L’intégration économique et monétaire est la dernière étape du processus d’intégration entre un groupe de pays. A l’image de l’ensemble des régions d’un pays, elle crée un vaste espace de communications entre les populations et une expansion de leurs libertés. Elle se traduit concrètement par la liberté de mouvement des personnes, des capitaux et des biens, gage d’une allocation optimale des ressources et de l’atteinte d’économies d’échelle au sein de l’union. Dès lors, la richesse créée au sein de l’union est plus élevée que la somme de celle qu’aurait créée par chaque Etat en l’absence de l’intégration. Il suffit donc d’un système de redistribution efficace pour que chaque Etat sorte potentiellement gagnant de cette intégration.
C’est cet idéal qui a poussé à la création de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) le 10 janvier 1994 regroupant l’ensemble des pays d’Afrique de l’Ouest ayant en partage le franc CFA comme monnaie commune. L’UEMOA a succédé à l’Union Monétaire Ouest Africaine précédemment créée pour gérer uniquement la politique monétaire commune aux Etats membres avec pour principale institution la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest. Après près de deux décennies d’existence, une première question non moins naïve est de savoir s’il était vraiment opportun de créer une union économique et monétaire. Ensuite, indépendamment des fondements de sa création, a-t-elle apporté davantage de revenus aux populations de la zone ?
L’UEMOA présente une particularité du fait que le processus d’intégration monétaire ait précédé l’intégration économique, au lieu de l’inverse. Dès lors, la question de l’opportunité d’une intégration économique ne se pose plus étant donné l’existence d’une union monétaire, puisque celle-ci est nécessaire pour s’assurer que les mécanismes d’ajustement économiques en cas de chocs sont similaires entre les pays. Ainsi, la remise en question de l’intégration économique renvoi à un examen de l’opportunité de partager à priori une monnaie commune ; autrement dit si l’union monétaire est une « zone monétaire optimale ».
D’un point de vue économique, l’UEMOA ne respecte pas les critères d’une « zone monétaire optimale ». En effet, même si leur production reste dominée par l’agriculture et le commerce, les différents Etats qui le composent ont des structures économiques différentes et sont donc soumis à des chocs du taux de change qui sont asymétriques. Par exemple, la Côte d’Ivoire réalise une balance commerciale excédentaire à cause de ses exportations alors que la plupart des autres pays ont une balance commerciale déficitaire. Dans ces conditions, un choc sur le taux de change bénéficie à certains pays contrairement aux autres.
Face à cette asymétrie les mouvements des capitaux notamment à travers la création de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières ne suffisent pas. De plus, les mouvements des personnes restent entravés par les coûts de transport et l’absence de débouchés significatifs dans les pays bénéficiaires des chocs asymétriques. Il en est de même pour les mouvements de biens qui demeurent limités par les barrières douanières. Même si des programmes économiques régionaux sont mis en œuvre pour compenser ces asymétries, leur ampleur est limitée à cause du financement. Or, il n’existe pas un mécanisme de stabilité financière permettant aux états de combler le déficit lié à la perte de la politique monétaire, à la mise en œuvre des critères de convergence et au manque à gagner sur les recettes douanières.
En dépit de ces défaillances, on note cependant un retournement de tendance du PIB par habitant depuis la mise en place de l’UEMOA en 1994. En effet, comme le montre le graphique ci-dessous, le PIB par habitant était en baisse juste avant la mise en place de l’institution. Toutefois, il a subit une hausse soudaine après 1994, principalement due à la dévaluation qui a impulsé les exportations de la Côte d’Ivoire. Sous l’hypothèse que l’effet de la dévaluation sur la balance commerciale devrait s’atténuer au bout de quelques années, on devrait assister à un retour à la tendance initiale. Au contraire, même si le PIB par habitant n’a pas continué sa croissance entre 1995 et 1999, il s’est stabilisé au lieu de baisser.
Source : Données issues du World Economic Outlook Database, April 2012, IMF. Le PIB est à prix constant.
Bien entendu, plusieurs autres facteurs comme la stabilité politique et l’accroissement des échanges internationaux avec la zone pourraient expliquer ce changement de tendance. Toutefois, ces résultats suggèrent que la mise en place et la gestion d’un cadre d’intégration économique en soutien à la monnaie commune n’a pas été sans aucun bénéfice pour les populations de la zone, sous l’hypothèse qu’il n’y a pas une aggravation significative des inégalités au sein des pays. Il en résulte donc que l’UEMOA constitue une institution d’intégration économique effective pour l’augmentation de la richesse globale de l’union. Toutefois, qu’en est-il du partage de cette richesse au vu de l’augmentation de la pauvreté dans certains de ses Etats membres ? Et quelle est le rôle économique de l’UEMOA en présence de la CEDEAO ?
Georges Vivien Houngbonon
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Merci pour cet article que j'ai lu avec beaucoup d'interet. La remarque sur le timing entre l'union economique et l'union monetaire (celle-ci etant anterieure a la precedente, contrairement par ex. a l'UE) est lumineuse. Rien que pour cela, la mise en place de l'UEMOA etait indispensable et ce afin de lisser les asymetries existant entre des economies pas forcement convergentes. On suivra donc attentivement les evolutions futures de l'UEMOA, d'autant plus que l'article semble indiquer qu'il y a deja des ameliorations significatives dans certains domaines (croissance economique, PIB par habitant…). Meme si il est parfois difficile de demeler la part des facteurs endogenes ou exogenes comme explication a cette bonne tendance, on peut raisonnablement penser en effet qu'il y a bien eu un "effet UEMOA". Pourvu que cela fasse boule de neige ! C'est tout le bien qu'on peut souhaiter aux pays de cette union.
Merci,
Je tiens sincèrement à vous fèlicitez car j'ai autre fois lus votre document pour la thèse de maitrise.