèle, la cessation d’activité de son distributeur attitré Distrilibre, conduit VALLESSE à la décision d’internaliser cette fonction. L’équipe est alors renforcée par un délégué pédagogique (pour l’adoption effective des ouvrages dans les classes) et une assistante commerciale (qui s’occupe des librairies et de la facturation).

2009 marque un tournant dans la stratégie et dimension de VALLESSE. De nouveaux titres de littérature générale rejoignent les collections dont certains ont été réalisé à compte d’auteurs ou compte à demie. 3 titres figurent désormais au programme des lycées et collège (ouvrages conseillés) et un au programme Parascolaire (réalisé en formant une équipe de pédagogue). Au fur et à mesure l’activité du volet impression et prestations de services décroît pour que l’équipe se consacre entièrement à l’édition.

Les statuts sont ensuite modifiés en trois points :

– Augmentation de capital qui passe de 1 000 000 de FCFA à 3 000 000 FCFA,

– Rachat des parts de l’associé historique qui souhaitait désormais s’orienter vers d’autres projets d’investissements,

– Changement de l’objet social qui est désormais « éditions, distribution, diffusion et représentation ».

Aujourd’hui, VALLESSE figure parmi les éditeurs de référence en Côte d’Ivoire. La Maison d’Edition possède l’expertise et la maitrise de toute la chaîne d’activité. Elle continue de se perfectionner à travers différents séminaires et rencontres professionnelles et de croître grâce à l’apport de mécanismes financiers tels que le Fonds Afrique Développement, entré au capital en 2014, qui apporte un appui technique et financier pour développer les activités (financement de nouvelles collections, participation à des événements internationaux…).

Les résultats et nouveaux défis suivent :

– Lancement de la collection YENIAN

– Attribution de nouveaux manuels scolaires  par le Ministère de l’Education Nationale (le premier manuel « Education Musicale 6ème » a été édité pour la rentrée scolaire 2015-2016)

– Sortie du livre "le charme rompu", 1er titre de la collection « Nouvelle »

– Agrément de deux (02) nouveaux titres pour la rentrée scolaire 2015-2016 (L’Héritier de Mboula pour la classe de 4ème et Yavan et la montre merveilleuse pour  la classe de CM2)

– Nomination de Madame Diomandé Fidèle au poste de trésorière d’AFRILIVRES, association d'éditeurs africains francophones

 

Martin FLEURY
 

Vous souhaitez en savoir encore plus ?

Page facebook : https://www.facebook.com/pages/Vallesse-Editions/548867148501839

Profil sur la plateforme FADEV : http://www.fadev.fr/projet/1-vallesse-edition-jeunesse-litterature-africaine

Ouvrages disponibles sur Afrilivres : http://www.afrilivres.net/fiche_editeur.php?e=10101

Les secrets d’une réussite dans les TIC en Afrique 

ImageLe 11 septembre dernier était organisé à la Gaité Lyrique (Paris) l’AfriqueITNews forum sur le thème « Les secrets d’une réussite dans les TIC en Afrique ». 

Cet évènement, qui a réuni une centaine de professionnels, a permis d’échanger sur les expériences entrepreneuriales et les opportunités offertes à la diaspora africaine en plein cœur de la révolution numérique que nous connaissons. 

Dans cette nouvelle économie, les TIC donnent l'opportunité, avec des ressources limitées, d’avoir des solutions scalables et d'obtenir également, via des méthodes de management de type « lean », des retours  utilisateurs  permettant ainsi d'améliorer le produit. 

Mais qui peut bien nous accompagner dans la formalisation de notre projet ? 

En Afrique francophone, les incubateurs tels que le CTIC Dakar ou le CIPMEN à Niamey sont nés d’un partenariat public/privé et ont pour but d’accompagner les porteurs de projet à développer leur business. Cela se traduit principalement par du mentoring, de la formation et une mise en relation avec des partenaires  (investisseurs, juristes, développeurs). 

En ce qui concerne le modèle économique, une bonne partie est liée à des subventions de partenaires privés. Les autres rentrées financières correspondent à du consulting et à un pourcentage sur le chiffre d’affaire entre l’entrée et la sortie des entreprises incubées. 

On voit également se développer de nouveaux modèles telles que la plateforme collaborative en ligne CONCREE développée par Baobab Entrepreneurship ou Ampion qui permettent, au travers d’un voyage en bus de 5 jours, de s’imprégner des problèmes rencontrés sur le continent et monter sa startup aussitôt ! 

En fonction de la localisation géographique, le business model de ces incubateurs version Africaine est en constante réadaptation avec une nouvelle mouvance associant numérique et culture.  

De plus, pour tout nouveau projet, il y a un impact indéniable du numérique. C’est pourquoi on voit se développer de nouvelles initiatives sur le continent Africain dont le but est d’apprendre les bases de programmation (Dev academie, Objis, Tech Republic Africa, Africa code week). L’un des buts intrinsèques étant de démystifier les concepts du coding.  

Quel modèle d’investissement est le plus adapté aux startups ? 

Au démarrage, le financement sur fonds propres ou toutes autres ressources externes (crowfunding, prix, subventions) sont les meilleures options. 

Pour les PME/TPE qui ont des besoins inférieurs à 300 K € et ayant dépassées le stade de proof-of-concept, il existe un gap de financement des banques africaines en raison d’un risque trop important. Afin de combler ce gap, des fonds de capital-risque tel que TERANGA CAPITAL ont été mis en place. Ces venture capitalist (VC) accompagnent les startups en rentrant dans leur capital, s’indexent à leur performance et par conséquent partagent le leadership.  

Ces VC étant très sélectifs sur les dossiers, la transparence des projections financières réalistes et la connaissance du marché sont les clés pour les convaincre. 

Comment se prémunir des risques juridiques ? 

L’impact du numérique force les pays africains francophones à innover en termes de droit des affaires. OHADA regroupant 17 états membres a donc été mis en place afin d’harmoniser le système juridique et judiciaire. En parallèle avec cela, des associations tels que l’African Business Lawyers' Club ou le cabinet d’avocats VAUGHAN peuvent servir de relais pour formaliser la structure juridique de votre entreprise. 

Entreprendre en Afrique depuis l’Europe 

Pour la diaspora africaine la meilleure solution est l’innovation frugale. Etant donné l’impossibilité d’être constamment en Afrique, les solutions à mettre en œuvre doivent tirer maximum avantage du numérique. 

Cela peut se faire de plusieurs manières : en proposant une banque d’images sur l’Afrique (Yeelenpix), en créant un label (L'Afrique c'est chic) ou encore via des solutions de e-commerce à partir d’Europe pour l’Afrique (Ouicarry, PassCourses, LAfricaMobile). 

Mis à part les contraintes personnelles, être en Europe offre une proximité par rapport aux partenaires et à la clientèle visés. Il est ainsi plus facile de nouer une confiance avec un cadre juridique clairement défini. 

Entreprendre en Afrique depuis l’Afrique 

Pour les entrepreneurs proposant des services à forte composante digitale (By Filling, Kouaba), le retour en Afrique est plus aisé. En général, il est plus simple de débuter par du B2B du simple fait de la facturation et de l’adresse physique. 

Toutefois réussir son projet entrepreneurial nécessite beaucoup de sacrifices. Il faut donc savoir gérer le risque, responsabiliser, fidéliser ses équipes et adopter un style de management favorisant l’esprit d’équipe pour la défense d’une cause commune. 

L’imprégnation de la culture africaine doit être le fer lance pour garantir la réussite de votre projet. Alors n’attendez plus et lancez vous ! 

 

Omar SIDIKOU 

 

Les compétitions pour faire décoller votre projet entrepreneurial

En Afrique de l’Ouest, entreprendre de manière ambitieuse n’est pas toujours aisé.  L’écosystème permettant aux entrepreneurs de mettre en place leurs projets dans de bonnes conditions n’est pas toujours bien structuré et les porteurs de projet peuvent se sentir seuls et désœuvrés. Et pourtant, il existe bon nombre d’organisations dont la mission est de soutenir les entrepreneurs et favoriser la mise en place de leurs projets. Comment identifient-ils les entrepreneurs ? Grâce à des compétitions ou des appels à projets. Voilà pourquoi ces concours sont bel et bien des opportunités pour les entrepreneurs que vous êtes !

L’exercice peut sembler long et fastidieux : certains concours demandent un lourd travail. Formulaires à remplir, vidéos à faire, business plan à rédiger, lettres de motivation à écrire… Les exigences sont diverses et peuvent être chronophages. Et pourtant, elles représentent un réel intérêt pour les entrepreneurs. Dans le pire des cas, elles les obligent seulement à structurer et formaliser leurs idées. Dans le meilleur des cas, elles leur donnent accès à un large réseau de partenaires et à des financements. Elles sont également l’occasion de rencontrer une myriade d’entrepreneurs auxquels confronter ses idées, ses ambitions et ses difficultés. Un entrepreneur qui souffrait de solitude se retrouve désormais entouré d’une quantité impressionnante d’acteurs !

Pour connaitre ces compétitions, il faut être bien connecté à l’actualité entrepreneuriale de votre pays, mais également au-delà de vos frontières. Pour cela, rejoignez les réseaux de professionnels : les chambres de commerce, les incubateurs, les couveuses d’entreprises… Toutes ces organisations existent pour diffuser ce genre d’informations et vous faciliter l’accès à ces opportunités.

Qu’en pensent les entrepreneurs ? Retrouvons 4 entrepreneurs, accompagnés par La Fabrique à Ouagadougou.

 

Gérard NIYONDIKO – FASO SOAP – GIST Global Innovation Through Science & Technology

Gérard 2Quelles ont été les différentes étapes ?

Pour participer dans cette compétition il a fallu d'abord soumettre un « executive summary »  du projet en remplissant un formulaire en ligne.

Puis les projets ont été sélectionnés pour la demi-finale, et ont été remis en ligne pour être soumis aux votes des internautes. Les trente projets avec le plus de votes ont été retenus pour la finale et ont été invités à soumettre leurs plans d'affaires complets.

Enfin, les projets finalistes ont été invités à participer à un atelier sur d'entrepreneuriat et un coaching sur la présentation orale des projets, avant de présenter leur projet devant un jury international, à Kuala Lumpur en Malaisie.

Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Je dirai beaucoup de chose mais en quelques mots j'ai eu une formation sur différentes facettes de l'entrepreneuriat lors de l’atelier de deux jours. La qualité de certains formateurs m'a beaucoup inspiré. J'ai également rencontré d'autres entrepreneurs et ai élargi mon réseau.

Enfin, le fait d'arriver en finale dans cette compétition a renforcé ma confiance en moi par rapport à mon projet.

Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Oui, certainement ! Lors de l'ouverture du sommet international de l'entrepreneuriat, dans la salle de conférence, sur l'écran géant, il y avait un mot qui apparaissait avec un son qui raisonnait derrière " We are entrepreneurs!", répété plusieurs fois ! Ce mot continue à raisonner toujours en moi ! Ça me donne de l'énergie d'avancer au lieu de lâcher même si c'est difficile !

 

Gildas Zodomé – BioPhytoCollines – Concours de BP de la Banque Islamique de Développement

Quelles ont été les différentes étapes ?

Le concours de BP de la BID est effectué en deux étapes : après soumission, une pré-sélection des 10 meilleurs BP dans la catégorie « idée » et également 10 autres dans la catégorie « croissance ». La deuxième étape est la présentation et défense des BP devant un groupe de jury. Cette étape a lieu à Casablanca où les trois meilleurs de chaque catégorie ont été primés.

Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Cette compétition a donné de la valeur à mon entreprise. La BID est un organisme connu de tous. Le trophée reçu de cette structure de renommée montre la qualité de notre projet. Partout où nous présentons ce trophée, nous sommes respectés et bien écoutés. Après plusieurs tentatives, il a fallu que j’annonce que je suis le vainqueur de ce prestigieux trophée pour que certaines autorités de mon pays me reçoivent en audience. Il est devenu mon ‘‘passeport’’.

En plus, les 25 000 dollars reçus ont changé l’image de mon entreprise. Elle est devenue plus visible et plus convaincante. Mon personnel est plus rassuré !!!

De manière générale, les compétitions de création d’entreprise ont d’importants intérêts pour nous, promoteurs, surtout nous qui sommes des débutants. En Afrique particulièrement au Bénin, il est très difficile à une entreprise Start Up de bénéficier d’un financement d’une structure de crédit, d’un investisseur ou même d’un parent.

Le moyen le plus simple et le plus rapide qui permet  aujourd’hui de financer les  entreprises Start Up c’est la compétition de création d’entreprise. On y gagne beaucoup, non seulement des moyens financiers gratuits, mais aussi des connaissances techniques utiles pour développer son entreprise à zéro franc.

Personnellement, les compétions m’ont apportées beaucoup : un encadrement de qualité qui m’a permis d’avoir mon business plan, d’avoir des notions pratiques pour mieux gérer mon entreprise, j’ai eu beaucoup de relations d’affaire, j’ai fait des découvertes, j’ai eu des opportunités d’affaire.   

Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Cette compétition m’a laissé de très beaux souvenirs ! L’ambiance qui y avait, le grand suspens… Dans les discussions entre promoteurs, j’ai trouvé la solution à certains de mes  problèmes.

 

Claude Tayo – Eco Co – Global Social Venture Competition

ClaudeQuelles ont été les différentes étapes ?

La compétition a commencé pour nous à la fin du mois d'octobre 2014. Il était question de fournir une candidature qui tienne la route avant le 1er décembre. Nous nous sommes alors lancés dans la rédaction de notre business plan avec toutes ses composantes. Nous ne l’avions jamais fait jusque-là !

Le plus difficile lors de cette préparation aura été de fournir les différents interviews des parties prenantes que la compétition demande (jusqu’à 30 interviews) mais finalement, on y est arrivé. Et c'est avec plaisir qu'on a appris la bonne nouvelle : le projet Eco-Co est en finale francophone de la GSVC.

Nous avons fait un véritable marathon pour pouvoir affiner tous les résultats, préparer la présentation et autres afin d'être prêts pour la finale régionale à Paris. Nous y sommes allés et la finale s'est bien passée nous permettant ainsi d'avoir une place pour la finale mondiale à Berkeley. Le voyage aux Etats Unis a été une très grande expérience pour nous, même si nous n’avons pas décroché de prix. Nous avons eu de nombreuses tables rondes, des mini-séminaires présentés par des entrepreneurs à succès.

Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Sans aucune hésitation je dirais UN CARNET D'ADRESSE. Pour tout entrepreneur, c'est sans doute la chose la plus importante : avoir des contacts de divers horizons et de divers domaines.Ensuite, participer à une telle compétition vous met en face de personnes de grand talent : que ce soit les autres participants qui vous feront voir votre projet sous un autre angle ou encore réaliser à quel point les personnes de génie sont légion dans ce monde mais c'est aussi tous ceux qui constituent l'organisation de ces compétitions, des personnes vraiment dévouées qui vous poussent vers l’excellence en vous demandant de donner toujours plus, d’améliorer toujours plus, pour qu'à la fin on ait l'impression de s'être rapprochés au maximum de la perfection.

Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Mon meilleur souvenir reste la phrase de Laura D'Andrea Tyson : « la GSVC n'est qu'une compétition, la gagner ne garantit pas que vous allez être un entrepreneur à succès. La GSVC est un processus et être en finale de cette compétition vous garantit que vous avez accompli ce processus avec succès, que vous avez franchi une autre étape dans votre accomplissement personnel et dans celui de votre entreprise. »

 

Kahitouo Hien – FasoPro – Grand Challenge Canada

KahitouoQuelles ont été les différentes étapes ?

(1) J'ai dû soumettre un dossier de candidature en ligne suivant le canevas proposée par Grand Challenge Canada. Une des conditions dans mon cas était qu'une institution de recherche connue accepte d’héberger FasoPro et se porter garant pour une bonne gestion du financement : ce fut 2iE où le projet était déjà en incubation

(2) Il y a eu une phase de présélection,

(3) Il y a eu des entretiens avec les personnes référencées dans le dossier pour vérifier les informations fournies dans le dossier

(4) Sélection définitive avec la signature d'une convention d'accord de subvention entre Grand Challenge et 2iE

Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Un financement pour développer certains aspects du projet liés à la recherche donc pas évidents à financer directement par FasoPro. Après, on gagne toujours un plus en participant à une compétition : les exigences sont différentes et même quand ça ne marche pas, on gagne toujours en maturité dans la rigueur qu'impose ce genre de compétitions.

Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Pour être honnête à chaque fois que je remporte une compétition, le sentiment de joie fait aussitôt place à une pression énorme car ça sonne pour moi  le top départ pour relever les défis, et c'est stressant ! Heureusement que j'aime ça : relever les défis !

Lisa Barutel

Comment réussir une campagne de crowdfunding ?

Le crowdfunding est une des solutions à la disposition des entrepreneurs pour lancer leur projet, et nombre d’entre eux s’essayent à cet exercice pour lever leurs premiers millions de CFA. A priori, le principe est simple : on choisit une plateforme de crowdfunding, on y décrit son projet, on fixe un montant à collecter et la durée de la campagne, on choisit les contreparties à proposer aux donateurs et on lance la campagne !

Mais tous les entrepreneurs qui ont mené une campagne de crowdfunding vous le diront : en réalité, c’est beaucoup plus compliqué qu’on ne l’aurait cru. En effet, animer une campagne de financement ne s’improvise pas et peut être très chronophage. Voici donc un certain nombre de conseils qui peuvent vous aider à mieux gérer votre campagne.

 

1. BIEN CHOISIR SA PLATEFORME

Il existe de très nombreuses plateformes de crowdfunding. Pour choisir la bonne, il faut tout d’abord trouver celle qui VOUS ressemble. Certaines plateformes sont spécialisées dans les projets innovants, d’autres sur les projets sociaux, d’autres encore sur les projets dans les pays en développement … 

Ensuite, il est important de connaitre la cible de la plateforme : qui navigue sur cette plateforme ? Qui a l’habitude d’y donner des fonds ? Ce sera notamment l’occasion de sélectionner une plateforme anglophone ou francophone. Pour se faire une idée, naviguez sur la plateforme pour connaitre les projets proposés, suivez leur page Facebook et le compte Twitter, vérifiez les moyens de paiement proposés …

Enfin, certaines plateformes sont spécialisées dans les campagnes de prêt, d’autres de dons et d’autres plus récemment d’equity. Les montants demandés sont différents, les cibles le sont également ainsi que les messages à transmettre et la manière de communiquer.

EXEMPLE: LES PLATEFORMES FRANCAISES

 

2. BIEN DEFINIR LE MONTANT RECHERCHE, LA DUREE DE LA CAMPAGNE ET LES CONTREPARTIES

Une campagne de crowdfunding doit être ambitieuse mais réaliste. Tout d’abord le montant : choisissez un montant qui ne soit pas trop élevé et surtout, qui corresponde à un besoin concret. Lorsque vous demandez de l’argent à des prêteurs ou des donateurs, il est plus facile de communiquer sur l’achat d’une machine ou d’un outil plutôt que sur des « frais de fonctionnement ». Si vous voulez que vos donateurs se sentent impliqués dans votre aventure, permettez-leur de voir concrètement à quoi servira leur don.

Ensuite, ne vous trompez pas sur la durée de la campagne. Une campagne trop longue ennuiera les gens autour de vous (et vous fatiguera). Gardez à l’esprit que les dons ont principalement lieu au début et à la fin de la campagne : étaler une campagne n’a donc pas forcément de grand impact sur le résultat final. Cependant, laissez-vous suffisamment de temps pour réussir votre campagne. N’hésitez pas à vous inspirer des autres projets postés sur la plateforme de crowdfunding.

Enfin, dernier point : les contreparties. Chaque donateur a droit à une contrepartie, en fonction du montant donné. Choisissez des contreparties qui ne vous couteront pas trop cher (les résultats de la campagne ne doivent pas être annulés par le cout de production et d’envoi des contreparties !) et qui ont un rapport avec votre projet. En contribuant à votre campagne, les donateurs intègrent votre communauté : votre contrepartie en est la preuve.

Ayez à l’esprit qu’un donateur ne donne pas dans l’objectif de recevoir une belle contrepartie mais plutôt pour participer à un projet qui lui plait. Les contreparties les plus simples sont des exemples des produits que vous vendez, ou un accès privilégié aux services que vous proposez. Mais vous pouvez être plus originaux en organisant des évènements spécifiquement pour les donateurs, ou en les mettant en valeur sur divers supports. 

Identifier ses cercles de donateurs

On peut classer les donateurs autour de vous en 3 cercles, dont vous êtes le centre. Plus votre campagne est ambitieuse, plus vous devez aller toucher les cercles éloignés.

1er cercle : il s’agit de vos amis et familles. Ils seront vos premiers donateurs.

2ème cercle : il s’agit des amis de vos amis et de votre famille.

3ème cercle : ce sont les personnes au-delà des deux premiers cercles.

 

3. S'ORGANISER EN AMONT

Avant de lancer votre campagne, il vous faudra préparer un certain nombre de choses pour ne pas être pris au dépourvu le jour venu :

  • Les textes de présentation de votre projet, et de ce que vous voulez financer grâce à cette campagne.
  • La vidéo de promotion, indispensable pour introduire la page de votre campagne. Elle peut présenter votre projet ou la raison de votre campagne de financement
  • La liste mail des personnes auprès de qui vous diffuserez l’information. Cette liste est précieuse et vous permettra de diffuser des mails à intervalles réguliers pour solliciter les donateurs. Vous pouvez faire des « catégories de donateurs », à qui vous envoyez ds messages spécifiques ( « amis / famille », « relations professionnelles 1 », « relations professionnelles 2 » etc.)
  • Les mails à envoyer aux différents groupes de donateurs que vous ciblerez. Cela parait peu mais … préparer les mails à envoyer en amont vous fera gagner un temps précieux.
  • Les visuels que vous publierez sur les réseaux sociaux au moment des « paliers symboliques » franchis pour animer la campagne
  • Le communiqué de presse à diffuser aux journalistes
  • La liste des blogs et sites web qui pourraient relayer votre campagne (en lien avec votre activité donc)
  • Le calendrier précis des différentes choses à faire

 

4. COMMUNIQUER DE MANIERE METHODIQUE

Ca y est ! La campagne est lancée ! Vous avez 20, 30 ou 40 jours pour récolter votre argent ou tout sera perdu. Pour atteindre votre objectif, soyez organisé :

  • Le temps : Comptez au moins 2h par jour à consacrer à l’avancement de votre cagnotte.
  • Les réseaux sociaux : ils sont utiles pour diffuser l’information, mais ils génèrent finalement peu de dons. Les mails et approches personnalisés sont plus efficaces car plus ciblés. 
  • Les ambassadeurs : vous pouvez vous entourer de personnes de confiance ! Identifiez 10 ou 15 personnes très proches du projet et proposez-leur une mission : trouver chacun 15 donateurs pour la campagne. N’oubliez pas de mettre en valeur ces « ambassadeurs » dans vos éléments de communication.
  • La presse : elle est essentielle, surtout si votre objectif chiffré est important. C’est elle qui vous permettra de toucher le 3ème cercle et donc de dépasser vos proches. Comment toucher la presse ? Faites une liste de contacts journalistiques et envoyez leur le communiqué de presse annonçant le lancement de la campagne. Vous pouvez également contacter un certain nombre de journalistes via les  réseaux sociaux.

Il n’y a pas de recette miracle bien sur. Mais ces points sont les fondamentaux pour mener à bien votre campagne. Une fois que vous avez atteint votre cagnotte et que la campagne est terminée, il ne vous reste plus qu’à remercier vos donateurs et à préparer leurs contreparties. Vous disposez désormais d’une communauté de sympathisants qui ont contribué au lancement de votre projet !

Pensez à informer régulièrement cette communauté de vos avancées, notamment lors de l’utilisation précise de leurs fonds. Vous vous rendrez rapidement compte que cette communauté est certainement plus précieuse que la cagnotte elle-même. C’est bien là la plus value des plateformes de crowdfunding qui créent plus de liens qu’aucune banque ne pourra le faire !

 

Lisa Barutel

Le crowdfunding: un moyen innovant pour financer ses projets

Les difficultés d’accès au financement, tous les entrepreneurs les expérimentent au moment de lancer leur projet. Les investisseurs vous demandent de leur montrer des résultats d’activité (que vous n’avez pas puisque vous commencez). Les banques vous proposent des taux d’intérêt beaucoup trop lourds pour la nouvelle startup que vous êtes, les prêts d’honneur sont trop rares pour être des sources sures d’investissement et il est difficile de trop se tourner vers vos amis et familles … 

Depuis quelques années, les entrepreneurs utilisent un outil qui avait été originellement pensé pour financer les artistes qui ne trouvaient plus de fonds pour enregistrer et commercialiser leur musique : le crowdfunding. L’expérience dans l’univers musical a été tellement concluante que le concept a rapidement été détourné. Aujourd’hui, le crowdfunding est considéré par beaucoup d’entrepreneurs comme un moyen efficace de lever leurs premiers fonds.

Qu'est ce que le crowdfunding?

Le « crowdfunding » est un terme anglo-saxon qui désigne le « financement par la foule », ou « financement participatif ». Lancer une campagne de crowdfunding consiste à inscrire son projet sur un site dédié, à fixer des objectifs de campagne (un montant à lever dans un temps déterminé), à proposer des contreparties aux futurs donateurs et à diffuser la campagne pour que tous puissent y contribuer. Si le projet plait aux internautes, ils contribuent simplement à la campagne. Si à la fin du temps défini le montant fixé n’est pas atteint, l’entrepreneur perd l’ensemble de la somme et les donateurs récupèrent leurs dons. Dans le cas contraire, l’entrepreneur peut toucher l’argent collecté et envoyer les contreparties qu’il avait proposées aux donateurs !

En Europe, les chiffres sont particuliérement encourageants : 300 plateformes de crowdfunding, 350 000 entreprises financées, pour 3 milliards euros levés en 2014, chiffre qui pourrait doubler en 2015 selon le cabinet Ernst & Young. Pourquoi ce succès ? Parce que les plateformes de crowdfunding offrent aux donateurs l’occasion de donner directement à un entrepreneur, pour un projet précis. Le crowdfunding est également un moyen de redynamiser les logiques de don en rapprochant les donateurs de la finalité de leur don. Du côté des entrepreneurs, ces plateformes offrent une grande liberté et simplicité d’une part et vont au-delà des services offerts par les sites spécialisés en micro-finance. Une autre clef du succès est la reconnaissance juridique de ce type de financement : que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis, le crowdfunding est encadré par des textes spécifiques,en favorisant ainsi le développement. 

Les débuts du crowdfunding en Afrique

Et en Afrique ?  Pour l’instant, le crowdfunding ne touche que très peu de promoteurs, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les plateformes de crowdfunding africaines étaient jusqu’à récemment inexistantes. Les seuls entrepreneurs africains qui y avaient recours passaient par des plateformes étrangères dont ils avaient connaissance. Par ailleurs, cet outil essentiellement en ligne reste peu adapté pour une large partie des entrepreneurs africains, en mal de bonne connexion internet. Notons également que les donateurs sont souvent réticents à opérer des dons en ligne en raison des faibles garanties de sécurité de paiement sur leurs réseaux. Enfin, et frein de taille, jusqu’à présent la quasi-totalité des plateformes de crowdfunding se heurtent au problème de la faible bancarisation du continent africain : sans carte bancaire, impossible de contribuer  à la plupart des collectes. L’outil se trouve vite limité sur le continent.

Et pourtant, créer un pot commun pour que les proches et les proches de proches contribuent au projet d’une personne ou d’un groupe ne devrait pas poser de problèmes dans nos régions. Finalement, la mutualisation des ressources est aussi anciennement ancrée dans les habitudes que les tontines. Par ailleurs, l’idée de financer les projets « par la foule » grâce à de simples outils comme les plateformes de crowdfunding permettrait aux projets africains d’être financés par des africains, donnant ainsi une autre dimension aux questions de développement. 

Les premières plateformes africaines de crowdfunding

Alors, comment adapter ces outils au contexte africain ? Certains s’y sont essayés et des initiatives (essentiellement anglophones) voient peu à peu le jour aux 4 coins du continent :

  • Zoomaal (Afrique du Nord) est une plateforme spécialisée pour les projets maghrébins. La plateforme donne la possibilité de réaliser les dons hors ligne (en chèque, liquide ou transfert) pour  permettre aux personnes ne disposant pas de carte bancaire d’effectuer des dons. 

  • Cofundy (Tunisie) dédiée aux projets d’Afrique du Nord et qui oriente sa communication vers les africains de la diaspora, en leur donnant un outil pour soutenir le développement de projets dans leur pays d’origine. 

  • Smalaandco (Maroc) qui est dédiée aux projets d’intérêt général et d’entrepreneuriat social au Maroc, et qui propose également de régler les dons hors ligne. 

  • Atadamone (Maroc) qui est plutôt orienté vers les projets qui comportent une forte composante d’innovation.   

  • JumpStart Africa (Maroc) est une toute jeune plateforme panafricaine et ouverte à tout type de projets innovants et créatifs. 

  • Fundfind (Afrique du Sud)  pour tous les projets sud-africains, sans critère particulier de sélection.  

  • Startme (Afrique du Sud) pour tout projet entrepreneurial ou créatif.

  • ThundaFund (Afrique du Sud) pour les projets sud-africains, dont l’impact social et économique est significatif.  

  • M-Changa (Kenya) qui est ouverte aux porteurs de toutes les nationalités. Cette plateforme a trouvé un moyen de dépasser la barrière que représente la carte bancaire : les dons peuvent s’y faire par Mobile Money !  

  • Fadev (première plateforme francophone en Afrique) qui propose de l’equity : les donateurs investissent dans une société qui investit elle-même dans le projet soutenu. Les projets sont préalablement sélectionnés avant d’être soumis au public et les livrables sont plus complexes que dans des plateformes classiques. Les projets sélectionnés doivent participer à un développement du pays et valoriser les savoir faire locaux. 

  • DevHope (Cameroun) qui est une plateforme ouverte à tous les projets africains d’intérêt général.   

  • SlizeBiz (Ghana) qui démarrera prochainement. 

 

Lisa Barutel

Everjobs, première plateforme panafricaine pour l’emploi

Après son lancement réussi dans plusieurs pays d’Asie, la plateforme de recrutement Everjobs se lance sur le continent Africain avec l’objectif assumé de devenir « la plateforme de recrutement panafricaine de référence ». Entièrement gratuit pour les candidats, Everjobs entend ainsi révolutionner le marché de l’emploi en apportant plus de transparence dans les recrutements et en assurant une mise en relation directe avec les employeurs.

Nous avons interviewé Eric Lauer, co-fondateur et Directeur Afrique d’Everjobs, qui nous explique comment les innovations apportées par la plateforme peuvent apporter des solutions aux insuffisances du marché de l’emploi en Afrique, notamment la discrimination à l’embauche et la faiblesse du nombre d’emplois formels.  

Everjobs a lancé ses activités au Cameroun il y a quelques semaines. Comment se passe votre implantation?

EricLauerNous nous sommes lancés au Cameroun  avec 200 offres de recruteurs et une base importante de candidats qui croît de plusieurs centaines de CVs par jour. Nous avons reçu un accueil très favorable des différents acteurs du marché, tant du côté des Directeurs des Ressources Humaines que des chercheurs d’emploi et jeunes diplômés que nous sommes allés rencontrer. Nous sentons vraiment que nous répondons à un besoin important des deux côtés du marché de l’emploi.

Pourquoi avoir choisi le Cameroun?

Selon les statistiques officielles, le taux de chômage avoisine les 15%, en constante augmentation depuis cinq ans. Une partie de ce chômage s’explique par un manque de canaux qui permettent à l’offre de travail des entreprises et à la demande de travail des chercheurs d’emploi de se rencontrer. Notre plateforme répond à ce besoin en garantissant le contact direct avec les recruteurs.

De plus, le Cameroun peut se targuer d’une large population qui compte des diplômés d’universités reconnues et de grandes entreprises nationales ou grandes sociétés internationales qui s’implantent de plus en plus sur le territoire. Nous jouons donc pleinement notre rôle en permettant la rencontre de ces acteurs. Aussi, nous constatons une certaine opacité sur le marché du travail camerounais se traduisant par de nombreuses offres non-publiques qui sont en quelque sorte “hors du marché de l’emploi”. Les camerounais n’ont donc pas tous les mêmes chances à l’embauche. Everjobs entend diminuer ces discriminations en mettant les Camerounais sur un pied d’égalité.

Quels sont vos prochains objectifs?

Notre objectif est d’étendre notre présence dans une vingtaine de pays Africains. L’ambition d’Everjobs est de devenir la plateforme de recrutement panafricaine de référence. Nous voulons activement contribuer à apporter plus de transparence dans les recrutements et permettre aux diplômés d’accéder aux meilleurs emplois des grands groupes et des grandes institutions. Du côté des employeurs, nous voulons fournir une solution de qualité qui réponde à leur préoccupation : trouver les talents du continent, en s’appuyant sur la mobilité croissante des candidats.

A quel degré le marché de l’emploi est-il intégré à l’échelle continentale?

L’intégration est très forte selon un axe lié à la langue. Ce que nous constatons aujourd’hui sur le terrain en Afrique francophone c’est que les diplômés qualifiés sont très mobiles entre les pays francophones d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Ainsi, une offre pour un grand groupe international au Cameroun pourra grâce à notre plateforme recueillir les candidatures de professionnels basés au Sénégal ou en Côte d’Ivoire prêts à s’expatrier et disposant des compétences le justifiant. De la même façon en Afrique de l’Est, nous avons constaté une forte intégration, notamment des marchés de l’emploi entre l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie. Notre plateforme favorise la mobilité sur le continent africain.  

Quels sont les obstacles auxquels sont confrontés les candidats?

Les candidats font face à des obstacles de natures différentes. Les offres n’étant pas toutes rendues publiques, une certaine opacité règne sur le marché du travail africain. Tous les candidats ne sont pas au courant des mêmes ouvertures de postes, en termes de quantité et de qualité. Ceux qui appartiennent aux bons réseaux ou sont nés dans les bonnes familles sont donc avantagés. De ce fait, la compétition est très forte : de très nombreux candidats se battent pour un nombre très limité d’offres publiques.  Enfin, des discriminations à l’embauche existent, qu’elles soient liées à l’ethnie ou au genre. Nous avons constaté une forte disparité entre les pays africains à ce sujet.

Pourquoi les jeunes diplômés éprouvent ils plus de difficultés à trouver un emploi qu’ailleurs dans le monde?

D’un point de vue macro-économique, cela s’explique par une inadéquation très forte entre l’offre et la demande : d’un côté vous avez une offre d’emplois formels de la part des entreprises nationales et internationales en nombre limité et de l’autre côté vous avez des jeunes diplômés des meilleurs universités du pays en très grand nombre. Ce « mismatch » crée une compétition des plus fortes pour les quelques emplois du secteur formel, qui font rêver les jeunes diplômés.

D’un point de vue plus micro-économique, les jeunes africains n’ont pas tous les mêmes chances à l’embauche. Le recrutement par réseau personnel est omniprésent, c’est-à-dire que le capital social au sens de Bourdieu produit de grandes disparités entre candidats. Paradoxalement, cette situation est aussi la conséquence de pressions sur les employeurs. Il n’est pas rare que les Directions des Ressources Humaines refusent de publier leurs offres pour ne pas avoir à gérer les demandes des plus hauts placés de choisir tel ou telle candidat pour le poste.

 Everjobs apporte-il des nouveautés par rapport à d’autres plateformes?

Tout d’abord, nous garantissons un lien direct avec les Directeurs des Ressources Humaines des sociétés qui sont sur note site, contrairement à certains sites qui se contentent d’agréger des offres existantes sur d’autres sites d’entreprises. Par ailleurs, nous offrons des outils aux utilisateurs de la plateforme et les conseillons tout au long du processus de recherche d’emploi pour ainsi leur donner les mêmes chances de réussite. Et contrairement à d’autres sites présentant des coûts cachés pour les candidats, nous sommes entièrement gratuits et le resterons toujours !

Comment se fait le matching des profils sur le site?

La mission d’Everjobs est de simplifier la recherche d’emploi et les processus de recrutement en mettant en relation les chercheurs d’emploi et les employeurs en quelques clics.  Pour commencer il est important de préciser que notre plateforme est entièrement gratuite pour les candidats. Le processus est très simple : il suffit de créer un compte en quelques minutes puis de postuler aux offres présentes sur notre plateforme www.everjobs.cm.

Ensuite, les directeurs des Ressources Humaines partenaires d’Everjobs reçoivent en temps réel les candidatures et peuvent choisir les candidats qu’ils souhaitent recevoir en entretien en les contactant directement via la plateforme. En créant leur compte, les candidats sont ajoutés à notre base de CVs qui est consultée fréquemment par les directeurs des Ressources Humaines. Nous encourageons donc un maximum de personnes à créer leur profil sur Everjobs, même s’ils sont en poste car cela peut leur ouvrir de nouvelles opportunités.

 

Everjobs a déjà été lancé en Asie, avec succès. Constatez-vous des différences importantes par rapport à l’environnement Africain?

Everjobs était déjà présent en Asie, notamment au Myanmar depuis un an, avant notre lancement en Afrique puis au Sri Lanka et au Cambodge. La différence la plus notable : l’offre et la demande sont très différents entre l’Afrique et l’Asie. La pression du côté de la demande est beaucoup plus forte en Afrique où nous enregistrons un nombre de visiteurs et une croissance de CVs enregistrés bien supérieure à l’Asie pour des pays de taille comparable, bien que les taux de pénétration d’internet soient encore très supérieurs en Asie.

Du côté de l’offre, le nombre d’emplois formels est bien inférieur en Afrique qu’en Asie pour des pays de taille comparable, avec presqu’un rapport de 1 à 10. Cette remarque rejoint ma précédente remarque sur le nombre limité d’offres d’emplois formels en Afrique et la prédominance du secteur informel.

 Quelles leçons en avez-vous tiré pour votre lancement en Afrique?

Nous avons surtout tiré des enseignements d’un point de vue méthodologique, notamment sur les différentes étapes de développement de l’activité en générale. La stratégie mise en place pour chacune des étapes est très différente en Afrique! Par exemple, la façon de nouer des relations professionnelles est très différente en Afrique par rapport à l’Asie. Pour convaincre un Directeur des Ressources Humaines d’utiliser notre plateforme et bâtir une relation de confiance, il faut typiquement plusieurs réunions en Afrique alors que la relation commerciale se construit presque directement au téléphone en Asie. La relation de confiance, plus précisément son ancienneté, est une variable très importante dans la conduite des affaires en Afrique. 

Au début, comment avez-vous convaincu des entreprises de vous faire confiance?

Tout d’abord je pense que nous répondons à un besoin profond des entreprises : avoir accès à un pool de talents important et international d’une part, et notamment de talents techniques qui font défaut dans certains secteurs comme la construction ou le secteur pétrolier. Ensuite nous offrons aussi des possibilités très fines et granulaires de trier les candidats ce qui permet au Directeur des Ressources Humaines d’affiner leur sélection, notamment dans des pays où la demande est abondante. Et nous offrons une période d’essai gratuite de 3 mois aux entreprises pour notre lancement !

Quelle place pour les PME sur votre plateforme?

Notre plateforme a l’ambition de devenir la référence panafricaine en matière d’emploi. Nous nous efforçons de couvrir le plus de secteurs possibles et de proposer un maximum d’offres pour répondre aux attentes des entreprises et de chaque profil enregistré sur la plateforme. Dans un premier temps, nous nous sommes focalisés sur les entreprises nationales et internationales de grande taille puis nous offrirons nos services aux PME, qui trouveront un intérêt à notre service pour faciliter et diminuer le coût de leurs recrutements.

Pouvez-vous nous présenter vos équipes sur place?

Nos équipes sont généralement dirigées par un binôme : un Directeur pays national et un expatrié. Nous sommes convaincus que ce mode de fonctionnement est très riche et que ces deux profiles ont énormément de choses à s’apporter. Les équipes sont locales, ce qui contribue sans aucun doute à la réussite d’Everjobs localement. Nous sommes caractérisés par un esprit entrepreneurial fort et une très large place laissée à l’initiative personnelle.

Pourquoi ce projet vous tient il personnellement à cœur?

Je suis un entrepreneur très cosmopolite : né en France, ayant grandi en Chine, j’ai étudié en France puis travaillé à l’international. Je suis depuis un certain nombre d’années passionné par l’Afrique et les questions publiques, ce qui explique en grande partie pourquoi ce projet de portail de recrutement panafricain qu’est Everjobs me tient autant à cœur. L’idée de mettre la technologie au service d’un objectif louable me plaît, tout simplement.

Pourquoi avoir choisi l’Afrique pour vous lancer dans ce projet ?

Tout simplement parce que c’est en Afrique que le besoin est le plus fort. Nous constatons aujourd’hui de nombreux points communs à travers le continent: des économies très dynamiques avec des jeunes africains surdiplômés qui font face à trop peu d’offres d’emplois formels et un manque de passerelles pour leur permettre de se rencontrer. Aujourd’hui, Everjobs a l’ambition de donner de la transparence au marché du travail africain.

Comment voyez-vous Everjobs dans cinq ans?

Dans 5 ans, Everjobs sera la première plateforme panafricaine pour l’emploi et nous serons présents dans la totalité des pays du continent. Nous servirons toutes les entreprises internationales et les institutions internationales présentes sur le continent et nous accompagneront toujours les Directeurs des Ressources Humaines avec le même souci de répondre au plus près à leurs attentes. Notre produit aura également beaucoup évolué: algorithme de « matching » offre – demande très performant et fonctionnalités sociales entre les utilisateurs notamment.

Et votre rôle dans Everjobs dans cinq ans?

Bonne question. Ce qui est sûr c’est que je serai fier d’avoir contribué à construire l’acteur de référence du marché de l’emploi en Afrique, d’avoir donné un emploi ou au moins des opportunités d’emploi à des personnes que ne croyaient pas forcément en avoir. Je suis déjà très heureux de faire partie de l’aventure de la belle PME qu’est appelée à devenir Everjobs.

Quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur qui se lance en Afrique?

Je dirais en premier lieu qu’il faut se défaire de ses préjugés occidentaux, pour ceux qui viennent d’Europe. Il faut définitivement apprendre à réaliser des choses dans la durée, sans forcément attendre un résultat immédiat. J’ai connu beaucoup de frustrations à mes débuts. Avec plusieurs mois de recul, les résultats sont là !

Aussi, je suis aussi convaincu de la très grande place du relationnel dans la réussite d’un business en Afrique. J’ai l’impression que 80% du succès d’une démarche commerciale tient aux relations personnelles. La construction de relations fortes et dans la durée est un atout essentiel. Enfin, il faut avoir un esprit aventurier, voir téméraire, assorti de pas mal de débrouillardise!

 

Concours : un moyen de faire évoluer son projet entrepreneurial

En Afrique de l’Ouest, entreprendre de manière ambitieuse n’est pas toujours aisé. L’éco-système permettant aux entrepreneurs de mettre en place leurs projets dans de bonnes conditions n’est pas toujours bien structuré et les porteurs de projet peuvent se sentir seuls et désemparés. Et pourtant, il existe bon nombre d’organisations dont la mission est de soutenir les entrepreneurs et favoriser la mise en place de leurs projets.

Comment identifient-ils les entrepreneurs ? Grâce à des compétitions ou des appels à projets. Voilà pourquoi ces concours sont bel et bien des opportunités pour les entrepreneurs que vous êtes !

L’exercice peut sembler long et fastidieux : certains concours demandent un lourd travail. Formulaires à remplir, vidéos à faire, business plan à rédiger, lettres de motivation à écrire,… Les exigences sont diverses et peuvent être chronophages. Et pourtant, elles représentent un réel intérêt pour les entrepreneurs. Dans le pire des cas, elles les obligent seulement à structurer et formaliser leurs idées. Dans le meilleur des cas, elles leur donnent accès à un large réseau de partenaires et à des financements. Elles sont également l’occasion de rencontrer une myriade d’entrepreneurs auxquels confronter ses idées, ses ambitions et ses difficultés. Un entrepreneur qui souffrait de solitude se retrouve désormais entouré d’une quantité impressionnante d’acteurs !

Qu’en pensent les entrepreneurs ? Retrouvons 4 entrepreneurs, accompagnés par La Fabrique à Ouagadougou.

 

Gérard 1Gérard NIYONDIKO – FASO SOAP – GIST Global Innovation Through Science & Technology

  • Quelles ont été les différentes étapes pour participer au GIST ?

Pour participer dans cette compétition il a fallu d'abord soumettre un « executive summary » du projet en remplissant un formulaire en ligne. Les projets ont ensuite été sélectionnés pour la demi-finale, et ont été remis en ligne pour être soumis aux votes des internautes. Les trente projets avec le plus de votes ont été retenus pour la finale et ont été invités à soumettre leurs plans d'affaires complets.

Enfin, les projets finalistes ont été invités à participer à un atelier sur l'entrepreneuriat et un coaching sur la présentation orale des projets, avant de présenter leur projet devant un jury international, à Kuala Lumpur en Malaisie.

  • Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Je dirais beaucoup de chose mais en quelques mots j'ai eu une formation sur différentes facettes de l'entrepreneuriat lors de l’atelier de deux jours. La qualité de certains formateurs m'a beaucoup inspiré. J'ai également rencontré d'autres entrepreneurs et ai élargi mon réseau.

Enfin, le fait d'arriver en finale dans cette compétition a renforcé ma confiance en moi par rapport à mon projet.

  • Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Oui, certainement ! Lors de l'ouverture du sommet international de l'entrepreneuriat, dans la salle de conférence, sur l'écran géant, il y avait un mot qui apparaissait avec un son qui raisonnait derrière " We are entrepreneurs!" … répété plusieurs fois ! Ce mot continue à résonner toujours en moi, ça me donne de l'énergie d'avancer et de rien de lâcher même si c'est difficile !

 

GildasGildas Zodomé – BioPhytoCollines – Concours de BP de la Banque Islamique de Développement

  • Quelles ont été les différentes étapes pour participer au BP ?

Le concours de BP de la BID est effectué en deux étapes : après soumission, une pré-sélection des 10 meilleurs BP dans la catégorie « idée » et également 10 autres dans la catégorie « croissance ». La deuxième étape est la présentation et défense des BP devant un groupe de jury. Cette étape a lieu à Casablanca où les trois meilleurs de chaque catégorie ont été primés.

  • Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Cette compétition a donné de la valeur à mon entreprise. La BID est un organisme connu de tous. Le trophée reçu de cette structure de renommée montre la qualité de notre projet. Partout où nous présentons ce trophée, nous sommes respectés et bien écoutés. Pour que certaines autorités de mon pays me reçoivent enfin en audience, il a fallu que j’annonce que j’étais vainqueur de ce prestigieux trophée. Il est devenu mon ‘‘passeport’’.

En plus, les 25 000 dollars reçus ont changé l’image de mon entreprise. Elle est devenue plus visible et plus convaincante. Mon personnel est plus rassuré !!!

De manière générale, les compétitions de création d’entreprise ont d’importants intérêts pour nous, promoteurs, surtout nous qui sommes des débutants. En Afrique particulièrement au Bénin, il est très difficile pour une Start Up de bénéficier d’un financement d’une structure de crédit, d’un investisseur ou même d’un parent. Le moyen le plus simple et le plus rapide qui permet aujourd’hui de financer les Start Up c’est la compétition de création d’entreprise. On y gagne beaucoup, non seulement des moyens financiers gratuits, mais aussi des connaissances techniques utiles pour développer son entreprise à zéro franc.

Personnellement, les compétitions m’ont apporté beaucoup : un encadrement de qualité qui m’a permis d’avoir mon business plan, des notions pratiques pour mieux gérer mon entreprise, j’ai eu beaucoup de relations d’affaires et des opportunités, j’ai fait des découvertes.

  • Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Cette compétition m’a laissé de très beaux souvenirs ! L’ambiance qu’il y avait, le grand suspens … Dans les discussions entre promoteurs, j’ai trouvé la solution à certains de mes problèmes.

 

ClaudeClaude Tayo – Eco Co – Global Social Venture Competition

  • Quelles ont été les différentes étapes de la GSVC ?

La compétition a commencé pour nous à la fin du mois d'octobre 2014. Il était question de fournir une candidature qui tienne la route avant le 1er décembre. Nous nous sommes alors lancés dans la rédaction de notre business plan avec toutes ses composantes. Nous ne l’avions jamais fait jusque-là !

Le plus difficile lors de cette préparation aura été de fournir les différents interviews des parties prenantes que la compétition demande (jusqu’à 30 interviews) mais finalement, on y est arrivé. Et c'est avec plaisir qu'on a appris la bonne nouvelle : le projet Eco-Co est en finale francophone de la GSVC. Nous avons fait un véritable marathon pour pouvoir affiner tous les résultats, préparer la présentation et autres afin d'être prêts pour la finale régionale à Paris. Nous y sommes allés et la finale s'est bien passée, nous permettant d'avoir une place pour la finale mondiale à Berkeley. Le voyage aux Etats Unis a été une très grande expérience pour nous, même si nous n’avons pas décroché de prix. Nous avons eu de nombreuses tables rondes, des mini-séminaires présentés par des entrepreneurs à succès.

  • Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Sans aucune hésitation je dirais UN CARNET D'ADRESSE. Pour tout entrepreneur, c'est sans doute la chose la plus importante : avoir des contacts de divers horizons et de divers domaines.

Ensuite, participer à une telle compétition vous met en face de personnes de grand talent : que ce soit les autres participants qui vous feront voir votre projet sous un autre angle ou encore réaliser à quel point les personnes de génie sont légion dans ce monde, mais aussi rencontrer tous ceux qui participent à l'organisation de ces compétitions, des personnes vraiment dévouées qui vous poussent vers l’excellence en vous demandant de donner toujours plus, d’améliorer toujours plus, pour qu'à la fin on ait l'impression de s'être rapprochés au maximum de la perfection.

  • Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Mon meilleur souvenir reste la phrase de Laura D'Andrea Tyson : « la GSVC n'est qu'une compétition, la gagner ne garantit pas que vous allez être un entrepreneur à succès. La GSVC est un processus et être en finale de cette compétition vous garantit que vous avez accompli ce processus avec succès, que vous avez franchi une autre étape dans votre accomplissement personnel et dans celui de votre entreprise. »

 

redim venteKahitouo Hien – FasoPro – Grand Challenge Canada

  • Quelles ont été les différentes étapes de ce Challenge ?

(1) J'ai dû soumettre un dossier de candidature en ligne suivant le canevas proposée par Grand Challenge Canada. Une des conditions dans mon cas était qu'une institution de recherche connue accepte d’héberger FasoPro et se porter garant pour une bonne gestion du financement : ce fut 2iE où le projet était déjà en incubation

(2) il a eu une phase de présélection,

(3) Il a eu des entretiens avec les personnes référencées dans le dossier pour vérifier les informations fournies dans le dossier

(4) Sélection définitive avec la signature d'une convention d'accord de subvention entre Grand Challenge et 2iE

(5) enfin, une annonce officielle des bénéficiaires dans des médias sélectionnés par GCC.

  • Qu’as-tu tiré de cette compétition ?

Un financement pour développer certains aspects du projet liés à la recherche donc pas évidents à financer directement par FasoPro. Après, on gagne toujours un plus en participant à une compétition : les exigences sont différentes et même quand ça ne marche pas, on gagne toujours en maturité dans la rigueur qu'impose ce genre de compétitions.

  • Une anecdote à nous raconter ? Un bon souvenir ?

Pour être honnête à chaque fois que je remporte une compétition, le sentiment de joie fait aussitôt place à une pression énorme car ça sonne pour moi le top départ pour relever les défis, et c'est stressant ! Heureusement que j'aime ça : relever les défis :).

Pour connaitre ces compétitions, il faut être bien connecté à l’actualité entrepreneuriale de votre pays, mais également au-delà de vos frontières. Pour cela, rejoignez les réseaux de professionnels : les chambres de commerce, les incubateurs, les couveuses d’entreprises … Toutes ces organisations existent pour diffuser ce genre d’informations et vous faciliter l’accès à ces opportunités.


Lisa Barutel

Challenge entrepreneurial au Congo : rencontre des lauréats à N+1

Le Réseau international des Congolais de l’extérieur (RICE) a organisé  à Brazzaville du 21 au 23 novembre 2014 le « Challenge entrepreneurial du bassin du Congo », une manifestation destinée à inciter les Congolais à entreprendre. Rose-Marie Bouboutou, journaliste aux Dépêches de Brazzaville, a souhaité envisager l’impact du concours sur les quatre entrepreneurs lauréats un an après. Un premier article publié dans la rubrique est revenu sur l’organisation d’un challenge entrepreneurial dans un pays classé parmi les derniers dans le rapport Doing Business de la Banque mondiale. Ici, nous partons à la rencontre des quatre lauréats, pour envisager leur développement depuis le Challenge.

A son échelle, le Challenge a permis de souligner que le Congo est prêt pour l’entrepreneuriat et qu’une fois les moyens de base donnés, les entrepreneurs congolais sont capables de changer rapidement d’échelle. Un format d’accompagnement à dupliquer ?

Véra Kempf, responsable de la Rubrique Entrepreneuriat

Le regard des organisateurs sur la réussite des lauréats

« Les subventions dédiées au paiement  des dotations ont été libérées plus tardivement que prévu. De ce fait, les primes n’ont été versées aux gagnants qu’en août 2014. Les sommes sont versées par tranche, selon un échéancier, en fonction de l’avancement du projet, par le trésorier de l’association, sur factures et devis afin de veiller à la bonne gestion des différents projets », explique Edwige-Laure Mombouli.

Malgré  le retard consécutif dans la mise en œuvre de leurs projets, l’expérience demeure positive pour les vainqueurs du challenge. « Les retours sont très positifs pour les candidats de Pointe-Noire qui font la transition vers le secteur formel. Ils se développent, ils gagnent des marchés, leur comptabilité se rationalise, leurs compte-rendu sont de plus en plus cadrés », défend Ambroise Loemba.

La plus grande réussite de l’équipe du RICE est Parfait Kissita. « De mon point de vue, il est le lauréat qui a le mieux saisi l’opportunité que représentait le Challenge entrepreneurial. Il a formalisé son entreprise, recruté un nouvel actionnaire, investi dans une nouvelle usine et des machines à outils, changé son outil commercial et publicitaire vers l’Angola et augmenté son chiffre d’affaires de plus de 100% depuis l’an dernier. Il a vraiment une attitude d’entrepreneur au sens où il a utilisé tout ce qui lui a été donné sous forme de prime pour augmenter son outil de travail », s’enthousiasme Frédéric Nze.

À l’autre extrémité, certains lauréats ont plus de mal dans leur apprentissage « à comprendre les réalités commerciales » ou bien « mélangent la formalisation avec les signes extérieurs montrant socialement le statut de patron ». Or, pour Frédéric Nze : « Toute somme qui rentre dans l’entreprise doit créer de la valeur. Embaucher du personnel non productif, avoir des engins coûteux sous utilisés ou des beaux bureaux est valorisant mais ce sont des poids morts dans le développement d’une entreprise. » Tout une initiation à la culture d’entreprise, avec l’idée que les lauréats d’aujourd’hui puissent devenir à leur tour les mentors des lauréats d’un prochain Challenge entrepreneurial.

A la rencontre des lauréats du RICE, leur introspection à N+1

Parfait-Anicet Kissita, dirigeant de Cuba Libre
Il a réussi le passage de l'informel au formel dans le secteur de la transformation des fruits et légumes locaux en jus de fruits, confitures, légumes marinés et épices moulues.


Les Dépêches de Brazzaville : Où en êtes-vous de votre projet ?
Il nous manquait des équipements, notamment des cuves pour pouvoir transformer tous types de fruits et légumes, un local répondant aux normes d’hygiène et un fond de roulement afin de travailler de façon continue. Aujourd’hui, c’est chose faite ! Nous pouvons envisager de passer au stade semi-industriel. Notre chiffre d’affaires a augmenté de 50% mais nous voudrions atteindre les 100% en produisant 200 casiers supplémentaires.

Qu’avez-vous retiré du Challenge ?

Cette initiative nous a "sortis de la boue". Au Congo, on a l’image que l’entrepreneuriat est une activité réservée aux "Blancs". Je me battais depuis de nombreuses années mais aujourd’hui mon entreprise se développe.

Est-ce que cela a changé votre image de l’entrepreneuriat au Congo ?

Je suis devenu comme une star. Cela me motive à prouver que le Challenge avait sa raison d’être.


Quels conseils donneriez-vous à d’autres porteurs de projets ?
C’est le secteur privé qui fait la richesse d’un pays. Il faut enlever de la tête le système socialiste qui prévalait avant 1992 dans lequel l’État prenait tout en charge. Il revient à chacun de se prendre courage pour que ses rêves se réalisent et que le chômage puisse diminuer.

Jean-Christian Diakanou-Matongo, dirigeant d'Apis Congo
Il a fait le passage de l'informel au formel dans la production de miel


Où en êtes vous avec votre projet ?
J’ai reçu le Prix du meilleur produit issu de l’économie informelle. La première tranche de la dotation m’a permis d’obtenir tous les papiers officiels nécessaires pour formaliser mon activité. J’ai pu acquérir une soixantaine de ruches. Ce qui s’est traduit par une hausse de la capacité de production. Nous attendons de percevoir la seconde tranche pour faire la logistique : améliorer les conditions d’hygiène de production, commander les emballages, aménager la mièlerie pour avoir un miel de qualité.

Qu’avez-vous retiré du Challenge ?
Beaucoup de choses ! Les contacts avec des Congolais de la diaspora qui ont réussi à créer des entreprises à l’étranger : échanger au téléphone ou par mail avec eux m’a permis de pouvoir me revêtir du costume de l’entrepreneur qui a la maîtrise de toute la chaîne de production. Le challenge a révélé au grand jour que le Congo a des gens compétents, porteurs de projets qui peuvent être réalisés avec succès.  Avant le challenge, cela faisait 15 ans que je cherchais des financements ! Grâce au Challenge, j’ai pu être connu et par exemple participer à la semaine agricole avec la Chambre de commerce Pointe-Noire.

Est-ce que cela a changé votre image de l’entreprenariat au Congo ?
Je ne me représentais pas ce que voulait dire notre mauvais classement au Doing business et  la notion d’environnement des affaires. Aujourd’hui je le vis : quand une banque prend un mois pour exécuter un virement, on ne peut pas entreprendre avec ce genre de problèmes ! Il y a de nombreux aspects à prendre en ligne de compte lorsque l’on passe dans le secteur formel : la qualité du produit pour assurer sa compétitivité, les questions d’hygiène, de santé, de sécurité, d’environnement…Il n’y a pas de contrôles quand on vend sur un marché populaire. De même, l’on n’est pas soumis à l’impôt, il n’y a pas de règlementation… le passage au formel soulève des problèmes que l’on n’avait pas au départ.

Quels conseils donneriez-vous à d’autres porteurs de projets ?
Grâce à l’expérience que j’ai vécue à travers le Challenge, je me suis rendu compte qu’il y a de nombreuses personnes qui ont de très bons projets au Congo. Mais pour leur concrétisation, il faut faire des efforts au quotidien. Dans mon cas, je dois préparer les documents nécessaires pour convaincre le RICE que l’argent va être utilisé dans l’avancement de l’entreprise. Je suis issu d’une famille d’enseignants et je sais ce qu’est la rigueur, mais c’est vraiment très dur !

Chris Mabiala, jeune ingénieur de la diaspora, co-créateur de la start-up de motorisation électrique de pousse-pousse, "Pousselec"

Où en êtes vous de votre projet ?
Nous venons de finaliser l’étape du prototype après avoir réalisé tous les tests en condition de production à Brazzaville : tests à charge, à vide, de freinage, de guidage. Aujourd’hui nous sommes à la recherche d’un investisseur qui puisse nous permettre d’industrialiser ce produit afin de le fabriquer en série. Cela nous permettrait de pouvoir créer des emplois.

Qu’avez-vous retiré du Challenge ?
C’est une bonne aventure et je suggèrerais d’organiser souvent ce genre d’initiative. Nous avons appris à réaliser nos rêves. Mais j’aurais préféré que l’intégralité des fonds de la dotation soit gérée directement par l’équipe afin de gagner en flexibilité.

Est-ce que cela a changé votre image de l’entrepreneuriat au Congo ?
En tant qu’ingénieur notre métier est d’avoir des idées. Mais nous n'imaginions pas tout ce que l’on peut avoir comme soucis dans la gestion d’une entreprise. La simple ouverture d’un compte bancaire par exemple nous a pris quatre mois, d'août à décembre, alors même que nous avions à nos côtés dans nos démarches un notaire !

Quels conseils donneriez-vous à d’autres porteurs de projets ?
Il est indispensable d’avoir un bon réseau au niveau local pour entreprendre et savoir où passer pour débloquer des situations. Il faut être disponible à 100% et présent sur le terrain car gérer un projet de loin n’est pas évident, surtout lorsqu’il faut concilier avec une occupation professionnelle à l’étranger en parallèle. Avec le décalage dans le versement des dotations tous les porteurs du projet ont désormais un emploi salarié et il nous faudrait un gérant sur place au Congo, une personne de confiance qui puisse nous représenter totalement.

Sandy Mbaya Mayetela, entrepreneur, directeur d'Africa Solaire


Où en êtes vous de votre projet ?
Nous allons lancer les travaux du local que nous avons choisi à Bacongo  afin d'accueillir l’unité de production ainsi que les premières commandes d’équipements.

Qu’avez-vous retiré du Challenge ?
Que des gens apprécient le projet et le financement, nous a rassuré sur la valeur de ce que nous entreprenons, cela donne envie d’aller de l’avant ! En Afrique il n’y a pas de catalyseur pour concrétiser un projet alors qu’il existe beaucoup de potentiel humain. Le Challenge RICE permet de donner la possibilité aux jeunes de croire en leurs rêves. Ce qui est vraiment génial avec le Challenge RICE, c’est que nous bénéficions d’un accompagnement à la concrétisation de notre projet. On nous donne une méthodologie, un cadre de travail.

Est-ce que cela a changé votre image de l’entrepreneuriat au Congo ?
Être entrepreneur au Congo, c’est un peu abstrait car tout le monde est plus ou moins entrepreneur. Mais remporter le challenge, fait de nous des entrepreneurs au vrai sens du terme, cela a été un plus.


Rose-Marie Bouboutou, article initialement paru dans les Dépêches de Brazzaville du 7 février 2015

Challenge entrepreneurial au Congo : évaluation à N+1

Le Réseau international des Congolais de l’extérieur (RICE) a organisé  à Brazzaville du 21 au 23 novembre 2014 le « Challenge entrepreneurial du bassin du Congo », une manifestation destinée à inciter les Congolais à entreprendre. Rose-Marie Bouboutou, journaliste aux Dépêches de Brazzaville, a souhaité envisager l’impact du concours sur les quatre entrepreneurs lauréats un an après. Un premier article revient sur l’organisation d’un challenge entrepreneurial dans un pays classé parmi les derniers dans le rapport Doing Business de la Banque mondiale. Un second dressera le portrait des quatre lauréats, en envisageant leur développement depuis le Challenge.

A son échelle, le Challenge a permis de souligner que le Congo est prêt pour l’entrepreneuriat et qu’une fois les moyens de base donnés, les entrepreneurs congolais sont capables de changer rapidement d’échelle. Un format d’accompagnement à dupliquer ?

Véra Kempf, responsable de la Rubrique Entrepreneuriat


Le « Challenge entrepreneurial du bassin du Congo », organisé début 2014 à Brazzavile mais ouvert aux entrepreneurs du Congo, de la RDC et du Gabon, était destinée à encourager l’entrepreneuriat local et à inviter les talents de la sous-région, mais aussi de la diaspora, à investir dans les filières porteuses de croissance et d’emplois au Congo.

À l’issue du processus de sélection, quatre porteurs de projets de création ou de développement d’entreprise avaient été récompensés : Destiny Loukakou, chercheur en génie électrique et informatique industrielle, et ses trois amis ingénieurs avec leur projet de motorisation électrique des pousse-pousse ; Sandy Mbaya Mayetela et son entreprise d’installation de stations d’eau potable alimentées par l’énergie solaire dans les quartiers populaires des grandes villes ; l’ingénieur agronome Parfait-Anicet Kissita et son activité de transformation des fruits et légumes locaux et Jean-Christian Diakanou-Matongo, producteur de miel.

Les quatre gagnants constituent un panel varié, représentatif de l’entrepreneuriat congolais : des jeunes issus de la diaspora qui montent une start-up, un entrepreneur local déjà bien installé et deux candidats opérant dans l’informel qui avaient besoin de passer dans le secteur formel pour plus de développement. Chaque lauréat avait remporté une prime pouvant aller jusqu’à 50 000 euros (32.500.000 FCFA) en fonction de la taille des projets et de l’avancement de leur réalisation, ainsi qu'un accompagnement personnalisé.

"Faites confiance au savoir-faire local"

Soutenus par les ministères des Grands Travaux et des PME et de l’artisanat, les Chambre de commerce de Brazzaville et de Pointe-Noire ainsi que le groupe SNPC, le 1er « Challenge entrepreneurial du bassin du Congo » est un pari réussi pour les organisateurs du RICE et les lauréats.

« Le secteur privé suscite de l’engouement et c’est une bonne chose car l’État ne peut pas tout faire. Les Congolais sont en attente de ce genre d’initiatives, ils sont disposés à révéler leurs talents. Il y a une « congolese touch » qui ne demande qu’à être mise en avant », analyse Edwige-Laure Mombouli, présidente du RICE. « Il existe des business très viables dans l’informel, tout à fait rentables, mais qui sont limités dans leur potentiel de croissance parce qu’ils n’ont pas de comptabilité ou de statuts qui leur permettent d’aller voir une banque », renchérit Frédéric Nzé, longtemps conseil en évaluation et gestion des risques financiers et directeur d’une société spécialisée dans le crédit à la consommation.  Il regrette cependant le manque d’investissements du secteur privé congolais car « le monde académique et les administrations ont répondu présents, mais afin de créer un vrai moteur pour le secteur des entreprises au Congo, nous aurions aimé avoir plus d’intervenants du privé ».

Ambroise Loemba, trésorier du RICE, avait dans un premier temps des appréhensions sur la quantité de talents d’entrepreneurs disponibles au Congo. « Nous avions peur d’avoir trop peu de candidats congolais, ce qui nous a d’ailleurs conduit à élargir le challenge à la sous-région. Mais à notre grande surprise, les Congolais ont envie d’entreprendre et ont vraiment du talent, de l’imagination. Il leur manque simplement un peu d’organisation et de la méthode », explique-t-il.

Pour Frédéric Nze, qui a participé à la sélection des candidats, les Business plans les meilleurs étaient ceux des Congolais du Congo et non ceux de la diaspora. « Il manque peut-être une culture d’entreprise même au sein de la diaspora » observe-t-il, car « certains candidats pensent qu’une idée seule, par exemple implanter une enseigne qui marche bien en Europe au Congo, est un business.  D’autres participants ont réalisé des documents qui étaient à la limite de la demande d’aide ou de sponsoring. Les activités sociales ne sont pas une mauvaise chose en soi mais ce sont des activités qui ne sont pas pérennes faute de perspectives de profits.»

Le climat des affaires, une dure réalité au Congo

Le Challenge a été une occasion d’avoir une meilleure appréhension des « réalités » du pays pour les « enfants prodigues » du RICE de retour au Congo. « Le résultat est positif : les Congolais de la diaspora ont pu se rendre compte que ce n’est pas facile de réaliser des choses au pays. Des choses qui peuvent paraître simples à réaliser, vu de l’occident, comme faire une demande de virement ou la création d’une entreprise, constituent au Congo une procédure administrative compliquée. C’est un apprentissage de la patience, les choses se font mais à leur rythme. Il y a différentes notions du temps », observe, philosophe, Edwige-Laure Mombouli.

Autre confrontation avec les réalités de terrain, l’accompagnement de la Banque mondiale via ses programmes PADE et FACP, visant à favoriser la diversification du secteur privé. Pourtant bien engagés et publiquement annoncés, ces partenariats du RICE et de la direction de la promotion du secteur privé, destinés à renforcer le challenge entrepreneurial et appuyer les lauréats n’ont malheureusement jamais abouti. « Leurs procédures extrêmement bureaucratiques et lourdes rendent plus que complexe l’aboutissement des projets. Si malgré notre expérience nous avons été rebutés par la lenteur et la complexité de leurs mécanismes, je n’imagine pas comment les jeunes entrepreneurs locaux peuvent effectivement passer par eux ! », s’étonnent les membres du RICE.

Ambroise Loemba, qui a accompagné les lauréats dans la concrétisation de leurs projets, vit à travers eux les nombreux obstacles qui peuvent freiner les énergies entrepreneuriales au Congo.  « Les lauréats ont rencontré de nombreux problèmes dans les démarches administratives que ce soit l’immatriculation de société, ou les déclarations fiscales, car le cadre législatif est bon mais pas appliqué. De même ils ont eu du mal à concevoir de bons business plans car il est très difficile d’avoir accès aux données statistiques nécessaires pour réaliser des études de marché », explique-t-il.

Ce manque d’accès à l’information est d’ailleurs un aspect du climat des affaires souvent négligé pour Muriel Malu-Malu Devey, organisatrice du Colloque du Challenge entrepreneurial : « Dans le domaine économique, l’information de service public indiquant aux Congolais dans quels secteurs il est possible d’investir, notamment pour tout ce qui relève de la sous-traitance, est très insuffisante. Les études de marché et de faisabilité réalisées par les autorités publiques sont souvent proposées aux investisseurs étrangers mais rarement aux entrepreneurs locaux ».

Pour Frédéric Nze, le manque d’offre comptable et bancaire sont deux autres outils qui manquent également aux dirigeants de PME. « Les lauréats ont du mal à s’outiller sur la partie comptable. L’offre de qualité sur place se limite à des prestataires très chers accessibles aux seules grandes entreprises … Le secteur bancaire également est encore très peu engagé dans le crédit vers l’économie congolaise », analyse ce membre du RICE.

L’ambition du RICE est de créer une émulation autour du challenge, pour favoriser la création de business locaux rentables au Congo. Par l’accompagnement personnalisé des lauréats, c’est toute une initiation à la culture d’entreprise que le réseau souhaite maitre en place, avec l’idée que les lauréats d’aujourd’hui puissent devenir à leur tour les mentors des lauréats d’un prochain Challenge entrepreneurial.

Vous pourrez découvrir leur vision et leur approche dans un prochain article.


Rose-Marie Bouboutou, article initialement paru dans les Dépêches de Brazzaville du 7 février 2015

 

Pour en savoir plus sur le Challenge : http://www.challengerice.com/

The African Diaspora : the Holy Grail of Africa

The Challenge of returning home

There are many brilliant minds who have left the continent in search of a better education and better opportunities for work. It is easy to accept this phenomenon if we think that the final target is to acquire relevant and solid expertise that will be used to benefit their respective countries and lead to economic development. However, it is often observed that students who travel abroad to pursue their studies usually feel some hesitation at the prospects of returning to their home countries after completing their studies.

There is no surer means of developing Africa than through the efforts of her citizens who have gone to study in foreign countries. In addition, they must take up the challenge of returning home, in order to create and develop their countries. Africa is in great need of her returning Diaspora. On the other hand, we cannot over state the importance of attractive opportunities, this will enable the returning Diaspora to easily integrate and participate in wealth creation. When we speak of wealth creation, we mean ‘‘the creation of new sources of wealth’’. This is because the last thing Africa needs is the return of over qualified citizens, whose sole aim is to find a stable job and cling to it no matter the consequences. Such state of mind will certainly not resolve Africa’s current issues.

Nurturing an entrepreneurial state of mind

Without any doubt, Africa needs innovation and creativity. This means the ability to detect problems in the society and find solutions to resolve them. In fact, ideas that may seem simple in more developed economies can become innovative projects if they are adapted to the local environment and if they can cater to the basic needs of the African population. In this respect, entrepreneurship is the best way to bring about an economic boom across the continent. There is nothing more important than the creation of companies and innovative start-ups which will improve the daily life of people and at the same time create employment. The latter not only decreases unemployment but will also allow the other Africans in the Diaspora to realize that it is possible to make a difference with a little consistency and a touch of creativity. Fortunately, it seems like this state of mind is slowly spreading amongst the African Diaspora. Although the beginnings of this movement seem slow, we still see entrepreneurial initiatives spear headed by young graduates of the African Diaspora springing up. We are proud of their efforts and we urge them to continue in this path so that their projects can serve as models to others who wish to return home and launch out their businesses.

Entrepreneurs from the African Diaspora who have returned home

Abdoulaye_ToureAbdoulaye Touré, a young Senegalese engineer, is a graduate of France’s Ecole Polytechnique. He specialised in the field of Energy. With six other young graduates, most of them Senegalese, he founded a start-up company called Baobab Entrepreneurship. The aim of this company is to promote entrepreneurship in Senegal through the use of Information and Communications Technology (ICT). Abdoulaye is of the opinion that Africa presents a lot of opportunities that entrepreneurs can take advantage of, as there are many problems and unsatisfied needs which need solution-driven minds. Furthermore, one of the factors that prevent the African Diaspora from coming home is the fact that they are already well integrated in the professional standards in the Western world. However, this can be resolved by increasing from France the career and entrepreneurial opportunities that exist in Africa.

  Olabissi_AdjoviOlabissi Adjovi is another entrepreneur of the Diaspora. He is from Benin but he is based in France and conducts his business in Senegal. He founded a start-up, Ouicarry, with some of his Senegalese colleagues. The objective of the start-up is to enable the mailing and delivery of parcels to and from Paris and Dakar. For him, Africa’s major advantage is the prospects for growth that the continent presents. Also, one of the reasons that people of the African Diaspora do not return home is because before their departure they did not have a firm intention to return home after completing their studies. He is convinced that if more young people lead by example, others will be convinced to take the leap.

Malick-Diouf-300x221Malick Diof is another Senegalese entrepreneur. He is the co-founder of the startup-Lafricamobile. It offers communications solutions for African companies and the Diaspora around the world. For him, one of the important features that encourage entrepreneurship in Africa is the flexibility of clients, suppliers, employees, etc. Also, the labor force is becoming qualified and hirable at competitive rates. However, the lack of infrastructure prevents people from returning home. Malick believes that one of the ways to persuade young people of the Diaspora is to challenge them and highlight that they have an important role to play in the economic development of their respective countries. He is greatly convinced that Africa can and will only be developed by her sons and daughters. That is why he is motivated to do his bit.

In conclusion, it is encouraging to see initiatives spear-headed by people of the African Diaspora flourish. These entrepreneurs have dared look beyond the assumptions of logistic difficulties and tough conditions of Doing Business by launching their own projects. We hope that this generation of entrepreneurs will inspire a movement of innovation across the continent.

Translated by Onyinyechi Ananaba


 

Les filles, la technologie et l’Afrique – APPS&Girls

Projet porté par deux étudiantes de Sciences Po Paris, Mathilde Thorel et Bérengère Daviaud, Why-Not Women a pour objectif de promouvoir l'entrepreneuriat social féminin et de soutenir les entrepreneures sociales dans le développement de leur entreprise. Pendant un an, Mathilde et Bérengère effectuent 6 missions de conseil auprès de femmes entrepreneures sociales en Afrique et en Asie afin de mettre en place les stratégies et outils pertinents pour leur entreprise. Why-Not Women souhaite inspirer les jeunes générations à l'entrepreneuriat social tout en donnant une voix aux actrices du changement social. Elles nous présentent ici Apps & Girls, l’entreprise sociale qu’elles ont suivie en Tanzanie.

En Tanzanie, comme partout ailleurs, les femmes utilisent moins les nouvelles technologies (TIC) que les hommes. Ces disparités d’accès et de maitrise des nouvelles technologies creusent d’autant plus les inégalités entre hommes et femmes. App&Girls s’attaque à ce gender gap technologique et permet aux jeunes filles de devenir actrices de changement en maîtrisant le langage informatique.

 

App&Girls : les filles s’emparent des nouvelles technologies

apps and girls

Carolyne Ekyarisiima est une jeune entrepreneure, passionnée par l’enjeu des nouvelles technologies, et fermement décidée à en faire profiter les jeunes filles Tanzanie. Originaire de Kampala, Uganda, elle vit aujourd’hui à Dar Es Salaam, capitale économique de la Tanzanie. Carolyne est diplômée en informatique et a enseigné cette matière à la Kampala International University of Dar Es Salaam. Que ce soit en tant qu’étudiante ou enseignante, Carolyne s’est toujours désolée de voir si peu de jeunes filles dans les classes d’informatique. D’autant plus désolée que selon elle, les nouvelles technologiques sont de formidables outils pour lutter contre les inégalités de genre et donner plus de visibilité aux femmes. Carolyne prend rapidement conscience que le travail d’éducation et d’information doit être effectué auprès des jeunes élèves. Or, les cours de technologie sont délaissés dans les écoles primaires et secondaires. Pis, les jeunes filles croient que l’informatique est une matière de garçons. Convaincue qu’en tant que femme, elle peut agir pour faire changer les mentalités, Carolyne démissionne de son poste d’enseignante et crée Apps and Girls. Son objectif? Une égalité d’accès et de maitrise des nouvelles technologies entre hommes et femmes.

Apps and Girls est une organisation Tanzanienne, basée à Dar Es Salaam, dont l’activité principale est de dispenser gratuitement des cours de code et d’informatique à des jeunes filles âgées de 10 à 18 ans. Apps and Girls a été créé avec l’objectif de participer à la réduction des inégalités d’accès aux TIC entre les hommes et les femmes. En permettant aux jeunes filles du primaire et secondaire de développer des compétences en informatique, Carolyne Ekyarisiima espère réveiller une génération des jeunes femmes conscientes de leur potentiel d’action en tant qu’ingénieurs, entrepreneurs et leaders.

Après un an et demi d’activité, Apps and Girls intervient dans 9 écoles de Dar Es Salaam (et trois partenariats de plus attendus en janvier 2015), et a formé plus de 240 jeunes filles à utiliser un ordinateur et coder leur propre site Internet. Apps and Girls compte aujourd’hui une dizaine de formateurs bénévoles et deux salariés à temps-plein qui se relayent pour animer cours hebdomadaires de code, Hackaton, Boot Camps et compétitions annuelles.

Les défis actuels d’Apps and Girls sont plus complexes qu’on ne pourrait le croire à première vue. Bien évidemment, l’association a un besoin urgent de se doter de plus d’ordinateurs afin d’être en capacité d’accueillir plus de jeunes filles aux formations et de ne plus dépendre du matériel fourni par les écoles primaires et secondaires. Pourtant, « le plus grand défi, nous confie Carolyne Ekyarisiima, ce sont les parents ». Certains parents d’élèves refusent d’investir du temps et de l’argent dans l’éducation de leurs filles.

Carolyne souligne la difficulté de les convaincre du potentiel des nouvelles technologies : « Beaucoup de parents pensent que c’est une affaire de garçons, et que des filles n’y comprendront rien. Certains parents pensent même qu’Internet est un outil dangereux qui portera préjudice à leurs filles. Parfois, il suffit de leur expliquer ce que nous enseignons pendant les formations pour les faire changer d’avis. Mais parfois, des jeunes filles doivent abandonner la formation en cours ». Le plus grand défi pour Carolyne est donc de parvenir à faire évoluer les mentalités et de faire prendre conscience aux adultes des avantages qu’offrent les TIC à leurs enfants.

Nous avons pu observer deux principaux facteurs expliquant ce « gender gap ». D’une part, les parents sont traditionnellement moins enclins à investir temps et argent dans l’éducation de leurs filles que dans celle de leur fils. Les jeunes filles étudient moins longtemps que les garçons, disposent de moins de supports pédagogiques, et de libertés d’adhérer à des clubs d’informatique. D’autre part, comme l’explique Steve Henn, dans son article When Women stop Coding [1], il semble que les garçons soient naturellement plus attirés par les outils multimédias en raison du marketing des TIC. Les jeunes garçons grandissent avec des jeux vidéos designés pour eux : logique donc qu’ils s’approprient plus facilement l’outil informatique. Permettre aux femmes d’accéder aux nouvelles technologies, c’est opérer un mouvement de conscientisation de leurs droits, améliorer leur visibilité en ligne et favoriser leur émancipation grâce à de nouveaux outils [2].

Chaque année au mois de décembre, Apps and Girls organise une Compétition rassemblant près de 150 jeunes filles venues défendre un projet d’utilité sociale. Les mois précédant la compétition, les équipes d’étudiantes élaborent des solutions IT pour répondre à des besoins sociaux ou environnementaux. Elles mettent ainsi en pratique les compétences acquises lors des formations de code dispensées par Apps and Girls. Cette année, Apps and Girls comptait plus de 40 projets en lice.

Why-Not Women a rencontré une dizaine d’équipes (ref. video ‘Hackaton and Competition Teaser) lors de sa mission à Dar Es Salaam. Parmi tous ces beaux projets, celui de Winnie Godlove, jeune collégienne de 15 ans, a particulièrement retenu notre attention. Ecœurée par le traitement infligé aux femmes souffrant de fistules [3] après un accouchement difficile ou un viol, elle veut en finir avec les tabous qui oppressent les victimes. Chaque année, on décompte plus de 3 000 cas de femmes souffrant de fistules en Tanzanie. Celles qui ne sont pas opérées rapidement, sont rejetées de leur communauté et meurent d’infection dans les jours qui suivent. Or des traitements existent et pourraient sauver des milliers de vies. Forte de ses nouvelles compétences en informatique, Winnie décide de créer une plateforme de discussion en ligne – Fanikisha Mama – pour permettre aux rescapées de témoigner, partager leurs expériences et conseils avec d’autres femmes souffrant de fistules. D’autre part, la plateforme devrait permettre aux visiteurs d’effectuer un don en ligne pour aider une femme à se reconstruire en démarrant une activité génératrice de revenus. Winnie espère pouvoir aider des milliers de femmes à se reconstruire, ou simplement empêcher la mort de centaines d’entre elles. Si la plateforme n’est pas encore active sur le web, Winnie a remporté la Compétition Apps and Girls le 12 décembre dernier.

Pour voir le témoignage des jeunes filles :

Apps and Girls ne se contente ainsi pas de former des jeunes filles à rédiger des lignes de codes. Carolyne, et les autres formateurs bénévoles leur permettent de mettre leurs connaissances au service de causes sociales ou environnementales, et ainsi de se positionner en tant qu’actrices de changement pour leur pays. De ce fait, Apps and Girls participe à l’émergence d’une génération de jeunes femmes engagées, compétentes et responsables.

 

Bérengère Daviaud et Mathilde Thorel – Why-Not Women

 

Présentation Why-Not Women : https://www.youtube.com/watch?v=47pB2AwwqCo

Site internet : www.whynotwomen.wordpress.com

Blog : www.wnwomen-blog.tumblr.com

Facebook : https://www.facebook.com/pages/Why-Not-Women/207965672733912

 

[1] Steve HENN, October 2014, When Women Stop Coding [disponible en ligne], Disponible sur http://www.npr.org/blogs/money/2014/10/21/357629765/when-women-stopped-coding, (page consultée le 5.12.14).

[2] The UN Fourth Conference on Women, Platform for Actions, Beijin, 1995, Art. 237.

 

 

[3] Fistule : descente des organes génitaux de la femme qui provoque de sévères infections et la mort, si une intervention chirurgicale n’est pas pratiquée rapidement.

 

 

Aphrodice Mutangana, entrepreneur social au Rwanda

"Quand on veut aller vite, on y va seul. Quand on veut aller loin, on y va ensemble"

Entrepreneur rwandais actif dans les nouvelles technologies, Aphrodice Mutangana est à l'image de cette jeune génération du pays des Mille Collines qui rêve de « faire la différence » et d'être actrice du changement.  Une ambition qui ne relève pas que de la rhétorique.  À 29 ans, Aphrodice peut déjà se prévaloir de quelques belles réalisations : à la tête de son entreprise, il a lancé m-Health[1], une application mobile qui propose des conseils de santé à ses abonnés ainsi qu’un suivi personnalisé avec des professionnels du corps médical. De quoi impressionner les membres du jury de Seedstars World[2]– une organisation basée en Suisse qui récompense les meilleures start-up dans les pays émergents- pour que ces derniers lui attribuent en 2013 le premier prix régional en Afrique de l’Est. Mais le jeune entrepreneur, non content de développer sa seule affaire, cherche aussi à apporter sa pierre à l’édifice du nouveau Rwanda en construction. En parallèle à son activité professionnelle, il a co-initié bénévolement Incike[3], un site de financement participatif qui vient en aide aux victimes du Génocide ayant perdu tous leurs enfants.  Une contribution symbolique de plus pour cet autodidacte de la high-tech – il a étudié l’agronomie-, cité en exemple dans le prestigieux Washington Post[4], et qui se définit d’abord comme un entrepreneur social.  Entretien.  

APHRODICE MUTANGANA

Aphrodice, pourrais-tu brièvement te présenter ?

Je suis un entrepreneur rwandais, créateur d’une entreprise positionnée sur le segment des nouvelles technologies, et dont le produit phare est une application mobile dédiée aux conseils de santé, m-Health.  Ma formation initiale est cependant l’agronomie – l’horticulture-, bien loin donc de mon environnement professionnel actuel, les technologies de l’information et de la communication. C’est un univers que j’ai découvert comme un à-côté, en autodidacte. Intéressé depuis longtemps par le secteur de la santé, je me suis finalement lancé dans l’aventure entrepreneuriale. Une façon comme une autre d’assouvir mon inclination par des voies autres que celles suivies par les praticiens de cette filière -médecins, infirmiers, pharmaciens-. Au final, je me définis d’abord comme un entrepreneur social, qui développe une activité à la fois profitable et utile à l’ensemble de la communauté.

L’entrepreneuriat social justement. Peux-tu nous décrire les différentes initiatives que tu as prises dans ce domaine ?

foyomLa première concerne bien entendu m-Health. L’idée de base était de fournir, via le téléphone mobile, des conseils de diététique et de santé aux personnes souffrant de certaines maladies chroniques (diabète, insuffisances respiratoires…) ainsi qu’un suivi personnalisé avec des professionnels de la santé. L’application automatise les réponses aux questions les plus fréquemment posées par nos abonnés, et le cas échéant, permet d’interroger à distance un spécialiste sur une requête plus spécifique. Un service utile et pratique qui permet bien évidemment de dégager un revenu. Mais l’entrepreneuriat social va bien au-delà. Dans le cadre de l’initiative Incike, un programme soutenu par les autorités et destiné à soutenir les personnes âgées ayant perdu tous leurs enfants pendant et après le Génocide,  nous avons développé avec d’autres bénévoles un site de financement participatif afin de collecter les fonds nécessaires à ce type d’action. C’est là un exemple typique de ce que peut faire l’entrepreneuriat social : mettre en commun des compétences en vue de fournir une prestation qui exercera un impact positif sur la collectivité, et ce sans avoir nécessairement un retour financier immédiat.  Dans la même veine, mon site personnel Mutangana.rw[5], lancé il y a peu, cherche quant à lui à agréger et faire partager gratuitement certaines idées d’affaires à développer, tous secteurs d’activité confondus. Celle ou celui qui se sent en mesure de reprendre à son compte une idée de business, et d’en faire une activité profitable, tant mieux.  Sur le long terme, une idée n’a de valeur pour la société que si elle est suivie d’une exécution réussie qui profite au plus grand nombre. Le site n’est qu’une plateforme, un outil au service de tous.

Des initiatives qui ont en tous les cas contribué à te faire connaître d’un plus grand public. Prix de la meilleure start-up régionale, couverture dans les médias locaux et internationaux (France 24, Washington Post). Quel est ton sentiment par rapport à cette visibilité grandissante ? 

De la fierté bien sûr, mais en même temps, beaucoup d’humilité. Je sais d’où je viens, me souviens des difficultés et obstacles surmontés, des sacrifices consentis. Il y a beaucoup de travail pour en arriver là, on apprend donc à remettre les choses en perspectives et à savourer l’instant présent. Mais sans jamais perdre de vue le chemin à venir, les projets qui restent encore à accomplir.

Parle-nous de tes projets en cours.

A court terme, je vais continuer à développer mon application mobile en tâchant de la dupliquer sur une plus large gamme de systèmes d’exploitation (Android, Windows Phone, iOS d’Apple). Cela reste la meilleure façon de toucher une clientèle plus large, et pas uniquement au Rwanda. Si le produit est bon, il peut a priori être répliqué ailleurs. J’attends beaucoup aussi de mon site Mutangana.rw de partage d’idées. Contacts multiples, mentorat, possibilités de financement, c’est l’essence de l’entrepreneuriat social. Enfin, je souhaiterais développer une activité plus centrée sur l’événementiel, telle que l’organisation de colloques et forums portant sur les opportunités d’affaires au Rwanda et dans la sous-région. Ce qu’il faut, c’est un point de rencontre entre investisseurs et entrepreneurs, une plateforme où chacun pourrait obtenir ce qu’il est venu chercher. Des capitaux et une méthode managériale pour les entrepreneurs, des équipes compétentes et de bonnes idées sur lesquelles se positionner pour les investisseurs.  En clair, mettre à disposition tous les ingrédients nécessaires à la réussite.

Un dernier mot sur ces facteurs de réussite. En tant que chef d’entreprise, quels conseils donnerais-tu à celles et ceux qui se souhaitent se lancer dans l’aventure entrepreneuriale ?

Il faudrait idéalement toujours faire ce que l’on aime. Ce sera d’autant plus utile lorsque les choses se compliqueront et que les difficultés, immanquables, surviendront. A ce titre, dans le contexte souvent précaire et changeant qu’est l’entrepreneuriat, la persévérance, la débrouillardise et la flexibilité sont incontestablement des qualités qui peuvent faire la différence. La créativité peut aussi être un plus indéniable, mais elle devra, pour être efficace, se baser sur les besoins concrets de vos clients, fournisseurs et partenaires. Il faut donc être constamment à l’écoute, sensible aux signaux donnés par le marché, tout en se concentrant sur l’essentiel et en connaissant ses limites. Dernier point enfin, et probablement le plus important : savoir travailler avec d’autres personnes, c’est indispensable. Quand on veut aller vite, on y va seul, mais quand on veut aller loin, on y va ensemble.  

Propos recueillis par Jacques Leroueil à Kigali

Pour aller plus loin : https://www.youtube.com/watch?v=B_84fPKNORQ

 


[1] http://www.foyo.rw/

 

[2] http://www.seedstarsworld.com/

 

[3] http://www.incike.rw/

 

[4] http://www.washingtonpost.com/world/africa/20-years-after-the-genocide-rwanda-looks-to-a-tech-revolution/2014/04/04/bbde2df2-bb4a-11e3-80de-2ff8801f27af_story.html

 

[5] http://mutangana.rw/

 

Le potentiel des start-ups sociales pour répondre au défi de l’électrification rurale

1,3 milliards de personnes dans le monde vivent actuellement sans électricité, et dépendent de carburants traditionnels aux prix élevés et aux effets néfastes afin de satisfaire leurs besoins énergétiques de base.

La majorité des foyers dépourvus d’accès à l’électricité vivent dans les régions rurales des pays en voie de développement. Ces régions, souvent isolées et parfois difficiles d’accès, sont largement laissées pour compte dans les grands plans étatiques pour étendre les réseaux nationaux de distribution[1]. Ce problème de grande échelle se révèle aujourd’hui être un terreau fertile pour le développement de start-ups sociales, dont les initiatives privées offrent une alternative de plus en plus crédible aux projets humanitaires.

Les organisations à but non-lucratif ont certes remporté de beaux succès avec la réalisation de projets ayant eu un impact significatif sur les conditions de vie de millions de bénéficiaires. Cependant, elles se heurtent également à de nombreuses difficultés, au premier rang desquelles figure le caractère limité de leurs ressources, qui ne leur permet pas d’atteindre une échelle véritablement significative en regard de l’immensité des besoins. La multiplication de leurs projets passerait en effet nécessairement par une multiplication correspondante de leurs financements, ce qui est extrêmement difficile dans le cadre d’un paradigme philanthropique. 

Et de fait, le nombre de personnes dépourvues d’accès à l’électricité reste extrêmement élevé. Selon les prévisions de l’IEA, ce nombre restera même relativement stable au cours des prochaines années, notamment en raison d’une croissance démographique plus rapide que le rythme des nouvelles connexions.

tableau poweronPrévisions de l’Agence Internationale de l’Energie

Vers un changement de paradigme

Un changement de paradigme est donc nécessaire. Un consensus semble se créer progressivement autour de l’idée que ce problème pourrait être éliminé dans la prochaine décennie s’il était démontré que la fourniture d’électricité aux communautés isolées pouvait être réalisée de façon durable et rentable. Le déclin continu du prix des technologies renouvelables au cours des dernières décennies a en effet rendu les solutions de marché accessibles aux habitants les plus pauvres de la planète, qui consacrent aujourd’hui jusqu’à 30% de leur budget à l’énergie.

L’implication du secteur privé dans ce secteur d’intérêt général nécessite cependant de nouveaux business models, adaptées aux populations les plus pauvres (Base of the Pyramid). Les pratiques traditionnellement adoptées par les grands acteurs en place ne prennent pas en compte leur contexte particulier et ne peuvent ainsi pas répondre à leur besoin en énergie.

Ces nouveaux business models sont actuellement principalement développés par de jeunes start up sociales innovantes, dont les premières expérimentations contribuent progressivement à la structuration d’un nouveau marché de l’électrification rurale[1].

D.light a distribué 8 millions de lampes solaires en 7 ans


Une première vague de ces start up à fort impact s’est matérialisée à partir de la deuxième moitié des années 2000, avec la multiplication d’entreprises distribuant des lampes et kits solaires. Certaines de ces entreprises sont extrêmement performantes, à l’image par exemple de d.light qui annonce avoir vendu 8 millions d’appareils solaires en 7 ans d’existence.


Ce mouvement est encouragé et coordonné par les grandes organisations internationales dont la vocation est de faciliter la réalisation des objectifs millénaires du développement, telles que la Banque Mondiale à travers le programme dédié Lighting Africa. Le développement de ces start-ups est par ailleurs soutenu par des investisseurs intéressés par le potentiel à la fois social et financier de ces entreprises.

 

Structuration d’un nouvel écosystème, au service de l’innovation sociale

« Les lampes solaires ne suffisent pas à éliminer la pauvreté. Il faut réussir à alimenter des usages productifs » – K. Yumkella, UN Under-Secretary-General – Special Rep & CEO – Sustainable Energy for All

Ceci étant, ces entreprises sont loin de régler totalement le problème de l’accès à l’électricité. Les solutions qu’elles proposent permettent en effet de révolutionner les usages énergétiques domestiques dans les foyers BoP off-grid, et ce faisant d’améliorer radicalement leurs conditions de vie. Malgé tout, elles ne suffisent pas à répondre à une demande plus intense concernant les usages collectifs et économiques (alimentation électriques de centres de santé, de petites entreprises et ateliers, qui demandent des puissances qu’un kit solaire ne pourra jamais délivrer).

Ce sont pourtant ces usages qui in fine enclencheront un réel développement dans les zones rurales. Pour y répondre, une deuxième vague a émergé, qui s’attaque à des solutions d’électrification d’une autre ampleur, à même de fournir des puissances électriques capables d’alimenter des appareils et machines jusque dans les régions les plus reculées. Ce besoin a là encore été bien compris par les grandes
institutions internationales, à l’image des Nations Unies à l’origine de l’initiative Sustainable Energy For All qui s’attache à mettre en réseau les acteurs de cette nouvelle industrie et à leur fournir des données et ressources susceptibles de faciliter leur action.

Husk Power System – Success story du nouveau paradigme de la fourniture d’électricité pour le BoP

Le meilleur exemple de ces start-ups dédiées à l’électrification rurale est à mes yeux celui de Husk Power Systems. A l’aide de leur technologie de gazification de biomasse (cosses de riz) associé à du solaire photovoltaïque et de réseaux de distribution low cost en bambou, la start up indienne a pu construire près d’une centaine de minigrids depuis 2007 et commence aujourd’hui à s’implanter en Afrique de l’Est. Ses minigrids sont capables de produire une électricité à un prix très attractif pour les habitants des régions les plus pauvres du monde. Les bénéficiaires les plus pauvres sont impliqués durablement dans leur électrification.

Plusieurs grands groupes industriels du secteur électrique traditionnel développent de leur côté des initiatives tournées vers le BoP s’inscrivant pour la plupart dans le cadre de politique de responsabilité sociale et environnementale (comme par exemple le programme BIPBOP de Schneider Electric). Mais la dynamique globale dans ce domaine est surtout portée par quelques dizaines de start-ups qui développent leurs propres modèles dans différentes régions à travers le monde, chacune expérimentant différents choix technologiques et différents modèles d’affaires susceptibles de rendre les projets à la fois durables et rentables.

Frilosité des financeurs…

La plupart des projets sont encore relativement récents et ne sont guère au-delà de la phase pilote. C’est bien en raison de cette incertitude fondamentale que ce mouvement reste pour l’heure soutenu majoritairement (et assez paradoxalement) par des acteurs issus du secteur philanthropique. Ce sont en effet les fondations (parfois issues de grands groupes de la filière comme la Fondation Shell), les donneurs privés et certains fonds public dédiés à l’aide au développement qui assument le financement d’une l’innovation sociale jugée encore trop risquée ou pas assez rémunératrice par les financeurs de l’économie traditionnelle.

D’un point de vue d’ensemble, cette situation est assez regrettable dans la mesure où en renonçant à jouer leur rôle, à l’image des fonds de capital risque traditionnels, les « Venture Philanthropists » privent nombre de start-ups des fonds qui leur seraient nécessaires pour émerger. Ces derniers préfèrent en effet se concentrer sur le créneau du capital développement, afin d’accompagner des entreprises déjà établies (et situées dans la première vague citée plus haut) dans leur changement d’échelle. Pourtant, les montants pour lancer un pilote, relativement limités par rapport aux tickets moyens dans les deals avec les start-ups, leur permettraient de prendre des positions intéressantes dans de nouveaux projets tout autant, voire plus prometteurs.

…en dépit d’un vrai potentiel de disruption pour tout le secteur

Toujours est-il que nous assistons actuellement à la naissance d’une nouvelle classe d’acteurs, qui vient disrupter le secteur de la fourniture d’électricité par le bas, c’est-à-dire en s’attaquant à un segment du marché (les communauté off-grid situées à la Base de la Pyramide) qui est resté durant des années inaccessible aux acteurs traditionnels (si ce n’est totalement négligé).

Power:On, l’entreprise sociale dont je suis le fondateur, s’inscrit pleinement dans cette dynamique. Power:On est un fournisseur d’électricité dédié aux villages isolés des pays en voie de développement, exploitant des minigrids hybrides photovoltaïque-diesel, efficients et intelligents, tirant parti de ressources renouvelables locales. Notre mission est de révolutionner le rapport de communautés rurales à l’énergie – pour un prix moins élevé́ que ce que nos clients dépensent actuellement en carburants fossiles de mauvaise qualité́.

Power:On vend des contrats prépayés, liés à des catégories d’usages énergétiques spécifiques tels que l’éclairage, l’utilisation d’un moulin électrique, d’un réfrigérateur ou d’une pompe électrique. Chaque client a donc accès à l’électricité́ en fonction de ses besoins et de ses ressources.

Nos systèmes sont ainsi optimisés et conçus sur-mesure, en réponse aux demandes exprimées par nos clients qui sont les entreprises, les foyers et les services publics. Nous avons également voulu tirer parti des nouvelles technologies pour affirmer notre crédo : le BoP n’implique pas le low cost et la faible qualité de service. Au contraire, les technologies numériques permettent de mieux communiquer avec les clients, de proposer une excellente expérience utilisateur et de promouvoir des usages responsables. Le contexte BoP représente une opportunité́ unique de transformer le métier de la fourniture d’électricité́, en adoptant des technologies de nouvelle génération sans pâtir d’un héritage d’installations obsolètes.

Grâce au déploiement de réseaux de compteurs intelligents, nos clients peuvent ainsi contrôler, payer leur consommation et recevoir des conseils d’efficacité énergétiques personnalisés directement sur leurs téléphones mobiles. Ces mêmes technologies de l’information et des communications permettent aussi à nos réseaux de devenir intelligents et d’optimiser leur fonctionnement en temps réel. Enfin, la gestion des systèmes isolés est facilitée par la mise en place d’une plateforme de maintenance et de formation technique en ligne.

Power:On est actuellement en pleine préparation d’un premier projet pilote au Bénin, pour la fin de l’année 2014.

Notre objectif à travers ce premier projet est de démontrer la viabilité de nos modèles technique et économique, et leur capacité à produire un impact social et des retours financiers significatifs. Ce faisant, nous participerons à la structuration d’un écosystème capable de mobiliser les ressources nécessaires au changement d’échelle de ces nouvelles solutions, notamment par le biais de l’impact investing. Power:On pourra alors répliquer l’initiative dans d’autres localités au Bénin et dans la sous-région en 2015.

Tristan Kochoyan, fondateur de Power:on



[1] voir les précédents articles de Power On publiés sur leur blog : The pricing issue et Smart subsidies to fight poverty

 

 

INSPIRATION #2 : PRESENTATION DU FADEV

Avec l’explosion de sa démographie (1,9 milliards d’habitants prévus en 2050), la jeunesse de sa population active, la croissance urbaine la plus rapide du monde, ses richesses naturelles convoitées par le monde entier, l’Afrique est un continent en pleine mutation, riche de fortes espérances économiques.

Dans ce contexte, l’accélération de la réduction de la pauvreté par la croissance économique de son secteur privé est un enjeu majeur. Les MPME (micro, petites et moyennes entreprises) qui dominent le tissu productif du continent représentent sans aucun doute le cœur d'un développement économique réussi et endogène ainsi qu’un levier majeur d’amélioration durable des conditions sociales du continent.

En zone urbaine, comme en zone rurale, les TPE, PME et PMI, qu'elles soient formelles ou informelles, fournissent l'écrasante majorité des emplois, et donc des revenus stables à de nombreuses familles, de même que l’accès à des biens et services indispensables à la communauté. Leur développement doit consolider les postes existants et créer des emplois qualifiés qui permettront d'absorber les dizaines de milliers de jeunes africains qui arrivent chaque année sur le marché du travail. Portées par des entrepreneurs ouverts et talentueux elles permettent aussi une large diffusion et adaptation des richesses culturelles et des savoir-faire traditionnels. Présentes sur l'ensemble des territoires, elles contribuent également à éviter les déséquilibres entre régions et ainsi à y amenuiser les tensions sociales.

Or, pourtant essentielles au développement de l’Afrique, les petites entreprises se trouvent majoritairement bloquées par la question de leur financement.

Le fondement de l'initiative du Fonds Afrique Développement (FADEV |www.fadev.fr) repose justement sur le constat d’un manque fondamental dans l'offre de financement aux MPME. Ce champ dit de la "mésofinance" reste encore très peu couvert par les institutions financières, à des conditions compatibles avec les besoins des MPME.

Créé en 2005, le FADEV est un fond d’investissement solidaire reposant sur un mécanisme « d’equity crowdfunding », il collecte l’épargne de particuliers et d’acteurs institutionnels et l’injecte dans le cœur de l’économie africaine, les MPME, en mutualisant les risques pour les souscripteurs.

Infographie-processus-FADEV-simple

 

Innovant et précurseur, le FADEV a adopté une démarche fortement ancrée dans l'économie sociale et solidaire, qui répond aux caractéristiques suivantes: 

  • Le FADEV investit exclusivement dans des PMEs en développement, pour un montant de financement où la demande est forte et l’offre faible ou encore peu adaptée (entre 10 000 et 100 000euros) et propose des prêts à conditions préférentielles. Ces PME sont identifiées par nos partenaires locaux ou postulent directement sur le site du FADEV : http://www.fadev.fr/obtenir-un-financement
  • Après s’être assuré que l’entreprise respecte les critères de sélection et de solidarité qu’il promeut, le FADEV en devient actionnaire minoritaire et met en place un accompagnement technique et technologique sur mesure en plus de son appui financier. Ce suivi est assuré par un cabinet local issu du réseau FADEV, sélectionné pour son sérieux, et qui peut également être appuyé par des souscripteurs bénévoles. C’est un véritable partenariat qui se tisse durant les 5 à 7 ans que dure l’investissement et à l’issue duquel est proposée une transition vers des partenaires financiers plus adaptés à la nouvelle stratégie de l’entreprise.
  • Le FADEV promeut une vision et des vocations solidaires. Enregistré comme une coopérative à intérêt collectif, son capital est détenu par des particuliers ou partenaires soucieux du développement économique et social de l’Afrique. Avec un risque mutualisé et des attentes de rentabilité modérées, les souscripteurs et les entreprises du portefeuille partagent la même ambition : la réussite des bénéficiaires. Son sérieux lui a également valu l’accréditation Finansol et le soutien de l’Agence Française de Développement.
  • Après avoir réalisé une vingtaine d’investissements sans aucune faillite, le FADEV s’est doté en 2014 d’une plateforme de crowdfunding afin de permettre à de nouveaux souscripteurs d’investir plus facilement et d’accroître ainsi sensiblement ses capacités.

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Gamme de savon de la SPH

Si l’arrivée très commentée de fonds d’investissement sur le continent africain apparait en premier lieu comme une opportunité, peu d’initiatives y associent étroitement des objectifs sociaux et environnementaux ; et rares sont celles privilégiant l’investissement technique et financier dans des petites entreprises. La longévité du FADEV et la réussite de ses premières opérations sont pourtant le signal qu’un autre modèle est possible et même souhaitable pour les PME africaines.

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Moumouni KONATE (au centre) et son equipe au centre de fabrication

Le dernier entrepreneur accompagné de bout en bout, la Savonnerie Parfumerie du Houet (Burkina Faso), en témoignait en ces termes dans le septième et dernier rapport d’exercice adressé au FADEV: « Je voudrais confirmer l’avenir promoteur de notre maison commune qu’est la SPH et profite de l’occasion pour exprimer ma reconnaissance vis-à-vis du FONDS AFRIQUE DEVELOPPEMENT pour le travail audacieux abattu ainsi que toutes les opportunités qui nous ont été offertes à l’occasion de ce partenariat ».

Régulièrement, nous vous proposerons de découvrir le portrait d’entrepreneurs africains accompagnés par le FADEV dans cette rubrique Entrepreneuriat !

Martin Fleury et Johann Fourgeaud, consultants FADEV

Pour aller plus loin : http://www.fadev.fr/