Des infrastructures « made in China » en Afrique: une contribution au développement?

arton44Le secteur ferroviaire a été l’un des premiers secteurs des investissements chinois en Afrique. Dans les années 1970, la construction de la ligne ferroviaire entre la Tanzanie et la Zambie (TANZAM) symbolisait la première étape de la contribution  de la Chine à l’aide au développement en Afrique. Dans sa politique d’urbanisation et de modernisation de ses villes, d’abord côtières et aujourd’hui intérieures, la Chine investit massivement dans les infrastructures. La volonté des gouvernements africains de favoriser le développement des infrastructures coïncidant avec la présence croissante d’entreprises chinoises va très vite promouvoir l’implication de celles-ci dans les projets de développement d’infrastructures en Afrique.

Des grands chantiers dans le domaine du transport (routier, ferroviaire et portuaire), des télécommunications et de l’hydroélectricité par exemple ont été attribués à des entreprises chinoises. Mais est-ce que les infrastructures « made in China » en Afrique, contribuent au développement ?

Comment la Chine a-t-elle réussi à simposer dans le secteur des infrastructures en Afrique ?

Le secteur de la construction occupe une place importante dans l’économie chinoise. La Chine depuis son ouverture s’est investie dans la construction d’infrastructures adéquates et modernes pour promouvoir sa croissance économique.

Afin de développer son réseau ferroviaire et assurer une mobilité rapide à sa population sur un vaste territoire, la société chinoise des chemins de fer a modernisé le réseau de transport ferroviaire en Chine. De nouvelles lignes ferroviaires ont été développées et des trains à grande vitesse ont été construits afin de réduire les longues heures de voyage entre les villes éloignées. En ce qui concerne le réseau routier, de vastes autoroutes et ponts ont été construits à travers le pays. Toutes ces réalisations ont contribué à la modernisation de la Chine. En 2008 avec l’organisation des Jeux Olympiques de Beijing, il y avait plus de chantiers en construction dans la seule ville de Pékin que dans toute l’Europe.

Ces chantiers infrastructurels de grandes envergures engagés par la Chine ont permis aux entreprises chinoises, qui ont largement contribué à leur réalisation, d’acquérir une expertise locale et de cibler aujourd’hui les marchés étrangers.

Ainsi l’avantage compétitif des entreprises chinoises à gagner les appels d’offre grâce à l’appui politique et financier des institutions chinoises d’Etat contribue à la présence galopante de la Chine dans le secteur des infrastructures en Afrique. Des prêts concessionnels et préférentiels octroyés à travers des accords entre la Chine et les différents pays africains sont consentis pour financer divers projets (ports, barrages, lignes ferroviaires, etc.).

Des financements de la banque chinoise d’exports et imports (EXIMBANK) et de la banque chinoise de développement ont également permis aux entreprises chinoises de travaux publics et de génie civil d’acquérir des projets au Gabon, en Mauritanie et plus récemment en Afrique du Sud. La crise financière de 2008 qui continue de secouer les pays développés a aussi contribué à cette forte présence des entreprises chinoises en Afrique. En effet, cette crise a réduit la capacité des institutions financières et entreprises occidentales à financer de grands projets de construction ; ce qui, d’une certaine manière, a contribué à la présence des entreprises chinoises dans le secteur de la construction d’infrastructures en Afrique. A cela s’ajoute la sous-traitance entre les grandes multinationales et les Petites et Moyennes Entreprises (PME) chinoises de construction qui elle a elle aussi facilité la présence d’entreprises privées chinoises de construction sur le continent.

Le manque d’infrastructures adéquates susceptibles de tirer la croissance en Afrique a été un frein aux investissements africains et étrangers. Pour palier ce manque, les Etats africains ont décidé de faire du développement des infrastructures une priorité. Ce besoin a été un des leitmotivs de la présence chinoise dans la construction d’infrastructures en Afrique. Ainsi, les entreprises chinoises sont présentes dans différents secteurs d’investissement: énergie, télécommunications, hydraulique; etc. 

LIDE chinois et développement dinfrastructures en Afrique 

Dans sa politique de coopération économique avec les pays en voie de développement, la Chine envisage de sécuriser des ressources tout en contribuant à la construction d’infrastructures. Par exemple, « l’Angola model », qui consiste à échanger des ressources parfois à de bas prix pour des projets de construction d’infrastructures, est une politique d’investissement de la Chine spécifique aux pays riches en ressources et parfois même là où le système politique est controversé.

L’expansion des investissements chinois à l’étranger permet à la Chine non seulement d’acquérir de nouvelles technologies, de nouveaux marchés mais aussi à ses entreprises de mettre en pratique et de tester leur expertise. Elle permet aussi à de nombreuses entreprises de construction d’accéder à un grand nombre de marchés étrangers, créer des emplois pour les ouvriers chinois et acquérir une réputation internationale dans le domaine de la construction.

Dans plusieurs pays d’Afrique – Angola, Zambie, Nigeria, RDC, Djibouti et Tanzanie – la Chine s’investit dans la construction ou la réhabilitation de routes ou voies ferrées. Le besoin accru de produire de l’électricité et de faciliter l’accès à l’eau a incité des pays  africains tels que le Ghana, le Soudan ou encore le Botswana à axer leur priorité sur la construction de barrages hydroélectriques qui intéresse les entreprises chinoises. A partir des années 2000, les entreprises chinoises ont été présentes dans la rénovation et la construction de voies ferrées en Afrique comme en Angola et au Nigeria où la rénovation de lignes ferroviaires (respectivement Benguela et Lagos-Kano) a été entreprise par la China Civil Engineering Company (CCEC). En 2009, les entreprises chinoises s’étaient investies dans 18 projets de construction au Botswana.

La Chine respecte-t-elle les normes et priorités de construction en Afrique? 

La présence galopante de la Chine dans le secteur du développement des infrastructures en Afrique suscite des questions liées aux normes et au développement durable par rapport notamment à la qualité de ses propres réseaux routiers et ferroviaires. 

Le problème immobilier qui secoue particulièrement les grandes villes chinoises s’ajoute aux défis auxquels le gouvernement chinois fait face pour éviter une crise immobilière qui pourrait toucher des millions de Chinois qui ont de bas salaires et qui voudront acquérir des logements. Cependant, de nombreux scandales liés à la corruption, à une mauvaise gestion et aux accidents (effondrements de ponts, collisions et déraillements de trains) sont apparus dans ces secteurs en Chine. Ainsi, des questions relatives à la qualité des infrastructures conduisent à réfléchir sur le savoir-faire des entreprises chinoises. 

L’ancien ministre chinois des chemins de fer a été déjà jugé coupable pour corruption et autres malversations financières qui ont mis certains projets d’Etat au ralenti. Des accidents sur les routes et les voies ferrées chinoises ont attiré l’attention des Chinois et de la communauté internationale sur l’exigence de normes et sur la qualité des projets de construction en Chine. Bien que le gouvernement chinois ait entrepris des réformes dans l’amélioration de la qualité et dans le système d’appels d’offres public de nombreux problèmes subsistent.

En effet, la courte durée de construction des chantiers chinois, les normes de construction non conventionnelles, la détérioration rapide des infrastructures après livraison et la corruption ont été déjà mentionnées à travers l’implication de la Chine dans des projets de construction à l’étranger.

La construction de barrages hydroélectriques qui doit générer de l’électricité et faciliter l’accès à l’eau dans plusieurs pays africains, tels que le Soudan, le Botswana et le Ghana a pollué des fleuves et conduit au déplacement de populations qui ont perdu leurs activités économiques.

De telles menaces encourues ont poussé certains pays à être plus exigeants en termes de contrôle des normes de qualité. En 2009, les entreprises chinoises s’étaient investies dans 18 projets de construction au Botswana. Mais récemment, le président du Botswana a déclaré que des systèmes de contrôles stricts devaient être mis en place pour évaluer de plus près l’implication des entreprises chinoises dans le secteur de la construction au Botswana. Des entreprises chinoises ont vu leurs projets suspendus afin d’évaluer si les règles et normes de construction en vigueur au Botswana sont respectées.

Un des projets de développement des infrastructures chinois en Afrique qui a récemment attiré l’attention de l’opinion publique est la construction d’une toute nouvelle ville à Luanda en Angola. Nova Cidade de Kilamba a été entièrement construite par l’entreprise chinoise d’Etat China International Trust and Investment Corporation (CITIC). Ce projet  s’est inspiré des nombreux projets immobiliers de la CITIC, en Chine, qui a développé de nouvelles cités avec tout un confort incluant système de transport, écoles, boutiques, cliniques, salles de sports, restaurants, etc.; autour aussi bien dans les grandes villes côtières que dans les provinces de l’intérieur. Mais ces villes chinoises qui restent encore inhabitées sont des « villes fantômes ». En effet compte tenu du prix élevé du loyer et de la grande majorité des Angolais vivant dans la pauvreté, la « ville fantôme » de l’Angola n’a pas attiré suffisamment de clients pour occuper ses 750 buildings de huit étages, chacun équipés de 12 écoles et de plus de 100 boutiques. Dans un pays comme l’Angola qui manque d’infrastructures de base et dont la capitale est surpeuplée, un tel investissement de luxe n’est pas une priorité! Il ne répond pas aux besoins de la grande majorité des Angolais qui ne bénéficient pas des revenus générés par les importantes ressources minières dont regorge le pays. Il est dit que l’Angola aurait échangé des ressources pour la construction de cette « ville fantôme ». Cet exemple devrait pousser les autorités africaines, particulièrement celles des pays riches en ressources naturelles, à savoir que le modèle d’échanges « ressources contre infrastructures » n’est pas à long terme durable.

Certes, les investissements chinois en Afrique constituent une opportunité et contribuent à diversifier le partenariat économique des pays africains mais ne sont pas une garantie pour le développement du continent. Une attention particulière des pays africains par rapport à l’engagement de la Chine en Afrique doit être portée sur l’exportation des problèmes d’environnement et de développement durable de la Chine en Afrique. La priorité doit être axée sur les besoins en infrastructures qui satisfont les populations dans les différents pays d’Afrique pour une relation à long-terme basée sur le développement durable entre la Chine et l’Afrique. Et pour ce faire, l’engagement des gouvernements africains à travers leurs ministères et agences compétents est nécessaire pour l’exécution des règles. La présence de la Chine dans le secteur de la construction d’infrastructures en Afrique devrait contribuer à la création d’emplois pour l’expertise locale dans les différents pays africains et au transfert de technologies et de connaissances. Bien que le manque d’infrastructures dans plusieurs secteurs pousse les gouvernements africains à favoriser des investissements étrangers de la part des bailleurs traditionnels et des économies émergentes, le modèle d’échange « ressources contre développement d’infrastructures » n’est pas durable et nécessite des critiques constructives. Le développement des infrastructures contribue au développement mais cela doit se faire sans heurts pour les populations.

Article écrit par Daouda Cissé et publié initialement sur le site du CICAD

Dak’Art 2014 : un discours pour inventer de nouvelles utopies

La 11ème édition de la Biennale de l’art africain contemporain s’est déroulée du 9 mai au 8 juin 2014 à Dakar.

Cette année, des changements ont été apportés à l’événement, avec le choix d’un nouveau lieu pour accueillir le Village de la Biennale et la désignation de trois jeunes commissaires qui ont apporté une véritable fraicheur dans le projet curatorial.

Enfin, autre particularité : la composition de l’exposition internationale met à l’honneur des artistes qui participent tous à leur première Dak’Art.

Faten RouissiDakar a vécu au rythme de la création contemporaine avec cinq expositions « IN » : l’exposition internationale, celle sur la diversité culturelle, celle sur l’art vert, les expositions hommage à Mbaye Diop, à Mamadou Diakhaté et au sculpteur Moustapha Dimé et environ 270 expositions « OFF ».

Cette année, le thème de la Biennale « Produire le commun » met en exergue le caractère foisonnant de la production contemporaine africaine dans l’optique d’une communauté de destins et d’une volonté d’aller au-delà de la diversité des sensibilités pour charrier une universalité de l’art africain dans un monde sujet à tous les bouleversements.

Produire le commun, non pas dans une recherche – vaine – et inutile d’uniformité, mais dans un élan de substitution d’une dynamique collective censée poursuivre la trajectoire de Dak’Art vers son idéal de re-création d’un univers propice à l’affirmation d’un art africain dépouillé de tous ses complexes.

Produire le commun, dans un moment fédérateur d’énergies créatrices pour recréer dans la capitale sénégalaise, 30 jours durant, ce « Tout-Monde » cher à Glissant.

Cette diffusion dans l’espace public d’œuvres toutes porteuses de messages, fruit d’une créativité, est une volonté de graver dans le marbre le regard porté sur notre monde par une communauté d’artistes : celle qui a un lien avec le continent et ailleurs.

Dans un texte de haute facture, Abdelkader Damani explique : Faire exposition est donc la réunion de divers « points de situation » en un seul lieu. La Biennale de Dakar en 2014 est une multiplicité reliée : c’est le sens premier que je donne à « Produire le commun ».

L’art africain a forcé les portes de la créativité mondiale pour s’imposer comme « art » tout court, en vue de ramener un continent économiquement et politiquement décentré au centre du débat mondial.

Cette entrée de l’art africain par effraction dans un univers auquel il fut longtemps exclu a été magnifiquement mise en scène par les trois commissaires dans la section « Anonymous » de l’exposition, où chaque artiste a accepté de déposer un objet, de façon anonyme, sans cartels, ni aucun signe apparent de reconnaissance du travail de l’un ou l’autre.

Ce choix, selon Elise Atangana, est la « création d’une œuvre commune [qui] symbolise la notion de « produire le commun ». Il s’agit d’une « évocation de l’accaparement de l’art africain, son exclusion de l’histoire de l’art puis son inclusion en tant qu’art dit « primitif » ou « premier » ».

Ainsi, « Anonymous » dessine la trajectoire de l’art africain : son passé « colonial », son présent d’affirmation et son futur rempli de perspectives heureuses.

Selon Damani :

« l’Afrique reste à ce jour l’unique endroit en capacité d’écouter le monde. C’est la terre où tout peut arriver y compris, et surtout, la rencontre des ailleurs, le devenir commun… L’Afrique est l’espace de l’écoute. Gigantesque parloir, on y vient, on y revient, pour se confesser de ses rêves, de ses peurs, de ses fantasmes parfois. Dans ce vacarme de ceux qui parlent, l’Afrique attend qu’on l’écoute ».

A Dakar, dans un contexte international marqué par des crises multiples et protéiformes, l’art africain a tenté d’apporter une réponse au monde en le questionnant sur des sujets cruciaux actuels.

Aucun visiteur ne fera l’économie d’une introspection sur sa responsabilité dans un monde en crise où la chute d’un système bancaire, la faillite des économies, la remise en cause d’un ordre politique et social construit après la Seconde Guerre, la banalisation de la parole raciste et xénophobe, les violences ethniques, le péril djihadiste, la place scandaleuse accordée aux femmes et aux minorités. Tous ces éléments déstructurent notre tissu humain et menacent la cohésion sociale.

Les artistes de cette Biennale ont interrogé notre monde, l’ont poussé parfois dans ses derniers retranchements, l’ont mis devant ses propres contradictions, proposant ainsi des ruptures, à la recherche d’un sens à notre vie commune.

Si les Biennales sont des open spaces, des « laboratoires » de réflexion  sur le monde dans le but d’en « extraire un instant de rêve et de lucidité », Dak’Art n’est guère en reste et s’inscrit dans cette tradition artistique de bouleversement d’un ordre établi et de déclinaison des nouvelles utopies censées irriguer notre devenir « en » commun.

Nous sommes de plus en plus plongés dans une ère de repli sur soi, de reflux dans le processus d’ouverture du monde, de la peur de l’autre. Les réflexes populistes se multiplient, la xénophobie, l’intolérance gagnent du terrain. Tout ceci étant antinomique avec une mondialisation qui s’annonçait inéluctable et rédemptrice.

Dans ce contexte, comme le suggère Smooth Ugochukwu,

« Il est attendu des artistes qu’ils apportent des réponses, car ils agissent comme des voyants de la société. Toutefois, même en s’engageant sur les réels problèmes de notre époque, comme les inégalités ou les conditions sociales difficiles des gens, ils ne doivent pas perdre de vue la sublime qualité qui fait que l’art reste tout court de l’art ».

C’est aussi donc sur ce terrain politique que l’on attendait Dak’Art. Et elle s’y est investie avec subtilité et engagement.

A la galerie Le Manège, le travail d’Abdoulaye Konaté nous interpelle sur la question précisément du rapport de l’usage de la religion dans un but d’ assouvissement de sinistres projets politiques, notamment avec le drame du Mali.

Mehdi Georges LahlouLe jeune Mehdi-Georges Lahlou, avec ses « 72 (virgins) on the sun » tourne en dérision les croyances, les fantasmes pour un appel à la résistance aux « sirènes du fanatisme ».

Oui, dans le contexte de résurgence des nationalismes et de l’instrumentalisation de la religion à des fins totalitaires, il était important qu’un discours fort surgisse d’Afrique ; cette Afrique dont on accusait justement le peuple de n’être pas rentré dans l’Histoire.

Au Village de la Biennale, la visite transporte dans de multiples concepts. Les artistes tournent en dérision des croyances fortes, critiquent notre modèle de société de consommation, purgent nos passions destructrices, bousculent nos certitudes et font vaciller nos convictions qui reposaient sur nos habitudes quotidiennes.

Rien n’a échappé au « désir d’art » de 61 artistes déclamant un autre « discours » de Dak’Art appelé à résonner dans tous les oreilles d’un monde qui a besoin que l’on fouette son sens de l’indignation et que l’on attise son essence d’humanité, au sens premier du terme.

Pour une biennale africaine, un questionnement a aussi eu lieu sur l’Afrique : son rapport à la contemporanéité et la nécessaire refondation de son modèle politique à l’aune des bouleversements intervenus notamment au Maghreb.

Kader AttiaKader Attia, avec « Independance Tchao », installation représentative d’une forme d’architecture ridiculement imposante d’un lieu toutefois désaffecté qui met  en avant l’échec des régimes post indépendance. L’artiste a interrogé les élites africaines : qu’avons-nous fait de nos souverainetés recouvrées dans les années 60 ?

 « Le fantôme de la liberté »  Faten Roussi, tourne en dérision la gestion de l’après révolution tunisienne avec une constituante qui a légué le pouvoir aux islamistes d’Ennahda. L’urgence pressante d’une thérapie collective s’impose, selon l’artiste, en vue de purger les passions, de vider les rancœurs et de prendre en compte les attentes nombreuses d’un peuple qui a souffert plus de deux décennies durant d’une dictature hermétique.

Avec une exposition internationale de très grande qualité composée notamment de John Akmomfrah, Wangechi Mutu, Ato Malinda, Olu Amoda, Andrew Esiebo, Justine Gaga, Nomusa Makhubu entre autres, l’articulation remarquable des regards des trois commissaires a permis de réussir le pari de l’événement et de relever le défi artistique.

Dak’Art garde son statut de première biennale africaine et demeure une formidable tribune pour un art africain arrivé à maturité et au centre des convulsions et des enchantements dont fait l’objet notre monde.

Hamidou ANNE

Élection présidentielle en Guinée-Bissau : Enfin le bout du tunnel ?

JPG_GuinéeBissau290514Le second tour de l’élection présidentielle en République de Guinée-Bissau, tenu le 18 mai dernier, a livré son verdict. Avec 62% des suffrages, José Mario Vaz a remporté face à Nuno Gomes Nabiam (38%) un scrutin qui vient couronner un énième processus de normalisation de la tumultueuse vie politique locale.

La République de Guinée Bissau a accédé à l’indépendance en 1973. Elle a connu une instabilité chronique, particulièrement depuis l’instauration du multipartisme au début des années 1990 : coups d’État et assassinats politiques ont rythmé sa marche vers la démocratie au cours des deux dernières décennies. Dans ce pays, en effet, aucun président élu n’a pu jusqu’ici terminer son mandat.

Le printemps démocratique que nombre de pays africains ont connu entre la fin des années 1980 et le début des années 1990 a pourtant aussi été ressenti dans cette ancienne colonie portugaise. En effet João Bernardo Vieira, arrivé à la tête du pays en 1980 à la faveur d’un putsch, décide en 1989 d’opérer des réformes pour consacrer de plus grandes libertés au plan politique. Elles aboutiront, dès 1991, à l’adoption d’une nouvelle Constitution. Les premières élections présidentielles et législatives sont organisées en 1994. Vieira bat au second tour l’universitaire et philosophe Kumba Yalà et devient le premier Président démocratiquement élu de Guinée Bissau. Il dirige le pays dans une relative stabilité pendant quatre ans avant d’être, en 1998, la cible d’une tentative de coup d’État qui plonge le pays dans une brève mais sanglante guerre civile.

L’armée sénégalaise interviendra pour barrer la route aux rebelles dirigés par le général Ansumane Mané par crainte de voir leur alliance avec les indépendantistes du Mouvement des Forces démocratiques de Casamance (MFDC) renforcer ces derniers qui tentent de faire sécession au sud du Sénégal. En mai 1999, les éléments de Mané finissent par prendre le pouvoir après que les militaires sénégalais se soient retirés. Vieira part en exil au Portugal. De nouvelles élections sont organisées par un pouvoir intérimaire et Kumba Yalà les remporte haut la main. Mais il est à son tour renversé en 2003. Après une transition de deux ans, le scrutin présidentiel de 2005 consacre le retour de Vieira au pouvoir. Il gouvernera encore le pays pendant quatre ans.

Le 1e mars 2009, le Chef d’état-major général de l’armée, Baptista Tagme Na Waie, est assassiné à la suite d’un attentat à la bombe. En représailles, des soldats se rendent, le lendemain, à la résidence officielle du Président Vieira et l’exécutent sans autre forme de procès. La présidentielle organisée la même année est remportée par Malam Bacai Sanhà qui décède au début de 2012, des suites d’une longue maladie provoquant du même coup une nouvelle période d’instabilité. Carlos Gomes Junior arrive en tête au premier tour des joutes électorales suivantes, tenues en mars 2012. Il est suivi de Kumba Yalà. Toutefois, les deux hommes n’auront pas l’occasion de s’affronter au second. Le coup d’Etat mené dans l’entre-deux tours, par le général Amadu Ture Kuruma, coupe court au dénouement de leur duel.

Pays classé au rang de narco-Etat

Autre phénomène qui ternit l’image de la Guinée Bissau, outre ces putschs à répétition, concerne le trafic international de stupéfiants. Depuis de nombreuses années, le pays est présenté comme une plaque tournante utilisée par les narcotrafiquants sud-américains pour faciliter l’acheminement de grandes cargaisons de drogues vers l’Europe et les Etats Unis.  Plusieurs sources attribuent d’ailleurs l’assassinat de Vieira à un règlement de compte organisé par des narcotrafiquants colombiens. Le contre-amiral Bubo Na Tchuto, ex-chef de la marine, considéré comme l’une des pièces maitresses de ce trafic, a été arrêté en avril 2013 avec six autres personnes dont deux Latino-Américains, puis envoyé dans une prison américaine. Il attend d’être jugé pour son rôle de premier plan dans ce réseau international.

Dans son rapport 2013 sur la criminalité transnationale organisée,  l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) révèle que la Guinée-Bissau fait partie d’un groupe de pays dont la valeur de la drogue qui transite sur le territoire est supérieure au budget militaire. Les experts de l’ONU affirment que cette situation favorise l’instabilité du pays, ternit son image et décourage les investisseurs. Son potentiel économique (un sous-sol riche en bauxite, phosphate et pétrole notamment) est ainsi largement sous-exploité.

Le scrutin de la rédemption

Après avoir vécu toutes ces péripéties, les Bissau-guinéens espèrent ouvrir un chapitre plus reluisant de leur histoire. Dans tout le pays on veut croire que le second tour du 18 mai marque une nouvelle ère plus apaisée pour qu’enfin la classe politique et les forces vives de la nation puissent se consacrer aux défis qui les attendent. Ces défis ont pour noms : une pauvreté endémique, un taux de chômage très élevé, un déficit énergétique qui plombe l’activité économique, la nécessité d’une réforme agraire, le manque d’infrastructures et de services sociaux de base, la corruption, la fragilité des institutions etc.

José Mario Vaz, 57 ans, était le candidat du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC). Ancien ministre des Finances, il a joué sur le registre de l’expérience. Sa connaissance des rouages de l’administration et ses compétences présumées en matière d’économie ont été mises en avant tout le long de la campagne pour convaincre l’électorat de sa capacité à pouvoir redresser le pays.

Il devra conduire ses concitoyens au redressement tant souhaité, et le taux de participation très élevé (80%) donne une idée de l’étendue des attentes. Seulement, il est porté au pouvoir par l’institution qui, avec l’armée, a le plus incarné la « malédiction » de ces vingt dernières années : le PAIGC, l’ancien parti unique. Sa capacité à se libérer des entraves de cet appareil gangrené par les luttes d’influence et souvent suspecté de corruption sera déterminante  pour la réussite de son action à la tête du l’État en termes de ruptures.

Ce scrutin de tous les espoirs, sécurisé par 4 200 soldats nationaux et ouest-africains, n’était en fait que le premier pas vers la normalisation. L’histoire a en effet montré qu’en Guinée-Bissau, le plus dur n’est pas d’organiser une élection dans des limites acceptables de transparence mais de donner la possibilité au vainqueur d’étaler les axes de son programme sur un mandat entier.

Nuno Gomes Nabiam, le candidat malheureux, était soutenu par l’armée. Leur champion défait, les militaires adopteront-ils cette fois une posture républicaine ? Laisseront-ils au Président élu les coudées franches ? Une interrogation largement partagée mais à laquelle il est difficile de répondre par l’affirmative même si l’actuel homme fort de cette grande muette turbulente, le général Antonio Indjai, a tenu à donner des gages à la communauté internationale. Les plus sceptiques rappellent toutefois qu’au lendemain du scrutin de 2009, il avait pris des engagements similaires avant de tenter et de réussir un coup de force moins d’un an plus tard.

Racine Assane Demba

 

Repenser la supervision bancaire en Afrique

185236742La récente crise financière a permis d’identifier les défaillances du système financier, appelant à des réformes de la réglementation et de la supervision bancaire[1]. Cette situation soulève naturellement des interrogations quant à comment une telle crise pouvait subvenir dans des pays censés être les plus avancés – et donc où la surveillance des risques financiers devrait être la meilleure. Entreprendre des réformes visant la supervision devient alors une priorité mais alors, au regard des défaillances mis en exergue par la crise de 2008, on peut bien légitimement s’interroger sur le champ d’application des réformes, sachant que les meilleures pratiques en la matière ont été incorporés dans les principes fondamentaux de Bâle[2] – qui est la référence en matière de contrôle bancaire et par rapport auxquels tous les pays tentent de se conformer. Plus particulièrement, dans le cadre africain, quel devrait être les orientations à donner aux réformes visant à redéfinir un nouveau cadre de supervision bancaire ?

La crise de 2008 a permis de mettre en exergue le fait que la solidité des banques ne suffit pas pour garantir la stabilité financière. Si cette dernière condition est suffisante, elle n’est pas nécessaire dans la mesure où les interconnexions entre les institutions financière sont à prendre en compte. L’industrialisation à outrance des activités bancaire et financière conjuguée à la complexité des outils d’ingénierie financière ont eu des effets néfastes sur le système financier. Ainsi la discipline de marché, à laquelle étaient soumises les banques en plus du rôle des agences de notation, n’a pu permettre de prévenir la crise ; d’où l’intérêt de réviser la supervision des activités bancaire et financière.

Les réformes qui sont envisagées au niveau international n’auront pas la même importance pour l’Afrique qui a été épargnée par la crise du simple fait que son système financier n’est pas suffisamment imbriqué dans les méandres de la finance mondiale. Cela n’appelle pas toutefois les pays africains à rester en marge des réflexions pour envisager un nouveau cadre de supervision bancaire. En effet, les réformes envisagées au niveau du Comité de Bâle auraient certainement des impacts sur l’activité bancaire dans les pays africains, même si ceux-ci n’ont pas adopté les principes fondamentaux de Bâle. Cela vient du fait que l’implication de l’Afrique dans le système financier mondial devient de plus en plus prononcée. Il faudrait donc que les acteurs chargés de la surveillance bancaire en Afrique entreprennent une évaluation de l’incidence de ces réformes. D’ailleurs, il faudrait que les pays africains réfléchissent à comment s’orienter vers l’adoption des principes de Bâle, dans la mesure où les pays africains sont dans une logique d’insertion dans l'économie mondiale. L’adoption de ces principes devient donc un préalable pour renforcer l’activité bancaire.

Si pour les pays africains, l’impératif des réformes ne répond pas à une défaillance du système bancaire mais plutôt dans une perspective des défis à venir, il faudrait toutefois que ces réformes tiennent obligatoirement compte de certains points; notamment la définition d'un cadre analytique bien structuré et la disponibilité d'un personnel compétent. En effet, la dernière crise a fini de démontrer que certains aspects fondamentaux de la surveillance bancaire ont été occultés avec l’évolution de cet exercice comme par exemple : la complexité de l’utilisation de la notion d’actifs pondérés suivant le risque ; la divergence du cadre prudentiel suivant les pays en lien avec la différence en termes de classification et de provisionnement du crédit ; le recours à des méthodologies très sophistiquées pour l’estimation de certains risques et la volonté des banques pour un cadre moins strict sur leur effet de levier en vue d’accroître leur rentabilité. Ainsi, un nouveau cadre de supervision devra s’appuyer non seulement sur la compétence des autorités en charge de cet exercice mais aussi sur une approche décentralisée au niveau des banques. Les organes de direction doivent être capables de mesurer les risques encourus par leurs établissements et d’évaluer leur adéquation vis-à-vis des fonds propres et de s’assurer que la gestion des risques se fait en fonction de leur nature et des activités de leur établissement. Les autorités en charge de la supervision, s’assureront pour leur part, que les banques mettent à leur disposition tous les documents relatifs à leur gestion et à leurs activités. Cela leur permettrait de déceler à l’avance les tensions existantes sur les fonds propres d‘une banque en fonction des caractéristiques des risques pris par cet établissement et de mener à temps les mesures correctives nécessaires pour éviter une déstabilisation du système.

Plusieurs approches existent en termes de surveillance bancaire :

  • le Bottom-up : il s’appuie sur des procédures d’audit, où toutes les institutions valident les états financiers en s’assurant de leur adéquation avec les contrôles internes. Cette approche appréhende le risque au regard des exigences du cadre réglementaire sans s’intéresser à son origine – qui peut être lié à un problème de gouvernance ou de gestion. Avec cette approche les banques sont amenées à diminuer les risques plutôt que de mieux les gérer.
  • le Top-down : elle se fonde sur une analyse financière globale en plus d’une analyse complémentaire des politiques, des systèmes et des pratiques de management. Les décisions prises aux niveaux supérieurs de la hiérarchie seront répercutées et traduites en plans d’actions suivis et maîtrisés par les dirigeants à partir d’indicateurs adéquats.
  • la supervision basée sur les risques : c’est une variante des systèmes de supervision qui améliorent le caractère préventif de la supervision bancaire. Elle s’appuie sur un cadre d’analyse pour évaluer les pratiques de gestion, de contrôle, des procédures et politiques, pour minimiser le risque et garantir une gestion saine des expositions aux risques. Cette approche accorde donc une importance particulière à la capacité des organes de direction des institutions financières à gérer les risques externes (concurrence, risques systémiques).

Cette dernière approche apparaît plus intéressante pour les acteurs en charge de la supervision bancaire dans la mesure où elle présente l’avantage de pouvoir distinguer les différents établissements financiers sur la base des profils de risques encourus. Elle permet ainsi de concentrer les ressources de la supervision sur les zones à plus gros risques et fournit un cadre flexible permettant de régler et de gérer prudemment les différents services financiers, au lieu de les interdire et de créer une entorse au développement de l’activité bancaire. Sa mise en oeuvre en Afrique nécessiterait un renforcement des compétences des acteurs en charge de la surveillance afin que ces derniers puissent être capables de distinguer et d’évaluer les différents types de risques encourus par les banques qu’ils examinent. Ces derniers devraient aussi disposer des outils leur permettant de mesurer et d’appréhender la solvabilité ou la vulnérabilité du système aux chocs macroéconomiques ou en fonction des prévisions portant sur l’activité économique (chômage, prix, croissance, ..).

Vouloir renforcer la solidité bancaire en renforçant la surveillance pourrait rajouter davantage de contraintes à la distribution de crédit, et donc sur la croissance économique, notamment en Afrique où les banques contribuent déjà assez faiblement au financement de l’économie et où des mesures sont prises pour favoriser une plus forte implication de ces dernières. Si le crédit aux PME et aux ménages constituent un moteur de croissance, il est aussi une source de création monétaire, contribuant à faire augmenter les prix et à entretenir des bulles notamment sur le marché de l’immobilier et sur les actifs boursiers. L’économie peut alors tomber dans une situation où le financier est complètement déconnecté du réel. Il s’agirait alors d’avoir un encadrement plus strict du cycle du crédit tout en favorisant le développement des systèmes de garanties, notamment en ce qui concerne les crédits destinés aux PME/PMI. Une telle approche permettrait de contrôler les risques inhérents aux PME/PMI, tout en maintenant le financement bancaire de ces entités, principales créatrices d’emplois.

Les systèmes financiers africains subissent des transformations rapides sans pour autant que les acteurs en charge de la supervision bancaire ne dérogent à leur approche en termes de supervision bancaire, bien loin des pratiques internationales. Si l’Afrique entend jouer une plus grande partition dans l'économie mondiale, il est plus que nécessaire qu’elle adapte son cadre de supervision bancaire afin de mieux gérer les risques auxquels ses institutions financières s’exposent et prévenir les risques de faillite, tout en ne pénalisant pas l’activité bancaire et son rôle dans l’économie. Pour ce faire, les pays africains pourraient s’appuyer sur un cadre où l’on accorde une place importante à l’analyse prospective du risque afin de permettre une intervention à temps pour assurer la stabilité et la pérennité du système bancaire.

Foly Ananou

Comité de Bâle, 2006. Principes fondamentaux pour un contrôle bancaire efficace

Gorton, 2008. The Subprime Panic. National Bureau of Economic Research Working Paper n° 14398

Fiecher J. et al, 2010. The Making of Good Supervision: learning to say no. IMF Staff position note n° SPN/10/18


[1] La supervision bancaire est importante dans la mesure où elle permet une évaluation des risques afin de préserver la solvabilité des banques et de garantir la stabilité financière

 

 

 

Les plateformes entrepreneuriales : cas de Concree

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Weebly, Legal zoom, Rockpost, Square, et Hootsuite; voici en 2012 selon le magazine américain Forbes le top cinq des meilleures plateformes au monde contribuant au développement de l’entrepreneuriat. Un concept qui n’est plus du tout à définir, l’entrepreneuriat a été reconnue depuis quelques décennies par les décideurs publics comme un moteur important de l’économie[1]. Ainsi, l’échange de bonnes pratiques et le coaching entre les nouveaux entrepreneurs et les plus expérimentés s’avère indispensable pour augmenter l’impact de l’entreprenariat sur les performances économiques. C’est dans ce cadre qu’intervient les plateformes comme Concree.

Dans le monde entrepreneurial une plateforme peut être définie comme une base de travail à partir de laquelle on peut mettre en plusieurs entrepreneurs d’un secteur, les orienter, leur apporter une assistance technique particulière et développer les outils nécessaires à la réalisation de leurs objectifs. L’un des rôles des plateformes entrepreneuriales est donc d’optimiser les démarches d’un nouvel entrepreneur.

Impact des plateformes sur l’écosystème entrepreneurial et sur les économies nationales

L’écosystème entrepreneurial fait référence à l’environnement entrepreneurial qui repose selon le Professeur Daniel ISENBERG sur six composantes : la culture, les politiques, le capital financier, les marchés, la main d’œuvre et les supports infrastructurelles.[2] Les plateformes entrepreneuriales, en optimisant les démarches des entrepreneurs, améliorent par la même occasion l’écosystème entrepreneurial à travers les changements qu’elles apportent à chacune des composantes de l’écosystème entrepreneurial.

Selon le magazine Forbes, les plateformes entrepreneuriales facilitent la création des entreprises. En effet grâce aux applications, logiciels, et sites web qui aident les entrepreneurs, le nombre d’entreprises créées a énormément augmenté dans le monde ces dernières années. Par exemple, en 2012 aux Etats-Unis d’Amérique, les jeunes entreprises communément appelés startup ont créé environ deux tiers des nouveaux emplois et sont sources d’innovations permanentes. Ainsi, les plateformes entrepreneuriales contribuent au développement même du secteur privé, qui est indispensable à l’économie toute entière.

‘’Concree’’, une plateforme entrepreneuriale pour l’Afrique francophone

Le 08 mai 2014, la startup Baobab Entrepreneurship a officiellement lancé sa plateforme dénommée ‘’Concree’’ (Connecter et Créer). Cette plateforme a été conçue pour offrir aux entrepreneurs les moyens de faire face aux challenges du monde entrepreneurial. Si l’Afrique anglophone est un peu en avance dans ce domaine avec des structures comme : Africa platform et Invest Africa ; Concree est la première du genre en Afrique francophone.

Concree a une vision assez claire de l’entrepreneuriat en Afrique et veut par des moyens efficaces contribuer au développement de ce dernier. La mission que s’est fixée cette nouvelle plateforme est de développer l’écosystème entrepreneurial au Sénégal et en Afrique à travers les nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC).

Concree met à la disposition de tout entrepreneur un espace de travail virtuel sécurisé et équipé d’outils dynamiques intervenant à chacune des phases de création d’entreprise. Elle propose un accompagnement avec un coaching adéquat des nouveaux entrepreneurs. En plus de cela la plateforme aide les nouveaux entrepreneurs à trouver des collaborateurs aux compétences complémentaires avec qui faire équipe. Sur le plan financier, Concree propose des solutions alternatives de financement adaptées aux jeunes entreprises. Enfin, elle met à la disposition de tout entrepreneur une base lui permettant de développer, d’améliorer et de tester son modèle économique et son business plan.

Les attentes sont nombreuses concernant cette nouvelle plateforme tellement les besoins du continent africain sont énormes. Même si Concree n’a pas encore fait ses preuves, il n’en demeure pas moins que des initiatives de ce genre sont à féliciter et font développer l’esprit de création d’entreprise qui est à la base de l’entrepreneuriat. Dans le domaine des plateformes entrepreneuriales, l’Afrique est encore très loin des autres continents mais on ose croire que d’ici quelques années davantage d’initiatives comme Concree vont émerger pour aider le secteur privé à jouer une partition plus importante dans les économies africaines.

Daniel Sessi


[1] Panorama de l’entrepreneuriat (2011)

 

 

 

 

 

[2] Introducing the Entrepreneurship Ecosystem: Four Defining Characteristics (2011)

 

 

 

 

 

Pétition contre l’utilisation d’images dégradantes des victimes du conflit centrafricain

Chers sympatisants

Le lancement de l'offensive de la France en République Centrafricaine a offert l’occasion aux médias internationaux de diffuser de manière massive un flot d'images  indécentes devenues habituelles à chaque fois qu'un conflit affecte l'Afrique : corps mutilés, blessures atroces, populations dans la détresse ; tout y passe. Les médias n’accordent pas la plus élémentaire des dignités humaines à ces hommes et femmes en proie à une détresse insoutenable.

Ce traitement est d’autant plus révoltant que les victimes ainsi mises en scène sont exclusivement les victimes africaines, les médias se montrant beaucoup plus prévenants dans le traitement de l’image des défunts occidentaux, comme l’illustre l’annonce du décès de deux soldats français au début de l’intervention.

Cette différence de traitement est inacceptable, car le respect dû au défunt dépasse toute notion de belligérants ou de convictions politiques. Le respect de la dignité humaine est un principe universel qui mérite d’être rappelé et défendu.

Tous les médias internationaux sont ici concernés: France 24, CNN, TF1, France2, Le Monde.

Nous appelons par cette pétition les médias internationaux à plus de retenue dans la publication des images des victimes de guerre et davantage de sensibilité à l’égard des victimes et de leurs familles. Nous leur recommandons notamment le floutage des images insoutenables des victimes, quelles qu’elles soient. Il est nécessaire de respecter la dignité des défunts et mutilés de guerre, qu’ils soient Centrafricains, Maliens, Libyens ou Afghans. Notre combat est pour toutes ces familles qui ont vu leursouffrance et leurs douleurs étalées sur la scène publique pour satisfaire le voyeurisme international. Notre combat est pour tous ceux qui ont souffert et souffrent encore d'un non-respect de leurs droits les plus fondamentaux.

Si vous partagez ce constat alors rejoignez-nous dans cette cause en signant la pétition et en la diffusant le plus largement possible: email, Facebook, Twitter LinkedIn…

Ensemble, nous ferons changer les choses !

 

#DignitéCentrafrique

 Voici le lien de la pétition : https://www.change.org/fr/pétitions/le-monde-dignité-aux-centrafricains-stop-à-la-violence-des-images-2

Association L'Afrique des idées

 

 

Une saison au Congo au Théâtre des Gémeaux

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Marc Nzinga dans le role de Lumumba, copyright Michel Cavalca
Je ne laisserai pas s’évaporer le souvenir de cette belle soirée au théâtre des Gémeaux de Sceaux. Frisquette, la soirée. J’ai failli me perdre dans les méandres de cette ville des Hauts de Seine qui recevait sur les planches larges de son théâtre, une interprétation inédite de la pièce d’Aimé Césaire, Une saison au Congo, mise en scène par Christian Schiaretti.

Je découvre ce théâtre et la très belle salle qui va recevoir la grande troupe de comédiens. Un mercredi, à 20h45, la salle est comble. Premier étonnement. Est-ce l’effet du centième anniversaire de la naissance du poète et dramaturge martiniquais ? Est-ce l’écho d’un plan média efficace ? Difficile à dire, quand on sait après coup que Télérama seul a fait un très bon papier sur le spectacle. Peu importe. Le public est là, fidèle et il a le profil habituel. Ce qui dénote d’une certaine ouverture d’esprit quand la scène est envahie par les comédiens. Africains pour la plupart. Une trentaine tout de même.

Après La Tragédie du Roi Christophe,  Une saison au Congo est la deuxième grande pièce de théâtre de l’auteur martiniquais. On retrouve dans cette œuvre, la volonté du dramaturge de mettre en scène des grandes figures qui ont fasciné l’homme de lettres qu’il est. Deux figures haïtiennes historiques, Toussaint Louverture et Christophe, une figure contemporaine africaine, Lumumba. Pas à pas, il raconte les dernières saisons de vie du leader congolais mettant en perspective pour la première fois sur scène les enjeux complexe de l’indépendance d’un pays aussi riche que le Congo Kinshasa. Dans le théâtre de Césaire, la figure idéalisée de Lumumba écrase les autres personnages importants de cette période que furent KasaVubu, Mobutu, Tshombé ou Monseigneur Malula.

Christian Schiaretti réussit une remarquable mise en scène de cette pièce vieille de pratiquement quarante ans. Sans forcément touché au texte. Il en fait d’abord une sorte de comédie musicale bien rythmée.  Quelle justesse. Car, peut-on aborder cette indépendance sans la musique, sans la danse, sans la rumba, sans le cha-cha-cha, sans la Polar et la Primus ? Des décennies d’oppression lourde et d’exploitation sauvage semblent désormais derrière les congolais, et il faut fêter cela en grande pompe. Le Congo va faire danser l’Afrique. Lumumba le premier. Mais les tableaux sont multiples. Tandis que les uns dansent, les autres manigancent. Les enjeux sont trop importants. L'emboîtement des discours respectifs est remarquable et permet au spectateur de pénétrer cette saison troublante avec une forme de désamorçage et d’autodérision des différents acteurs. Des anachronismes réussis se glissent dans le spectacle. Comme cette séquence hip-hop mettant en scène les décideurs belges qui ferait penser à une parodie des Inconnus.

La pièce est avant tout une mise en scène de Lumumba remarquablement interprété, non, remarquablement habité par Marc Nzinga. Les intonations de voix, le profil, la coupe, les lunettes. Si dans les images d’archives, Emery Patrice Lumumba est un personnage qui semble timoré, flegmatique et réservé, ici il est un tribun charismatique qui chaque jour de cette saison congolaise prend le pas sur KasaVubu. Mobutu n’est alors qu’un collaborateur ambitieux. Et naturellement, ces choix surprennent par leur audace et leur folie. Une prise de parole lourde de conséquences dont parfois on se demande si elle était mesurée. Mais c’est cette folie et cette volonté d’imaginer un Congo libre qui a inspiré cette tragédie à Césaire. Folie à laquelle il n’a pas cédé. 

Au-delà du folklore congolais, la célébration de la bière que Césaire avait bien capté et qui demeure l’une des grandes batailles actuelles à Kinshasa comme à Brazzaville, en évoquant Lumumba dans cette saison difficile du Congo, l’antillais porte avec recul, un regard distant sur ces indépendances octroyées avec la conscience que les élites n’étaient pas prêtes. C’est aussi, d’un point de vue humain, la fougue de ces héros africains qui se sont refusés d’avancer masqués orchestrant une forme de suicide ou de sacrifice de leur personne. On voit Lumumba. Mais comment ne pas penser à Sankara ? Certains tournent « mal » comme Sékou Touré, mais une forme de paranoïa finit par saisir le héros congolais tellement le terrain sur lequel il avance est mouvant, l’entourage branlant, l’édifice fragile et les puissances dominantes agissant comme de formidables marionnettistes. 

La mise en scène illustre aussi la tragédie actuelle congolaise avec ses guerres à répétition à l’est, triste héritage des intrigues belges des années 60. Sous un éclairage assombri, le pas cadencé, envoûtant des troupes en treillis et armés, l’œil enflammé fait défiler dans mon esprit les millions de morts qui jonchent l’histoire du Congo…

Terrible saison qui ne s’achève pas. 

 

Une saison au Congo, d'Aimé Césaire

Mise en scène de Christian Schiaretti

Troupe du Théâtre National Populaire de Villeurbanne

Faut-il supprimer les subventions à l’énergie en Afrique ?

136120101L’une des recommandations phares du FMI aux pays africains pour assainir les finances publiques est l’abandon ou la réduction des subventions, notamment celle relatives à l’énergie – carburant et électricité. Ces subventions représentent une part assez considérable des budgets annuels des pays africains mais la question de l’approvisionnement en énergie demeure assez critique. Il y a donc raison à se poser des questions sur l'efficacité de ces subventions d’autant plus qu’elles semblent défavorables à l’investissement dans le secteur énergétique et ne profitent en fait qu’aux classes sociales les plus riches. 

D'un point de vue économique, une réforme semble importante mais demeure pour les pays africains une question difficile. De fait, ces subventions constituent un « bouclier social » contre les fluctuations des prix du marché de l’énergie. Il faudrait s’assurer que ces subventions soient pro-pauvres et en même temps facteur de développement du secteur énergétique. Tout un ensemble de travaux ont été menés sur la question. Au regard des résultats de ces travaux et en fonction des réalités socio-économiques africaines, est-il opportun de réviser les subventions à l’énergie en Afrique ? 

Pourquoi des subventions ?

Entre 2003 et 2012, le prix du pétrole a fortement évolué avec un pic de 0,8 USD le litre en 2008. Cette situation est devenue particulièrement contraignante aux pays africains, qui ont vu leur facture énergétique s’accroître à un rythme soutenu dans un contexte où les tensions sociales s’exacerbent. Les pays ne pouvant plus laisser les ménages les plus pauvres supporter les prix sans cesse croissant de l’énergie, ont du recourir aux subventions pour maintenir les prix à des niveaux relativement acceptables.  Des mécanismes ont donc été définis pour que les prix locaux ne soient pas directement indexés au prix international du pétrole.

En ce qui concerne le carburant, ces mécanismes ont induit entre 2008 et 2011, des pertes de recettes fiscales concomitamment à une augmentation des subventions, selon des estimations du FMI. Il estime à 1,6% du PIB en moyenne le coût fiscal de telles mesures pour l’Afrique subsaharienne. Selon les résultats d’une enquête du FMI, la pratique dans la plupart des pays africains consiste à offrir la subvention après que le prix au détail, directement indexé au prix du pétrole, soit déterminé.  

En Afrique, le secteur électrique est souvent sous le contrôle des autorités au travers de sociétés parapubliques, afin d’assurer l’approvisionnement à un prix non marchand. Ainsi, leur chiffre d’affaire est souvent moins important que ce qu’elles réaliseraient en offrant l’électricité au prix du marché. Or les compagnies font parfois face à des coûts supplémentaires imprévisibles et leur difficulté à dégager des marges de profit les empêchent d’entreprendre des investissements durables et considérables pour renforcer l’appareil productif.

Selon une étude de Eberhard et Shkaratan (2012), la capacité installée par personne en Afrique ne représente que 1/3 de celle de l’Asie du sud et 1/10 de celle de l’Amérique Latine. La consommation électrique par personne, quant à elle, vaut 10kWh par mois (Afrique du Sud et Afrique du nord exclus), à mettre en rapport avec les 100kWh dans les autres pays en développement. Dans un tel contexte, les subventions deviennent nécessaires tout au moins pour empêcher la faillite des sociétés. Le FMI estime en 2012 qu’en moyenne les subventions au secteur électrique représentent près de 0,4% du PIB des pays avec des situations assez hétéroclites : au Mali, par exemple, elles ont atteint 0,8%. De plus, ces compagnies accumulent des arriérés de paiement, qui selon le FMI représentent en moyenne 0,8% du PIB des pays ; et des dettes qui ont atteint en moyenne1,5% du PIB.

Face à ces pertes de ressources financières, on pourrait penser qu’il suffirait de laisser le marché réguler le prix de l’énergie afin que ces ressources soient allouées à des projets de développement. C’est d’ailleurs la principalement recommandation faite par les économistes du FMI. En effet, les pays feraient des économies sur les ressources mais auraient par ailleurs des rentrées fiscales sur le prix du carburant mais aussi sur les compagnies électriques. La principale raison servie par les pays est le fait que ces subventions constituent un amortisseur pour les plus pauvres qui ne pourraient certainement supporter les prix du marché.  

Les subventions sont-elles réellement pro-pauvres ?

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Source : Africa Pulse (2012) data base.

Une étude réalisée sur un panel de 9 pays à travers l’Afrique Subsaharienne indique que les ménages les plus pauvres ne consomment qu’en fait qu’une infime part de la production d’électricité. Les ménages les plus riches dépenseraient 20 fois plus que les ménages pauvres pour la consommation d’énergie. 

En réalité les zones urbaines où se concentrent les populations les plus riches, ont un meilleur accès aux ressources énergétiques. Par ailleurs, la différenciation entre les prix par niveau de consommation est insignifiante. Cette situation fait que les petits consommateurs ont la même grille de facturation que les riches et la subvention étant fait au kWh,  seuls les plus grands consommateurs bénéficient au mieux de ces mesures de protection sociale

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Tarif par niveau de consommation

Les subventions sont donc plus profitables aux riches qu’aux pauvres. Selon une étude de Coady (2010), en Afrique, les 20% de la population constitués des ménages les plus riches bénéficient de 45%  des subventions à l’énergie alors que les 20% de la population constituée des ménages les plus pauvres ne profitent que de 8% de ces fonds.

Dès lors, il s’avère nécessaire d’envisager la réduction, voire la suppression des subventions. Ces fonds ne semblent pas réellement être destinés aux plus pauvres mais plutôt aux plus riches. Par ailleurs, elles constituent une charge pour les Etats, qui ont tout intérêt à investir ces fonds dans des secteurs porteurs de croissance ou dans des projets à caractères sociaux.

Toutefois, si les ménages les plus riches peuvent supporter une mesure de suppression des subventions, il pourrait être difficile pour les ménages les plus pauvres de supporter les prix du marché. Dans un prochain article, nous analyserons les possibles impacts de l’augmentation du prix de l’énergie sur le bien-être économique des ménages en l’absence de subventions.

 

Foly Ananou

Eberhard, Anton and Maria Shkaratan, 2012, Powering Africa: Meeting the Financing and Reform Challenge. Energy Policy, vol. 42. IMF.

Coady, David, Robert Gillingham, Rolando Ossowski, J. Piotrowski, Shamsuddin Tareq, and

Justin Tyson, 2010. Petroleum Product Subsidies: Costly, inequitable, and Rising. IMF Staff Position Note.

 

Pour aller plus loin 

Une nouvelle politique du secteur de l’énergie pour l’Afrique

Energie en Afrique : lumières sur les défis du secteur et les opportunités

Lampedusa : des victimes africaines

LampedusaL’émigration clandestine a provoqué un nouveau drame. Près de 400 personnes ont péri en tentant de rejoindre les côtes italiennes, ce  3 octobre 2013. Les morts de Lampedusa qui ont fait la une de la presse internationale mettent une nouvelle fois à nu le drame que constitue l’émigration clandestine pour l’Afrique

Malgré les regrets, les déclarations de principe et les positions observés ici et là, notamment du coté des dirigeants européens, ce drame frappe d’abord l’Afrique dont des citoyens viennent encore rallonger la longue liste des victimes de la course folle vers l’Eldorado.

L’Europe sujette à la crise économique la plus dure de son histoire, confrontée à la montée des mouvements xénophobes et génératrice de politiques migratoires et sécuritaires de plus en plus fermes, se barricade de plus en plus. Depuis le Pacte sur l’immigration et l’asile de 2008 sous les auspices de la présidence Sarkozy de l’UE, Bruxelles se dote d’une batterie de mesures toujours plus fermes à l’égard de l’immigration qu’elle soit légale ou illégale.

Cette difficulté à rentrer dans l’espace européen est loin de démoraliser ceux qui veulent à tout prix forcer les barrières, en vue d’avoir accès à une vie meilleure.

Lampedusa, le plus emblématique point d’entrée vers l’Europe est devenu hélas le théâtre de drames violents causés par cette marche forcée vers les lumières d’une Europe de plus en plus hostile.

En effet, on compte plus de 9 000 morts sur les 200 000 migrants qui sont partis à l’assaut de Lampedusa. En 2013, on dénombre déjà 4000 personnes ayant perdu la vie ; donc trois fois plus qu’en 2012.

Cette fois, la majorité des victimes du drame du 3 octobre sont des citoyens somaliens et érythréens, comme si ces pays n’avaient pas suffisamment été meurtris par la guerre, la famine, la désagrégation de l’Etat et les violences intestines.

Si l’on ne peut absolument pas ne pas regretter cette espèce de volonté tragique de forcer continuellement les portes de l’Occident, les causes de ces drames sont nombreuses et profondes.

D’abord, naturellement, l’on ne peut pas passer par pertes et profits la responsabilité de celles et ceux qui ont risqué leur vie dans des embarcations de fortune. Et quel que soit la cause qui les animait. C’est une question de conscience et de responsabilité personnelles. L’on ne prend guère des risques inconsidérés et fatals pour un Occident qui, dans la plupart des cas, désabuse et réveille des certitudes passées.

Néanmoins, au-delà de cette exigence de responsabilité personnelle qui n’a guère prévalu, la question de l’émigration clandestine, avec son lot de drames répétitifs, est aussi tributaire de la question démocratique dans les Etats.

Dans ce cadre, au premier chef, la situation politique des pays d’origine est pour beaucoup dans ce choix du pire que font de nombreux citoyens africains. Le déficit démocratique associé à une pauvreté aigue et une violation permanente des libertés individuelles obligent parfois la recherche d’un ailleurs meilleur.

Il est ainsi illusoire de vouloir trouver une solution durable à la problématique de l’émigration clandestine, avec son énorme volet trafic d’être humains, en omettant la dimension démocratie et respect de la dignité humaine.

Le régime dictatorial d’Issayas Afeworki avec son lot de violations quotidiennes de principes démocratiques impose aux érythréens souvent un seul choix : celui de fuir pour sortir de cet enfer à ciel ouvert.

Ainsi, les morts de Lampedusa sont celles d’un espoir raccourci fatalement. Elles sont aussi la résultante de politiques scandaleuses menées dans plusieurs pays, qui n’incitent guère en la conviction d’un avenir meilleur sur le sol africain.

Stopper ou réduire en tout cas l’émigration clandestine est aussi une question de système, de déclinaison et de mise en œuvre des politiques publiques à l’échelle des différentes parties prenantes.

Le modèle du tout sécuritaire en Europe a montré ses limites objectives et son incapacité à régler définitivement la question. Et ce, malgré les énormes moyens mis en œuvre, notamment avec Frontex et les autres dispositifs annexes. Lampedusa a d’ailleurs été le prétexte pour les pays de l’UE d’annoncer le lancement d’Eurosur, dispositif encore plus avancé de surveillance des frontières.

En Afrique, une réforme vers une vraie politique migratoire s’impose. En effet, il est urgent d’arrêter de subir celle des Etats tiers qui, au regard des principes et enjeux réels dans les relations internationales, se soucient uniquement de leurs intérêts. L’Afrique a subi l’immigration choisie de la France sous l’époque Sarkozy. Elle continue de subir les décisions prises à Bruxelles qui parfois doivent découler d’une concertation ou à minima de la prise en compte des pays d’origine.

La gestion des flux migratoires vers et à partir d’Afrique doit très souvent dorénavant découler des instances communautaires voir carrément continentales. La gestion au niveau macro de cette question pourra permettre de renégocier avec plus de poids des questions telles les accords de réadmission, les visas étudiants, professionnels, scientifiques et  chercheurs, les visas pour des raisons médicales, etc.

Hamidou Anne

L’Afrique à l’ONU : quel mode de représentation ?

mmm_onuQuelques dossiers brûlants ont retenu l’attention des dirigeants du monde lors de l’ouverture de la 68e session de l’Assemblée Générale de l’ONU. Il s’agit notamment des crises en Centrafrique, victime d’un effondrement de l’Etat depuis le coup d’État de mars 2013, en République démocratique du Congo, où l’instabilité à l’Est du pays menace toute la région des Grands Lacs, ainsi que les situations précaires au Soudan, en Egypte, et au Mali. Mais au-delà de la gestion de ces urgences, une question a été remise au devant de la scène : la nécessité de faire plus de place à l’Afrique dans les institutions de l’ONU, en particulier au niveau du Conseil de sécurité. Les présidents tchadien et sud-africain, Idriss Déby et Jacob Zuma, se sont ainsi faits les hérauts d’une meilleure représentation de l’Afrique au sein de cet organe vital de l’ONU, où se prennent les décisions majeures au plan international. Ce débat, déjà agité au début du siècle avec le fameux projet de réforme de l’ONU, est remis au goût du jour avec insistance avec, comme nouvelle échéance, la 70e session de l’Assemblée Générale en 2015. Cependant, plusieurs questions restent en suspens dans ce débat.

Un débat légitime, mais source de rivalités

La place grandissante de l’Afrique dans les questions qui occupent l’ONU, ajoutée à une croissance démographique et économique continue qui en font un continent incontournable à l’heure actuelle, rendent obligatoire la prise en compte de ces revendications. Dans le même ordre d’idées, il est temps d’ouvrir cet organe à l’Amérique Latine et au monde arabe.

Pour l’Afrique, plusieurs schémas de représentation pourraient être envisagés. L’idéal serait que les dirigeants africains eux-mêmes se mettent d’accord sur un pays pour les représenter de manière permanente au Conseil de sécurité. Cela aura l’avantage d’éviter les querelles de positionnement tout en préservant la configuration actuelle de cet organe. Bien entendu, ce n’est pas gagné d’avance, parce que les candidats à ce fauteuil se révèlent nombreux. L’Afrique du Sud, première puissance économique du continent, se verrait naturellement occuper cette place. Le Nigéria, autre géant politique du continent, ne le verrait pas d’un bon œil, tout comme le Tchad. Le Maroc, îlot de tranquillité dans une Afrique du Nord trouble, pourrait lui aussi réclamer cette place. De même, le Sénégal, fort de son aura démocratique et de sa stabilité politique, serait un bon candidat. D’autres Etats moins en vue sur la scène internationale, mais non moins importants sur l’échiquier continental auraient leur mot à dire : Ghana, Botswana et Gabon, pourquoi pas ?

Ce dilemme pose le problème des critères à prendre en compte pour la désignation d’un tel représentant. Faut-il plutôt miser sur le poids politique, l’embellie économique, la stabilité politique ou l’ancrage démocratique ? Ce sont autant de facteurs à ne pas négliger pour un enjeu aussi important. Peut-être qu’il faudrait aussi mieux distribuer les parts : un pays anglophone et un pays francophone, ou encore un pays choisi pour sa stabilité politique et un autre pour ses performances économiques. Peut-être qu’il faudrait un pays nord-africain et un autre au sud du Sahara. Tous ces scénarios ne sont qu’hypothèses, mais il serait légitime d’avoir deux pays africains au Conseil de sécurité. L’Europe en a bien deux. Et cette réforme doit aller plus loin qu’une révolution de palais.

L’Union africaine, candidat de compromis ?

En visite au Sénégal début octobre, le Président Zuma a promis de porter le débat avec son homologue sénégalais au niveau continental lors du prochain sommet de l’Union africaine. Peut-être que c’est là que réside la solution. A défaut de pouvoir s’entendre sur le profil du futur représentant de l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU, l’Union africaine pourrait elle-même y être désignée. Puisque les questions qui y sont traitées sont essentiellement multilatérales, et que l’organisation panafricaine demeure une instance où jusqu’à présent les heurts majeurs ont été évités, il serait judicieux de la mandater pour défendre les positions africaines sur les questions d’ordre mondial. 

 

MMM

Croissance : Arrêtons de compromettre la compétitivité des universités africaines

universiteSi les secteurs public et privé d'Afrique ne fournissent pas de manière proactive les biens et services de pointe dans le marché mondial, le continent sera transformé en un fournisseur net de matières premières et de services bon marché essentiels à la fabrication de biens et services à valeur ajoutée fournis par d'autres en retour.

Pour ce faire, les universités africaines doivent investir dans la recherche pour leur permettre de contribuer de manière significative dans le leadership mondial, au transfert de technologie et à participer de façon bénéfique aux affaires mondiales. Si les secteurs public et privé d'Afrique ne fournissent pas de manière proactive les biens et services de pointe dans le marché mondial, le continent sera transformé en un fournisseur net de matières premières et de services bon marché essentiels à la fabrication de biens et services à valeur ajoutés fournis par d'autres en retour.

En dépit d'être l'un des continents les mieux dotés en ressources naturelles, le PIB moyen par habitant (nominal) pour la période 1990-2010 était bien maigre, 1.560 dollars US contre 16.837 dollars US de moyenne mondiale, selon la Banque Mondiale. La consommation électrique du continent est extrêmement faible, à 3,1% de la consommation d'énergie mondiale.

Le classement mondial Times des Universités 2012-2013 montrent que parmi les 400 meilleures universités dans le monde, seules 4 sont africaines (toute situées en Afrique du Sud). 131 sont en Amérique du Nord, 3 sont sud-américaines, 57 sont asiatiques, 180 sont européennes et 25 sont en Océanie. En dehors de l'Afrique du Sud, aucune université africaine n'est parmi les 400 meilleures du monde. Cela signifie que la plupart des pays africains ne délivrent pas la compétence mondiale en leadership ou en technologies, ni l'expertise nécessaires pour maximiser la participation positive de l'Afrique dans l'économie mondiale du savoir.

Il est important que le continent puise dans la coopération régionale pour augmenter le capital de départ pour la mise en place d’universités de classe mondiale sur le continent africain, détenues et exploitées collectivement par les pays africains. Celles-ci attireraient les meilleurs formateurs de classe mondiale et / ou chercheurs et conduiraient à l’inscription des meilleur talents de tous les pays africains et du monde entier pour ensuite atteindre un meilleur niveau de compétitivité à l’échelle continentale et mondiale.

La détérioration de la compétitivité de nombreuses universités africaines est également attribuable à la retraite des formateurs et des chercheurs qui ont fait leurs études de premier cycle dans les universités de classe mondiale. Leurs places sont prises par leurs homologues fraîchement venus des universités locales qui ne sont pas de classe mondiale. La préférence des ressources humaines pour des formateurs et des chercheurs bon marché mais de qualité inférieure à leurs homologues plus chers, mais de classe mondiale devrait également être inversée. Les institutions africaines d'enseignement supérieur doivent penser à long terme et arrêter de compromettre leur compétitivité.

L'expansion continue des universités existantes et la création de nouveaux établissements au détriment de la prestation d'une éducation de qualité doit aussi être inversée. Ne pas le faire reviendrait à encourager la recrudescence des jeunes diplômés qui ne peuvent pas obtenir un emploi en rapport avec leurs études sur le marché mondial parce qu'ils ne sont pas suffisamment qualifiés.

Créer des mécanismes en vue d’identifier les meilleurs jeunes talents africains dans les écoles secondaires et leur permettre de faire leurs études de premier cycle dans des universités de classe mondiale en les aidant à obtenir des admissions et les bourses nécessaires stimuleront la tendance pour des apprenants compétitifs. Les parents qui en ont les moyens devraient également être encouragés à parrainer des élèves africains talentueux pour leur permettre de faire leurs études de premier cycle dans les plus grandes universités dans le monde. Les gouvernements et les universités africaines devraient aussi collaborer avec les principaux secteurs privés en Afrique pour définir la manière dont ils pourraient travailler ensemble pour évoluer vers des universités de classe mondiale.

 

Article initialement paru sur Next-Afrique, écrit par M.O. Kassy

Les migrants africains paient cher pour envoyer de l’argent chez eux

transferts_migrantsSelon les nouvelles données de la Banque mondiale, les migrants africains paient plus cher pour envoyer de l’argent à leur famille que n’importe quel autre groupe migrant dans le monde. 

Les migrants de l’Asie du Sud paient en moyenne 6 dollars pour chaque tranche de 100 dollars qu’ils envoient à leur famille, tandis que les Africains paient souvent plus de deux fois ce montant. En Afrique du Sud, où le coût des envois de fonds est le plus élevé du continent, près de 21 pour cent de l’argent mis de côté pour les membres de la famille restés au pays est consacré au paiement de la transaction.

Environ 120 millions d’Africains dépendent des fonds envoyés par des membres de leur famille qui vivent à l’étranger pour leur survie, leur santé et leur éducation. La Banque mondiale soutient que les coûts élevés des transactions limitent l’impact que les transferts de fonds pourraient avoir sur les niveaux de pauvreté.

Pour remédier à ce problème, la Banque mondiale s’est associée à la Commission de l’Union africaine et à certains États membres afin de mettre sur pied un Institut africain pour les transferts de fonds (African Institute for Remittances, AIR), dont l’objectif sera d’abaisser les coûts des transferts de fonds vers l’Afrique et entre les pays africains et d’utiliser les envois de fonds pour favoriser le développement économique et social.

« La Banque mondiale apporte son soutien aux réformes réglementaires et politiques qui favorisent la transparence, la concurrence et la création d’un environnement propice aux technologies de paiement novatrices et aux produits de transfert », a dit Marco Nicoli, un analyste financier auprès de la Banque mondiale qui se spécialise dans les envois de fonds. 
Difficile et coûteux 

Owen Maromo, un ouvrier agricole de 33 ans qui vit à De Doorns, une région viticole de la province sud-africaine du Cap-Occidental, a dit à IRIN que sa famille, qui est restée au Zimbabwe, dépend de l’argent qu’il envoie chaque mois. 

« J’ai une maison là-bas et je dois payer le loyer. Je dois aussi prendre soin de la famille de ma femme et de mon plus jeune frère, car ma mère est décédée il y a quatre ans. » 

« Presque tous les Zimbabwéens qui vivent ici font un budget pour pouvoir envoyer de l’argent chez eux », a-t-il ajouté. « S’ils le pouvaient, ils enverraient de l’argent chaque semaine. » 

Un rapport publié en 2012 par l’organisation non gouvernementale (ONG) People Against Suffering Oppression and Poverty (PASSOP), basée au Cap, et présentant des interviews réalisées auprès de 350 migrants zimbabwéens a révélé quelques-unes des raisons qui font qu’il est à la fois difficile et coûteux d’envoyer de l’argent depuis l’Afrique du Sud. 

Le cadre réglementaire strict qui régit les transferts transfrontaliers depuis l’Afrique du Sud est un obstacle majeur. La législation sur le contrôle des changes exige par exemple que les opérateurs de transferts d’argent s’associent avec des établissements bancaires. Selon PASSOP, cette règle a pour effet de limiter une concurrence qui permettrait d’abaisser les coûts des transactions. 

En vertu de la législation visant à mettre un frein au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme, les clients doivent fournir une preuve de résidence et une attestation d’origine des fonds qu’ils souhaitent transférer pour obtenir des services financiers. Cette mesure a pour effet d’exclure les nombreux migrants qui vivent dans des établissements informels et ceux qui sont payés en espèces. 

PASSOP a par ailleurs découvert que, même parmi les migrants qui ont accès aux banques et aux opérateurs de transfert de fonds comme Western Union ou MoneyGram, nombreux sont ceux qui n’ont pas les connaissances financières pour utiliser ces services. 

« Certains d’entre eux arrivent des régions rurales du Zimbabwe. Il leur faut du temps pour apprendre ces choses », a dit M. Maromo, ajoutant que l’absence de document d’identité est un autre obstacle important. « Si vous êtes sans-papiers, vous ne pouvez pas faire appel aux banques. » 

Les trois quarts des migrants zimbabwéens interviewés par PASSOP ont dit avoir recours à des canaux « informels », c’est-à-dire qu’ils donnent de l’argent ou des biens à des chauffeurs d’autobus, des amis ou des agents pour qu’ils les remettent à leurs proches. Ce n’est pas beaucoup moins cher que d’utiliser les services des banques ou des opérateurs de transfert de fonds et c’est beaucoup plus risqué. Parmi les répondants qui ont utilisé ces méthodes, 84 pour cent ont rapporté avoir vécu des expériences négatives comme le vol de leur argent, la perte ou la destruction de leurs biens et d’importants retards dans le versement de l’argent aux bénéficiaires. 

M. Maromo a essayé, une fois, de faire affaire avec un agent qui empochait une commission de 15 pour cent pour déposer l’argent sur son compte sud-africain avant de le remettre à la famille de M. Maromo au Zimbabwe. « Il n’y a pas longtemps, j’ai failli perdre 2 000 rands (225 dollars). Je les ai déposés dans le compte [de l’agent], qui disait qu’il ne les avait pas reçus et inventait toutes sortes d’excuses. Nous avons finalement réussi à récupérer l’argent, mais ça nous a coûté presque 1 000 rands (113 dollars) d’appels au Zimbabwe », a-t-il dit. 

« Certaines personnes demandent aux chauffeurs d’autobus ou à d’autres migrants qui rentrent chez eux de donner l’argent à leurs proches. Vous êtes obligés de leur faire confiance parce que vous n’avez pas d’autre choix, mais il peut y avoir beaucoup de problèmes », a-t-il ajouté. « Il y en a beaucoup qui perdent leur argent. On entend ce genre d’histoire presque chaque jour. » 
Abaisser le coût des transactions 

M. Maromo utilise maintenant un service de transfert en ligne basé au Royaume-Uni, Mukuru.com, qui est populaire auprès des Zimbabwéens qui vivent à l’étranger. Il doit fournir une preuve de résidence et une attestation d’origine des fonds comme avec les opérateurs de transfert d’argent traditionnels, mais le site ne facture que 10 pour cent du montant transféré – moins que la plupart des banques – pour les envois de fonds entre l’Afrique du Sud et le Zimbabwe. 

La Banque de réserve et le Trésor sud-africains se sont engagés à ramener le coût des transferts de fonds à 5 pour cent en assouplissant les règles pour l’envoi de petites sommes d’argent, en négociant avec les organismes de contrôle au sein de la Communauté de développement d’Afrique australe (Southern African Development Community, SADC) au sujet des règles de contrôle des changes et en supprimant le règlement qui oblige les opérateurs à s’associer avec des banques. 

Toutefois, au moment d’écrire ces lignes, la Banque de réserve n’avait pas encore répondu aux questions d’IRIN concernant la façon dont elle a l’intention de mettre en oeuvre ces changements et les délais prévus. 

Selon Rob Burrell, directeur de Mukuru.com, il ne sera pas facile d’atteindre l’objectif de 5 pour cent, car les opérateurs de transfert d’argent doivent débourser des sommes importantes, notamment pour rémunérer les entreprises qui collectent et remettent l’argent aux bénéficiaires, gérer les centres d’appels qui s’occupent d’effectuer les transactions et se conformer aux exigences en matière de licence et de diffusion de l’information. « Il faudrait que tout le monde tende ensemble vers un même but », a-t-il dit. 

Selon M. Burrell, la législation britannique, moins stricte pour les opérateurs de transfert d’argent, permet une plus grande concurrence, mais les contrôles anti-blanchiment qu’elle offre sont beaucoup plus faibles. Pour pouvoir opérer en Afrique du Sud, Mukuru.com doit s’associer avec un établissement local titulaire d’une licence bancaire. 

« Il est plus facile d’obtenir la licence au Royaume-Uni. Il existe 4 000 [opérateurs de transfert d’argent là-bas], contre 12 en Afrique du Sud, mais l’inconvénient, c’est qu’il est très difficile de tous les surveiller », a-t-il dit à IRIN. « Mon dernier audit au Royaume-Uni remonte à quatre ans, car les autorités sont incapables de gérer le volume de licences. » 

 

Un article initialement publié par IRIN, le service des nouvelles et d'analyses humanitaire des Nations Unies.

Elections maliennes : « rien ne sert de courir, il faut partir à point »

Des élections présidentielles auront lieu au Mali, ce dimanche 28 Juillet 2013. Après deux ans de crise, et quelques mois seulement après la reprise en main du pays par les forces françaises, maliennes et africaines. Etait-ce si urgent d'organiser les élections aussi rapidement? Les candidats ont-ils eu le temps de préparer correctement ces élections? Les Maliens se dépalceront-ils? Quelle légitimité aura ce scrutin? Autant de questions examinées dans cet article de V. Rouget.


En campagne, toutes ! Le7 juillet a marqué le coup d’envoi officiel de la campagne électorale malienne en vue des élections présidentielles du 28 juillet. Les premiers meetings, tels que ceux d’Ibrahim Boubacar Keita (à Bamako), de Soumaïla Cissé (Mopti) ou de Dramane Dembélé (Sikasso) ont démarré en fanfare. Pendant trois semaines, les 28 candidats vont sillonner le pays et tenter d’apparaître aux yeux des électeurs maliens comme l’homme providentiel capable de relever le pays. Pour la femme providentielle, on repassera : la seule candidate (et nordiste qui plus est), Aïssata Haïdara Cissé, ne possède qu’une chance infime de l’emporter…

Elections MaliAu début de l’année, dans l’enthousiasme général consécutif à la libération du Nord-Mali, les autorités de transition annonçaient la tenue d’élections en juillet, destinées à tourner pour de bon cette page sombre de l’histoire malienne. Depuis, l’enthousiasme a laissé la place au scepticisme et à l’inquiétude : est-il vraiment réaliste de vouloir organiser un scrutin national dans un délai aussi court ? Des doutes qui s’immiscent même parmi les candidats : ainsi, Tiébilé Dramé, candidat du PARENA (et par ailleurs responsable des négociations de Ouagadougou avec le MNLA ces derniers mois), a déposé en début de semaine une requête auprès de la Cour constitutionnelle pour demander l’ajournement des élections.

Une élection sous pression

En accédant à sa demande, la Cour manifesterait là un beau signe d’indépendance. Mais il n’y a guère d’espoir que les juges suprêmes fassent preuve d’une telle audace, tant les pressions pour maintenir la date du scrutin sont fortes. Dioncounda Traoré a une nouvelle fois confirmé la date de l’élection ce mardi 9 juillet… tout en reconnaissant les nombreux problèmes qui subsistent : « il ne saurait y avoir d’élection parfaite et surtout dans un pays qui vient de sortir d’une crise profonde (…) les imperfections du processus électoral peuvent être compensées par l’esprit civique des candidats et des électeurs ». En lisant ces lignes, on se demande si le Président par intérim n’essaie pas avant tout de se convaincre lui-même qu’il ne mène pas le Mali droit dans le mur.

C’est qu’il n’a pas vraiment le choix, Dioncounda. Sa marge de manœuvre est étroitement limitée par ses partenaires internationaux. La France, en premier lieu, qui attend avec impatience de pouvoir annoncer la fin de la transition, rapatrier le gros de ses soldats, crier « mission accomplie ! » et se gargariser des succès de sa glorieuse armée, capable d’éviter dans le Nord-Mali un scénario à l’afghane. Les Etats-Unis, justement, sont aussi pressés de retrouver au Mali un interlocuteur adoubé par le suffrage universel. Comme d’autres bailleurs de fonds, ils attendent de pouvoir relancer leurs projets de développement, leurs procédures interdisant de financer un gouvernement qui ne soit pas démocratiquement élu. A ces pressions étatiques s’ajoutent d’autres, plus discrètes, venant du secteur privé: la reconstruction du Nord-Mali, c’est aussi l’occasion de juteux contrats d’investissements, qui ne tarderont pas à tomber une fois un nouveau gouvernement constitué. Ainsi, les entreprises occidentales déjà positionnées sur ce marché de l’après-conflit suivent de près la préparation des élections. En témoigne la réunion tenue début juillet entre plusieurs ministres maliens et des représentants du MEDEF français.

Une élection prématurée

Le Mali vient donc de commencer un sprint électoral de trois semaines, sans réellement avoir eu le temps de se mettre en place dans les starting-blocks. Nombreux sont les problèmes qui auraient dû justifier un report du scrutin de quelques semaines.

La saison, tout d’abord : l’élection va se dérouler en plein milieu de la période d’hivernage, alors que 70% de la population malienne, encore largement rurale, est occupée à travailler dans les champs. Dans plusieurs régions soumises aux crues du Niger, les déplacements vers les bureaux de vote pourront être difficiles, voire totalement impossibles. A cela s’ajoute le Ramadan : toute la campagne présidentielle et les opérations de vote vont avoir lieu en période de jeûne.

Plus important, la préparation des élections est considérablement gênée par des erreurs techniques et administratives. Les archives municipales de plusieurs localités du Nord ont été détruites pendant les combats, et certains villages ne comptent plus qu’une poignée d’électeurs sur leurs listes ; les cartes d’électeurs biométriques NINA sont délivrées aux mauvaises localités, ou n’arrivent pas dans les délais prévus ; les quelque 350 000 mineurs arrivés en âge de voter depuis le précédent recensement de 2010 n’ont pas tous été ajoutés au fichier électoral ; environ 175 000 Maliens se trouvent encore dans des camps de réfugiés en Mauritanie, au Burina Faso et au Niger, et malgré tous les efforts de l’ONU, beaucoup n’auront certainement pas la possibilité de voter… Tous ces détails, à grande échelle, commencent à peser et engendreront très certainement des frustrations le 28 juillet, lorsque des électeurs se verront refuser l’accès aux bureaux de vote. 

Enfin, et surtout, la question de Kidal et des régions du nord reste insoluble. L’accord signé à Ouagadougou le 18 juin entre le MNLA/HCUA et le gouvernement malien n’a que partiellement déverrouillé la situation, et il a fallu attendre ce vendredi 5 juillet pour voir l’armée malienne se réinstaller dans la ville. Les soldats s’y sont déjà heurtés à plusieurs manifestations d’hostilité ce week-end ; le gouverneur de Kidal est encore bloqué à Bamako « pour des raisons de sécurité », et tout porte à croire que les cartes NINA et le matériel électoral ne seront pas déployés à temps pour permettre aux électeurs de la région de participer au premier tour le 28 juillet. Au vu des tensions actuelles, il ne serait pas étonnant que nombre des 28 candidats évitent soigneusement d’aller faire campagne dans la région.  Sur le plan démographique et géographique, Kidal n’est qu’un grain de sable perdu dans le désert, 67 000 habitants dispersés sur une surface de 260 000 km². Mais un grain de sable ô combien symbolique pour le Mali. C’est de là qu’est partie la rébellion du MNLA à la fin de 2011 (ainsi que les deux précédentes rébellions touareg, en 1990 et 2006) ; l’opération Serval, efficace contre les groupes terroristes, a laissé intact l’enjeu principal du Nord-Mali, à savoir la place des populations touareg dans la nation malienne. Ainsi, Kidal est aujourd’hui le baromètre de l’évolution du Mali post-conflit. Quelques semaines de plus auraient pu permettre aux populations du Nord de voter et ainsi d’effectuer le premier pas d’une réintégration dans la vie politique nationale qui s’annonce si difficile. Mais les autorités de Bamako ne semblent pas disposées à accorder ce délai supplémentaire. Dès lors, c’est tout le processus de réconciliation qui se retrouve en péril : comment peut-on envisager de remettre une région séparatiste dans le giron de l’Etat si on l’empêche de donner sa voix, d’exprimer ses ambitions et sa vision pour cet Etat reconstitué ?

Une élection dénaturée ?

Ces trois problèmes viennent empoisonner la préparation des élections. Sans doute, la présidentielle  malienne se déroulera sans violences ouvertes ; une dérive « à l’ivoirienne » n’est a priori pas d’actualité, et les problèmes énoncés ci-dessus ne déboucheront pas sur un bain de sang. Ce critère doit-il pour autant être le seul pris en considération lorsqu’il s’agit de fixer un calendrier électoral de sortie de crise ? Un scrutin sans affrontements meurtriers est-il nécessairement un scrutin réussi ? Tristement, l’élection malienne est en train d’être travestie, de perdre son sens premier, celui d’une consultation populaire réunissant toutes les communautés maliennes à un moment charnière, pour ne devenir qu’un élément d’une to-do-list bureaucratique, une étape de plus dans un schéma préconçu de transition post-conflit. Là où une élection bien préparée aurait constitué un véritable évènement refondateur, le pari a été fait d’une élection rapide. Le risque que les plaies ouvertes par ces derniers mois de crise ne se résorbent pas totalement est là, bien réel.

Alors, quelles portes de sortie reste-t-il aujourd’hui, alors que les élections se rapprochent à grands pas ? Seule la Cour constitutionnelle a encore l’autorité pour entraîner un report, et une seule hypothèse pourrait lui faire prendre une telle décision : Dioncounda Traoré, ne voulant se mettre la communauté internationale à dos en prenant seul la décision d’un report, aurait-il négocié avec la Cour constitutionnelle pour qu’elle accède à la requête de Tiébilé Dramé (un proche de Dioncounda), le report apparaissant ainsi comme une décision judiciaire indépendante ? Le scénario apparaît tout de même improbable, et en l’absence d’un tel jeu de poker menteur, les élections auront vraisemblablement bien lieu ; on ne peut alors qu’espérer qu’elles ne tourneront pas au fiasco.

L’occasion était pourtant belle : alors que d’ordinaire les Maliens se distinguent par des taux de participation électorale extrêmement faibles (environ 25% aux élections présidentielles et législatives de 2002 et 2007), l’échéance de juillet suscite les débats et attire les foules, bien au-delà de tout ce qu’avaient réussi les nombreuses initiatives de sensibilisation citoyenne avant les précédentes élections. C’est donc d’autant plus dommage que cet engouement démocratique soit « pollué » par des problèmes techniques ou administratifs que l’on aurait facilement pu résoudre avec quelques semaines supplémentaires de préparation.

Rien ne sert de courir, il faut partir à point. On aurait aimé que les autorités maliennes retiennent la leçon.

 

KATANGA BUSINESS (2009) – Un film documentaire de Thierry Michel

Du business dans la rubrique culture, allons donc ! Et si on désappropriait le discours économique de la voix des seuls experts… Soyons encore plus fous, faisons en l’affaire de tous. Déplaçons donc le discours économique et adoptons une autre perspective.

Affiche_katanga_business Avec « Congo River », nous avons exploré les méandres du Congo en suivant le contre-courant du fleuve. Toujours plus haut, vers la source, tentant de surmonter le désespoir des habitants du Congo, fleuve-pays. Avec « Katanga Business », revenons sur terre et tentons d’affronter la guerre…économique qui s’y livre. Encore une guerre… Katanga Business ou la guerre des intérêts particuliers multinationaux.

Le Katanga, cette région bien nommée (katanga signifie cuivre) est une région du Congo qui détient 80% des mines du pays : cuivre, cobalt, uranium, manganèse… On croirait réciter la table de Mendeleïev, cette fameuse table d'éléments qu’on apprend en cours de chimie.

Autant de minerais qui transforment la terre en argent, sonnant et trébuchant.

Ceux qui trébuchent, les creuseurs, ces hommes venus de tout le pays pour espérer trouver quelque subsistance en creusant la terre de leurs mains nues et revendre le minerai brut souvent à prix dérisoire. Ils creusent, creusent et souvent c’est leur propre tombe qui apparaît.

C’est l’ouverture de ce film documentaire de Thierry Michel, une tombe qui se referme. Image glaçante, plus terrible encore que les maux qu’on découvre ensuite: corruption, exploitation, mépris de la vie humaine…

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Fidèle à son dispositif de montage, Thierry Michel mixe ses images aux archives en noir et blanc filmées du temps du Congo Belge à l’industrie florissante… une autre exploitation encore.

Du temps de la colonie, on pillait les ressources. Aujourd’hui, qu’en est-il ?

L’histoire de la Gécamines devient sous la caméra de Thierry Michel un petit cours d’histoire économique. Fleuron industriel du Congo Belge, nationalisée à l’indépendance, cette entreprise d’Etat est dirigée –au début du documentaire- par le canadien Paul Fortin. Nommé par le Président de la République Démocratique du Congo, c’est un patron pour le maintien de qui les salariés n’ont pas hésité à faire grève.  Ce patron illustre bien l’ancienne façon de diriger "à la papa". Mes ouailles, ayez confiance. « La politique, cela ne donne pas à manger » nous dit-il. Mais ça pourrait si on arrêtait de tirer sur les creuseurs qui manifestent pour défendre leurs droits. Oui, on tire pour assurer la sécurité des investissements…

Thierry Michel  trouve dans la région du Katanga le cœur brut et géologique des stratégies économiques mondiales. Cette région dotée de fabuleuses ressources énergétiques est convoitée par tous les pays avides de minerais pour accroître leur développement industriel. Et cela profite-t-il à la région et au pays lui-même ? Les Congolais gagnent-ils aussi ?

Pour y répondre, Thierry Michel pointe sa caméra vers le Gouverneur de la riche région et nous laisse faire notre propre idée.


KATANGA business de Thierry Michel

Moïse apparaît ainsi en Terre d’Afrique. Oui, un nom qui décide de son destin, dixit l’intéressé. Moïse Katumbi est dans le documentaire de Thierry Michel un véritable personnage. Ancien homme d’affaires ayant fait fortune et aussi président du fameux club de football TP Mazeme au Lubumbashi, il est élu gouverneur du Katanga en 2007. L’ancien homme d’affaires s’est mué en intercesseur de l’intérêt général.

Moïse gouverneur des hommes devient aussi le défenseur des creuseurs.

Moïse solution ! Scandent les creuseurs. Mais peut-il empêcher les multinationales de déloger les creuseurs ? C’est à ce titre que le personnage de Moïse Katumbi  attire la caméra et notre attention dans ce documentaire. Il est l’incarnation des contradictions à résoudre. Dans quelle mesure l’ancien homme d’affaires peut-il protéger l’intérêt général ? Comment peut-il à la fois encourager les investissements étrangers dans sa région et défendre les intérêts de ses administrés ?

On le sent sincère. Et puis, c’est sans compter sur l’aide contre-productive de certaines autorités qui s’accoquinent avec des investisseurs peu scrupuleux.

Les investisseurs indiens et chinois montent en puissance sur le continent. (Non, il n’y a pas de lien entre le manque de scrupule de la phrase précédente et ce qui suit)

« Nous attachons beaucoup d’importance à l’amitié. Nouer des liens amicaux avec l’ensemble des pays du monde est l’idée fondamentale de la politique étrangère de la Chine » nous dit l’ambassadeur chinois, Wu Zexian. Bon, il faut savoir aussi choisir ses amis…

Mais c’est vrai aussi que la Chine et la plupart des pays africains appartiennent encore au mouvement des non-alignés, feu mouvement qui se constitua comme une troisième voie pendant la guerre froide et surtout en lutte contre la colonisation.

On ne peut donc que sourire quand on découvre à la fin du documentaire que Paul Fortin de la Gécamines passe la main à l’investisseur chinois M. Min. C’est peut-être le début d’une grande amitié…

 


Post-scriptum :

Thierry Michel consacre son dernier documentaire au gouverneur du Katanga – « L’irrésistible ascension de Moïse Katumbi»-. Le film est sorti fin avril en Belgique, il est prévu en France à la rentrée, il est d’ores et déjà interdit en République Démocratique du Congo. Interdit de visa au Congo, Thierry Michel est d’ailleurs aussi menacé de mort par certains partisans (vraiment ?) de Moïse Katumbi. Faire un film n’est pas sans risques.

Tey, conte philosophique sur la vie et la mort

GOMIS_Alain_2012_Tey_00_2013Comment vivre tout en sachant qu’on est en train de passer son dernier jour sur la terre, à côté de ceux qui vous aiment et vous méprisent?
 
Satché, le personnage principal du film Tey du Sénégalais Alain Gomis, en a fait l’expérience. De son vivant, il a entendu les uns et les autres faire leurs témoignages de sympathie et d’antipathie à son endroit, comme lors des veillées funèbres et funérailles tout à fait normales. Certains trouvaient qu’il était gentil, serviable, quand d’autres évoquaient son côté un peu lâche et égoïste. En dehors de cela, Satché voyant sa mort venir est allé chez son oncle, qui prépare les morts avant leur départ pour l’au-delà, pour qu’il l’aide à vivre la même expérience. C’est ainsi que l’oncle l’a fait allonger pour lui montrer comment il prépare les morts avant leur dernier voyage. Grâce à une esthétique qui mêle le théâtre et la poésie, Alain Gomis a su allier les moments joyeux et pénibles, pour mieux montrer les réactions des proches de Satché, face à l’imminence de son départ du monde terrestre. “Ne pars pas, ne pars pas mon fils”, lui soufflait sa mère à l’oreille, tout en le serrant très fort dans ses bras. Des moments d’émotion que le cinéaste a su bien immortaliser grâce à un maniement assez juste de la caméra.
 
En faisant un usage assez judicieux et modéré des flash-back, le réalisateur franco-senégalais a permis au spectateur de remonter au passé de Satché pour découvrir le grand amour qu’il a pour sa femme. Un amour tellement fort que cette dernière refuse qu’il la touche à quelques heures de sa disparition annoncée, de crainte de ne plus pouvoir vivre les mêmes moments de joies par la suite.
 
Film difficile à comprendre par moments, à l’instar de Pegase du Marocain Mohamed Mouftakir, Tey (aujourd’hui) est un conte philosophique sur la vie et la mort, sur leur signification pour chaque être humain, sur l’utilité de la présence de l’Homme sur cette terre. Tey qui veut conquérir l’étalon d’or de Yennenga 2013, est aussi une réflexion sur la place qu’occupe chaque personne dans notre coeur, dans notre vie. Cela est d’autant vrai qu’après avoir su que sa mort est imminente, Satché a rendu visite à des parents, à son premier amour, aux amis avec qui il a passé de bons moments et visité des endroits de Dakar qui lui sont chers. Mais après toute cette randonnée à travers la ville de Dakar, Satché a tenu à revenir à la maison, pour passer ses dernières heures en compagnie de sa femme et de ses deux enfants. Ce qui montre la place qu’ils occupent dans son coeur. Un peu comme l’immigré qui rêve de mourir à côté des siens au pays, Satché a préféré rentrer chez lui pour vivre quelques heures d’intenses joies, en improvisant une partie de jeux avec ses enfants.
 
Pourquoi une réflexion sur la mort quand les humains aspirent généralement à la vie? C’est la question que peut se poser légitimement le cinéphile après avoir vu ce long-métrage de 88 minutes, dont la fin ne montre pas clairement que Satché est effectivement mort. C’est certainement une façon pour le cinéaste de dire qu’après la mort il y a une autre vie, et que l’être humain ne devrait pas avoir peur de la mort, qui n’est rien d’autre qu’une autre forme de vie.
 

Article publié initiaement sur http://blog.cineafrique.org par le journaliste et critique cinéma Anoumou AMEKUDJI