Chômage et pauvreté : un cercle vicieux?

«Nous faisons semblant d’avoir des politiques et elles ne sont pas crédibles, nous faisons semblant d’agir et on se rend compte qu’on ne touche pas le problème de fond et aujourd’hui nous avons fabriqué une société de chômeur, une société de personnes qui ont du mal à vivre». Ibrahima Sall.

Invité à la Rfm*, M. Sall, économiste sénégalais, a révélé que le Sénégal n’avait jamais eu de politique de chômage. Une remarque qui, je dois l’avouer, éveillât ma curiosité.

L’intérêt réside surtout dans le fait qu’elle pousse au questionnement et interpelle sur de nombreux aspects concernant la problématique du chômage : quelle est l’étendue du fléau ? Quelles en sont les causes? Il est entendu que le sujet dont il est question est très vaste et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle, il sera traité en deux parties. Le premier volet qui sera abordé dans ce présent article permettra de faire une description assez globale du problème, à savoir la situation actuelle du chômage au Sénégal et ses principales causes.

Commençons par quelques chiffres…

Selon le CIA World Factbook publié en janvier 2009, 54% de la population sénégalaise vivait avec moins de 1$ par jour.

Qu’en est-il des autres indicateurs de développement? Le bilan n’est guère reluisant : une croissance du PIB qui passe de 5.5% en 2005 à 2.2% en 2009, un taux de chômage de la population totale 11.1% en 2006 et un taux d’alphabétisation de 42%, pour ne citer que ceux là. On ne peut évidemment être choqué lorsque l’on connaît le contexte économique du Sénégal même s’il est dur de s’imaginer que ces données sont quasiment restées inchangées depuis 2005. Un cercle vicieux : tel serait la description que l’on pourrait donner à la relation existant entre chômage et pauvreté d’une part et développement économique de l’autre.

Dans un rapport publiée par le Bureau sous-régional pour l’Afrique de l’Ouest de la Commission des Nations Unies pour l’Afrique en 2010, le Sénégal s’est vu attribuer l’une des meilleures performances économiques d’Afrique subsaharienne des cinq dernières années avec un taux de croissance moyen de près de 7%. Toutefois, le bureau conclue en soulignant «le taux de chômage élevé et endémique» du pays qui représenterait une entrave à l’éclosion du potentiel des jeunes. Plus généralement, le fort taux de chômage constituerait une menace à la stabilité mais également aux perspectives de développement socio-économique.

Près de 48% de la population active (entre 15 et 24 ans) est sans emploi; il est donc légitime de se poser la question à savoir : quels sont les facteurs à l’origine du chômage au Sénégal?

 

 

Les principaux déterminants du chômage au Sénégal

Nous pouvons, tout d’abord, citer le taux élevé d’analphabétisation. Il y a de cela quelques années (2006), seulement 42% de la population était alphabétisée. Dans un document intitulé  «Les Déterminants du chômage au Sénégal : le rôle de l’éducation» et publié en 2005 par Mamadou Cissé, il est fait état de la relation entre niveau d’éducation et chômage.

La littérature empirique a montré que sur le plan national, l'éducation permet d'améliorer la croissance économique par le dynamisme du capital humain. Elle permet donc de lutter contre le chômage par la création d'opportunités d'emploi. L’éducation augmente les chances d’obtenir un emploi réduisant ainsi la probabilité de chômage. Paradoxalement, il se trouve que 57% des demandeurs d’emploi n’ont pas de diplômes.

Ce qui nous amène à un second facteur déterminant du chômage : l’inadéquation entre le système éducatif et les besoins du marché du travail. En effet, 28.8% des travailleurs vivent avec moins de 1 dollar par jour et plus de 50% avec moins de 2$ par jour. Il est donc important de s'intéresser au niveau et à la structure des emplois selon les qualifications requises. En outre, le chômage important des jeunes diplômés ajouté à une baisse de la probabilité d’insertion dans les secteurs modernes, pousse bien évidemment à s’interroger sur la qualité de l’éducation et sa pertinence par rapport aux besoins des employeurs. On se rend également compte que le secteur formel n’offre que peu d’emplois contrairement à celui informel qui en fournirait plus de 50%.

La situation du secteur de l’éducation s’est fortement améliorée ces dernières années et ceci grâce au fait que l’État lui consacre une importante partie de son budget. Malgré les améliorations notées dans ce domaine, les structures de planification ne sont toujours pas en accord avec les réalités du marché du travail et passer par l’enseignement supérieur reste, pour les demandeurs d’emploi, la seule porte de sortie. En effet, les politiques publiques sont si peu incitatives que seule une faible proportion d’entre eux détient un diplôme universitaire (environ 1,6%).

Comme nous l’avons vu tout au long, le chômage est actuellement un facteur important lorsqu’on en vient à parler de développement économique. Son impact est plus sérieux d’un point de vue macroéconomique et il est le plus souvent lié à l’éducation au même titre qu’aux politiques publiques. En effet, la conséquence majeure du chômage est la pauvreté; et bien entendu, qui dit pauvreté, dit forcément faible productivité économique.  Nous y reviendrons dans la seconde partie de l’article qui sera ainsi consacrée à un diagnostic global de la pauvreté de même qu’à une étude plus approfondie du problème. Nous parlerons également des méthodes de lutte contre ce phénomène et discuterons plus amplement des toutes nouvelles stratégies en matière de réduction de pauvreté, telles que l’inclusion des personnes vivant avec un handicap.

Mame Diarra Sourang